JISBAR : Quand l’art dépasse toutes les frontières

@jisbar

Le Portrait

La présentation de Jisbar se traduit principalement par son travail plutôt que par sa personne, au même titre qu’un artiste anonyme tel que Banksy ou Blu, bien que pour sa part il travaille à visage découvert. Jisbar, artiste peintre, voilà sa manière de se présenter au public. Il n’en dit pas plus non pas par soucis d’identité mais tout simplement car d’après lui il ne se connaît pas lui-même.

Pour caractériser son travail, il a l’habitude de retravailler des œuvres historiquement iconiques, en se frottant aux plus grands artistes que ce monde ait connu comme Klimt, Léonard De Vinci ou Michel-Ange. Reprises qu’il articule autour d’un mélange de Pop Art et de Street Art, style par lequel il est inspiré par les visuels mais également par les thématiques abordées. Il met notamment en avant des sujets comme l’argent et la décadence de la société. En effet, il associe œuvres classiques et graphes avec visuels simples et colorés. Derrière des œuvres faciles à apprécier à l’aide de la colorimétrie et des reprises de toiles connues aux yeux de tous, se cache de nombreuses références assez pointues. De plus, il représente particulièrement l’opposition que nous retrouvons dans le paradoxe de l’architecture urbaine. Pour reprendre son exemple, le musée du Louvre qui représente des pyramides modernes et futuristes, se dressant au centre de bâtiments haussmanniens.

Kiss newspaper, Jisbar Luxe David, Jisbar, 2022 Mona Lisa Basquiat, Jisbar

À la conquête de l’espace

Même si le contenu reste le cœur de l’œuvre, c’est le lieu d’exposition qui la fait vivre. Ici l’environnement donne à la toile tout son sens mais nous développement cela dans un second temps. Ici, Jisbar s’est lancé un défi qui lui a nécessité six mois de préparation. Après avoir ouvert des galeries aux quatre coins du monde, il décide de faire ce qu’aucun artiste n’avait encore jamais fait jusqu’aujourd’hui, exposer une toile au delà des limites de l’espace. En effet, elle a été en contact avec le vide sidéral. De ce fait, de nouvelles contraintes ont du être prises en compte comme les dimensions, la masse, les matériaux et la température. Cela a donc créé une opposition intéressante, entre la liberté de l’esprit créatif de Jisbar, et la rigueur des facteurs pour un voyage spatial. Le total de l’œuvre devait être inférieur à 1kg pour des raisons budgétaires, sachant que l’artiste a fait le choix l’intégrer dans un cadre, afin de donner l’impression que la toile s’était échappée d’un musée ou d’une exposition.

Punk Mona, Jisbar

C’est donc ici que le projet prend tout son sens. Dans un premier temps, il choisit de reprendre une nouvelle fois la Joconde, œuvre qu’il a le plus repris dans sa carrière et qui fait aujourd’hui son image. De plus, cette toile a été réalisée pour l’hommage des 400 ans de la mort de Léonard de Vinci, peintre original de l’œuvre. Ainsi il a réussi à associer Sciences et Arts, à l’image du travail de son inspiration.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

À ce jour, le tableau a fini son voyage et est désormais exposé à Paris après avoir subi quelques retouches. Jisbar quant à lui a continué d’ouvrir des galeries (Asie, Europe, Afrique, Océanie). Il approfondit et développe toujours la même recette qui a de plus en plus de succès et s’essaie également à la sculpture.

Frida kahlo, Jisbar David Pez, Jisbar

LETESSIER Robin – DNMADEHO 1.5, Avril 2023

Quand l’illégal devient un moyen d’expression

Brainless soldier, Blu pour le festival « Draw the line »

Malgré l’évolution des mœurs, à ce jour, le street art reste dans la majorité des cas illégal. Cela dépend notamment du support utilisé. Sur le plan moral, les avis sont divisés, cependant les street artistes sont désormais reconnus comme des artistes à part entière. Ces derniers fondent leurs œuvres dans l’urbanisme, souvent engagés et défiant les lois pour transmettre leurs messages. Nous pouvons citer parmi les plus connus Banksy mais ici nous allons nous intéresser à un artiste italien, Blu.

Qui est Blu ?

Il est difficile de le présenter car tout comme son confrère Banksy, Blu a décidé de préserver son identité secrète. Cependant, nous savons qu’il est né à Senigallia, entre les années 70 et 80. Il est considéré aujourd’hui comme un des 10 plus grands street artistes que ce monde ait connu. Il produit ses œuvres dans de nombreuses régions d’Italie comme Florence, Bologne, Milan ou encore Rome mais a débuté sa carrière dans le quartier étudiant berlinois de Kreuzberg. Il est identifiable à l’aide de son style graphique et de ses prises positions. En effet, il adopte une représentation des humains de manière très caricaturale, avec de grosses têtes déformées, de grandes bouches, s’apparentant à des monstres. Blu se positionne comme anti-guerre, anticapitaliste, et contre la surconsommation. De ce fait, il ne choisit pas les murs sur lesquels il travaille par hasard. Il s’immerge de la situation politique et sociale du lieu. Nous pouvons également l’identifier sur un autre détail, car ce dernier ne produit pas de petites peintures discrètes. Effectivement, Blu peint des œuvres immenses qui se comptent en dizaines de mètres carrés. Blu s’est rapidement fait remarquer par les galeries mais par peur de retrouver son expression limitée, ses collaborations sont rares.

Quelques œuvres de Blu

Ces images nous illustrent la façon avec laquelle Blu peut exploiter les reliefs et l’environnement avec la couronne par exemple. Nous retrouvons également les « monstres » cités plus tôt, représentant ici les grandes entreprises pétrolières. Il aborde la surexploitation des ressources naturelles par les industries pour le profit, d’où le surpoids du personnage représenté. Les deux œuvres ne sont pas en lien mise à part qu’elles ont été peintes toutes les deux pour le Crono Festival de mai 2010 à Lisbonne.

Double fresque, Blu, plaça del Tossal, Valencia

Ici, Blu profite d’exploiter les deux surfaces de bâtiments mitoyens. Sur la fresque de gauche, il dénonce l’industrialisation automobile, la sécurité routière et la qualité des véhicules actuels sur le marché. Sur la peinture murale de gauche, il met en parallèle la religion avec les grandes richesses mondiales. Il est facile de reconnaitre l’adaptation actuelle du personnage de Moïse, tombé dans le vice, représenté avec une barbe de vipères. Les dix commandements sont ici remplacés par des euros et des dollars. Sa conduite est donc uniquement dictée par l’argent.

Grafittis de Cuvry, Blu, 2008

Nous avons devant nous deux immenses graffitis de Blu, qui appartenaient aux peintures murales les plus connus de Berlin. Elles étaient situées sur deux murs coupe-feu au bord de l’ancienne Cuvrybrache à Berlin-Kreuzberg. Ces derniers ont été finalement détruits en 2014 après un incendie. Ce site était considéré comme un des premiers bidonvilles de Berlin. L’œuvre de gauche représente un homme remettant sa cravate et laissant apparaitre des menottes en or sous forme de montres. Nous pouvons donc en déduire que quand argent et biens matériels prennent de plus en plus d’importance pour l’Homme, il en devient esclave. La peinture de droite quand à elle représente Berlin Est et Ouest, sous forme de personnage. Ce qui rend cette œuvre intéressante est qu’elle a été annulée puis déplacée au moment de sa création. Le fait est que la localisation originelle se trouvait à proximité de nouveaux bâtiments en construction. Son œuvre allait donc augmenter la valeur des logements et enrichir les propriétaires. Cela allait à l’encontre de ses valeurs et a donc revu son projet. C’est ici que l’on comprend que Blu est artiste à 100% engagé.

Quand l’oeuvre prend vie

Blu s’est fait réellement connaître aux yeux du grand public avec une œuvre subversive, Muto. Cette dernière lui a valu le Grand Prix de 2009 du Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand. Il y met en scène une œuvre de rue, vivante et se baladant à travers les différents décors urbains dans les rues de Buenos Aires. Une réalisation entièrement en stop motion accompagnée de la musique de Andrea Martignoni qui s’achève en mai 2008. Fruit d’un long et fastidieux travail, il a donc tout au long du court métrage dû faire une peinture murale, la prendre en photo avec le même angle et dans les mêmes conditions, puis l’effacer. Il joue également avec les objets du décors, les ombres et les reliefs, qui transporte le public. Nous vous invitons à terminer cet article en visionnant le court métrage.

MUTO, a wall-painted animation by BLU

LETESSIER Robin DNMADE Horlogerie 1, Février 2023.

La renaissance de la Jersey

Image issue d’un tournage de clip de Kerchak

L’histoire de la Jersey

La Jersey club né en 2001 sur EP DAT BUD, le projet de DJ TAMEIL, disc-jockey américain et pionnier de ce style avec Tim Dolla. Ces deux jeunes beatmakers du New-Jersey s’inspirent des sons clubs de Baltimore, eux-même influencés par la House de Chicago. Ils arrivent à créer un nouveau style musical mélangeant le hip-hop et la dance, en ajoutant leurs propres codes, la Jersey Club.

Dix ans plus tard, c’est grâce à Soundcloud, plateforme musicale permettant à n’importe quel artiste de partager son travail avec la communauté, qu’une toute nouvelle vague de beat-makers utilisant ce style voient le jour. Notamment, nous pouvons retrouvé une femme, DJ Uniiqu3, qui fut la première personne à poser sa voix sur un son de Jersey Club, grand pas en avant vers la Jersey drill que l’on connaît aujourd’hui. Grâce à elle, les beat-makers deviennent des artistes d’autant plus complets car ils deviennent également chanteur ou rappeur. Depuis cette nouvelle vague, la Jersey a commencé à passer en radio, ce qui lui a permis de sortir du secteur fermé des clubs de nuits et s’ouvrir au grand public.

La Jersey remise au goût du jour

C’est donc Bendman Rill qui décide de remettre la Jersey au goût du jour et notamment de l’importer dans le monde du rap. Ce fut un franc succès en 2021 et il fut tel qu’il créa un tout nouveau style de musique par la suite : La Jersey Drill.

Kerchak pour LeMonde

Cette catégorie a permis à de nouvelles têtes montantes de la scène française de s’affirmer et de faire une place parmi les artistes les plus écoutés. Par exemple, on peut citer parmi les plus connus Kerchak, Sto ou encore Implaccable. D’autres rappeurs déjà bien connus du public s’y sont aussi essayer comme Gambi ou Key Largo.

Autre élément que l’on retrouve dans la Jersey Drill, hérité de par ses origines, est la danse. En effet, c’est une musique à la base faite pour danser et ces nouveaux rappeurs l’ont bien compris. De ce fait, ces musiques sont très présentes sur le réseau social TikTok, application initialement dédiée à la danse. C’est donc pour cela que ce style musical fait de plus en plus de bruit aujourd’hui, ce qui lui a permis de prendre de l’importance et renaître sous une nouvelle forme.

Comment faire de la Jersey ?

La recette est simple et assez identifiable d’une musique à l’autre. Il faut tout d’abord un BPM aux alentours de 140, les temps doivent être divisés en triolets (3 courtes notes par temps), et surtout des samples de rap, rnb, electro, pop, musique rétro gaming (qui visent l’émotion et les souvenirs du public). Effectivement, la Jersey se base sur des reprises de classiques en tout genre. De plus, il est nécessaire de rajouter beaucoup de sound effect de toutt type en fond. Au niveau du visuel, ce sont des scènes aussi rapides que le rythme de la musique, avec beaucoup de flashs lumineux (attention aux épileptiques) et beaucoup de vfx, particulièrement au niveau des transitions.

Extrait du clip Jersey One de Key Largo

LETESSIER Robin DNMADE Horlogerie 1, Octobre 2022