Parlons peu, parlons art, parlons écologie !


« Et c’est à ce moment-là, en le ramassant et en le retournant dans vos mains, que vous avez réalisé que vous aviez là quelque chose de vraiment mortel. Mais c’était quelque chose que vous pouviez démonter, que vous pouviez déconstruire. C’était un matériau que vous pouviez utiliser pour le façonner et en faire une déclaration. »

groupe Ghost Net

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JGM Gallery en Australie « incoming tide »

Plongez au fin fond des océans au travers de merveilles de la nature, d’animaux, de coraux et de plastique!

Ce n’est pas la fin que vous attendiez ? et bien c’est exactement le but recherché au travers des œuvres du groupe d’artistes que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Alors, on parle écologie?



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RAIE AIGLE ORNÉE, 2022
Filet fantôme, corde de plage et cadre métallique
77cm x 87cm x 13cm



Le groupe « Ghost Net » est un collectif qui rassemble des artistes australiens, autochtones dans un travail autour de la faune marine dans une nouvelle exposition : incoming tide (qui signifie marée montante), avec une nouvelle manière d’alerter sur les problèmes écologiques en nous transportant au fin fond des océans à travers l’art et de somptueuses sculptures imposantes, extravagantes et plastifiées !

Leur but ? dénoncer l’un des plus gros problèmes écologiques : LE PLASTIQUE dans les mers et océans, et plus précisément les filets fantômes.

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Les œuvres d’art sont faites à partir de filets de pêche appelés aussi « filets fantômes » qui sont des objets dangereux mais surtout qui sont invisibles au travers des profondeurs océaniques , causant la mort de tellement d’espèces aussi petites que gigantesques.

Cette gamme de déchets dits « fantômes » représenteraient 46% du continent de plastique du Pacifique Nord. Des filets que les pécheurs perdent ou qui, lors d’une pêche illégale, vont être abandonnés volontairement dans les abysses des mer et océans, et qui viennent s’échouer avec les marées montantes sur les plages (d’où le nom de l’exposition).

Les engins fantômes représenteraient 10% de la pollution marine. Ce qui est énorme ! (Greenpeace)

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FRAGMENT DE RIDEAU 1, 2021/2022
Filet fantôme et corde de plage
155cm x 110cm

Des oeuvres qui dénoncent et que je trouve très intéressantes personnellement, par le fait qu’elles représentent plastiquement l’être tué avec l’objet tueur. Cette oeuvre montre bien cette idée que le filet est dangereux pour toutes les espèces, les oiseaux, les coraux, les poissons. Les prédateurs deviennent des proies à cause de l’homme. C’est une oeuvre qui fait réfléchir sur l’impact de l’homme sur la faune marine. Mais à une échelle plus réduite si l’on réfléchit à nos propres actions, on se dit alors que l’on peut faire des choses, l’oeuvre marche, on peut recycler, réutiliser, avant même de devoir les ramasser sur les plages.. !!! . On peut à notre petite échelle, et si l’on se relie tous, faire beaucoup.

Plusieurs associations ont été créées pour justement recycler ces objets fantômes. Le groupe d’artistes récupère ces tonnes de filets recyclés pour les tisser autour de tiges métalliques et recréer ces animaux des mers et océans.



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Jimmy K. Thaiday, ‘Kenny’, 2022, 152cm x 48cm x 54cm

Ce sont des sculptures colorées, entremêlées, représentant des animaux marins. L’objet se forme par un tissage, comme le filet qui s’enroule autour du corps de l’animal, poissons, requins, raie Manta..  Des sculptures imposantes et colorées qui attirent et percutent l’œil, qui alertent, voguant, toutes espèces confondues, dans la même direction : la mort. C’est alors une métaphore. L’objet tueur, prédateur se transforme alors par le prisme de l’art et de la sculpture en proie océanique.

Plus qu’une œuvre qui dénonce, une œuvre qui agit.

Cette exposition a été installée à la JGM Gallery en Australie de septembre à octobre 2022.

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Cette exposition ne réprésente qu’une partie de l’art du ghostnet, soyez curieux, n’hésitez pas à vous renseigner, et à aller voir ces somptueuses sculptures tissées.

Pour en savoir plus sur les filets fantômes.https://blog.sinplastico.com/fr/toute-la-verite-sur-les-filets-fantomes-les-dechets-plastiques-marinsles-plus-dangereux-puor-les-animaux/

Et sur le travail du ghost net : https://www.museum-lehavre.fr/fr/expositions/lart-des-ghostnetshttp://www.artsdaustralie.com/ghostnet.html



Noelie. C – DNMADE2 – Octobre 2022

Ariane Mnouchkine et le théâtre du soleil

« Le théâtre est un endroit où le monde se revit, se pense et donc d’une certaine façon se transforme, en tout cas où les forces de transformation peuvent être invoquées, partagées et donc peuvent se répandre de façon très modeste, très mystérieuse, d’une façon que je pense, moi, incontestable » 

Ariane Mnouchkine

Ariane Mnouchkine

Et si on parlait théâtre? Que vous soyez connaisseur ou non de ce domaine si riche qui constitue une grande partie du spectacle vivant, qui nous immerge dans un monde complètement différent par ses costumes, ses décors, ses écrits et ses actes.

Je voudrais vous faire découvrir ou redécouvrir l’une de ces troupes que l’on pourrait qualifier de « star »ou bien encore de « référence » de notre siècle dans le milieu du théâtre. Dirigée par Ariane Mnouchkine, grand metteur en scène reconnue, une troupe fantastique qu’elle a fondée il y a quelques années de cela et qui est  devenue incontournable : La troupe du théâtre du soleil.

Théâtre du Soleil, « AGAMEMNON »

J’avais envie de vous en parler suite à un cours de théâtre qui m’a énormément marqué. Encadrée par un membre fort de la troupe du théâtre du soleil, qui nous a guidé comme l’aurait fait Ariane et qui  m’a fait percevoir l’espace scénique et le jeu corporel d’une tout autre manière. Et qui nous a appris ces notions de transmission, de partage,  qui sont les piliers et une chose est essentielle à retenir de cette troupe.

Créée en 1964 par Ariane Mnouchkine, la troupe du théâtre du soleil s’est très vite lancée dans la rénovation en 1970, et s’est installée dans ce qui allait devenir sa demeure, son terrain de jeu, de travail, connu de tous : Les anciennes cartoucheries de Vincennes. 

Assister à une pièce de la troupe du soleil, ce n’est pas seulement assister à un spectacle, c’est vivre une expérience sociale et de partage. (Un repas est fait par la troupe pour les spectateurs avant la représentation, les acteurs discutent avec les spectateurs, il y a vraiment cette notion de partage, ça vaut le coup !). 

Ce sont des pièces engagées que nous présente la troupe au travers de scénographies imposantes, spectaculaires et prenantes ; Un spectacle qui nous plonge entièrement dans un univers si particulier où la patte de la metteur en scène est reconnaissable entre mille. Des pièces qui ont fait le tour de la planète. 

« Le théâtre a charge de représenter les mouvements de l’âme, de l’esprit, du monde, de l’histoire. »

Une mise en scène mettant en valeur un jeu corporel essentiel avec de grands gestes, où les émotions sont transmises au travers du corps. Les pièces du théâtre du soleil sont aussi mêlées de chorégraphies, d’effets sonores, de paroles, de jeu avec des accessoires. (Agamemnon). Ceux-ci guident le jeu, se déplacent, dynamisent les actes, redéfinissent l’espace scénique, amènent aux gestes fluidité, brutalité, délicatesse, intensité… Le plateau tourne, est en mouvance constante, les décors imposants sont animés par les acteurs. Ils parviennent même à jouer comme des marionnettes guidées par d’autres acteurs (tambour sur la digue). Un mode de jeu qui fait réfléchir et qui pousse le corps encore plus loin.  

Un jeu spectaculaire d’une grande précision, des déplacements millimétrés. Le travail de Mnouckine est palpable derrière ces pièces parfaitement orchestrées. Des indications justes qui nous amènent vers une pièce captivante et intense qui marque les esprits et façonne la réputation de cette si grande troupe. Une troupe qui interroge le théâtre, le redéfinit.

C’est une immersion complète dans un univers décalé, reprenant de grands classiques, Molière, les Atrides et tant d’autres. Des pièces incontournables, pérennes avec cette touche en plus, celle d’Ariane Mnouchkine et sa troupe du théâtre du soleil. 

Travailler dans la troupe du théâtre du soleil, ce n’est pas seulement être dirigé par une seule personne, c’est un travail collaboratif important, une vie en communauté, chaque avis, toute personne est importante. (Une chose importante à savoir aussi, chaque personne touche le même salaire, quelque soit son ancienneté et son statut). C’est là qu’elle fait aussi la différence humainement parlant !

Alors si vous êtes sensible au théâtre, courez à la cartoucherie, prenez vos places, ouvrez grands vos yeux, buvez les vers et appréciez le moment. 

Si cela vous intéresse, je vous conseille de regarder le film :  Ariane Mnouchkine, l’Aventure du Théâtre du soleil.

Je vous mets quelques extraits pour que vous puissiez comprendre ce travail exceptionnel et être curieux. Bon visionnage !

https://www.youtube.com/watch?v=N5RXsjTU34M

Noélie C. – DNMADe1 Jo – Avril 2022

Et si le corps disait bien plus que les mots ?

« Il ne s’agit pas d’un art, ni même d’un simple savoir-faire. Il s’agit de la vie, et donc de trouver un langage pour la vie » 

Pina Bausch

Avez-vous déjà essayé de laisser votre corps s’exprimer ? Laisser vos membres bouger au rythme de la musique ? Laisser vos mouvements mettre en exergue vos émotions ? Non ? Et si vous lisiez cet article, vous pourriez peut-être voir la danse d’une toute autre manière.

La même scène répétée sans arrêt, le même geste brutal, la même incompréhension qui s’en dégage comme dans une tourmente. Une danse folle entraînée par une rengaine dans un jeu corporel libre, personnel, puissant, empli d’émotion. Un spectacle envoûtant, perturbant, complexe. C’est là l’entièreté du travail si captivant et délirant d’une des plus grandes chorégraphes du XXème siècle, pilier de la danse contemporaine, dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui. Son nom, Pina Bausch

Si vous ne la connaissez pas je vous conseille de vous pencher un peu plus sur cette femme au regard impassible d’une prestance sans nom. Créatrice de ce que l’on pourra appeler la danse-théâtre, une danse à l’encontre de tous les codes conventionnels, liant danse contemporaine et théâtre, Pina fait partie de ces gens qui ont changé la vision de la danse, qui lui ont apporté une profondeur bien plus intense que la simple beauté du geste. Il s’agit de travailler le geste, dans sa totalité, explorer toutes les fonctions anatomiques du corps, d’amener le mouvement jusqu’au bout des doigts, de manière à le faire parler, exprimer les émotions des danseurs. Une émotion à double sens qui transcende autant le danseur que le spectateur, plongés tous deux dans des scènes de la vie quotidienne et de la vie de couple dans sa violence la plus belle.

Pina a, dans les scènes qu’elle présente, des situations d’amour intense, charnel, de violence, de déchirure, de haine. Des scènes qui se répètent en boucle, s’accélèrent, se revivent. Des danses, des situations où les cris, les sons appuient le geste. Un mélange de questionnement, de beauté singulière, de folie se dégage de ses œuvres. Le corps alors parle.

Notre chorégraphe a une manière bien à elle d’appréhender la danse et ses danseurs. Tout ce qui peut être présent sur la scène a son importance, décors, danseurs/acteurs. Elle met en avant l’individu dans la pluralité, chaque danseur a son importance. Une danse dans laquelle le ressenti, ce questionnement de beauté singulière et de folie se dégage au travers d’une introspection, d’une dualité, qui se dévoile à nos yeux. Pina Bausch n’impose pas de mouvements, elle soumet une situation à laquelle les danseurs réagissent et pour laquelle ils donnent leur propre interprétation la plus profonde et la plus pure. Elle les pousse, allant même jusqu’à les faire danser les yeux fermés, pour mieux ressentir les émotions, les laisser s’exprimer. Ils agissent alors dans une démarche de quête intrinsèque, et laissent parler leur corps. La situation sera amenée différemment pour chaque danseur, sous les yeux aguerris de Pina Bausch. C’est là toute  la subtilité du travail de la chorégraphe, qui ne monte pas de toute pièce ces tableaux  qui parlent, mais qui sublime le travail de ses danseurs en le poussant toujours plus loin.

La danse peut alors être perçue comme une thérapie dans laquelle le danseur prend conscience de l’entièreté de son corps et de ses émotions. Une pièce qui marque une quête du danseur, de l’homme, du « je » du « nous ».

Il ne suffit pas de danser pour danser, il faut donner du sens à chaque geste, chaque expression, chaque pas comme nous le ferions dans une phrase.

Pina Bausch, m’a permis de comprendre certaines subtilités de langage que notre corps avait à nous offrir, comprendre qu’il n’était pas seulement source de beauté. J’ai aimé sa folie, son audace dans sa façon de travailler, de partager ses idées.

L’avis de chacun , aussi subjectif soit-il , mènera toujours au questionnement face à ce qu’il vient de voir ; c’est là la force des mots dansés de Pina Bausch. Une situation floue qui peut pour autant être perceptible et interprétée de mille façons.  

Fermez les yeux, vivez, ressentez, laissez votre corps dire ce qu’il a envie d’exprimer

Alors ? Qu’attendez-vous ? Dansez !!!

Cabrol Noélie, DNMADE Jo 1, Février 2022

Wallace Chan : Des bijoux et deux cultures

Un subtil mélange d’Orient et d’occident, de folie et de somptuosité. Amateurs de joaillerie et de pierres fabuleuses, vous devez sans doute connaître le nouveau virtuose du XXI siècle « Wallace Chan »!

Si ce n’est pas le cas, cet article est pour vous !

J’ai décidé aujourd’hui de vous parler d’un de ces grands artistes joailliers chinois, qui s’installent et s’ancrent peu à peu depuis quelques années, sur les marches de l’excellence joaillière mondiale.  Un artiste que j’apprécie pour son audace et sa folie. Influent grâce à des pièces toujours plus exubérantes, par ses techniques. Un artiste qui tout en nous offrant des bijoux modernes presque innommables, s’imprègne pour autant d’un savoir-faire ancestral venu d’Orient et d’une technique parfaite venant de l’Occident. Le but ? Redonner de l’espoir à une culture et ses fondements tout en y ajoutant un renouveau, allier futur et passé dans notre présent.

Avant tout, un peu d’histoire. A la suite de la révolution culturelle dirigée par Mao dans les années 60, le régime, qui protégeait la pensée communiste, a annihilé les idées traditionnelles de la culture chinoise, comme diverses manifestations de l’art populaire (peinture, encre, joaillerie, sculpture…). Les artistes ont été brimés, arrêtés, torturés. La chine a perdu son savoir faire ancestral.

Mais, depuis quelques années, la culture chinoise s’est tournée vers l’Occident pour se réapproprier nos techniques et c’est un véritable succès.  On voit l’émergence des grands créateurs chinois avec des pièces exceptionnelles, qui remettent en exergue le savoir-faire de cette culture orientale en revenant aux fondamentaux (jade, sculpture…) tout en y ajoutant une touche occidentale, qui atteint toutes les cultures.  Pour la Chine, il y a l’idée d’un savoir-faire artistique qui se réaffirme et se revendique peu à peu.

Mais alors qui est ce fameux Wallace Chan ? Quelles sont ses motivations ? D’où vient son esthétique si singulière, avec des créatures sortant tout droit de récits fantastiques ?

Wallace Chan

Wallace Chan, est un de ces nouveaux grands maîtres, qui vient casser les codes des pièces standards dans le milieu de la haute joaillerie. Un artiste de 65 ans, sculpteur qui est basé à Hong Kong, qui crée des pièces uniques, somptueuses, mêlant sculptures, 3 dimensions, couleurs éclatantes, rêve et féérie, avec des pierres et des matériaux uniques.

L’artiste est notamment connu, pour avoir renouvelé la glyptique et ses traditions. Il a créé une taille de pierre qu’il a brevetée : « La wallace cut ». Il nous offre de même, de nouvelles techniques en céramique. Wallace Chan aime jouer avec les nouveaux matériaux, les couleurs peu conventionnelles en haute joaillerie (Titane, anodisation…)

broche paon

«Mes bijoux racontent une histoire, dit Wallace Chan, chacun est un message, un symbole ».

Avec des bijoux qui s’inspirent de la faune et de la flaure, créateur de formes avec une touche de magie, des poissons, des papillons, des libellules, des paons, des fleurs sortant d’un jardin magique, issus de la tradition chinoise.

Dans un bijou  en mouvance constante par ses courbes parfaitements agencées,  il vient combiner art, nature et évolution dans des pièces hors normes.

Je défie qui que ce soit de ne pas se trouver émerveillé après avoir vu de telles pièces de haut vol.

Wallace Chan, un talent qui est l’exemple parfait d’une technique qui ne cesse d’évoluer et d’une inspiration traditionnelle qui ne s’épuise pas.

technique wallace cut

Broche en Jadéite (pierre ornementale qui était autrefois réservée la famille royale)

 

https://www.wallace-chan.com

 

 

La Chine ne cesse de nous offrir des artistes enclins au renouveau, désireux d’extravagance, d’évolution et d’innovation technique, dans une démarche où le savoir-faire ancestral et la tradition restent le pilier.

Tous ces créateurs gardent l’âme de leur art, tout en parvenant à le moderniser, en usant des toutes dernières technologies à la pointe, c’est ce qui fait leur unité, leur force.

On peut citer encore parmi d’autres artistes chinois avec une sensibilité qui me touche, Beau Han Xu,Anabela Chan, Michelle Ong, G Suen, Anna hu,  TTF,  Cindy Chao, Feng Ji et tant d’autres  noms que vous devez connaître, et qui s’établissent sur la même force créative. Soyez curieux allez explorer leurs univers fantastiques et exceptionnels !

Noélie Cabrol-DNMADE14Jo- Décembre 21

« Modigliani, dans quelle mesure la création relèverait-elle du palimpseste ? »

Amateurs d’art, et de mots tarabiscotés, cet article peut tout à fait vous correspondre, et vous faire voir les choses d’un nouvel œil !

Amedeo Modigliani (1884-1920)

On peut se demander en quoi l’art semble être essentiellement réécriture. D’abord, du fait de l’inspiration de l’artiste mais aussi des influences. Paradoxalement, dans la création artistique, l’originalité n’exclut pas la part de la dette envers des influences, des modèles dont l’artiste s’inspire et s’affranchit tout à la fois. 

Ce que je voudrais montrer c’est qu’il y a presque toujours une notion de palimpseste dans un processus créatif. Pour autant, l’originalité dans l’œuvre d’art est présente malgré la réécriture.

Je vais utiliser ici l’exemple de l’artiste peintre et sculpteur Amadeo Modigliani, artiste du XXème siècle, au style graphique très caractéristique, avec son tableau « La femme aux yeux bleus », une œuvre qui reflète une certaine réécriture dans la création artistique à travers diverses influences très lisibles.

Pourquoi Modigliani ? Parce que son œuvre illustre le processus créatif, double avec son héritage et sa singularité.

Mais?  Qu’est ce que le palimpseste?!  Au sens premier, un palimpseste est une réécriture sur un parchemin dont on a effacé un premier texte pour le réutiliser, et où l’on peut parvenir à voir les lettres en transparence. Au sens figuré, dans le domaine de la littérature et des arts, le palimpseste est la réécriture, consciente ou inconsciente.

Pour ce qui est de la réécriture consciente : On peut user du palimpseste à travers divers procédés comme les parodies ou les pastiches : la parodie est une imitation satirique du modèle, tandis que le pastiche est l’imitation d’un styleA contrario, dans le cas de la réécriture inconsciente ou semi-consciente, le palimpseste relève d’un processus involontaire. L’artiste ou l’écrivain est guidé par des influences, des modèles qui ont participé à sa formation.

 » La femme aux yeux  bleus »                        Modigliani

Le tableau de La femme aux yeux bleus,(vers 1918) est le portrait de Jeanne Hébuterne, une femme au visage pur et délicat, avec des traits fins et percutants. Le visage nous capte entièrement, avec des yeux bleus, d’une immensité profonde. Ce portrait amène un sentiment d’inachevé, de silence où l’on ne perçoit pas bien le contraste entre le malheur et la sérénité, entre le rêve et le silence de la mort. On peut penser que le peintre a une part d’ombre en lui, quoique lumineuse !

Grâce à une enquête approfondie, quand on cherche plus loin sous les coups de pinceaux ingénieux de l’artiste, on décèle dans l’œuvre de Modigliani une inspiration faite de rencontres, de diverses influences, ce qui confirme l’idée du palimpseste.

Ce que j’ai pu observer dans un premier temps, c’est que l’on reconnaît l’influence ou le souvenir de Cézanne, admiré de Modigliani, par la gamme chromatique. Chez Cézanne, le contraste des couleurs chaudes et froides, de l’ocre et des verts-bleus, gris, violets.  Même contraste ou complémentarité dans La Femme aux yeux bleus (sa peau / ses yeux bleu-vert et l’arrière-plan bleu-vert, avec des nuances fondues de jaune, de gris-noir vers le bas du tableau).

Les Grandes Baigneuses . Paul Cézanne

 Si nous nous interrogeons sur l’effet produit, des intuitions viennent à nous. D’après la résonance entre l’iris bleu-vert et l’arrière-plan, Modigliani aurait-il voulu sublimer cette couleur ?  La mélancolie ou la rêverie n’émanent-elles pas (entre autres) de ces couleurs froides quoique lumineuses ?

masque africain Fang

On sait combien l’art primitif africain a nourri nombres d’artistes, dont Modigliani, plus précisément les masques du Gabon (masque africain Fang) qui ont la même structure que ses visages, iris sans pupille, visage étiré, menton étroit, simplification des traits : arête du nez, petits yeux, bouche, visage lissé … 

Devant ce visage, ce qui nous vient à l’esprit pour définir nos impressions, ce sont des mots comme nudité, mystère, pureté, sérénité, absence. La simplification des traits, inspirée de l’art primitif des civilisations africaines pourrait ‘’expliquer’’ cette étrange ‘’absence’’ du visage peint, à l’image d’un visage mortuaire.

La Naissance de Vénus. Sandro Botticelli

Enfin, si l’on remonte à la formation initiale de Modigliani, à ses origines italiennes, on reconnaît la réminiscence de l’œuvre de Botticelli, peintre du Quattrocento. Chez Botticelli, la femme est sublimée.  L’inclinaison de la tête est propice à exprimer le rêve ou la mélancolie ; le geste de la main est gracieux.

Si l’on regarde, que l’on creuse on retrouve chez Modigliani la même inclinaison de la tête, la position de la main contre la poitrine tout comme  “Vénus sortant de l’eau”. Modigliani donne à une femme du « quotidien » (avec son manteau) la grâce que Botticelli donnait à des déesses… C’est ce qui fait sa modernité. Ce qui produit un effet d’élégance, d’une femme rêveuse et mélancolique

Je conclurais en vous disant que cette œuvre ne se réduit pas à l’addition ou la superposition des influences ou des empreintes de Cézanne, de l’art primitif africain et la Renaissance italienne, pas plus qu’à la source autobiographique, c’est-à-dire son modèle Jeanne Hébuterne. L’œuvre n’est pas la résultante d’une addition. 

Il reste tout de même une part de singularité chez l’artiste. Il y a un écrivain qui pour moi,  définit bien cette singularité, Jean-Marie Gustave Le Clézio, dans ses écrits sur Modigliani.

 “ Cette œuvre est proche du rêve, en vérité. Le rêve d’une autre vie, le rêve d’un visage parfait, d’un corps vierge et merveilleux, d’un regard ouvert, chargé d’extase et de bonheur.”  (N’hésitez pas à être curieux et à aller voir son texte magnifique!)

Le tableau de Modigliani inspire l’écriture de Le Clézio, on suit alors le cycle de la création, la création engendre la création. Tout comme le fait que je sois en train d’écrire et d’à mon tour « créer »,  à partir de Modigliani.

Cabrol Noélie, DnMade 1 Bij, Octobre 2021