« Ce chant du Monde ne sera plausible, possible, le monde n’osera aborder le Chant, que lorsque la grande menace de cette immense, immonde pustule de la Bombe, sera, d’un commun accord, arraché de la chair des hommes. J’apporte ma pierre ».
Au lendemain d’une seconde guerre mondiale destructrice, Jean Lurçat, artiste français né en 1892, se lance dans la réalisation d’une série de tapisseries chargées de symbolisme qu’il nommera Le Chant du Monde.
Inspiré par la mythique tenture médiévale de l’apocalypse qu’il découvrit lors d’une visite du château d’Angers en 1938, l’artiste entreprend de raconter une Apocalypse des temps modernes. La monumentale tapisserie fût commandée vers 1375 par le duc Louis 1er d’Anjou, afin d’illustrer l’Apocalypse de Saint Jean. Lurçat vient alors reprendre la connotation qui a éloigné cette appellation de son sens d’origine pour évoquer une catastrophe massive et violente. Par ces dix tapisseries monumentales, l’artiste compose une œuvre globale d’une superficie de 367 m2, une immensité à l’image de la tapisserie médiévale originelle d’une surface de 720 m2.
Il y relate tout d’abord les souffrances d’une génération et sa crainte de la bombe atomique, après les frappes d’août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. La guerre et la mort sont par conséquent les premiers grands thèmes abordés, les premières pièces de tissages composant l’œuvre globale porteront alors le nom de La Grande Menace, L’Homme d’Hiroshima, Le Grand Charnier et La Fin de tout.
Jean Lurçat vient dans un second temps célébrer l’homme en paix. Pour cet enfer atomique c’est une fin belle et heureuse comme on pourrait la retrouver dans un conte pour enfants. L’artiste y exprime enfin sa foi en l’humanité et en ce qu’elle est capable de réaliser pour surmonter la haine de la guerre ainsi que pour créer et découvrir dans l’harmonie. L’œuvre devient alors un message d’espoir pour l’avenir, raison pour laquelle la composition fût nommée à l’origine La Joie de Vivre. Les derniers tissages s’intitulent L’Homme en gloire dans la Paix, L’eau et le feu, Champagne, La Conquête de l’espace, La Poésie et Ornamentos sagrados. Dans cet avant-dernier élément tissé, Lurçat vient affirmer que l’un des principaux buts de l’homme reste de s’exprimer poétiquement afin de prendre possession de l’Univers de manière lyrique. Il fait alors une nouvelle fois, clin d’œil aux tapisseries médiévales qui racontaient mythes et légendes grâce à ce même concept d’iconographie symbolique.
L’artiste Jean Lurçat nous offre alors sa vision d’une époque tiraillée entre l’inhumain et l’humain dans une réinvestigation de l’artisanat de la tapisserie. Il vient redonner vie à ce savoir-faire oublié.
Le 17 décembre 1998, Le Chant du Monde était présenté au « City Muséum of Contemporain Art » d’Hiroshima. Ce fût une reconnaissance logique pour cette ville qui représente la première cible de l’arme nucléaire. L’exposition temporaire dura jusqu’au 21 mars 1999, puis elle s’installa au « Museum of Modern Art » de Gunma, du 3 avril au 19 mai 1999.
Depuis son retour en France l’œuvre monumentale est exposée dans l’ancien hospice Saint Jean d’Angers, ville où tout a commencé.
Lily-Rose H. – DNMADE1Jo – Février 2022