La représentation du corps traduit-elle une destruction de l’identité ?

A l’ère de la communication mondialisée il me semble pertinent de vous présenter le travail artistique du duo Aziz et Cucher véritable remise en question de notre usage des technologies.

Tous deux issus du San Francisco Anthony Aziz et Sammy Cucher travaillent depuis 1990 sous le nom logotypé de Aziz+Cucher. Leurs œuvres et points de vue sont principalement énoncés par la photographie digitalement modifiée.  

 « Chaque image, chaque représentation est devenue aujourd’hui une imposture potentielle « 

C’est à travers la série de photos nommée « Dystopia » sortie en 1995 que le duo nous présente de grands portraits défigurés, l’opération de gommage débouchant sur l’obstruction de tous les orifices dédiés à nos sens disparaissent sous une épaisse couche de chair, sous une peau qui les prive d’échanges avec l’extérieur. Derrière le mutisme de la peau, le visage silencieux devient impersonnel. L’identité du portrait, comme celui des autres œuvres de la même série, est dissoute, décomposée, déshumanisée.

Dans les photographies, la manipulation est évidente. Les visages semblent fermés sur un cri silencieux. De cette façon les artistes mettent l’accent sur tout un tas de questions liées à l’identité : la possibilité de cloner un jour d’autres êtres humains, l’angoisse qui peut surgir des manipulations génétiques mais aussi la perte d’identité de l’homme dans sa relation et son association avec le virtuel. Symboliquement les portraits nous montrent la mutation fatale de cette société, privée de liberté et d’échanges avec l’extérieur, et littéralement asphyxiée.

Les visages seraient comme connectés à un autre monde, virtuel, rendant le corps inquiétant et morbide. La cyberculture a levé de nombreuses barrières qui existaient jusque là entre les individus. Mais à en croire ce portrait, le phénomène ne serait pas sans conséquence pour l’individu lui-même. Le sujet est entièrement absorbé, englouti, néantisé. À travers la connexion et le couplage homme-machine, se joue non seulement la disparition du corps, mais aussi la perte des caractéristiques individuelles. Edmond Couchot nous explique que ces « êtres appartiennent à un univers virtualisé aux infinies possibilités, où l’engagement du corps est devenu obsolète. Téléprésence, téléactivité, cybersex, la prothèse technologique appelle la disparition des organes et des sens vitaux. De là ces êtres qui ne sont pas amputés mais dont les sens ont disparu suivant un processus qui semble presque naturel, la peau ayant repris ses droits sur des orifices devenus inutiles. Ce constat terrifiant sous-tend la nécessaire réappropriation du corps face au corps virtuel et bouleverse les conventions du portrait. »

Ainsi ces photographies agissent elles comme un récit d’anticipation contre utopique qui nous mettrait en garde contre d’hypothétiques mutations fatales de l’humain et de la société, technologiquement refondés. ces œuvres agissent de façon métaphorique comme des avertisseurs, appuyant visuellement sur nos craintes, en nous montrant des figures redoutées. Un mouvement général de transformation du réel par les technologies est en marche. Le corps, la société, mais aussi notre environnement naturel, se trouvent profondément affectés par ce phénomène en expansion rapide. La plupart des utopies technoscientifiques des décennies passées sont en train de devenir des « faits accomplis », ouvrant la voie à de nombreux espoirs, tout autant qu’à de potentielles dérives.

« La réalité virtuelle introduit une autre forme de dédoublement de l’homme et de son corps. En transformant le monde en information, la cyberculture efface le corps, elle modélise la perception sensorielle, réduite le plus souvent à la vue, à la seule protubérance d’un regard fonctionnel. »
David Le Breton

EMMA G. – DNMADeJo1.5 – Avril 2023

L’onirisme, une réalité ?

C’est dans un univers surréaliste, épuré et touché par la magie que les deux sorciers Tania Shcheglova et Roman Noven nous embarquent, réalisant des images hallucinées inspirées par leurs rêves et notre planète. Je vous invite à la rencontre de l’univers psychédélique complètement dément du couple de photographes ukrainiens.

« Notre travail est une exploration intime de la planète Terre, de la nature. »

D’une beauté troublante c’est à travers une série de photos intitulées « Supernatural » prise au cours d’un road trip, que le couple auto-explore l’inconnu. Aussi brute en apparence qu’en contenu ces images sont remplies de mysticisme. Ils traitent la construction de la propre version de la réalité et visitent la frontière entre le réel et l’imaginaire. C’est dans cette brèche de deux mondes opposés que les photos du duo « Synchrodogs » existent. Un travail qui les porte jusqu’aux limites du réel, et révèle un goût pour l’abstraction.

Les divinités possédées qui se pavanent dans une bonne partie de ces photos semblent elles-mêmes être des mirages. Plongés au beau milieu de paysages désertiques, rocailleux et sablonneux, mais surtout merveilleux et surnaturels. A travers ce projet hyper esthétique, Les décors dégagent cette aura aride de romantisme si unique aux déserts de l’Arizona ou aux roches rouges du Nouveau-Mexique.

« Depuis 10 ans nous avons développé une certaine technique de méditations nocturnes, nous essayons de documenter le passage du sommeil à l’éveil. Nous nous réveillons souvent au milieu de la nuit, pour prendre des notes de nos rêves afin de les reproduire en image plus tard. Surtout, nous avons redécouvert nos propres capacités et limites énergétiques, la façon dont un humain peut marcher dans les ténèbres, aller directement dans l’inexploré, en se fiant à l’intuition, aller là où le subconscient mène et se sentir en sécurité dans le monde de l’inconnu. « 

En effet, le duo artistique a recréé leurs visions qu’ils ont réussi à observer grâce à l’expérimentation des techniques de méditation et de rêve lucide, l’élément central de communication avec notre inconscient. Le duo libère celui-ci en analysant les profondeurs de la psyché humaine. A travers leurs œuvres nous pouvons aussi comprendre qu’il n’existe pas de définition universelle du rêve, chaque personne lui accorde un traitement spécifique, (son récit, le maniement de son matériau, son interprétation, univers…) différent selon les esprits. Il ne reste pas moins un véritable brouillon du réel ils nous rappellent à quel point nous pouvons avoir une connexion puissante avec notre esprit et franchir toutes limites, se plonger dans d’autres dimensions infinies l’esprit a ce besoin d’échapper au réel.

La peau nue des modèles n’apparaît pas sensuelle, mais plutôt vulnérable. Elle définit les formes des corps et se laisse ensevelir sous différentes matières naturelles comme artificielles. Devenue simple sujet, les hommes se fondent dans les éléments, ne faisant qu’un avec la planète. Un univers hallucinatoire porteur d’espoir et de créativité.

« La nudité est préconditionnée par la nature, elle fait partie de nous, donc elle fait aussi partie de notre art Notre intention est toujours de rendre l’homme étrange, de le faire apparaitre comme un être vivant qui n’existe que grâce à la terre. »

Emma. G – DNMADE JO1- Février 2023

Des œufs que vous n’êtes pas prêt d’avoir à Paques !

Ce sont LES œuvres d’art, réputées pour leurs ornements élaborés, dont l’extravagance rappelle au monde la puissance des tsars et qui valent aujourd’hui des millions de dollars ! Comme vous le devinez si bien nous allons parler des œufs de Fabergé. Mais avant tout revenons sur leurs histoire et pourquoi ils sont si célèbres.

Le joaillier:

C’est le joaillier Pierre Karl Fabergé d’origine française qui est à la base de ses œuvres d’art, née à Saint-Pétersbourg c’est en 1872 qu’il prend les rênes de l’entreprise familiale de la maison Fabergé et c’est là qu’il est remarqué par le tsar Alexandre 3 au vu de ses compétences apprises dans les ateliers des meilleurs joailliers du monde.

La naissance des oeufs :

La Russie étant un pays orthodoxe la tradition veut qu’a la fête de Paques les croyants s’offrent des œufs et c’est à ce moment précis que ceux-ci rentrent dans l’histoire. Le tsar décide d’offrir un œuf de Pâque à sa femme l’impératrice Maria Feodorovna en 1885 Il contacte alors Pierre Karl Fabergé.

Le premier œuf de Fabergé :

Je nomme L’œuf à la poule le premier œuf de la maison il reprend l’idée des traditionnelles poupées russe appelées matriochka. De l’extérieur la coquille de l’œuf est en email blanc, l’intérieur en or jaune contient un œuf en or jaune qui contient une poule en or blanc et or jaune avec les yeux en rubis, elle s’ouvre également nous faisant découvrir un pendentif rubis de la couronne impériale mais ce dernier a été perdu.

L’impératrice est tellement fascinée par ce travail que le tsar nomme Fabergé « orfèvre par nomination spéciale à la couronne impériale » ce qui projette la maison vers le succès. Les années suivantes la maison Fabergé renouvellera cette tradition. Mais suite à la mort d’Alexandre III le 1er novembre 1894, c’est son fils qui les commandera.

Les matériaux et techniques employés :

La maison Fabergé utilise beaucoup de pierres ornementales, comme l’agate, la néphrite, la rhodonite, la bowenite et le cristal de roche il utilise aussi les quatre couleurs de l’or et pratiquement tous les œufs sont travaillés avec de l’émail. Quand aux techniques le joaillier utilise le guillochage qui est le fait d’orner de lignes entrecroisées sur le métal et l’utilisation de l’émail en cloisonné.

Bowenite
Agathe
Cristal de roche
L’œuf au Pamyat Azova 1891

Quelques-uns des œufs :

L’œuf en calcédoine, un jaspe vert, se présente comme une coquille ornée d’entrelacs rococo évoquant les vagues et de couronnes d’écumes en diamants. Il est fermé par un rubis. Le navire nommé mémoire d’Azov (le Pamyat Azova) constitue la surprise et est posé sur une mer d’aigue-marine.

Œuf Régence 1894

Dit aussi l’Œuf Renaissance. Dernier œuf offert par Alexandre III à sa femme, il est en onyx blanc orné de motifs émaillé et de cabochons en diamants et rubis. Deux têtes de lions en or forment les poignées. Il renfermait comme surprise l’œuf de la Résurrection ou, selon une autre hypothèse, une petite statue du Christ ressuscité

L’œuf aux treillis de roses 1907

Œuf créé à l’occasion de la naissance de l’héritier, il est orné d’entrelacs de diamants sur un parterre d’émail vert. Au centre de chaque croisillon s’épanouit une rose.

Œuf au Transsibérien, 1900

L’œuf est en argent, le sommet est recouvert d’émail vert. La carte du transsibérien et sa date d’ouverture (1900) sont gravés dessus. Trois griffons le portent. À l’intérieur est logé un modèle en or du premier Transsibérien. Il est doté d’un moteur miniaturisé et d’une lanterne en rubis. La locomotive est en platine, les vitres des wagons en cristal.

Œuf du palais de Gatchina 1900

Réalisé en émail opalescent blanc, or « quatre- couleurs » (blanc, rouge, vert et jaune) et décor de perles de culture

Lors de la révolution bolchevik de 1917, les ateliers Fabergé sont convertis en fabriques d’armes de guerre, la famille Fabergé se réfugie en Suisse. Une partie de la collection des œufs est vendue à l’étranger. En 1927, Staline en vend 14 n’en laissant ainsi que 10 au Kremlin, 24 œufs sont placés dans le palais des armures. Au total 52 œuf ont été créés et 7 ont disparu.

Bien plus que des symboles d’opulence, de luxe et de décadence, les œufs de Fabergé sont des objets de fascination, de mystère et avant tout d’œuvres d’art exceptionnelles, ils illustrent la richesse historique de la Russie. Convoité entre personnalités politiques telle que la reine d’Angleterre (qui en possédait 3), ils font partie d’échanges géopolitiques. Nous les retrouvons dans de nombreux films et séries appréciés du grand public (James Bond-Octopussy, Peaky Blinders ou encore Ocean’s Twelve). Le nombre limité de ces exemplaires impériaux n’empêchent pas qu’ils soient aujourd’hui célèbre dans le monde entier pour leurs qualités artistiques, leurs finitions à couper le souffle et leur grande valeur dépassant souvent les 10 millions de dollars.

Si vous souhaitez en apprendre plus :

(9268) Les oeufs de Fabergé – YouTube

(9268) Le trésor des Tsars documentaire de Patrick Voillot – YouTube

Emma Grobel – DNMADE JO1-Octobre 2022