L’argent ne fait pas le bonheur, mais l’art si !

L’exposition présentée à la monnaie de Paris L’Argent dans L’Art explore les rapports entre l’Art et l’Argent au fil du temps.

L’Art conte, illustre, dénonce, il est le reflet hyperbolique de la société qui lui est contemporaine. Ainsi, l’Or est présenté dans des mythes et légendes, puis comme un objet de désir pécheur, on représente la bourse, on évoque le capital, puis vient le grand questionnement de la valeur de l’art et de l’œuvre.

Une partie de l’exposition fais le focus sur le surréalisme et le dadaïsme. Le nom de Duchamp y est évoqué maintes fois, ses ready-made ont fait tourner les têtes et insufflent dans le monde de l’art des idées nouvelles. C’est cette partie de l’exposition qui m’a fait l’adorer bien que son entièreté vaille le détour. On y retrouve des grands noms mais on plonge aussi dans une époque de remise en question et de jeu avec les limites. Dans la salle résonnent deux voix. Celle de Dali qui nous parle de son amour pour l’argent, « la puissance, l’idée symbolique, l’idée pure de l’argent pour l’argent ». Puis celle de l’oeuvre « Baiser de L’artiste » d’Orlan, qui scande «Baiser de l’artiste, 5 francs ! 5 francs ! allez messieurs dame » comme un poissonnier nous vendrait sa carpe ou son gardon. Je ne savais plus où donner de la tête, mais quel bonheur !

Le vide de Klein ou l’Artist’s Shit de Piero Manzoni sont posés dans une petite vitrine, l’air de rien. Quelle chance de croiser la route de ces icônes, objets de scandales et de mouvement dans le monde de l’art. C’est ces œuvres qui font que l’art me fascine, me dérange un peu parfois mais m’attire incontestablement.

Je finirais cet article par vous raconter l’histoire d’une asperge.

Oui d’une asperge.

L’Asperge, Manet 1880

Il était une fois un collectionneur, Charles Ephrussi, comme nous tous (enfin ceux qui ont du goût) il aimait beaucoup le travail d’Edouard Manet, alors il lui commanda un tableau, celui d’une botte d’asperges. Comme il était généreux, il versa à Manet une somme plus haute que celle convenue. Alors Manet, d’humeur à faire de l’humour, lui fit parvenir un second tableau (ci-dessus), représentant une asperge, solitaire, cette fois-ci. Le tableau vint accompagné de la note suivante « Il manquait une asperge à votre botte ». Le monde de l’art regorge d’anecdotes comme celle-ci et je me devais de vous la faire découvrir.

Sur ce, je vous invite à faire un tour à cette exposition qui vaut le détour !

Merci de m’avoir lue.

Lucie Garcia- DNMADE2 Jo- Avr. 2023

« New Art Nouveau » à Gemgenève, une joaillerie hybride.

Dans la section “Immerging talent” du salon GemGenève, focus sur une joaillière polonaise, Iwona Tamborska. Sur son stand des êtres hybrides, des insectes féeriques et des végétaux enchanteurs se parent de gemmes et d’argent. À mesure d’examinations, les détails des pièces se révèlent et quels détails !


Intriguée et attirée par une évidente inspiration de ses bijoux par Art Nouveau, j’ai pu discuter avec Iwona et en savoir un peu plus sur son parcours. Toujours attirée par la joaillerie mais contrainte par l’inexistence d’école joaillière en Pologne, son pays natal, à l’époque cruciale où l’on choisit son orientation, elle se dirige vers le
métier d’architecte paysagiste. Un cursus où elle étudiera art, environnement, architecture et sociologie. Un accident de travail causa temporairement la perte de sa voix et conséquemment elle eut à subir une opération. Cet événement est un tournant pour elle et l’occasion d’une introspection, l’envie de créer et son attirance pour la joaillerie ne l’ont pas quittée. Après un programme d’initiation à la joaillerie de 4 jours, elle s’engage dans un long processus d’apprentissage autodidacte, qui la mènera jusqu’ici, à GemGenève.
Ne bénéficiant pas de formation du bijou, la joaillière est libre de tout cadre et ose créer sans limite à son imagination. Les légendes, mythes et
religions l’inspirent et son cursus lui a fourni un savoir qui la guide dans
son processus créatif. Elle porte une admiration sans limites aux grands
maîtres de la joaillerie Art Nouveau, Lalique ou Fouquet pour n’en citer
que deux. L’art nouveau apparaît vers 1880 et met à l’honneur la femme, les courbes et par-dessus tout célèbre la nature. Les Opales et femmes-insectes présents sur le stand nous évoquent cette époque, Iwona Tamborska qualifie son style de “New Art Nouveau”, un titre qui nous rappelle que l’innovation ne peut se faire qu’avec une connaissance et un respect du passé.

J’ai pu admirer hors de sa vitrine une pièce d’une grande minutie. Inspirée du signe du Sagittaire et armée d’arc et flèche, la créature ailée aux cheveux faits de plume de paon se trouve sertie de saphirs et d’opales. Transportant avec elle sa prise, une mouche figée dans de l’ambre. La chaîne est constituée d’une myriade de flèches, elle explique “la chaine fait partie du bijou et de son histoire”.


La discussion se conclue sur une dernière question “Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à des aspirants joailliers/créateurs?” et voici sa réponse:

En tant qu’autodidacte on m’a donné tant de conseils, que je n’ai pas voulu suivre, cela ne m’intéressait pas…Alors je ne suis pas sûre de pouvoir moi-même en donner ! Mais je peux dire qu’il est important de savoir ce qu’on veut et ce qu’on aime, on m’a parfois conseillé de produire beaucoup, de faire de la série, je trouve au contraire une vraie satisfaction dans le fait de produire une pièce unique, détaillée qui me correspond et qui m’inspire. Il est difficile de suivre cette voie, il faut de la patience et de la modestie. Mais c’est en fonctionnant ainsi que je suis épanouie et que je suis restée en accord avec moi-même.


GemGenève reste l’occasion de rencontrer des personnalités fortes et de découvrir les coulisses de l’univers passionnant que nous étudions. Nous avons la chance d’avoir accès à des billets, je vous invite donc à vous rendre à GemGeneve quand vous en aurez l’occasion !

Merci de m’avoir lu 🙂

Lucie Garcia – DNMADE24Jo – Octobre 2022

Pixelisé, le nouveau net ?

Le pixel, il se multiplie pour devenir la base des images numériques qui nous entourent.

Dali aussi faisait du pixel art ?

Pour les moins jeunes d’entre nous le pixel évoque une période (révolue ?) du jeu vidéo, avec des jeux d’arcade comme le légendaire Pacman, Centipède ou encore Space invaders. Petit à petit il s’est raréfié dans le monde du jeu vidéo, rétrécissant jusqu’à devenir invisible. Par essence le pixel nous évoque une période rétro, il est limite « vintage ».

Néanmoins son esthétique unique attire l’œil et évoque une certaine nostalgie chez certains. En plus d’être un moyen de se démarquer parmi les productions hypers réalistes qu’on retrouve sur le marché du jeu vidéo, le pixel est un choix stylistique qui influe sur l’ambiance du jeu et parfois sur son gameplay (la manière de jouer en gros). Le pixel art en lui-même est un style qui m’attire énormément, comme une suite logique de la mosaïque antique c’est un style qui reste encore à explorer et à exploiter.

Un jeu qu’on n’a plus besoin de citer c’est Minecraft, le jeu composé de blocs comme une référence au pixel d’autrefois. Mêlant aventure et esprit créatif il n’est plus à présenter, l’intérêt ici est de vous faire découvrir des choses tout de même ! Je vais vous parler rapidement de deux jeux pixelisés qui en valent vraiment le détour.

Unpacking sorti en 2021, le plus récent et le plus court. C’est un petit jeu en qui n’a pas de vraie fonction. Tout est dit dans le titre, on se laisse porter à travers les étapes de la vie d’une jeune fille, on découvre qui elle est en déballant ses cartons de déménagement en déménagement. De son enfance à sa vie d’adulte en passant par ses années d’étudiantes on comprend sa vie et ses objectifs par les objets qu’on déballe. Le jeu réussit la prouesse de rendre attachante une protagoniste qu’on ne voit pas et n’entends pas, et évoque avec adresse l’attachement émotionnel qui se crée entre un objet et nous, en tant que joueur on est presque heureux/ému de retrouver toujours le même nounours dans ces cartons comme s’il nous appartenait. À la façon d’un puzzle, chaque objet trouve sa place, vous en déciderez, et des petites surprises insolites sont cachées çà et là. Vous pouvez donc chercher les objectifs cachés si vous aimez le défi ou bien y jouer simplement sans y réfléchir à deux fois. Chacun saura trouver une part de soi-même dans ce jeu, ce qui le rend assez touchant malgré son concept des plus simples.

Le second jeu que je vais évoquer est un de mes jeux préféré, tellement que je ne trouverais pas de quoi le critiquer si je voulais. Il s’intitule Undertale, c’est l’histoire d’un jeune garçon qui chute et se retrouve dans un monde souterrain peuplé de monstres, un d’entre eux (ou plutôt une d’entre eux) le prend sous son aile. Dit comme ça c’est une histoire des plus basique, ce n’est pas le cas mais je ne pourrais pas plus argumenter sous peine de vous spoiler alors faites-moi confiance.

L’esthétique et le système de combat se démarquent par leur originalité, les musiques sont extras et tout l’univers est extrêmement bien construit. Le protagoniste se déplace de façon relativement linéaire (avant/arrière, haut/bas) et rencontre une myriade de personnages insolites et pleins d’humour avec lesquels il dialogue, une partie d’entre eux combattra le joueur. Une des particularités du jeu c’est qu’il comporte trois fins différentes, tout dépend si vous faites le choix ou non de tuer vos ennemis, le joueur est face à un réel dilemme moral dans un monde où ses actes ont des conséquences. Acheter un biscuit à une assos’ d’araignées vous sauvera peut-être d’une attaque quelques étapes plus tard. Notre « avatar » créer et les liens et des amitiés, tout en découvrant l’histoire du monde dans lequel il est apparu, histoire qui ne peut pas vous laisser indifférent (j’ai versé ma larme à la fin).

 

Et vous, quel jeu vous viens en tête lorsqu’on parle de pixel ?

Merci pour votre lecture !

Lucie Garcia DNMADEJO1 – Avr 2022

Casser un urinoir… mais encore ?

Les musées, lieux de calme et de sérénité où l’art est mis à l’honneur. Néanmoins, ils sont parfois le théâtre de performances inattendues, malvenues même. Dégradations et vandalismes rythment la vie artistique depuis toujours. Le vandalisme est par définition un acte de destruction, il peut être motivé par des idées intolérantes et haineuses, néanmoins ces actes sont parfois revendiqués par certains vandales comme un acte politique, par d’autres comme une contribution artistique.

Andres Serrano posant à coté de son œuvre vandalisée

Outre les actes de pure contestation violente, comme l’attaque au couteau d’Immersion de Andres Serrano, jugée blasphématoire par des manifestants catholiques, on s’intéresse au vandalisme artistique. Celui-ci n’est-il pas plus qu’une agression, mais aussi un acte qui élève l’œuvre ou en crée une nouvelle ?

Foutain de Duchamp

Le cas du controversé ready-made de Duchamp, Fountain, est un exemple assez concret, en 1993 au Carré d’art de Nice, l’urinoir en porcelaine est attaqué. Pierre Pinoncelli l’homme ayant vandalisé l’œuvre se revendique porte-parole du dadaïsme :

« L’esprit dada c’est l’irrespect. »

Bien qu’il exprime une démarche créative son acte est sans aucun doute discutable. On peut considérer que cela suit la ligne directrice de sa carrière artistique composée de happenings, comme par exemple, une manif anti-pain ou bien une attaque au pistolet à peinture du ministre de la culture André Malraux.

Il explique :

« achever l’œuvre de Duchamp, en attente d’une réponse depuis plus de quatre-vingts ans […] un urinoir dans un musée doit forcément s’attendre à ce que quelqu’un urine dedans un jour. »

Ainsi Pinoncelli se revendique en plein dialogue avec l’artiste original, c’est un motif répétitif dans le vandalisme.

L’art n’est-il pas constamment en mouvement ? Ainsi peut-on réellement condamner cette volonté de faire vivre l’œuvre en la faisant évoluer ?

La question se pose et pourtant le geste de Pinoncelli reste majoritairement condamné, cela à juste titre. Outre son beau discours les actes en disent plus que les mots : il urina dans la Fountain et l’ébrécha à l’aide d’un marteau, souillant et détruisant partiellement l’œuvre. Un dialogue avec M. Duchamp exigerait tout de même du respect pour ce dernier et pour son œuvre ? Non ?

Alors entre dialogue et dada on ne sait plus où donner de la tête.

« J’ai déposé un baiser. Une empreinte rouge est restée sur la toile. Je me suis reculée et j’ai trouvé que le tableau était encore plus beau… Vous savez, dans cette salle vouée aux dieux grecs, c’était comme si j’étais bercée, poussée par les dieux… Cette tache rouge sur l’écume blanche est le témoignage de cet instant ; du pouvoir de l’art. »

L’artiste Rindy Sam revendique un appel de la toile à l’embrasser, elle l’explique dans la citation ci-dessus. Ainsi cette dernière à laisser une trace de rouge à lèvre vermillon sur un monochrome de Cy Twombly. Contrairement à Duchamp, Cy Twombly étant toujours présent au moment des faits il a réagi à l’acte, et ce de façon plutôt négative.

Les œuvres vandalisées peuvent-elles devenir de nouvelles œuvres si l’artiste original ne cautionne pas l’acte ? Cela soulève une question plus large sur la propriété dans le monde de l’art, juridiquement le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre permet aux artistes de contester des modifications de leurs œuvres, c’est pourquoi Rindy Sam fut poursuivi en justice. Pour Anish Kapoor, artiste Britannique ayant exposé dans la cour du château de Versailles, le vandalisme que son œuvre a engendré fait par contre partie intégrante de celle-ci. Dans une interview au Figaro il explique :

« Ce vandalisme aveugle prouve le pouvoir de l’art qui intrigue, dérange, fait bouger des limites. Si on avait voulu souligner sa portée symbolique, voilà qui est fait comme jamais auparavant. »

Dirty Corner à Versailles, lorsqu’elle n’était pas encore vraiment « dirty.

En vandalisant une œuvre d’art on admet son influence et son importance, si l’œuvre n’était pas sacralisée auparavant, le vandalisme s’en chargera. L’œuvre porteuse d’un message fort est utilisée pour propulser d’autres messages sur le devant de la scène, que ces derniers soient fondés sur une volonté de faire le bien ou non. Ainsi, Dirty Corner restera affublé d’inscriptions haineuses, comme un symbole de la force de l’art et de son impact, dénonçant au passage les travers humains et le racisme encore trop présent.

Cela nous invite à une interrogation, peut-on trouver du bon dans un acte qui a pour seul but de nuire ?

Merci de m’avoir lu !

Lucie Garcia DNMADEJO1 – Fev 2022

Journal d’un fou

Le Horla… un titre qui vous évoque surement des souvenirs du collège et des lectures obligatoires en classe de français. Rassurez-vous, pas de dissert ou de fiches de lecture cette fois, dépoussièrez vos recueils et bonne lecture !

Le Horla est une nouvelle de Guy de Maupassant, un écrivain du 19e siècle qui a marqué l’histoire de la littérature, mais ça vous le savez surement déjà. La nouvelle relate, sous la forme d’un journal intime, la vie du narrateur. Du 8 mai au 10 septembre, ce dernier couchera ses pensées et inquiétudes sur le papier, tentant de déterminer la nature de ses angoisses : folie ou surnaturel ?

En effet, un mal inconnu inexpliqué par les médecins le ronge et prend la forme du Horla, entité invisible et malveillante. C’est une des premières nouvelles qui évoque les troubles psychiatriques d’un point de vue interne, on rappelle que le fou est humain. 

Le narrateur semble répondre, dans son monologue intérieur, à la question précédente :

 “depuis que l’homme pense, depuis qu’il sait dire et écrire sa pensée, il se sent frôlé par un mystère impénétrable pour ses sens grossiers et imparfaits, il tâche de suppléer par l’effort de son intelligence, à l’impuissance de ses organes. Quand cette intelligence demeurait encore à l’état rudimentaire cette hantise des phénomènes invisibles a pris des formes banalement effrayantes. Delà sont nées des croyances populaires au surnaturel, les légendes des esprits rôdeurs, des fées, des gnomes, des revenants, je dirais même la légende de Dieu […]”

À l’époque où la science se penche à peine sur la psychopathologie, cette nouvelle explore les mystères de l’esprit humain et la fine limite entre fantastique et inexpliqué. Les histoires fantastiques prenant en compte les avancées scientifiques incomplètes de l’époque, y mêlent une part de surnaturel. Le narrateur semble parfaitement rationnel et lucide quant à la tendance de l’Homme à expliquer l’inconnu par le prodigieux pourtant…

Le Horla « Hors » et « là », le personnage à l’image de son nom est un paradoxe.

Il est important de savoir que Maupassant écrit cette nouvelle en étant déjà victime de troubles psychologiques causés par la syphilis. Ces écrits sont pour lui une façon d’analyser la folie qui l’entoure et le mal dont il s’inquiète de souffrir. Penchons-nous un court instant sur les phénomènes parfaitement explicables à l’aide des clefs que nous procurent les avancées scientifiques de notre époque.

Le narrateur dans un demi-sommeil :

 “je veux crier – je ne peux pas – je veux remuer – je ne peux pas – j’essaie avec des efforts affreux en haletant de me tourner de rejeter cet être qui m’écrase et qui m’étouffe – je ne peux pas”

Si vous l’avez déjà vécu vous reconnaitrez, par cette description précise, un épisode de paralysie du sommeil mais ce n’est là qu’un exemple, nombre de troubles sont dépeints ; Dépression (autrefois appelée mélancolie), paranoïa, dédoublement de la personnalité et hallucinations. Le Horla, créature parasite qui s’empare de la vitalité de ses victimes durant leur sommeil serait à l’origine de tout cela ? Le narrateur apprend dans la “Revue du monde Scientifique” que la créature sévit au Brésil, elle serait donc bien réelle ? L’auteur met le lecteur dans une position inconfortable, le doute s’installe. En jouant ainsi avec le lecteur Maupassant ne nous permet pas uniquement de nous identifier au narrateur, mais il nous emmène en 1887 et nous place au cœur des débats scientifiques de l’époque. En effet la nouvelle par son ambiguïté, les illustre à merveille et ceci s’explique par l’intérêt de l’auteur pour les différents travaux sur le sujet.

À cette époque, le monde scientifique c’est scindé en deux puisque deux médecines débattent : Spiritualisme et Organicisme. Pour faire court, le médecin spiritualiste expliquait les maux par des entités indépendantes de la matière et dont l’existence ne peut être prouvée (des entités comme le Horla). Tandis que le médecin organiciste suivait la doctrine d’après laquelle toute maladie a son origine dans la lésion d’un ou plusieurs organes, l’anatomie prime.

Notre narrateur semble osciller entre les deux médecines, il imagine le Horla mais, néanmoins, va chez son médecin et suit les prescriptions de ce dernier.  Ainsi, Le Horla se place en tant que reflet de la communauté scientifique de l’époque, il augmente la condition du fou en l’humanisant et développe les idées fortes des courants de pensée du milieu du 19e en les opposant avec habileté.

Les classiques sont parfois considérés comme un peu rebutants, compliqués ou trop datés… Mais ils s’avèrent souvent absolument passionnants et chargés d’histoire !

Merci de m’avoir lu 🙂

Lucie Garcia- DNMADE14Jo- Dec. 2021

Laissez-vous emporter par La Spirale…

Halloween approche, c’est pour moi l’occasion parfaite de vous parler de cette lecture récente qui m’a beaucoup séduite. 

Spirale, ou Uzumaki en japonais, est un manga de Junji Itō, le maître de l’horreur japonais. Bien qu’il fut publié en 1998, le manga est de nouveau disponible en librairie à l’occasion d’une réédition, c’est donc le moment idéal pour le (re)décourvrir ensemble, non ?

Des amants fusionnels, un grain de beauté enivrant, un étrange phare… Dans cet ouvrage de courtes histoires s’assemblent pour n’en former qu’une : celle de la bourgade de Kurouzu où, petit à petit, d’étranges phénomènes prennent place. En effet, la ville est victime d’un mal profond, terrible et indicible : La Spirale.  Loin des clichés de l’horreur, l’auteur ne mise pas, enfin pas dès le départ 🙂 , sur des dessins sanglants pour perturber son lecteur mais laisse plutôt un doux mal être s’installer, dans la ville comme chez ce dernier.

« Mais quand nous cessâmes de leur résister [..] Mes cheveux prirent la forme de spirale »
Comme nous parlons d’un manga il est important d’évoquer le style graphique, celui-ci est particulièrement agréable à l’œil et c’est ce qui m’a poussé à acquérir ce livre.

En effet les visages doux des personnages et les représentations perturbantes des victimes de La spirale s’équilibrent pour immerger le lecteur dans la malédiction tourbillonnante qui atteint le village.

Tel quel, le manga vaut le détour et est très agréable à lire. Mais ce n’est pas tout, en effet une fois la lecture terminée on nous propose un essai de Masaru Sato, ancien diplomate et écrivain, traitant de Spirale. Une autre dimension s’offre à nous et permet une double lecture. Un parallèle se crée entre Spirale et la société Japonaise, la société capitaliste dans laquelle nous vivons en général. En proposant une relecture complète de l’ouvrage où “Spirale” deviendrait “Capital”.

La spirale appelle la spirale, plus les gens vont dans son sens plus la malédiction se propage, elle se nourrit des souffrances et de la haine des habitants entre eux. En effet les habitants, tous victimes de la spirale se liguent les uns contre les autres, c’est leur individualisme qui les tuera et fera d’eux des monstres de la spirale. Ça ne vous rappelle rien ? Le discours d’un certain économiste russe peut être ?

Un autre exemple très concret du parallèle s’observe avec cet extrait du livre premier du Capital de Karl Marx;

Je vous l’accorde: Beurk.

En tant que capitaliste, il n’est que capital personnifié ; son âme et l’âme du capital ne font qu’un.

Je me permets un léger spoil visuel afin d’appuyer mon propos (ne m’en voulez pas) avec ce panel du manga qui semble avoir été dessiné pour illustrer la phrase précédente. Monsieur Saito n’as qu’un but : fusionner avec la Spirale.

Ainsi pour ses visuels, son message critique et son intrigue je vous invite à jeter un œil sur cet ouvrage, le genre du manga gagne en popularité mais reste parfois jugé “enfantin”, j’espère vous avoir démontré le contraire aujourd’hui.

À votre avis, sommes-nous destinés à sombrer comme les habitants de Kuzouru sous l’influence de la Spirale/Capital ? C’est la question que l’œuvre semble inviter le lecteur à se poser et sur laquelle nous pouvons, nous aussi, engager une réflexion.

Merci de m’avoir lu !

Lucie Garcia- DNMADE1 Jo- Oct. 2021