Au delà de l’horizon

Horizon est un webtoon , une bande dessinée en ligne, écrit et dessiné par  Ji-Hoon Jung. On y suit les péripéties de deux enfants, un garçon et une fille. L’histoire en elle-même débute sur une foule en panique menacée par un danger imminent. C’est au milieu de celle-ci que l’on découvre le petit garçon qui parvient à échapper au massacre qui n’épargna cependant pas sa mère. Errant sans but, il rencontre la petite fille et dès lors, ils poursuivent leur chemin ensemble. Ils décident ainsi d’un objectif commun ; atteindre l’horizon. S’installant dans le contexte d’un monde chaotique soutendu par la folie des adultes, leur voyage pour la survie est alors rempli d’épreuves.

Un petit avertissement s’impose ; on l’aura deviné à mon introduction mais l’histoire n’est pas légère et je la déconseille à celui ou celle qui s’y intéresserait pour se « changer les idées ».                Très certainement que les idées s’en trouveront changées mais pas dans le sens généralement souhaité. Aussi, dès les premières cases, on est confronté à des images assez crues qui ne conviennent pas à tout le monde.

Aspect graphique

Le style graphique s’adapte au ressenti des personnages et s’avère très efficace à immerger le lecteur dans l’histoire. Parfois, les traits semblent esquissés bien qu’appuyés ce qui confère aux personnages et à leur environnement la très légère impression d’être indistincts. On retrouve également des scènes assombries sous une multitudes de traits nerveux voir griffonnés à l’image de la violence et/ou de la peur qu’elles contiennent.

Aussi, le fait que les dessins soient généralement en noir et blanc permet un contraste visuel faisant ressortir une triste réalité. Pas de couleur, pas de nuance chaleureuse, un univers froid et implacable dans sa simplicité chromatique.

En opposition à l’ambiance globale, certains passages sont pourvus de couleurs lumineuses. Elles sont justement employées pour évoquer l’émerveillement ou l’apaisement.

Aspect narratif

Les graphismes jouant un rôle prépondérant dans la narration tant ils sont expressifs ne nécessitent pas beaucoup de dialogue. Je crois même que les gros plans sur les expressions, les postures ainsi que ceux plus larges des paysages sont généralement plus parlants que des paroles. Les échanges verbaux sont donc brefs et efficaces. Il en est de même pour les interventions du narrateur.

Ainsi, le découpage des évènements et leurs représentations constituent une mise en scène qui, renforcée par des questionnements teintés de philosophie, participe grandement à installer une dimension poétique à l’histoire.

Jusqu’au bout, on ignore précisément ce qui a poussé ce monde vers sa perdition totale. On comprend que des conflits armés sont en jeu mais ça s’arrête là. On relève ainsi qu’il importe peu de le savoir, ce n’est que le contexte permettant de développer les véritables sujets ; les personnages et leur pérégrination autant sur le plan de la survie que morale.

Les personnages sont d’ailleurs attachants. On peut difficilement faire autrement par empathie car malgré leurs malheurs, ils parviennent à garder une certaine innocence bien qu’elle soit nécessairement amoindrie par les horreurs qu’ils traversent. S’encourageant mutuellement , ils s’entraident et entretiennent une belle complicité. Plus humain que la plupart des adultes qu’ils rencontreront, ils font aussi preuve d’ une simplicité de réflexion attendrissante. Leur caractère se complète par ailleurs ; tandis que le garçon se démarque par sa froide détermination à survivre, la fille est elle d’un altruisme à toute épreuve. On est vite soucieux de leur avenir, d’autant plus que que la narration enchaîne autant de retournements de situation que d’ascenseurs émotionnels.

Interprétation

Contrairement à l’ambiance lugubre de la bande dessinée, il me semble que cette histoire cherche à transmettre un message d’espoir. L’univers chaotique dans lequel il prend place m’apparaît comme une sorte de métaphore de notre société ou du moins ce que l’on devrait redouter qu’elle devienne. Face à la destruction de cette dernière, perdant tous les repères sur lesquels on fonde notre vie, on reviendrait à songer à son sens. Il est cependant illustré que la vie comme la mort n’en ont pas. Aussi instable que la pensée humaine, le sens que l’on donne disparaît pour faire place au fatalisme éprouvé par la vacuité de l’existence. C’est en partant de ce joyeux postulat que le garçon entreprend d’avancer vers l’horizon sans fin. Le but n’est alors clairement pas d’atteindre une destination mais d’occuper sa vie à s’y diriger. Sa rencontre avec la fille et son désir de la protéger lui permet alors de trouver la volonté de vivre. Ainsi, l’objectif qui consistait d’avancer désespérément vers l’infini évolue pour atteindre un avenir plein d’espoir ensemble.

Le message s’adresse aux lecteurs craignant la mort. Il défend que le désespoir que l’on ressent à son égard s’efface par la foi en l’amour. Je crois comprendre que cette foi se découvre au delà de ce que l’on perçoit aux premiers abords décourageant des tragédies, au delà de l’horizon.

Solveig Dubois – DNMADE 14 Horlo – Déc 21