Les petites maisons de la prairie

Le musée Guggenheim de New York, La Fallingwater House, l’Ennis House et ses apparitions dans des films comme Blade Runner… Franck LLOYD WRIGHT, c’est 800 projets architecturaux, dont plus de 400 sortis de terre et 8 inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Si vous n’avez pas fait de bac arts appliqués, ce monsieur ne vous dit sûrement rien, ou vaguement, pourtant on pourrait le comparer à un LE CORBUSIER, version ricain.
Reconnu comme le plus grand architecte américain de l’histoire par l’institut des architectes (américains), il a appris sous l’aile des architectes Adler et Sullyvan, représentants de l’école de Chicago. En 1887, Franck Lloyd développe son art à Chicago, après six ans chez Adler & Sullyvan, il démissionne pour créer son propre cabinet en 1893.


La Prairie School.

Si Franck L.W. est l’un des architectes les plus reconnus de l’histoire moderne, c’est parce qu’il a initié un style qui deviendra fondateur pour les États-Unis du XXème siècle. Le style Prairie. Preuve que les expositions universelles sont utiles au partage et à la mise en lumière des cultures, car c’est là que Franck Lloyd découvre l’architecture japonaise en 1893, dont le style prairie sera imprégné. Il fera de nombreux voyages, au japon, dont beaucoup pour des commandes et projets.

Le vernaculaire & l’essentiel

Une ouverture sur la nature à la périphérie des grandes villes américaines, fil d’Ariane du style architectural de Franck Lloyd. Influencé par l’architecture nippone donc, on y retrouve l’échelle à taille humaine et la relative simplicité des bâtiments, le confort, le respect des matériaux naturels et l’intégration de la maison au jardin, voire au paysage globalement, une ouverture de l’espace intérieur sur l’espace extérieur.
Bien que géométrique, son architecture est appelée organique : L’attention portée au choix, de préférence locale, des matériaux, à leur durabilité et à l’intégration des prairies houses dans leur environnement, en leur amenant une dimension vernaculaire, est importante pour Franck Lloyd, se sont des contraintes mais surtout des doctrines de ce style moderne américain.

La maîtrise des porte-à-faux, des toits qui s’étirent à l’horizontal, des matériaux locaux ou du moins naturels (pierre, brique, béton, verre) ainsi que des baies vitrées et des puits de lumière comme on retrouve dans le musée Guggenheim, voilà comment reconnaître une architecture du cabinet Franck Lloyd Wright.

La Fallingwater House où l’illustration du style prairie


C’est sûrement cette maison que vous êtes le plus susceptible de reconnaître quand on parle de la Prairie School, et pour causes elle représente tout ce qui compose une Prairie house, une assise structurelle élaborée avec le paysage & le terrain, complexe puisque humide et granitique. Des terrasses superposées, juxtaposées comme les strates de la cascade, la canopée des arbres.
Elle offre un dialogue entre l’habitat et son environnement, l’homme y résonne avec la nature.
Pour l’anecdote, la famille Kaufmann s’attendait à ce que Lloyd leur conçoive une maison en face de la cascade pour avoir une vue imprenable dessus, ils étaient loin d’imaginer qu’ils allaient vivre en symbiose avec elle.

Franck Lloyd Wright, est pour moi un incontournable, au même titre qu’un Renzo PIANO ou qu’un jean NOUVEL, car on retrouve toujours, aujourd’hui plus que jamais, ces principes d’architectures vernaculaires qui ne viennent pas s’opposer au lieu et à sa biodiversité, qui exploite les atouts naturels que peuvent offrir un bâtiment, la lumière, le confort, la température, tout ça en offrant une architecture remarquable, aussi intimiste qu’imposante comme l’Amérique le présente si bien.

Guenaëlle G. – DNMADeJo1.5 – Avril 2023

Négocier avant d’agir

Parce qu’il est bien connu que la violence ne résout pas tout, et que les intervenants des forces armées ne sont pas (tous) des bruts de décoffrage…

Je vais vous présenter Bernard THELLIER, que vous aller découvrir si vous ne le connaissiez pas encore, un ancien négociateur du GIGN (Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale). Il me semble intéressant de vous dépeindre cet homme qui fût pendant 10 ans au service des autres, dans la cellule de négociation du GIGN, et son métier, où le dialogue entre humain, l’écoute et la compréhension sont des notions plus importantes que jamais.

Un long parcours, en bref.

Après des études en psychologie, Bernard THELLIER obtient une maîtrise en psychologie comportementale et intègre le GIGN en 1997, après une formation de 14 mois (et 5% de candidats retenus à l’issue). Il est formé en interne pendant 2 ans, et devient rapidement le négociateur principal de la cellule de crises majeures jusqu’en 2007 où il quitte l’institution.

Bernard THELLIER en conférence

Savoir écouter, LA qualité requise.

Un des premiers travaux du négociateur pour entrer en contact avec un individu (preneur d’otage, forcené…) est de l’écouter. Il doit savoir laisser parler celui ou celle qui est en situation de désespoir en face de lui. En allant à l’encontre de sa morale et de son éducation, le négociateur ne doit pas juger l’individu par ses actes (aussi horribles soient-ils).
C’est le principe de phénoménologie (initiée par le philosophe Husserl au 20ème s.) qui est utilisé par le professionnel à ce moment-là. L’objectif de cette philosophie est d’observer, décrire et juger d’une expérience, à partir de la conscience qu’en a le sujet qui la vit. Autrement dit, d’analyser une situation par un vécu personnel et pas par les ouï-dire, les avis déjà arrêtés de notre entourage, en faisant abstraction des préjugés, ainsi qu’en faisant face aux choses telles qu’elles sont vraiment, sans juger d’entrer de jeu l’individu « dangereux » par ses points faibles.

« C’est vrai qu’on voit toujours les drames mais on ne voit jamais, ou très peu, les causes qui y ont mené, qui parfois sont tout aussi dramatiques, surtout quand tu n’es pas écouté ou aidé, et qui peuvent mener à ce genre de situations. » exprime Bernard T. dans une interview. Cela soulève aussi les problèmes d’une société devenue trop individualiste, «Plus personne écoute, tout le monde s’exprime » comme dirait Orelsan ; où certains individus sont écrasés par la masse et ne possède pas ou plus la faculté de se faire entendre. N’ont plus de soutien émotionnel ou physique de leur entreprise, de leur famille, entourage etc, ce qui les pousse à des actes de désespoir afin de se faire comprendre, ou simplement entendre.
Bref, un bon négociateur est quelqu’un qui fait preuve de clairvoyance, de respect et d’écoute : « ce sont des choses que l’on ne retrouve plus dans la société actuelle et nous sommes formés dès le début à arrêter de parler pour pouvoir écouter » nous dit Bernard T, « Il vaut mieux laisser s’exprimer l’autre pour qu’il sorte son mal être, pour qu’il nous donne sa version. »

Empathie, Inconscient et sensibilité.

Pour amener l’individu à s’exprimer et à se confier, le négociateur doit lui montrer qu’il peut avoir confiance en lui. C’est une communication avec la sensibilité et les sens, c’est pourquoi le négociateur confie avoir besoin d’être sur le terrain. Une véritable approche, permettant une compréhension des enjeux réels et vitaux dans une situation de crise « si je suis dans un bureau à 5km, je ne peux pas me synchroniser émotionnellement avec les victimes ou otages et ressentir leur angoisse, peur etc » . Cela relève d’une certaine intelligence émotionnelle, que se soit avec des victimes, des criminels ou eux-mêmes, les négociateurs sont dotés, plus que la moyenne, de capacités à comprendre, maîtriser et exprimer leur émotion et à discerner une émotion chez l’autre. Ils sont dotés d’une forte empathie. Pour Bernard il y a une limite à ne pas franchir, qui est celle de la sympathie : éprouver de l’empathie pour comprendre les sentiments de l’individu, oui, s’identifier et accepter ces derniers par la sympathie, non.

Fort de son expérience terrain et de ses connaissances, Bernard T. laisse une grande place à son intuition. Nous disions que c’est un travail avec des outils tels que les sens car il y a une place à la communication non-verbale et physique, les signaux de communication de l’inconscient comme l’intonation, les silences, les différences de ton ou les gestes qui renseignent sur l’état psychologique de l’individu ou des otages. Durant l’une de ses interventions, B. THELLIER ( d’après ses anecdotes personnelles ) est en face à face avec un forcené, pour établir un climat de confiance il se « synchronise » avec lui : s’assoit quand il s’assoit, croise les jambes quand il croise les jambes, etc. À la force, la synchronisation s’inverse et c’est le forcené qui imite inconsciemment le négociateur. On comprend ainsi la nécessité de créer un lien conscient et psychique avec l’autre pour prendre une ascendance psychologique sur lui et pouvoir le maîtriser, et réduire les différences entre les deux partis surtout la perception d’être un adversaire ou un ennemi. Cependant, l’individu reste un inconnu pour le négociateur, il y a une forte part d’incertitude qui met en jeu la clairvoyance, l’altruisme, l’entraînement et les compétences du négociateur.

Son utilisation de la psychologie aujourd’hui.

Depuis 2007, Bernard THELLIER est tour à tour consultant en gestion de conflits et de crises, conférencier et formateur dans sa propre société : Précognition. Il y accompagne les entreprises avec de nombreux services différents, la gestion des risques et du stress, la négociation commerciale, l’accompagnement au changement et la médiation… Bref c’est un métier extrêmement intéressant et humain qui amène un enseignement permanent des autres à soi, des situations vécues à l’exercice terrain et beaucoup d’autre. À noter que des femmes aussi, peu certes, exercent ce métier comme Tatiana BRILLANT ancienne négociatrice au RAID.

Quelques sites pour plus d’informations, vous pouvez retrouver Bernard THELLIER dans beaucoup d’émissions ou vidéos-interview de youtubers (on peut dire qu’il a compris l’intérêt de la médiatisation pour faire connaître sa société et son métier auprès de la Gen Z) :

17/02/2023/ DNMADe 15JO/ G. GUENNEGOU

Le point d’auto-inflammation

Fahrenheit 451 c’est le genre d’ouvrage qui laisse une trace indélébile dans votre esprit sans qu’on puisse l’expliquer directement. En fait, la raison est plutôt simple : ce roman dystopique aborde un sujet qui concerne chacun d’entre nous, notre liberté d’expression, de réflexion et notre unicité en tant qu’individu.

C’est dans une société étouffée par les réseaux sociaux, le divertissement et l’amusement que Guy Montag vit sa best life de pompier. Cependant, le détachement dont il fait partie est peu commun. Ce dernier, créé par le gouvernement étasunien pour qui la littérature est source de questionnement et d’idéologies déviantes, a pour mission de brûler tous les livres dont la possession est interdite. Comblé Guy Montag est à l’aise dans son travail, compétent, marié et heureux de remplir ses missions quotidiennes (des autodafés), il vit un bonheur simple. C’est quand, au détour d’une rue pour rentrer chez lui, Montag rencontre une jeune fille singulière, qu’il va se mettre à penser, à imaginer et à comprendre ce qui l’entoure. Elle va lui parler de ce qu’il regarde tous les jours sans rien voir : la vie. Il comprend qu’il ne sait rien, ne connait rien du monde, des gens, des autres, du passé, de l’histoire ou de la culture des Hommes… Rien de tout ça, mis à part son quotidien à lui. Un jour la jeune fille disparait mystérieusement, et là, il prend conscience de sa société de consommation et du bonheur factice qu’elle impose à ses gens.

Un rappel à l’ordre pour éviter le pire

Ce roman prend place dans une société qui nous parait corrompue dès lors où les pompiers n’ont pas pour mission d’éteindre les incendies, mais de les allumer. Où le gouvernement exclut la possibilité de détenir des livres : ils donnent la possibilité d’apprendre et de connaître le monde par soi-même, de développer son esprit critique, son imagination, tout un tas de chose en fait… C’est ce « tas de chose » que le gouvernement retire à ses citoyens dans Fahrenheit 451, il a censuré la pensée, la connaissance et les droits du peuple, de manière douce et progressive, en changeant les lois et la constitution au fil des années. C’est un génocide culturel qui vise à effacer les différences entre individus, la possibilité du dilemme, du choix, et à les rendre plus heureux. Cependant un bonheur conféré par la tromperie en est il vraiment un ? Bref, le livre ne se résume pas qu’à cela, mais c’est aussi une mise en garde contre les régimes totalitaires et extrémistes qui visent une unité de la population au mépris de l’individu.

Une intrigue qui résonne à toutes époques

Le propos de Fahrenheit 451 est devenu de plus en plus pertinent au fil des ans, la fiction qui en est porteuse est devenue l’une de ces fables intemporelles où l’Histoire peut venir se mirer.

Farhenheint 451, préface, Jacques CHAMBON

Il est vrai que ce roman d’anticipation dystopique, paru en 1953, se déroule dans un futur lointain dont les dates restes floues. Pourtant aujourd’hui, en 2022, on pourrait penser que c’est une réalité parallèle, ou même une situation actuelle dans certains pays où la liberté d’expression est réduite à son minimum. Il est aussi question de la suprématie des médias, fait bien réel dans notre société ultra-connecté, « du grand décervelage auquel procèdent la publicité, les jeux, les feuilletons, les informations télévisées… » (préface de Jacques Chambon). Par une paresse mentale qui gagne un peu plus chaque nouvelle génération, on préfère écouter ou regarder les informations qui nous sont servies sur un plateau plutôt que chercher par nous même la vérité, la réalité ; c’est un désintérêt envers la littérature qui nous gagne. Est ce parce que cette dernière ne nous est pas bien présenter quand on est encore à l’école ? A savoir… Pour sur, de grands textes nous paraîtrons plus ennuyeux et moins amusants que des vidéos « short » sur internet, mais il nous feraient plus cogiter, ça c’est certain.

Il y a plus d’une façon de brûler un livre.

Ray Bradbury

C’est la psychologie de Guy MONTAG que l’on suit à travers ce récit, sa réaction face à la prise de conscience du fonctionnement de sa société, l’angoisse qui le consume, de se retrouver seul face à des gens qui ne l’écoutent pas, qui sont aveugles et sourds au monde qui les entoure, à lui…

Montag nous montre la voie…

Personne n’écoute plus. Je ne veux pas parler aux murs parce qu’ils me hurlent après. Je ne peux pas parler à ma femme ; elle écoute les murs. Je veux seulement quelqu’un qui écoute ce que j’ai à dire. Et peut-être que si je parle assez longtemps, ça finira par tenir debout. Et je veux que vous m’appreniez à comprendre ce que je lis.

Guy MONTAG, FAHRENHEINT 451

On ressent l’angoisse à laquelle fait face le personnage car on s’identifie à son sentiment d’être seul contre tous, comme dans un drame apocalyptique où l’on est seul et à bout face aux zombies par exemple. Bref, Bradbury nous fait prendre conscience de la chance que l’on a de pouvoir profiter, au travers des livres, de réflexions, de paroles philosophiques qui développent notre esprit critique, de visions du monde propre à d’autres, d’avoir accès à d’autres cultures, d’autres langues etc, etc… Cet ouvrage est une apologie de la liberté d’expression et nous montre que la plupart des traces que nous laissons derrière nous sont fragiles et si on ne veut pas qu’une civilisation, qu’une idée, qu’une ethnie ou autre trace de vie disparaisse, il faut veiller à garder les objets littéraires intacts.

Un livre à lire au moins une fois

Je vous ai présenté ce livre, tant bien que mal, car je pense qu’il doit être lu, sans nécessité vitale, bien entendu (quoique…), mais au moins une fois dans sa vie, même si l’on n’aime pas lire, que ce n’est pas notre style ou qu’on le trouve trop monotone. Il vous marquera pour de bon.

Vous admirerez la virtuosité de Ray Bradbury dans les moments les plus insupportables de l’histoire (pour ma part) : les conversations entre la compagne de Montag et lui même en sont un bel exemple. Ces dernières sont une retranscription de la mentalité engendrée par le manque de culture et de maturité qu’à imposé le gouvernement : les échanges du couple sont plats, sans intérêt, ils ne nous apportent rien et ne font pas avancer Montag dans sa quête de vérité, bref une belle torture mentale que nous sert l’auteur ! Il faut parfois relire certains passages pour en comprendre toutes les nuances, mais surtout pour ne pas perdre le fil de l’histoire ! Enfin ce livre est tout de même incontournable si vous voulez prendre conscience de la chance que l’on a de vivre dans des pays où la liberté d’expressions à tout de même une grande importance, et que l’on es toujours libre de nos choix, avec la capacité d’explorer et de choisir nos influences, nos milieux et nos façons de vivre !

Guenaelle G. – DNMADe1JO- Octobre 2022