Allons-nous finir dans le coté obscur ?

De la chromophobie dans notre société (La chromophobie signifie la peur des couleurs).

Il suffit de regarder autour de nous pour constater que le paysage urbain et les grands ensembles architecturaux sont démunis de toute couleur.

Dans un environnement créé par l’Homme, la standardisation des matières telles que le béton, le verre, le métal constituent la plupart des immeubles et des espaces de circulation. Le blanc, le gris, le noir sont les valeurs dominantes.

Nos sociétés occidentales auraient-elles perdu le sens de la couleur ?

Cette observation s’applique également à la mode vestimentaire, aux biens de consommation, à l’architecture, au design. 

Une étude comparative réalisée par un cabinet britannique en 2010, a mis en évidence les différences frappantes, dans les manières d’utiliser la couleur dans nos sociétés occidentales. Cette étude a passé en revue plus de 7000 objets du quotidien du 1900 siècle à nos jours. Il en résulte que la couleur s’efface d’années en années de nos vies quotidiennes.

Les couleurs fortes et chaudes (rouge ; orange ; jaune) étaient utilisées très ostensiblement dans la mode vestimentaire : les uniformes d’apparat et pantalons rouge de l’armée française du début du siècle sont remplacés par des tenues « bleu horizon », puis par le style camouflage actuel beaucoup plus adapté à la situation de guerre.

Après guerre, les trente glorieuses marquent un nouvel essor qui se ressent dans la vie sociale et économique. Avec les années 50-60 : les modes de vie évoluent, la jeunesse rêve du modèle américain et un bouleversement socio-culturel se prépare. 

Dans les années 70-90: c’est l’explosion des couleurs qui marquent les diversités et une créativité décuplée. Cette émulation se ressent dans le design et la mode (chez les grands couturiers /YSL, comme dans le prêt à porter ).

Puis dans les années 2000-2020, la couleur quitte le devant de la scène. Les couleurs trop marquées, trop vives expriment la vulgarité et dégoûtent. Les papiers peints «vintages » : orange à grosses fleurs des années 70, ont cédé le pas aux tons neutres et sobres.

La monochromie, la sobriété chromatique sont à la mode. Le design d’objet suit la même règle avec l’effacement graduel des couleurs. Les couleurs font fuir. Les tons beiges, écrus, blancs, noirs, gris sont plébiscités par tous les consommateurs.

« Aujourd’hui, la couleur est beaucoup plus facile d’accès qu’elle ne l’était pour nos grands-parents et nos arrière-grands-parents. De ce fait, elle a perdu un peu de sa force et de son attrait. Dès l’âge de trois ans, un enfant reçoit une boîte de feutres pour une somme dérisoire. Il a cinquante feutres et n’apprend plus à mélanger deux couleurs pour en faire une troisième. Il y a donc une perte de créativité, une perte d’attirance probablement pour la couleur. Sociologiquement, les codes – qui existent encore – ne concernent plus l’ensemble de la société. Ils fonctionnent par milieu et par micromilieu. L’historien a du mal à observer ces cycles très courts. De toute façon, cette réflexion ne concerne qu’une petite partie de la population… Le commun des mortels, il n’y a qu’à voir dans le métro, est plutôt toujours habillé de la même manière et toujours des mêmes couleurs : noir, gris, brun, bleu marine, beige… »

Michel Pastoureau – chercheur écrivain

Un univers aseptisé et froid prend possession de nos intérieurs, sans doute pour contrebalancer l’omniprésence des écrans ( téléphone, écrans ordinateurs, téléviseurs, tablettes). En effet, à tout moment, nos yeux sont hyper sollicités par les lueurs vives et criardes des écrans. Nous pouvons sérieusement comprendre qu’une overdose de couleurs puisse s’équilibrer par une absence de couleurs dans nos intérieurs.

Mais, notre génération ne serait-elle pas en train de revenir à la couleur, comme un ras-le-bol de cette tristesse monotone…?

CHASSY Louise DNMADe1 JO – Février 2023

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