Voyage au pays des automates
En faisant le tri dans mes affaires dernièrement, je suis retombé sur un CD-ROM de jeu vidéo, qui m’a ravivé de lointains souvenirs, datant d’une époque où je jouais sur cet ordinateur énorme. Un nouvel opus étant prévu pour 2021, j’ai donc décidé, une vingtaine d’années après, de re-découvrir l’œuvre originale de Benoît Sokal sortie en 2002 : Syberia, avec la maturité que j’ai désormais acquise.
Benoit Sokal, connu initialement pour ses ouvrages de bande dessinée, nous propose dans ce jeu un voyage virtuel, une traversée au cœur d’une Europe de l’est pleine de mystères, nous plongeant dans des décors atypiques, marqués par une architecture art déco ainsi que l’empreinte de nombreux automates. C’est surtout une très belle histoire, originale et immersive à souhait qui remettra en question votre vision sur l’évolution du monde qui nous entoure, et montre ainsi aux plus réticents, que le jeu vidéo peut lui aussi être une forme d’art.
Dans Syberia, le joueur incarne Kate Walker, une avocate new-yorkaise, envoyée en Europe, dans le petit village de Valadilène dans le but d’obtenir le rachat de l’usine d’automates Voralberg pour le compte d’un géant du jouet américain, Universal Toys. En approchant du village, Kate observe un étrange cortège funéraire entièrement animé par des automates. Elle y apprend alors que ce cortège n’est autre que celui de la propriétaire de l’usine, Anna Voralberg, qui vient de décéder. Elle se rend donc chez le notaire, dans l’espoir de conclure rapidement la transaction. Mais rebondissement, le notaire lui révèle l’existence d’un héritier possible, Hans Voralberg, frère cadet d’Anna, que tout le monde croyait mort dans les années 30. Kate a donc pour mission de découvrir au plus vite ce qu’est devenu Hans, sans quoi le contrat de vente ne peut être signé.
Et c’est là que son aventure commence et remettra en question toutes ses valeurs, une quête qui bouleversera sa vie à tout jamais.
Ce jeu m’a autant marqué par son ambiance atypique que par son scénario original. Ces graphismes de lieux envoûtants, accompagnés d’une bande-son grandiose nous plongent en totale immersion dans cet univers tantôt réel tantôt surréaliste.
Mais c’est le côté nostalgique omniprésent dans ce jeu qui nous touche le plus, en mettant en scène une époque qui touche à sa fin. Si Valadilène était jadis la capitale des automates dont l’usine faisait vivre la plupart des familles de la région, cette technologie est aujourd’hui dépassée, et laisse place à un monde moderne, très superficiel.
Chose que l’on ressent d’autant plus lorsque l’héroïne reçoit différents appels, de son patron méprisant le savoir faire de l’époque, de son amie n’ayant que le mot « shopping » à la bouche ou encore de son compagnon qui attend son retour pour frimer lors de soirées mondaines. Ce procédé d’appels téléphoniques permet subtilement de critiquer cette société moderne qui se met en place et remettra en cause le mode de vie de Kate, tout comme celui du joueur.
En effet comment se soucier de sa petite routine New Yorkaise alors qu’elle se retrouve confrontée à des personnages touchants, qui assistent impuissants à la fin de leur monde ? C’est ce questionnement, que Benoît Sokal cherche à transmettre au joueur qui sera à la fois spectateur de la transformation de Kate, mais aussi interpellé directement dans son propre mode de vie.
Pour ce qui est du gameplay, le jeu est clairement dépassé en comparaison à ce que l’industrie du jeu vidéo nous propose aujourd’hui, on est sur du très basique « point and click » qui peut paraître totalement obsolète en 2021. Certes, ce jeu a pris un sacré coup de vieux mais cette ambiance retro-moderne que dégage Syberia garde selon moi un charme propre à elle. Bon, je n’exclue pas que ma vision nostalgique de ce jeu, pourrait paraître subjective pour quelqu’un découvrant Syberia en 2021, les jeux vidéos ayant tellement évolué depuis. C’est pourquoi j’attends avec plaisir le nouvel opus prévu pour cette année.
En conclusion, ce « jeu d’auteur », n’est pas un jeu comme les autres, c’est une histoire, voire une leçon de vie qui nous questionne à son épilogue, sur la fameuse question de « l’être ou de l’avoir ». Je suis très content d’avoir pu re-découvrir ce jeu que j’avais déjà beaucoup apprécié à l’époque mais dont je n’avais pu cerner le fond dû à mon jeune âge.
Aujourd’hui, avec plus de recul je me demande même si Syberia, de par sa mise en scène d’automates, n’a pas contribué à mon attrait pour les objets mécaniques, et plus indirectement, m’a orienté vers ce choix de me tourner vers l’horlogerie.
Nicolas MARGONARI DNMADE 1 Horlo – Avril 2021