Récupération animiste

L’art sculptural est fascinant par sa capacité d’évocation à travers le modelage de la matière et c’est d’autant plus vrai avec le travail de la sculptrice japonaise Sayaka Ganz.

Née à Yokohama, l’artiste a grandi au Japon mais aussi au Brésil ainsi qu’à Hong Kong. Détentrice d’une maîtrise en études 3D orientées sur la sculpture ainsi que d’un baccalauréat en gravure, elle étudia également le théâtre et l’art dramatique expliquant sa polyvalence ayant à son actif en plus des sculptures, des gravures ainsi que des chants.

Emergence II – 2013 (183cm x 213cm x 213cm) Objets plastiques de récupération, aluminium peint et armature en acier, fil, serre-câbles

Les travaux de la sculptrice ont cette particularité de représenter des animaux en mouvement par l’assemblage d’objets plastiques vivement colorés ou de pièces métalliques récupérées.

L’artiste adore traiter d’un nouveau sujet et s’amuse à créer, qualifiant l’activité à la fois de magnifique et d’excitant. D’abord, elle trie les objets, par couleurs ou encore par matières. Le plastique apparaît alors comme sa matière de prédilection en raison de la variété des formes curvilignes et des couleurs disponibles. Une fois son sujet animalier choisi, elle cherche à réunir autant de sources d’inspirations possible comme la photo, internet et les livres. Elle précise s’appuyer davantage sur des représentations que des descriptions précises. Elle recherche ainsi moins la reproduction conforme de l’animal que ce qu’il évoque dans ses traits caractéristiques. Elle s’intéresse notamment à son squelette afin de le représenter le plus fidèlement possible dans la structure/armature de l’œuvre. Vient ensuite l’étape préféré de Sayaka Ganz où elle donne matière à sa sculpture ;

 « Ce processus est comme un puzzle pour moi. Je m’assure que tous les objets sont correctement alignés pour maximiser l’effet du mouvement, et j’ajoute, recule, ajoute un autre, recule, enlève un morceau, et je continue jusqu’à ce que le morceau semble complètement formé mais pas trop dense. » Sayaka Ganz

Ainsi, Ganz assimile chaque objet à un coup de pinceau, car à l’instar de ceux appartenant à un tableau impressionniste, il semble apparaître une unité dans l’œuvre qui se diffracte à mesure que l’on s’en rapproche. Elle décrit ainsi son style comme « l’impressionnisme 3D », créant une illusion de forme en utilisant des objets comme des coups de pinceau qui deviennent visibles lorsqu’ils sont observés de près.

Nanami – 2017 (152cm x 488cm x 183cm) Objets en plastique de récupération, armature en aluminium peint, fil, serre-câbles

Il se dégage de ses œuvres animalières, une impression de mouvement, comme si des esprits habitaient les sculptures et s’y seraient trouvés figés, pris sur le vif. Il s’agit d’ailleurs de l’effet voulu car représentatif de la vision de l’artiste qui a grandi avec la croyance animiste shintoïste selon laquelle toutes les choses dans le monde ont un esprit.

C’est ainsi que, peinée à la vue des objets délaissés dans la rue, au rebut ou dans les centres de récupérations, elle entreprit de leur donner une nouvelle vie à travers ses créations.

Se faisant, Ganz a pour objectif de transmettre son aspiration au public qui consiste à réintroduire l’importance du monde naturel dans la vie des gens et ce particulièrement dans les zones urbaines. Elle cherche à déclencher par ses œuvres des réactions similaires que l’on pourrait éprouver en contemplant la nature. Montrant la beauté que peuvent prendre les objets banals considérés comme des déchets, elle espère alors provoquer un réexamen de notre rapport au monde car souvent, lorsqu’on on trouve de la beauté dans un objet, on l’apprécie et veille d’avantage à son entretien pour le faire durer. En dernier recours, on cherchera à correctement le faire récupérer ou recycler. De cette manière Ganz, défend la nécessité de changer la valeur que l’on accorde à ce qui nous entoure pour sauvegarder un environnement bien trop souvent malmené par la surconsommation conduisant à la pollution et donc à sa dégradation.

« Mon travail consiste à percevoir l’harmonie, même dans des situations qui semblent chaotiques de l’intérieur. En observant mes sculptures de près, on peut voir des lacunes, des trous et des objets retenus uniquement par de petits points ; éloignez-vous, cependant, et les sculptures révèlent l’harmonie créée lorsque les objets sont alignés dans la même direction générale. De même, il est important de prendre du recul en prenant du recul par rapport aux problèmes actuels et d’avoir une vue d’ensemble. On peut alors percevoir la beauté et les motifs qui existent. » Sayaka Ganz

Stream – 2015 (36 cm x 46 cm) – collagraphe

Un message que je trouve touchant et qui ne manque pas de beauté autant dans le fond que dans la forme à travers ses œuvres. C’est pourquoi, je vous invite à visiter son site où vous aurez l’occasion d’effectuer une visite virtuelle de son exposition : «Reclaimed Creations». Elle regroupe bon nombre de ses sculptures et collagraphes, des gravures basées sur le collage.  

Solveig DUBOIS – DNMADe1HO – Février 2022

Laisser un commentaire