Mother ! fascine autant qu’il dégoûte.

Un film doit-il être expliqué ? Et l’expérience que constitue le visionnage de Mother! aussi ?

La nature inclassable du film, et la violence de certaines scènes (notamment avec un bébé), compliquent la tâche. Plusieurs studios refusent le projet, dont la 20th Century Fox, avec qui Aronofsky avait déjà travaillé. Paramount acceptera à peu près uniquement parce que Jennifer Lawrence, et dans une moindre mesure les autres acteurs (Michelle Pfeiffer, Ed Harris, Domhnall Gleeson, Brian Gleeson ou encore Kristen Wiig), sont un argument de vente à eux seuls.
A l’écran, c’est un voyage au-delà du réel d’une violence, d’une ampleur et d’une portée folles.

Si Mother ! est resté durant des mois un mystère, avec un pitch officiel n’évoquant qu’un couple dont la tranquillité est perturbée par l’arrivée inattendue d’invités dans leur maison, c’était pour mieux en protéger la force.

Car le film est une expérience profonde, extrême et malpolie. Une expérience qui bouleverse, chamboule, crispe, désarçonne. Darren Aronofsky a depuis livré les clés de son film : Mother ! est une allégorie de notre planète maltraitée par l’humanité, inscrite dans une relecture biblique. Le personnage de Jennifer Lawrence est Mère nature, chargée de protéger, habiter et écouter une maison qui représente le monde. Javier Bardem est Dieu, qui crée Adam et Eve (Ed Harris et Michelle Pfeiffer) par ennui.

Adam et Eve vont fissurer ce monde, céder à la tentation face à la pomme (la précieuse pierre gardée dans le bureau) et provoquer le chaos. Leurs enfants se déchirent violemment comme Abel et Caïn. Des invités arrivent pour vénérer Dieu, provoquent une inondation comme le grand déluge. Mère nature donne naissance à un Messie. Le rapport du cinéaste à la religion était évident dans sa filmographie, mais prend ici une nouvelle dimension.

La maison est alors une zone mentale, un havre de paix où il se retranche pour créer, à l’abri du monde. Sa femme est sa muse, celle qui entretient les lieux, le protège des attaques extérieures, protège l’acte créatif.

Les invités sont des intrus, venus du monde réel, que l’artiste aura été chercher dans une envie de s’évader ou renouveler son univers. Ils briseront l’harmonie, de la même manière que le chaos peut parfois être un moteur créatif .Le bébé est littéralement la création de l’artiste et sa muse, né en l’espace d’une nuit comme une évidence – et comme Mother ! dans l’esprit du réalisateur.

Le nouveau né suit le chemin classique d’une œuvre : livré au public, qui se jette dessus avec passion, le vole à son créateur, le détruit pour le consommer, le dévorer, le transformer. La muse, elle, lutte pour protéger cet enfant spirituel, mue par sa bonté, sa compassion et son sens du sacrifice.

« J’imagine que les gens pourraient se demander pourquoi le film est si noir. Hubert Selby Jr., auteur de Requiem For a Dream, m’a appris que c’est en se plongeant dans les facettes les plus obscures de soi qu’on trouve la lumière. (…) Je ne peux pas entièrement mettre le doigt sur les origines de ce film. Certaines choses viennent des gros titres qu’on a chaque seconde de chaque jour, certaines des incessantes alertes sur nos téléphones, certaines de l’expérience du blackout à Manhattan pendant l’ouragan Sandy, certaines de mes tripes. C’est une recette que je ne pourrai jamais reproduire, mais je sais que cette portion est meilleure quand elle est bue en dose unique dans un verre à shot. Cul sec.« 

Darren Aronofsky

Interrogé par The Guardian, le réalisateur de Pi et The Fountain reconnaît sans mal qu’il faisait plus que réaliser ses films : il était les films. « Mon ego est dans chaque personnage de chacun des films que j’ai fait. Je suis la danseuse de Black Swan. Je suis le catcheur de The Wrestler. Je peux voir en quoi les gens feront particulièrement la connexion avec celui-ci. Mais tout cela est de la fiction : de la fumée, et des miroirs. » Une gigantesque foire aux illusions, où de nombreux spectateurs ont refusé de s’engager. Et pourtant, s’y perdre, c’est y trouver des choses parmi les plus belles et sensationnelles vues sur grand écran ces dernières années.

Darren Aronofsky avait parfaitement conscience, avec ses acteurs, d’avoir mis au monde un film anormal, surtout dans le paysage hollywoodien où il évolue. À la Mostra de Venise, le film est hué (comme beaucoup d’autres avant et après lui), et divise profondément la critique. A sa sortie aux Etats-Unis, il y a un gros titre : c’est l’un des pires films pour le public, et l’un des pires démarrages de la carrière de Jennifer Lawrence.

Ceux qui auront remarqué les collusions lexicales, les clins d’oeils (notamment) à Abel et Caïn dans la première partie, auront sans doute compris que le cinéaste, au-delà de sa représentation du narcissisme et de rapports de domination, interrogeait la violence et le dévoiement qui accompagnent parfois la spiritualité humaine.

« Je me suis penché sur la Bible et la représentation de Dieu dans l’Ancien Testament. Quand vous observez ce Dieu, vous découvrez que si vous ne le vénérez pas, il vous tue. Quel genre de personnage agit de la sorte ? Pour moi il s’agissait de traduire ça en termes d’émotions humaines. »

Ce film pourtant détesté est porteur d’un vrai message et de réelles sensations. Je ne vous cache pas qu’après mon premier visionnage j’étais plutôt troublée et j’ai dû aller faire des recherches pour mieux le comprendre et pouvoir le visionner une deuxième fois en ayant pleinement conscience des détails et du message du film. C’est ici un film d’un tout autre genre qui n’est pas fait pour plaire mais qui mérite d’avoir sa chance auprès des spectateurs.

Louise C. – DNMADeJo 1.5 – Avril 2023

Allons-nous finir dans le coté obscur ?

De la chromophobie dans notre société (La chromophobie signifie la peur des couleurs).

Il suffit de regarder autour de nous pour constater que le paysage urbain et les grands ensembles architecturaux sont démunis de toute couleur.

Dans un environnement créé par l’Homme, la standardisation des matières telles que le béton, le verre, le métal constituent la plupart des immeubles et des espaces de circulation. Le blanc, le gris, le noir sont les valeurs dominantes.

Nos sociétés occidentales auraient-elles perdu le sens de la couleur ?

Cette observation s’applique également à la mode vestimentaire, aux biens de consommation, à l’architecture, au design. 

Une étude comparative réalisée par un cabinet britannique en 2010, a mis en évidence les différences frappantes, dans les manières d’utiliser la couleur dans nos sociétés occidentales. Cette étude a passé en revue plus de 7000 objets du quotidien du 1900 siècle à nos jours. Il en résulte que la couleur s’efface d’années en années de nos vies quotidiennes.

Les couleurs fortes et chaudes (rouge ; orange ; jaune) étaient utilisées très ostensiblement dans la mode vestimentaire : les uniformes d’apparat et pantalons rouge de l’armée française du début du siècle sont remplacés par des tenues « bleu horizon », puis par le style camouflage actuel beaucoup plus adapté à la situation de guerre.

Après guerre, les trente glorieuses marquent un nouvel essor qui se ressent dans la vie sociale et économique. Avec les années 50-60 : les modes de vie évoluent, la jeunesse rêve du modèle américain et un bouleversement socio-culturel se prépare. 

Dans les années 70-90: c’est l’explosion des couleurs qui marquent les diversités et une créativité décuplée. Cette émulation se ressent dans le design et la mode (chez les grands couturiers /YSL, comme dans le prêt à porter ).

Puis dans les années 2000-2020, la couleur quitte le devant de la scène. Les couleurs trop marquées, trop vives expriment la vulgarité et dégoûtent. Les papiers peints «vintages » : orange à grosses fleurs des années 70, ont cédé le pas aux tons neutres et sobres.

La monochromie, la sobriété chromatique sont à la mode. Le design d’objet suit la même règle avec l’effacement graduel des couleurs. Les couleurs font fuir. Les tons beiges, écrus, blancs, noirs, gris sont plébiscités par tous les consommateurs.

« Aujourd’hui, la couleur est beaucoup plus facile d’accès qu’elle ne l’était pour nos grands-parents et nos arrière-grands-parents. De ce fait, elle a perdu un peu de sa force et de son attrait. Dès l’âge de trois ans, un enfant reçoit une boîte de feutres pour une somme dérisoire. Il a cinquante feutres et n’apprend plus à mélanger deux couleurs pour en faire une troisième. Il y a donc une perte de créativité, une perte d’attirance probablement pour la couleur. Sociologiquement, les codes – qui existent encore – ne concernent plus l’ensemble de la société. Ils fonctionnent par milieu et par micromilieu. L’historien a du mal à observer ces cycles très courts. De toute façon, cette réflexion ne concerne qu’une petite partie de la population… Le commun des mortels, il n’y a qu’à voir dans le métro, est plutôt toujours habillé de la même manière et toujours des mêmes couleurs : noir, gris, brun, bleu marine, beige… »

Michel Pastoureau – chercheur écrivain

Un univers aseptisé et froid prend possession de nos intérieurs, sans doute pour contrebalancer l’omniprésence des écrans ( téléphone, écrans ordinateurs, téléviseurs, tablettes). En effet, à tout moment, nos yeux sont hyper sollicités par les lueurs vives et criardes des écrans. Nous pouvons sérieusement comprendre qu’une overdose de couleurs puisse s’équilibrer par une absence de couleurs dans nos intérieurs.

Mais, notre génération ne serait-elle pas en train de revenir à la couleur, comme un ras-le-bol de cette tristesse monotone…?

CHASSY Louise DNMADe1 JO – Février 2023

Wes Anderson, un réalisateur qui renouvelle le cinéma

Qui est Wes Anderson et qu’a-t-il de plus qu’un Steven Spielberg ? C’est ce que nous allons découvrir ci-dessous…


Wes Anderson né le 1ᵉʳ mai 1969 à Houston, est un réalisateur, scénariste et producteur américain. Ses films sont reconnus dans le monde, car ils ont des visuels bien caractéristiques.

Wes Anderson n’a pas fait d’études de cinéma, mais il est parti étudier la philosophie à UT Austin où il a rencontré son colocataire et amis Owen Wilson avec qui il a décidé de faire son premier court métrage (avec le frère de Owen; Luke Wilson) « Bottle Rocket » sorti en 1993 et a pu être vu par un producteur de « Gracie films » qui est une société américaine de production de films et de télévision, créée par James L. Brooks en 1986. La compagnie a produit beaucoup de films et séries, tels que Les Simpson. Il a donc pu se lancer dans le cinéma en faisant connaître ses films lors de festivals dédiés.

A travers ses nombreux courts et longs métrages, Wes Anderson a pu explorer le monde de la création en apportant son univers singulier au 7e art (le cinéma).

Il utilise des palettes de couleurs précises, avec des nuanciers recherchés, de sorte que toutes les couleurs soient en harmonie, dans un accord sensible et agréable à la vue.

Mais aussi la symétrie et les cadres carrés, qui rendent ses films uniques et reconnaissables entre mille.

« C’est quelqu’un de très maniaque, qui ne laisse rien au hasard »

Beryl Koltz (réalisatrice belges)

En effet chaque petit détail est pensé, ce qui donne naissance à des décors presque hypnotisants, que l’on a envie de scruter.

On en apprend ainsi plus sur sa minutie, devant ses splendides décors et objets miniatures ; sa passion pour les costumes (dont certains sont même dessinés par sa conjointe, Juman Malouf); ses élans «rétro» avec l’utilisation du pastel et les couleurs, essentielles à l’articulation de ses histoires; son soin particulier pour les typographies. Ses personnages ont des aspirations littéraires.


Sans oublier les maquettes originales que Simon Weisse, artiste français installé à Berlin, fait pour les mises en scène de Wes Anderson, qui démontrent la recherche et la créativité dont à besoin Wes Anderson.


Le tout, bien sûr, enrobé dans un univers fait de « conflits », de « désordre » et de « non-sens », notamment au niveau des dialogues. Certaines informations, futiles, sont rapportées sur un ton extrêmement sérieux, alors que des faits dramatiques peuvent être montrés de manière détachée, ce qui apporte encore une touche d’originalité aux films de Wes Anderson qui sont souvent très dynamiques, grâce à ce décalage tragique-comique.

Pour finir, le style Anderson inspire

Beaucoup de designer d’intérieurs ont trouvé les mises en scène de Wes Anderson intéressantes, colorées et pleine de poésies. Alors, ils s’en sont inspirés pour créer des intérieurs, des pièces de vies pleines d’énergies.

Des photographes ont également créé la tendance « Accidentally Wes Anderson » en créant des images centrées, et avec des nuances de couleurs qui s’accordent parfaitement. 

Wes Anderson n’a pas fini de nous épater avec sa créativité et son originalité, et tout cela nous montre que ce réalisateur marque les esprits contemporains avec ses films très personnels, sensibles et inspirants.


Louise Chassy DNMADE JO 1 – OCT 2022