Boy Erased ou (le) Garçon Effacé

Un début qui nous plonge parfaitement dans l’effacement des personnalités qu’emmène le titre, par ces descriptions étonnantes de ce que doivent être un homme et une femme :

« Hommes : chemise obligatoire, y compris pour dormir. Tee-shirts sans manches (débardeurs ou autres) interdits, même en sous-vêtements. Rasage obligatoire tous les jours. Les pattes doivent s’arrêter au sommet de l’oreille. »

« Femmes : soutien-gorge obligatoire, sauf pour dormir. Jupes jamais au-dessus du genou. Débardeurs acceptés uniquement sous un chemisier. Jambes et aisselles rasées au moins deux fois par semaines. »

Nous remarquons bien à la lecture que Garrard Conley a fait de son livre une reconstitution des événements afin de s’en délivrer, sa nécessité de coucher sur le papier ce qu’il a vécu nous vaut de nous perdre un peu au fil des phrases.

La découverte d’un livre où la chronologie n’est pas toujours respectée, on suit une ligne directrice : son arrivée à Love In Action (LIA), le centre de conversion, jusqu’à son départ de l’établissement. Cette période de deux semaines est coupée par de nombreux flash-back sur les autres périodes de sa vie. Des retours en arrière sur des traumatismes vécus lorsqu’il était encore adolescent, ou encore de la place de l’Église dans sa vie.

Garrard Conley, fils d’un pasteur d’une Église baptiste conservatrice, sait que quelque chose cloche chez lui, il est attiré par les hommes, mais essaie d’étouffer ce sentiment. Pour cela, il a eu une copine, l’a embrassée, mais il reste gêné par la situation, ne parvenant pas à mettre de mot là-dessus. Séparé de sa famille pour l’université, c’est l’un de ses camarades, assez proche intimement qui l’a outé* à ses parents. Cette terrible nouvelle amène ses derniers à trouver la solution de la thérapie de conversion, pour le «guérir», Garrard veut changer, veut se purifier.

Au départ, le jeune homme est donc volontaire pour ce changement, il donnerait tout pour trouver grâce aux yeux de Dieu et de ses parents, nous montrant bien que l’éducation qu’il a reçu a un rôle important. Dans le centre LIA, il n’est question que du message de Dieu, la Bible fait loi : tout est interdit, ou presque ; au travers d’ateliers de groupe où chacun doit confesser ses «mauvaises pensées», «ses péchés», il convient de se renier soit même, de renoncer à son individualité, à sa personnalité pour accéder à la «normalité» et au message de Dieu. La thérapie de conversion à laquelle Garrard est confronté joue sur le dégoût de soi, sur la honte, il s’agit de renier ces «déviances», la torture morale et le regard des autres a une place importante dans le changement. Profondément attaché à ses parents et soucieux de se conformer à l’image du fils idéal qu’ils voudraient avoir, Garrard se soumet à cette thérapie de conversion avant de réaliser, en s’éloignant alors peu à peu de « la parole de Dieu », qu’il lui est impossible de changer et de renoncer à être enfin lui-même.

C’est un récit particulièrement difficile à lire, autant pour ses perturbations chronologiques que pour son contenu brut et poignant, qui d’ailleurs a été adapté au cinéma en 2019, réalisé par Joel Edgerton, regroupe de grands acteurs, comme Nicole Kidman, Lucas Hedges, ou encore Russell Crowe.

Le fait d’être immergé avec tous ces jeunes et moins jeunes au sein de cet établissement dont l’enjeu est de modifier leur orientation sexuelle va nous permettre de vivre une véritable horreur, dont le programme et ses méthodes s’apparentent à de humiliation et de la torture morale.

Ce film est poignant est compliqué à visionner, du moins pour certains, vous êtes avertis, mais je vous encourage à aller le voir ou à lire le livre, je vous laisse avec la bande annonce, afin de vous donner un ordre d’idée dans quoi vous vous lancez !

T. Dausseing, DNMADE Jo 14, Février 2022.