
Han Hsu-Tung est un sculpteur sur bois Taïwanais.
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Diplômé à 23 ans en Anthropologie de l’Université Nationale de Taïwan, c’est semble t-il 6 ans plus tard qu’il exposa ses œuvres pour la première fois à Taipei dans l’East Gallery. On peut d’ailleurs voir certaines de ses œuvres sur le site de cette galerie si vous êtes curieux. A juste titre, l’artiste surnomme ses réalisations faites de bois des « sculptures pixelisées ».
C’est ainsi qu’à travers une figuration majoritairement humaine Han s’exprime dans un dédale de pixels où le bois s’assemble bloc par bloc. On observe alors une dynamique particulière où les personnages semblent figés comme mis sur pause au milieu d’un mouvement ou d’une transformation dans un processus numérique.

Portées symboliques
La technique pixelisée de Han est apparue vers la fin des années 2000 où justement les nouvelles technologies telles que les smartphones prirent leur essor. Faisant par ailleurs écho à sa formation d’anthropologue, son travail invite à une introspection sociale vis à vis des changements de notre société face à la découverte d’un monde aux possibilités à ce point multiples qu’on pourrait s’y perdre.
L’arrivée de la numérisation fit drastiquement évoluer notre ère impliquant de nouveaux moyens et visions. Riche de nouveaux outils , l’art connait alors davantage de formes sous lesquelles s’exprimer et tout autant de sujets sociétaux à aborder. L’un des plus emblématiques tourne autour de l’intelligence artificielle et c’est un axe que l’on peut retrouver dans l’ esprit des œuvres de Han. En effet, on pourrait poser l’analogie entre l’intelligence artificielle faite de l’accumulation de données et les pixels dispersés qui tels des atomes s’intègrent et forment le corps d’un être semblant animé d’une âme.
On pourrait tout aussi y observer un phénomène de dispersion et de rassemblement à l’image des échanges sociaux contemporains de plus en plus concentrés sur des réseaux.
Afin d’illustrer le développement humain où la réalité entrelace de plus en plus la virtualité, Hsu-Tung met en parallèle la sculpture de bois avec le monde virtuel où il arrive parfois qu’on observe cet effet de glitch sur un écran alors brouillé de pixels. S’en inspirant, l’artiste donne l’impression que la sculpture subit le même effet qu’une image digitale remettant en cause sa matérialité comme si elle disparaissait tout en questionnant sa réalité même.
Procédés de réalisation

Dans un premier temps, il semble intéressant de connaître le point de vue de Han Hsu-Tung sur l’origine de la créativité. Il est en désaccord avec l’idée que les artistes sont sujets aux caprices de l’inspiration car le processus de création ne fonctionnerait pas ainsi. Selon lui, contrairement à l’inspiration telle que l’on se la représente, créer n’a rien d’instantané. C’est quelque chose auquel les artistes réfléchissent constamment jour et nuit, quand ils travaillent, marchent, conduisent et même lorsqu’ils dorment jusque dans leurs rêves.
C’est ainsi qu’avec une idée de projet qui a pris le temps d’évoluer dans sa tête, l’auteur entreprend une nouvelle sculpture suivant différentes étapes bien précises.
Pour les illustrer, voici une vidéo filmant la réalisation de «Sound of the Wind».
En résumé ; Il commence par dessiner des croquis à partir de photos puis réalise un modèle en argile. Il en prend des clichés sous différents angles, les imprime puis les découpe en bandelettes et petits carrés qu’il recolle ensuite et dispose à la manière d’un puzzle auquel il manquerait des pièces. Il adapte ensuite son modèle d’argile à l’image obtenue, le quadrillant et retirant des cubes de matière ci et là.
La préparation faite, Han sélectionne ensuite le bois, principalement du noyer, le découpe en des pavés droits et les trie selon différentes longueurs. Il les assemble alors par collage compressé en des plaques qui sont ensuite rabotées. Chacune des plaques formera ainsi une strate de la sculpture.
Par la suite, vissant les strates les unes aux autres, il obtient un bloc de bois à sculpter. Il reproduit dessus son dessin au crayon puis dégrossit le volume à la tronçonneuse. Il affine les formes à l’aide de ciseaux à bois, d’un maillet et de ponceuses.
En dernière étape, il dévisse le tout puis décale les strates les unes aux autres déstructurant volontairement la composition. Il perce et visse de nouveau les strates selon cette nouvelle disposition avant de définitivement les coller entre elles. Enfin, il ajoute des cubes de bois à la sculpture de sorte à donner une dimension de profondeur supplémentaire dans ce qui ressemble à une nuée de pixels.
Si jamais cela vous intéresse, vous trouverez ici le blog du sculpteur où l’on retrouve ses œuvres et commentaires autour de leur fabrication ou ce qu’il voulait y exprimer.
Solveig DUBOIS – DNMADe1HO – Avril 2022