Qui pensez-vous être ?

TheBreakfast Club – John Hughes – 1985

Depuis quelques années déjà, nous remarquons un grand retour des années 1980 et ce phénomène touche tous les domaines : cinéma, mode, musique … Le succès de la série Netflix « Stranger Things »en est l’un des meilleurs exemples. C’est d’ailleurs suite à la série que je vous propose de replonger en 1985 avec la (re)découverte d’un teen movie culte. Nous essaierons de voir en quoi The Breakfast Club est universel et ci celui-ci est toujours transcriptible en 2022.

Le film débute un samedi 24 mars 1984 au lycée de Shermer aux Etats-Unis; cinq adolescent se retrouvent en retenue pour des motifs différents et doivent passer toute la journée de samedi ensemble dans la bibliothèque. Les 5 adolescents ne se connaissent que de vue, chacun portant des a priori et des préjugés sur l’autre. Pour les occuper, le proviseur Vernon décide d’imposer un devoir de dissertation avec pour thème : « Qui pensez-vous être ? ».

Alors que la discussion semble compromise entre les jeunes, ceux-ci vont au fil de la journée déconstruire leurs barrières et dépasser leurs différences par la parole. Les discussions se font autant sur un ton humoristique que dramatique quand chacun évoque ses difficultés. Cet exercice qu’ils décident de mettre en commun en ne rendant qu’une seule rédaction permet à ces jeunes de se découvrir, découvrir l’autre ainsi que de s’interroger sur leur place dans la société et comment veulent-ils changer leurs futurs. 

« L’adolescence ne laisse un bon souvenir qu’aux adultes ayant mauvaise mémoire.» François Truffaut

 Les personnages 

Chaque élève correspond à un archétype prédéfini :

-Allison Reynold, l’excentrique considérée comme une “weirdo”

-John Bender, le rebelle provocateur 

-Claire Standish, la fille populaire d’une famille bourgeoise

-Andrew Clark, le sportif 

-Brian Ralph Nelson, l’intello coincé

Ils sont chaperonnés par Mr Vernon, proviseur du lycée qui représente l’adulte donc dans leurs pensées l’ennemi commun. 

En effet le film se construit sur l’opposition des adolescents aux adultes, ces derniers représentent à la fois ce dont ils ont horreurs mais aussi ce dont ils aimeraient s’éloigner en tant que futurs adultes. Notons que ce sont souvent les adultes qui sont la conséquence directe de leur mal-être, Allison par exemple se montre étrange, parfois animale dans le but d’attirer l’attention de ses parents négligeants. 

Loin d’être un simple « teen movie », The Breakfast Club en reprend certes les codes mais propose un point de vue centré sur les états d’âmes des jeunes adolescents. L’absence de regard moralisateur permet d’être dans une empathie totale avec les sujets, chacun évolue avec ses difficultés, ses craintes ce qui permet encore aujourd’hui d’aborder les thèmes de l’adolescence avec bienveillance. 

Le Réalisateur

John Hughes est né le 18 février 1950 dans le Michigan aux Etats-Unis. Commençant sa carrière au sein d’un journal humoristique, son écriture intéresse les studios de production qui lui propose rapidement des contrats. Dès le début des années 1980, John connaît un succès considérable en tant que scénariste mais aussi réalisateur avec pour spécialité le teen movie. Il se retire peu à peu de la scène médiatique dans les années 1990, lui qui n’a jamais voulu vivre à Hollywood. Il décède en 2009 à tout juste 59 ans laissant derrière lui une filmographie devenue culte.

Filmographie

Réalisateur:

Seize bougies pour Sam, 1984

The Breakfast Club, 1985

La folle journée de Ferris Bueller, 1986

Un ticket pour deux, 1987

Scénariste:

Class Reunion, Michael Miller, 1982

Pretty in Pink, Howard Deutch, 1986

Maman j’ai raté l’avion, Chris Columbus, 1990

Beethoven, Brian Levant, 1992

Le Teen Movie

Le teen movie est un terme qui désigne des films faits pour et avec des adolescents qui connaît un grand succès dans les années 1980 bien que présent dès les années 1950 en Amérique. Ces films prennent en compte les difficultés que rencontrent la plupart des adolescents; l’adaptation dans un milieu social, les préoccupations, les états d’âme, les premiers amours,…Le teen movie investit pratiquement tout les genres cinématographiques; le film d’aventure (Les Goonies), la science-fiction (Retour vers le futur), la comédie musicale (Dirty Dancing), le fantastique (Carrie), l’horreur (Scream),…

Il repose sur des codes bien définis où l’on retrouve toujours la même catégorie de personnages clés (le nerd, le sportif, l’intello, la Pom-Pom girl idiote) les adultes sont toujours représentés comme des adversaires et des individus incarnant l’ordre et l’autorité bien que souvent ridiculisés. 

Un film universel 

The Breakfast Club est une œuvre culte car elle reprend un ensemble de codes ritualisés qui offre une ressource identitaire forte, en effet chacun trouve dans un ou plusieurs personnages des points communs, des ressemblances par leurs goûts mais également par leurs expériences. L’adolescence est une étape clé de la vie, à mis chemin entre l’enfance et le monde adulte, cette période d’évolution comporte des changements (biologiques, sociales, psychiques) complexes mais nécessaires. C’est durant cette phase transitoire que se construit la personnalité de chacun avec la difficulté de ne pas avoir de point de repère. 

« Les gens oublient que quand vous avez 16 ans, vous êtes plus sérieux que vous ne le serez jamais. Vous réfléchissez sérieusement aux grandes questions ». John Hughes 

Dans le film, les personnages expriment un ensemble de sentiments que chacun connaîtra dans son adolescence; la peur de l’échec, l’envie de rébellion, l’angoisse d’être perçu comme faible ou étrange…

C’est en effet ici la proposition d’un scénario basé sur l’affecte qui autorise le spectateur à s’identifier facilement. On pourrait pourtant croire qu’après 38 ans la sortie du film bon nombre de changements dans la société creuseraient un écart dans l’identification des jeunes d’aujourd’hui. The Breakfast Club propose avant tout un message universel, celui de casser les codes que l’on se fait des autres et de nous-mêmes. On questionne, on analyse la différence et la singularité de chacun dans le but d’en faire une force et non plus une faiblesse. Les personnages évoluent à partir du moment où ils conversent ensemble, c’est ainsi que chacun se livre sur ce qu’ils sont vraiment; on voit alors le plus rebelle se prendre d’affection pour l’histoire de celui qui avoue être au bord du suicide alors qu’il passait son temps à le ridiculiser. Ne pas se fier à ce que l’on pense percevoir de l’autre, creuser et prendre le temps d’apprendre à se connaître, voilà des thèmes qui parlent aux adolescents encore en 2022. Il permet aux adultes de replonger dans une jeunesse parfois oubliée, d’avoir un regard plus conciliant avec la jeunesse actuelle tout comme il exerce un rôle de boussole chez les adolescents. 

La question du  « Qui suis-je » nous interroge directement sur notre identité, sommes-nous le même à travers le temps ? On pense alors à Socrate qui dit connaît toi toi-même et invoque alors de repérer l’Homme qui est en nous. Notre singularité est une prise de conscience nécessaire, il faut nous explorer, faire une introspection. Ces questions peuvent être délicates à l’adolescence, période de doutes, de transitions et de changements. L’adolescence est un thème encore très peu exploré par la philosophie car récente ( XIXème siècle).

Les limites du temps

Bien que le message du film soit finalement universel, celui-ci comporte aussi des barrières avec le monde d’aujourd’hui. 

Ce qu’on remarque de suite c’est que le film ne représente pas toutes les communautés et minorités, ce qui en 2022 est de plus en plus rare et de moins et moins acceptable. Certains décèleront peut-être une part de sexisme, d’homophobie dans certains dialogues ou mises en scènes. Il faut avoir conscience que les sujets d’importances de 2022 n’était pas les mêmes que ceux de 1985 ce qui n’altère pas une prise de conscience lors du visionnage. Néanmoins, ces scènes sont d’une importances capitales pour John Hughes qui dénoncent par celles-ci le manque de recule de toute une génération.

J’ai eu la chance d’avoir visionné ce film à des âges et étapes de la vie différentes ce qui m’a permis de voir et comprendre toujours différemment les personnages. Je recommande vivement à quiconque de prendre 1h37 de son temps à regarder ce film, que l’on soit en pleine adolescence ou que l’on soit maintenant adulte. Je vous promets de passer du rire aux larmes et de passer par une multitudes d’émotions.

“L’adolescence est une période où un jeune garçon se refuse à croire qu’un jour il sera aussi idiot que son père.” Anonyme

Pour continuer :

La B.O. du film avec en titre principal  « Don’t you forget about me » de Simple Minds qui annonce et clôture The Breakfast Club.

« Au sortir de l’enfance », Paul Audi, éditions Verdier (2017)

La saga Antoine Doinel (un des premiers teen movie français) de François Truffaut qui comporte 5 films:

Les quatre cents coups, 1959

Antoine et Colette, 1962

Baisers Volés, 1968

Domicile Conjugal, 1970

L’Amour en fuite, 1979

Diane C. – DNMADe2JO – Décembre 2022

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