« Le changement, ce n’est pas se débarrasser de quelques individus comme Weinstein, mais changer le système. »
L’artiste américaine Judy Chicago, de son vrai nom Judy Cohen, naît le 20 juillet 1939 à Chicago.
Tout au long de sa carrière, Judy Chicago s’implique dans des expositions à thème, qui se révèlent la plupart du temps résolument féministes. Elle est déterminée à mettre la thématique et l’iconographie de l’univers féminin au sein du monde de l’art, un monde qui a toujours été dominé par des hommes, qu’ils soient artistes ou historiens de l’art.
À la différence de beaucoup de créatrices, elle n’est pas dans le récit autobiographique, pas plus que dans la performance ou le body art. Elle agit plutôt en chercheuse, traquant les angles morts de l’Histoire. Judy consacre cinq ans à son projet le plus célèbre, The Dinner Party, exposé en 1979 au Brooklyn Museum à New York.
« J’ai tout perdu dans cette histoire, soupire-t- elle, mon atelier, mon équipe, mon mariage… »
« The Dinner Party » (1974-1979) est une œuvre d’art monumentale à laquelle ont contribué des centaines de femmes et qui emploie de nombreuses techniques, y compris la céramique, la peinture en porcelaine, et un éventail de techniques d’aiguille et de fibre, pour honorer l’histoire des femmes dans la civilisation occidentale. Le résultat est une grande table triangulaire qui réunit 39 femmes célèbres autour d’un dîner imaginaire.
Lorsque Judy Chicago a commencé à penser à The Dinner Party à la fin des années 1960, il n’y avait pas de programmes d’études pour les femmes, pas de cours d’histoire pour les femmes, pas de séminaires pour enseigner le principe féminin dans la religion, et presque aucune femme à la tête des églises. Il n’y avait pas d’expositions, de livres ou de cours sur les femmes dans l’art. Pas une seule femme n’est apparue dans le manuel d’histoire de l’art standard de H.W. Janson. Il n’y avait pas de biographie en anglais de Frida Kahlo ; la musique de Hildegarde de Bingen n’avait pas été entendue depuis des siècles.
C’était plus que de l’information, c’était un défi majeur pour la tradition académique et artistique que le sujet des réalisations des femmes était adéquat pour une œuvre d’art monumentale. Développer ce sujet, l’exprimer traditionnellement, c’est-à-dire sur une échelle héroïque, dans des médias considérés comme inférieurs à la norme des beaux-arts, en travaillant ouvertement avec des dizaines de participants aux ateliers et en reconnaissant leur rôle dans la production artistique, de toutes ces façons, Judy Chicago a défié la tradition et les frontières habituelles du monde de l’art contemporain.
Mise en scène :
L’installation prend la forme d’une structure triangulaire surélevée, dont chaque arête (ou table) mesure 14,63 mètres de long. Chaque table comporte 13 plaques, soit un total de 39 couverts. Les trois sections symbolisent trois périodes différentes de l’histoire et affiche les noms de figures connues. Dans l’ordre chronologique, on retrouve des invitées telles que Hatchepsout, Hildegard of Bingen, Artemisia Gentileschi, Georgia O’Keeffe, Mary Wollstonecraft et Virginia Woolf. Le premier segment rend hommage aux femmes depuis l’ère préhistorique à l’Empire romain, le second aux femmes du début du christianisme à la Réforme, et le troisième aux femmes de la Révolution américaine à l’impact du féminisme.
Chaque invitée a un set brodé avec son nom, ou un symbole en lien avec ses accomplissements. Pour les assiettes, Chicago s’est inspirée de motifs de papillons et de fleurs, pour créer des motifs rappelant l’organe génital féminin. Chaque assiette a été créée dans un style différent, en fonction de la personne qui lui était associée.
La forme triangulaire tient une importance capitale dans l’œuvre car elle a longtemps été un symbole pour la femme. Le nombre 13 fait référence au nombre de personnes assistant à la communion, une comparaison primordiale pour Chicago, car les invités n’étaient que des hommes.
Comme toute œuvre d’art engagée, le dîner a suscité des réactions mitigées. Quand certains ont été captivés, d’autres l’ont vivement critiqué, utilisant les termes « kitsch », « vulgaire » et « exclusif ». La critique d’art Roberta Smith a souligné que « sa signification historique et sociale était supérieure à sa valeur esthétique ».
En réponse, Chicago a souligné que beaucoup de femmes d’origines différentes étaient représentées sur le sol en céramique et que le fait de se concentrer uniquement sur la table revenait à « simplifier l’œuvre à l’extrême et ignorer les standards que mon équipe et moi avons établis, ainsi que les limites auxquelles nous avons fait face ».
L’œuvre est encore un sujet de discussion aujourd’hui, mais malgré des lacunes évidentes, elle est décrite par le Brooklyn Museum comme une œuvre importante et emblématique qui a amorcé l’art féministe des années 1970 et du futur.
Emma Y.V. – DNMADe2JO – Oct. 21