Qui n’a pas rêvé une seule fois de faire un bond dans le passé tout en sachant ce qu’il sait aujourd’hui ? Quels choix feriez-vous ou ne referiez-vous pas ? Que se passerait-il si nous supprimions certains faits, certaines erreurs que nous avons commises ? Serions-nous plus heureux ? Et s’il suffisait de prendre un chemin plutôt qu’un autre pour que notre destin en soit à jamais bouleversé ? Tous ces dilemmes nous retournent la tête lorsqu’il s’agit de prendre une décision forte !
Des questions qui, je suis sûr, ont déjà tourmenté un bon nombre d’entre vous. C’est ce thème que Jirô Taniguchi a choisi d’aborder dans « Quartier lointain », un pavé composé de très belles planches noires et blanches, à cheval entre le manga et la bande dessinée qui nous invite à voyager dans le temps, au plus profond de nous-même.
A travers cet ouvrage, nous basculons aux côtés d’Hiroshi, 48 ans, marié et père de deux enfants, qui se retrouve après une nuit un peu trop chargée en Saké, dans la peau de l’adolescent qu’il était, avec gravés dans sa mémoire, tous les évènements de son passé qu’il doit à présent revivre avec son regard d’adulte. Fortement désorienté au départ, un sentiment d’exaltation le prend soudainement. Il y voit alors comme une seconde chance d’effacer les cicatrices de son passé et de réparer les erreurs qui le tourmentent encore aujourd’hui : la mort de son meilleur ami dans un accident de moto, son premier amour, la belle Tamoko qu’il n’a jamais osé aborder, et surtout l’évènement qui déchira sa famille en deux, la disparition de son père qui abandonna le foyer familial et laissa sa mère dans un chagrin profond.
Mais plus il s’aventure dans cette quête de rédemption, plus la tâche s’avère difficile : qu’il est dur d’être adolescent et d’assumer la lourde tâche d’être un homme adulte ! Hiroshi se rend vite compte que chaque choix qu’il fait, chaque chemin qu’il décide de prendre a son importance et conditionnera le reste de sa vie.
Même si sa volonté de rattraper ses erreurs est prédominante, est-il si rationnel d’aller à l’encontre du temps ?
Avec « Quartier Lointain », Taniguchi nous touche profondément, cette mélancolie omniprésente comblée à ces magnifiques dessins parviennent à créer efficacement de l’émotion. Il nous questionne sur l’importance de nos choix, notre parcours, notre famille, nos amis, nos erreurs, nos doutes, nos rêves et au sens plus large sur notre vie qui en découle.
Cette œuvre propose des thèmes universels qui sont susceptibles de parler à beaucoup, peu importe l’âge ou la culture. L’histoire de Taniguchi est un conte intelligent, délicat et profond, son rythme lent est propice à l’introspection, et je ne peux que le conseiller à tous ceux qui sont capables de se laisser porter par un récit, voire d’aller plus loin en s’identifiant pleinement au personnage.
S’il y a bien un manga qui pourrait ouvrir la porte de cet univers graphique aux néophytes du genre (dont je fais partie), c’est bien « Quartier Lointain ». En effet, je n’avais personnellement jamais lu un manga avant celui-là, j’étais même réticent à l’idée d’en ouvrir un ; force est d’admettre qu’il m’a agréablement surpris (malgré une fin un peu trop prévisible à mon goût…).
« Si je pouvais de nouveau vivre ma vie, je courrais plus de risques, je voyagerais plus, je contemplerais plus de crépuscules, j’escaladerais plus de montagnes, je nagerais dans plus de rivières…
Au cas où vous ne le sauriez pas, c’est de cela qu’est faite la vie, seulement de moments : ne laisse pas le présent t’échapper. » Jorge Luis Borges
Nicolas MARGONARI – DNMADE 23HO – Décembre 21