Edward Hopper est un peintre du début du 20e siècle, en décalage avec son temps. En effet, alors qu’à cette époque naissent les artistes d’avant-garde et l’art abstrait, il incarne une forme de réalisme qui renvoie davantage au 19e siècle. Dessin, aquarelles, affiches : l’artiste américain s’essaye à toutes les techniques. Il aime représenter des scènes banales de la vie quotidienne, des paysages ruraux et urbains qui illustrent la vie américaine.
Sa phrase culte : « Si vous pouviez le dire avec des mots, il n’y aurait aucune raison de le peindre ».
Des peintures simples et des sensations profondes
Le réalisme figuratif d’Edward Hopper n’est pas uniquement une représentation du monde réel, c’est un ressenti, une perception instantanée qu’il retranscrit à travers ses toiles. Il cherche à reproduire la réalité non pas telle qu’elle est, mais telle qu’il la ressent, en exprimant à travers ses œuvres, ses angoisses intérieures et les incertitudes humaines dans une société américaine en perdition.

Si on prend un tableau d’Hopper, on se rend compte que ce qui est frappant, c’est d’abord qu’il est vide, il y a peu de personnages, peu d’animation, bref, peu de vie. Pourtant avec un regard plus poussé, il en ressort un sentiment étrange, sur lequel il est difficile de mettre des mots, et c’est là qu’est toute la force de sa peinture : il captive ces « riens », moments de vide et de silence, mais extrêmement lourds d’anxiété, d’attente ou de désirs.
Cette capacité à exprimer des sentiments aussi profonds et variés à travers des objets, des personnages ou des lieux en apparence anodins, est quelque chose que je n’ai à ce jour retrouvé chez aucun autre peintre.
Quand la peinture s’invite sur grand écran
Ces ambiances si particulières, ne sont pas sans nous rappeler le 7ème art. En effet, Edward Hopper est né à peu près avec le cinéma (1882), et l’on sait que c’était un grand cinéphile. On peut donc supposer que le cinéma l’a beaucoup inspiré dans sa créativité.

En effet, si vous regardez avec attention ses tableaux, vous remarquerez que le jeu d’ombres et de lumières est extrêmement élaboré, presque surnaturel. On y retrouve, comme un air du cinéma du début du XXe siècle avec l’utilisation de ses lumières artificielles. Ajoutons à cela la manière dont Hopper pose son oeil (ou sa caméra ?) sur ses peintures qui paraît peu naturelle (contre plongée, plan large…) nous rappelant directement les différents plans visibles sur le grand écran.

Un autre élément qui pourrait relier Hopper au cinéma est cette sensation d’avoir à travers ses tableaux, une image figée dans le temps, un instant suspendu au milieu d’un récit avec un « avant » et un « après », autour duquel on pourrait se raconter une histoire.
C’est sûrement pour cette raison que ce peintre a à son tour inspiré de nombreux réalisateurs lors du tournage de leurs films.

Je pense notamment au célèbre Alfred Hitchcock, connu pour s’être inspiré des tableaux de Hopper dans plusieurs de ses longs métrages. Mais bien d’autres réalisateurs ont rendu hommage aux toiles de Hopper à travers leurs films : Wim Wenders, Tim Burton, les frères Coen ou encore Woody Allen pour ne citer qu’eux.
Ce que je trouve très fort, c’est le côté intemporel et universel de son art, dans le sens où ses oeuvres ont autant inspiré des artistes du XXe siècle que des artistes plus contemporains et le tout dans des milieux très variés (cinéma, littérature, peinture…)
Une impression de déjà vu ? Nighthawks a en effet inspiré Wim Wenders dans The End Of Violence (1992) et Antoine Fuqua dans The Equalizer (2014) et bien d’autres encore…
Il m’arrive encore aujourd’hui, lorsque je regarde un film, de retrouver au cours d’une séquence, cette sensation de déjà vu et de reconnaître cette patte si unique propre à Edward Hopper, donnant alors à la scène cette ambiance si particulière… Quel plaisir !
Nicolas MARGONARI – DNMADE2 HO – Oct 21