Du mobilier absurde

La créatrice sud-coréenne Lila Jang transforme des meubles du XVIIIe siècle en œuvres d’art.

Lila Jang a imaginé des meubles qui s’adaptent à l’espace en s’inspirant du mobilier qu’elle aime, celui du XVIIIe siècle. Ce concept lui est apparu lorsqu’elle habitait dans un petit appartement parisien où chaque mètre carré compte. Elle imaginait son canapé escalader le mur ou encore sa lampe de chevet voler.

Quand la forme ne suit pas la fonction

Lila Jang a donné des noms à tous ses meubles. Dans « Anne Marie » la forme générale du fauteuil louis XV est très reconnaissable mais les accoudoirs sont démesurément grands ce qui rend l’assise impossible.

Dans « Canape » un canapé est plié en équerre ce qui réduit la place pour s’asseoir de moitié.

Ses inspirations d’un univers surréaliste et merveilleux ont pris le dessus sur la fonction de l’objet. Le principe du fonctionnalisme « la forme suit la fonction » n’est en réalité plus la maxime de Lila Jang.

Ce sont des meubles surprenants avec un contraste fort entre l’aspect épuré du blanc et ces formes sorties d’un conte féérique.

En quoi est-ce absurde ?

Un fauteuil ou on ne peut s’y asseoir, un canapé ou qu’une seule personne peut s’y installer, quel est l’intérêt ? Le mobilier fait partie du domaine du design or ici la fonction n’est pas respectée.

On ne peut donc pas dire que ces meubles appartiennent au domaine du design mais plutôt à celui des arts plastiques, ces « meubles » sont des œuvres d’art. C’est ce qu’y en fait leur absurdité : prendre une œuvre d’art pour un objet de design fonctionnel.

Léna B. – DNMADe1 HO – Avril 2022

Illusions ou réalités ?

Une exposition itinérante pour (re)découvrir l’hyperréalisme 

Lorsque l’on pense à l’hyperréalisme, notre vision se limite principalement aux Tourists II (1988) et à la Supermarket Lady (1970) de Duane Hanson, des sculptures plus vraies que nature et critiques de la société de consommation de l’époque. Selon sa définition classique, l’hyperréalisme est un courant artistique apparu aux États-Unis à la fin des années 1960, et caractérisé par une interprétation quasi photographique du visible. Il s’est développé en opposition à l’esthétique dominante de l’art abstrait, c’est également de cette façon que ce sont développés le pop art et le photoréalisme. Mais ce serait une erreur de penser que l’hyperréalisme ne se limite qu’à ce concept ou que c’est un mouvement passé d’époque. Bien au contraire, ce mouvement dépasse largement les frontières de la vraisemblance et de la réalité et s’adapte à la société et ses bouleversements.

C’est justement ces possibilités plus vastes qu’on ne le croit que l’exposition « Hyper Réalisme, ceci n’est pas un corps » nous propose d’explorer. Cette exposition itinérante, qui a déjà connu un certain succès à Bilbao, Rotterdam, Liège, Bruxelles et même Cambera a posé récemment ses valises dans le deuxième arrondissement de Lyon et ce pour environ une demi-douzaine de mois. Elle rassemble le travail d’une quarantaine d’artistes hyperréalistes parmi lesquels on retrouve des pionniers et des figures mythiques de ce mouvement tels que George Segal, Berlinde De Bruyckere, Carole A. Feuerman, Maurizio Cattelan, Ron Mueck, Duane Hanson ou encore John DeAndrea mais également des artistes plus récents.

L’exposition débute en confrontant le spectateur avec une femme plus vraie que nature, de dos, la tête appuyée contre le mur et le visage dissimulé par son pull, comme si elle voulait se protéger de la lumière du jour. Est-elle une autre spectatrice en train d’observer une vitrine miniature encastrée dans le mur, est-elle en train de manipuler une installation de l’exposition interactive ? Pas du tout, il s’agit de Caroline (2014), une création de Daniel Firman qui instaure le cadre de l’exposition. En effet tout au long de l’exposition, la disposition spatiale est conçue afin de surprendre au détour d’un angle ou d’un couloir le spectateur avec une œuvre saisissante de réalité de sorte que, l’espace d’un instant, il se croit confronté à une personne réelle, en chair et en os. Le tout ponctué de citations et d’interviews d’artistes qui donnent plus de sens aux œuvres et aux démarches entreprises par les artistes.

L’exposition se divise en six concepts. Si la première partie s’attarde sur les répliques humaines, la deuxième se concentre sur les représentations monochromes, afin de démontrer que l’absence de de couleurs peut renforcer les qualités esthétiques liées à la forme, bien loin d’atténuer l’effet réaliste et permet de donner un certain anonymat et une dimension collective aux sculptures. On découvre ensuite l’intérêt pour les artistes de se focaliser exclusivement sur des parties spécifiques du corps pour gagner en réalisme et véhiculer un message.

Les nageuses de Carole A. Feuerman sont plus vraies que nature, aves les goutelettes d'eaux sculptées à leur surface on a l'impression de voir des épidermes humides.
CAROLE-A.-FEUERMAN-Catalina,1981 et General’s Twin,2009.

 

Les nageuses de Carole A. Feuerman sont plus vraies que nature, aves les goutelettes d’eaux sculptées à leur surface on a l’impression de voir des épidermes humides.

 

« Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail » LEONARD DE VINCI

   Viennent ensuite des sculptures aux dimensions exagérées : leur format n’est pas anodin, il vient placer l’accent sur des thèmes existentiels et des moments clés de la vie. 

Woman and child de Sam Jinks, 2010.

 

Cette sculpture de taille réduite d’une grande tendresse parvient à capturer la fragilité de la vie grâce au vieillissement du corps de cette grand-mère finement travaillé et la quasi transparence laiteuse de sa peau.

 

 

 

Ensuite l’exposition connait un certain basculement puisque le concept suivant concerne les réalités difformes. Dans cette partie plus contemporaine, les artistes dépassent à l’aide de l’hyperréalisme les frontières du réel. Ils déforment, contorsionnent, décomposent les corps, afin de soulever des questionnements essentiels sur les progrès scientifiques, les possibilités offertes par les outils numériques et les questions éthiques entrainées par ces avancées, dénonçant ainsi la finitude de notre existence souvent niée aujourd’hui.

Evan Penny,Self Stretch, 2012

 

Evan Penny adapte l’hyperréalisme au monde d’aujourd’hui : ses sculptures semblent avoir des proportions exactes seulement pour un angle de vue. Ainsi de face, cette sculpture semble sorties tout droit d’une photo tandis que lorsque le spectateur se déplace, il réalise que le reste de la sculpture est comme écrasé, aplatit, réduisant donc cet « être humain » à un format en 2D.

 

 

« C’est le regardeur qui fait l’œuvre  » MARCEL DUCHAMP

La dernière partie intitulée « Frontières mouvantes » est l’occasion de s’interroger sur la possibilité de se libérer du cadre tridimensionnel et de la sculpture inanimée et figée pour faire perdurer l’hyperréalisme.

J’ai beaucoup apprécié les concepts présentés dans cette exposition et plus particulièrement les derniers qui ont le mérite de dépoussiérer ce mouvement artistique. Les techniques et les matériaux utilisés questionnent tantôt le rythme consumériste de notre société ainsi que la volonté d’améliorer toujours plus l’apparence humaine. Et puis surtout, les illusions créées par ces œuvres occasionnent des impressions et des émotions qui ne sont pas transmissibles par des photographies c’est pourquoi je vous recommande cette exposition qui est un vrai régal pour les yeux.

« Hyper Réalisme, ceci n’est pas un corps », à la Sucrière à Lyon jusqu’au 6 juin 2022.

ETOLINT Anna DNMADeJO1- Février 2022

À Bicyclette ! … Du petit au gigantesque

Une bicyclette dans un parc … quoi de plus normal !

Au Parc de la Villette, au 19e arrondissement de Paris se trouve une sculpture monumentale très originale car composée de quatre éléments enfouis dans le sol et installés de telle manière qu’il faut avoir pris un peu de hauteur ou un certain recul pour pouvoir comprendre qu’il s’agit d’une bicyclette. « La Bicyclette Ensevelie », œuvre du couple d’artiste Claes Oldenburg et Coosje Van Bruggen est une installation joyeuse qui questionne autant qu’elle attire les promeneurs… Est-ce une installation, une sculpture, une attraction ludique ou tout à la fois ?

 

La Bicyclette Ensevelie est une commande de l’état français sous le premier mandat de François Mitterrand qui souhaitait redonner un souffle nouveau sur l’art français. Commandée en 1985, elle sera inaugurée en 1990 en présence des artistes.

L’installation s’étend sur une surface globale de 46 sur 21.7m et côtoie les œuvres de Bernard Tschumi et Philippe Stark. La sculpture est faite d’acier, d’aluminium, de plastique et de peinture émaillée.

Roue : 2,8 x 16,3 x 3,2m

Guidon et Sonnette : 7,2 x 6,2 x 4,7m

Selle : 3,5 x 7,2 x 4,1m

Pédale : 5,0 x 6,1 x 2,1m

POURQUOI UNE BICYCLETTE ?

Claes et Coosje aiment reprendre des éléments du quotidien et s’adaptent aussi au pays où l’œuvre prendra forme. C’est ainsi que la bicyclette s’impose à eux comme un objet représentant la France.

La bicyclette comme nous la connaissons (à pédales) est inventé en 1861 par Pierre et Ernest Michaud, serruriers parisiens. Cette invention d’abord réservée à une classe sociale aisée (qui l’utilise pour ses loisirs) se popularise rapidement entre 1915 et 1945. On peut d’ailleurs apercevoir cette première bicyclette moderne dans le premier film de l’histoire « La sortie de l’usine Lumière à Lyon » en mars 1895.

Vélocipède de Pierre et Ernest Michaud, 1865 (Musée des arts et métiers, Paris 3e).

Scène du premier film de l’histoire « La sortie de l’usine Lumière à Lyon » en 1895.

Le couple désigne également la bicyclette pour son utilisation dans l’art en France. Coosje et Claes s’appuient sur le travail de Marcel Duchamps et son ready-made « La roue de bicyclette » (1913) et Picasso avec sa « Tête de taureau » (1942) qui tous deux reprennent l’utilisation d’un objet banal de consommation que représente la bicyclette.

Reprendre un objet du quotidien pour le détourner est primordial dans le travail de Claes Oldenburg qui appartient au mouvement Pop Art.

Coosje van Bruggen dit : « … nous travaillons avec des objets intimes : une vis, une brosse à dents, ça tient dans la main… » et Oldenburg ajoute : « Ils ont un rapport à la personne, au corps, au toucher. »

CLAES OLDENBURG (1929 -)

Sculpteur d’origine suédoise puis naturalisé américain, il appartient au mouvement Pop Art dès les années 1960 à son arrivée aux Etats-Unis où il rencontre Allan Kaprow et Jim Dine. Il s’intéresse premièrement aux quartiers défavorisés et crée des œuvres qu’il qualifie de « pauvres » avec des matériaux peu coûteux (bois, cartons, ficelles). Peu à peu Claes se préoccupe de la consommation de masse qu’il voit s’établir partout. Il va donc réaliser des œuvres qui représentent ces objets (hamburgers, téléphones…). Dès 1962 il réalise ses premières sculptures monumentales.

Oeuvres de Claes Oldenburg :

  • Floor Burger, 1962
  • Floor Cake, 1962
  • Toilet, Hard Model, 1966

OLDENBURG Claes (né en 1929), Toilet, Hard Model, 1966,
huile, vernis et feutre sur carton et bois, 115x72x85 cm, Francfort

 

COOSJE VAN BRUGGEN (1942 – 2009)

Sculptrice, peintre, historienne de l’art et critique. Elle se marie à Coosje en 1977 et s’associe à lui pour la suite de sa carrière. La première sculpture qu’ils réalisent ensemble est « Flashlight » pour l’Université du Nevada, Etats-Unis.

Quelques œuvres du couple :

  • Lipstick (Ascending) on Caterpillar Tracks, 1969-74 New Haven, Université de Yale
  •  Clothespin, 1976 Philadelphie, Square Plaza
  • Spoonbridge and Cherry, 1988
  • Saw, Sawing, 1996
  • Dropped Ice Cream Cone, 2001

OLDENBURG Claes & VAN BRUGGEN Coosje, Dropped Ice Cream Cone, 2001,
 aciers, plastique et balsa peints, H : 12,1 m, D : 5,8 m, Cologne (Allemagne), Centre commercial Neumarkt. Un cône monumental de crème glacée semble être tombé sur le bord de la terrasse de l’immeuble et la vanille est en train de fondre sur la façade. 

LE POP ART

Mouvement artistique qui voit le jour en Grande-Bretagne dans le milieu des années 1950 (Richard Hamilton, Eduardo Paolozzi). Le Pop Art émerge rapidement aux Etats-Unis dans les années 1960 avec des artistes comme Andy Warhol, Roy Lichtenstein et Jaspen Johns.

Ce mouvement questionne sur la consommation de masse et l’influence que peuvent avoir les magazines, les publicités et la télévision. Il présente l’art comme un simple produit de consommation : éphémère, bon marché et jetable.

Artistes et Œuvres Pop Art à connaître :

  • Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans (1962)
  • Jaspen Johns, Scott Fagan Record (1970)
  • Roy Lichtenstein, Crying Girl (1963)
  • Richard Hamilton, Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing, (1956)
  • Eduardo Paolozzi, Meet the People, (1948)

Warhol Andy, Campbell’s Soup Cans, 1962. Acrylique et liquide peint en sérigraphie sur toile (51x41cm)

LE MESSAGE DE LA BICYCLETTE ENSEVELIE

Coosje s’inspire de Molloy, roman de Samuel Beckett publié en 1951 pour le positionnement de l’installation. Pour cela, elle reprend une scène précise où l’anti héros tombe de sa bicyclette et n’arrive plus à reconnaître l’objet après sa chute, étant victime d’un trou de mémoire.

La bicyclette semble abandonnée, la nature ayant repris ses droits et ayant enfoui les restes. C’est une évocation à l’oubli et aussi une représentation contemporaine de la vanité.

L’œuvre in situ investit les lieux et entre en résonnance avec le Parc de la Villette qui est un lieu où se croisent promeneurs à pied et à vélos. Elle se veut ludique et attractive (à noter qu’avant 2007 il était possible pour les enfants de jouer sur l’œuvre). Elle offre aussi une réflexion sur l’archéologie moderne que j’évoquerais plus tard dans un article. Ensevelie, l’œuvre peut alors s’interpréter comme un vestige d’une civilisation passée dont apparaît par fragments archéologiques, des restes que nous foulons, comme le reflet d’une société
périssable qui devient déchet et métaphore de notre propre mort.

L’œuvre est à la fois absente et présente; présente par sa dimension et ses couleurs pop et absente car il est difficile d’en avoir un aperçu global, certains passants ne se rendant pas compte de ce que représente l’installation.

« Changer l’échelle des objets, c’est les rendre plus intéressants, car cela change la relation qu’on a avec eux. Plus proches, ils s’agrandissent ; plus loin, ils rapetissent. » (Claes Oldenburg).

Dessin de Coosje Van Bruggen sur la vue donnant sur le guidon et la sonnette pour l’installation de la bicyclette ensevelie.

Les artistes invitent le spectateur à relier les différentes parties de la bicyclette à l’aide de son imagination. Il prend alors conscience d’un reste, enfoui à la fois rassurant et effrayant.

«… Ces œuvres à grande échelle, oscillant entre l’angoisse et l’euphorie du grotesque, prennent le parti du corps et de l’imagination, exploitent les vertus curatives du comique, contre la sanctification de la raison, de l’ordre et de la morale qui s’est imposée dans l’histoire de l’art abstrait, l’architecture moderniste et l’art des ingénieurs. », Eric Valentin (auteur d’un ouvrage sur Claes Oldenburg).

Je vous invite donc à ouvrir l’œil, voir plus loin et pourquoi pas vous rendre au Parc de la Villette pour découvrir cette splendide bicyclette bleue de vous-même!

Diane C. – DNMADe1JO – Fév 2022

Casser un urinoir… mais encore ?

Les musées, lieux de calme et de sérénité où l’art est mis à l’honneur. Néanmoins, ils sont parfois le théâtre de performances inattendues, malvenues même. Dégradations et vandalismes rythment la vie artistique depuis toujours. Le vandalisme est par définition un acte de destruction, il peut être motivé par des idées intolérantes et haineuses, néanmoins ces actes sont parfois revendiqués par certains vandales comme un acte politique, par d’autres comme une contribution artistique.

Andres Serrano posant à coté de son œuvre vandalisée

Outre les actes de pure contestation violente, comme l’attaque au couteau d’Immersion de Andres Serrano, jugée blasphématoire par des manifestants catholiques, on s’intéresse au vandalisme artistique. Celui-ci n’est-il pas plus qu’une agression, mais aussi un acte qui élève l’œuvre ou en crée une nouvelle ?

Foutain de Duchamp

Le cas du controversé ready-made de Duchamp, Fountain, est un exemple assez concret, en 1993 au Carré d’art de Nice, l’urinoir en porcelaine est attaqué. Pierre Pinoncelli l’homme ayant vandalisé l’œuvre se revendique porte-parole du dadaïsme :

« L’esprit dada c’est l’irrespect. »

Bien qu’il exprime une démarche créative son acte est sans aucun doute discutable. On peut considérer que cela suit la ligne directrice de sa carrière artistique composée de happenings, comme par exemple, une manif anti-pain ou bien une attaque au pistolet à peinture du ministre de la culture André Malraux.

Il explique :

« achever l’œuvre de Duchamp, en attente d’une réponse depuis plus de quatre-vingts ans […] un urinoir dans un musée doit forcément s’attendre à ce que quelqu’un urine dedans un jour. »

Ainsi Pinoncelli se revendique en plein dialogue avec l’artiste original, c’est un motif répétitif dans le vandalisme.

L’art n’est-il pas constamment en mouvement ? Ainsi peut-on réellement condamner cette volonté de faire vivre l’œuvre en la faisant évoluer ?

La question se pose et pourtant le geste de Pinoncelli reste majoritairement condamné, cela à juste titre. Outre son beau discours les actes en disent plus que les mots : il urina dans la Fountain et l’ébrécha à l’aide d’un marteau, souillant et détruisant partiellement l’œuvre. Un dialogue avec M. Duchamp exigerait tout de même du respect pour ce dernier et pour son œuvre ? Non ?

Alors entre dialogue et dada on ne sait plus où donner de la tête.

« J’ai déposé un baiser. Une empreinte rouge est restée sur la toile. Je me suis reculée et j’ai trouvé que le tableau était encore plus beau… Vous savez, dans cette salle vouée aux dieux grecs, c’était comme si j’étais bercée, poussée par les dieux… Cette tache rouge sur l’écume blanche est le témoignage de cet instant ; du pouvoir de l’art. »

L’artiste Rindy Sam revendique un appel de la toile à l’embrasser, elle l’explique dans la citation ci-dessus. Ainsi cette dernière à laisser une trace de rouge à lèvre vermillon sur un monochrome de Cy Twombly. Contrairement à Duchamp, Cy Twombly étant toujours présent au moment des faits il a réagi à l’acte, et ce de façon plutôt négative.

Les œuvres vandalisées peuvent-elles devenir de nouvelles œuvres si l’artiste original ne cautionne pas l’acte ? Cela soulève une question plus large sur la propriété dans le monde de l’art, juridiquement le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre permet aux artistes de contester des modifications de leurs œuvres, c’est pourquoi Rindy Sam fut poursuivi en justice. Pour Anish Kapoor, artiste Britannique ayant exposé dans la cour du château de Versailles, le vandalisme que son œuvre a engendré fait par contre partie intégrante de celle-ci. Dans une interview au Figaro il explique :

« Ce vandalisme aveugle prouve le pouvoir de l’art qui intrigue, dérange, fait bouger des limites. Si on avait voulu souligner sa portée symbolique, voilà qui est fait comme jamais auparavant. »

Dirty Corner à Versailles, lorsqu’elle n’était pas encore vraiment « dirty.

En vandalisant une œuvre d’art on admet son influence et son importance, si l’œuvre n’était pas sacralisée auparavant, le vandalisme s’en chargera. L’œuvre porteuse d’un message fort est utilisée pour propulser d’autres messages sur le devant de la scène, que ces derniers soient fondés sur une volonté de faire le bien ou non. Ainsi, Dirty Corner restera affublé d’inscriptions haineuses, comme un symbole de la force de l’art et de son impact, dénonçant au passage les travers humains et le racisme encore trop présent.

Cela nous invite à une interrogation, peut-on trouver du bon dans un acte qui a pour seul but de nuire ?

Merci de m’avoir lu !

Lucie Garcia DNMADEJO1 – Fev 2022

Et si Newton avait tout faux…

Eh oui, aujourd’hui on va s’attaquer à du lourd. A du très très lourd même. On va parler de pierres qui défient la gravité et de personnes qui en font des œuvres d’arts hors du temps…

Empiler des cailloux, c’est pour ainsi dire, le péché mignon de l’Homme depuis tout temps. Cela a commencé avec la construction de dolmens, tel Stonehenge, et continue de perdurer avec la construction de cairns par quelques randonneurs audacieux aux bords des sentiers de montagne.

Ci-dessus, deux œuvres de l’artiste Michael Grab.

Cependant, certains en ont fait une passion;
à tel point qu’ils ont poussé le niveau à l’extrême, jusqu’à allant défier la gravité. C’est ce que l’on appelle plus communément le « stone balancing » ou le « rock balance », en bref : l’équilibre des pierres.

 

Ci-dessus, une œuvre de l’artiste Adrian Gray à Singapour en 2012.

C’est une pratique encore assez méconnue mais qui commence lentement à se démocratiser à travers les paysages montagneux et aquatiques des quatre coins du monde. Une des premières personnes à avoir pratiqué cette discipline est Adrian Gray, un artiste américain, se qualifiant lui-même de « pionnier de l’art du stone balancing« . L’artiste a en effet commencé sa carrière en créant des œuvres éphémères aux alentours de l’année 2002.

De plus en plus d’adeptes veulent s’y essayer et pour cela rien de plus simple : un beau paysage, des pierres astucieusement choisies et une infinie patience. Beaucoup y voit un aspect philosophique et spirituel. Le fait d’empiler des éléments aussi simplistes que des pierres en luttant contre la gravité pour ne pas que tout s’effondre peut aider au bien-être de certaines personnes appréciant cela.

Ci-contre, une photo de l’US National Park Service alertant sur les dangers de cette pratique.

Mais cette pratique, se rependant de plus en plus dans le domaine de l’amateurisme, a un côté double-tranchant. En-effet, certaines personnes mal intentionnées effectuent cette pratique de manière répétée, ce qui a pour conséquences la destruction d’abris d’animaux sauvages et la déformation du paysage naturel.

Ci-dessus, une œuvre de l’artiste Sp Ranza.

Il existe néanmoins un championnat mondial  au Texas réservé aux professionnels qui impose aux participants d’ériger leurs œuvres dans un endroit naturel n’interférant pas ou très peu sur la faune et la flore locale. L’usage de colles ou de matériaux adhésifs est totalement proscrit, seule la « gravity glue » (la gravité dite collante) est autorisée. Le champion d’Europe de ce concours n’est autre qu’un artiste français se présentant sous le pseudonyme de Sp Ranza.

Et vous? Ne vous laisseriez-vous pas tenté par le stone balancing dans un environnement calme, propice à cette activité en luttant avec ferveurs contre la gravité que nous a démontré Newton…?

Mes sources:
https://parismatch.be/actualites/environnement/164408/pourquoi-le-stone-stacking-est-mauvais-pour-lenvironnement
https://www.stonebalancing.com/about-my-art/
– https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/le-stone-balancing-ou-l-art-de-faire-tenir-des-pierres-en-equilibre_3620819.html
– https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quilibre_de_pierres
– https://thereaderwiki.com/en/Adrian_Gray_(artist)

Arthur WEGBECHER – DNMADE 14 – Janvier 2022

Le street artist et l’enfant

 

Ericailcane et Bastardilla, Iconozo, Colombie

Ericailcane, ou Erica Il Cane, est un artiste de rue et graffeur italien originaire de Belluno, en Vénétie. On retrouve son travail un peu partout dans le monde, en Italie, en France, en Grande Bretagne, en Colombie, en Palestine, aux États-Unis… Ses œuvres sont, la plupart du temps, monumentales, et recouvrent les murs de nombreuses villes. Reconnu aujourd’hui comme l’un des grands noms du street art, compagnon de travail du graffeur italien Blu, il est aussi à l’origine de nombreuses illustrations, vidéos et livres.

Ericailcane est né d’un père naturaliste, et cela a son importance : l’artiste a hérité d’un goût obsessionnel pour le vivant, et particulièrement pour le règne animal. Ses peintures murales et ses dessins représentent de façon récurrente des animaux, ou plutôt des créatures inspirées d’animaux, immenses et terrifiantes, des fresques tout droit venues des peintures médiévales de Jérôme Bosch. Ses animaux sont souvent anthropomorphes, ou du moins ont-ils des comportements ou des attributs humains : l’artiste les met en scène dans des situations proprement humaines, les habille, les dote d’objets et d’accessoires. Son pseudo, d’ailleurs, signifie « Erica le Chien » en italien : l’artiste se situe lui-même d’emblée du côté animal. L’objectif semble souvent être de parler de l’homme à travers l’animal, mais aussi de parler du rapport qu’entretient l’homme avec le vivant non-humain.

Ericailcane confronte, au cœur de la ville, le sauvage et le domestique ; il introduit dans l’espace urbain, tout à fait apprivoisé et humanisé, des crocodiles gigantesques et des ours, prédateurs qui en sont normalement exclus. Au milieu des bâtiments en béton et des poteaux électriques de Bogota en Colombie, se dressent un loup et un dinosaure de plusieurs mètres, portant sur un brancard un homme blessé par des grues et des pelleteuses qui creusent son corps. Les deux animaux, disparu depuis longtemps pour l’un et pendant un temps quasiment exterminé par l’homme pour l’autre, encadrent ce personnage qui se détruit lui-même et qui va droit à sa fin.

Bogota, Colombie

Comment reconnaître la patte d’Ericailcane ? Une iconographie fantastique composée d’animaux, un trait à la fois précis et déformant, un dessin qui se tient entre l’illustration jeunesse et le dessin scientifique. L’animal est son domaine : lors de ses collaborations avec Blu, Blu dessine les humains, et lui les animaux. En général, ses peintures murales sont engagées : il y parle d’aliénation, de liberté, d’écologie, mais aussi de prédation, de la place de l’animal domestique dans la société, du rapport à l’animal sauvage. Si vous souhaitez voir un exemple en vrai, une de ses peintures se trouve sur un mur de Besançon : un mouton noir tente de libérer un mouton blanc parqué dans un enclos, en coupant ses barbelés à l’aide d’une pince sur laquelle est écrite une citation de l’anarchiste Alexandre Marius Jacob, « le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ».

Le blog de la galerie Strip Art écrit ainsi : « Globalement, ses œuvres sont monumentales. Si, dans leur style, elles semblent sorties de l’imaginaire d’un enfant, leur interprétation, elle, reste du domaine de l’adulte ». Et ce lien avec l’enfance n’est ni involontaire, ni inconscient. C’est lors d’une exposition au Musée du Temps de Besançon il y a quelques années, en 2017, que j’ai découvert Ericailcane, une exposition dont le nom était « Leonardo/Ericailcane. Potente di fuoco ». Leonardo, c’est le prénom qui se cache derrière le pseudo Ericailcane, et c’est, de fait, l’enfant qu’il était avant d’être un artiste. L’exposition reposait sur une idée tout à fait intéressante : à la suite d’un rangement ou d’un déménagement, le père d’Ericailcane avait retrouvé des dizaines de dessins de Leonardo. Il était assez étonnant de voir que les thèmes du monstre, de l’humain et du non-humain, de l’étrange, questionnaient déjà le petit Leonardo : les dessins d’enfants montrent des hybrides, des êtres composés d’éléments naturels et artificiels – un avion croisé avec un poisson par exemple -, des robots, des monstres, des animaux imaginaires en pagaille. A l’occasion de l’exposition, Ericailcane avait repris chacune de ces créatures et les avait redessinées, presque à l’identique, mais avec son œil d’adulte et son trait d’artiste accompli. Le musée du Temps était bien choisi pour cette évocation du temps écoulé entre l’enfance et la vie adulte, à la fois pour montrer l’évolution et le chemin parcouru, mais aussi pour voir qu’en fin de compte, Ericailcane dessine toujours les mêmes monstres que Leonardo, avec le regard critique et l’expérience de l’adulte en plus. Il affirmait ainsi sa volonté d’exploiter un imaginaire et un visuel fantastiques inspirés de l’enfance, révélant en même temps la capacité de l’enfant à créer et imaginer de l’étrange à partir du familier et de la vie quotidienne, à inventer ce qui n’existe pas. L’imaginaire de l’enfant reste une source d’inspiration toujours abondante.

L’exposition n’existe plus depuis des années, mais il est toujours possible d’aller voir les œuvres murales d’Ericailcane en vrai – à Bogota, mais aussi à Besançon, ou encore à Niort, si on n’a pas le temps d’aller jusqu’en Colombie – ainsi que sur le site de l’artiste, www.ericailcane.org, sur instagram : @potentedifuoco ou encore sur facebook : Ericailcane.

Merci pour votre lecture !

GILBERT Lucille, DNMADe Jo 1, Février 2022

https://www.juxtapoz.com/news/street-art/ericailcane-paints-anarchist-sheep-in-besancon/

http://www.ericailcane.org/

https://www.blog.stripart.com/art-urbain/ericailcane/

Une Apocalypse des temps modernes

« Ce chant  du Monde ne sera plausible, possible, le monde n’osera aborder le Chant, que lorsque la grande menace de cette immense, immonde pustule de la Bombe, sera, d’un commun accord, arraché de la chair des hommes. J’apporte ma pierre ».

Au lendemain d’une seconde guerre mondiale destructrice, Jean Lurçat, artiste français né en 1892, se lance dans la réalisation d’une série de tapisseries chargées de symbolisme qu’il nommera Le Chant du Monde.

Inspiré par la mythique tenture médiévale de l’apocalypse qu’il découvrit lors d’une visite du château d’Angers en 1938, l’artiste entreprend de raconter une Apocalypse des temps modernes. La monumentale tapisserie fût commandée vers 1375 par le duc Louis 1er d’Anjou, afin d’illustrer l’Apocalypse de Saint Jean. Lurçat vient alors reprendre la connotation qui a éloigné cette appellation de son sens d’origine pour évoquer une catastrophe massive et violente. Par ces dix tapisseries monumentales, l’artiste compose une œuvre globale d’une superficie de 367 m2, une immensité à l’image de la tapisserie médiévale originelle d’une surface de 720 m2.

Il y relate tout d’abord les souffrances d’une génération et sa crainte de la bombe atomique, après les frappes d’août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. La guerre et la mort sont par conséquent les premiers grands thèmes abordés, les premières pièces de tissages composant l’œuvre globale porteront alors le nom de La Grande Menace, L’Homme d’Hiroshima, Le Grand Charnier et La Fin de tout.

Jean Lurçat vient dans un second temps célébrer l’homme en paix. Pour cet enfer atomique c’est une fin belle et heureuse comme on pourrait la retrouver dans un conte pour enfants. L’artiste y exprime enfin sa foi en l’humanité et en ce qu’elle est capable de réaliser pour surmonter la haine de la guerre ainsi que pour créer et découvrir dans l’harmonie. L’œuvre devient alors un message d’espoir pour l’avenir, raison pour laquelle la composition fût nommée à l’origine La Joie de Vivre. Les derniers tissages s’intitulent  L’Homme en gloire dans la Paix, L’eau et le feu, Champagne, La Conquête de l’espace, La Poésie et Ornamentos sagrados. Dans cet avant-dernier élément tissé, Lurçat vient affirmer que l’un des principaux buts de l’homme reste de s’exprimer poétiquement afin de prendre possession de l’Univers de manière lyrique. Il fait alors une nouvelle fois, clin d’œil aux tapisseries médiévales qui racontaient mythes et légendes grâce à ce même concept d’iconographie symbolique. 

L’artiste Jean Lurçat nous offre alors sa vision d’une époque tiraillée entre l’inhumain et l’humain dans une réinvestigation de l’artisanat de la tapisserie. Il vient redonner vie à ce savoir-faire oublié. 

Le 17 décembre 1998, Le Chant du Monde était présenté au « City Muséum of Contemporain Art » d’Hiroshima. Ce fût une reconnaissance logique pour cette ville qui représente la première cible de l’arme nucléaire. L’exposition temporaire dura jusqu’au 21 mars 1999, puis elle s’installa au « Museum of Modern Art » de Gunma, du 3 avril au 19 mai 1999.

Depuis son retour en France l’œuvre monumentale est exposée dans l’ancien hospice Saint Jean d’Angers, ville où tout a commencé.

Lily-Rose H. – DNMADE1Jo – Février 2022

Des propriétés de l’or

Comment l’or, matériau, qui depuis des générations attise les convoitises, fait rêver pour sa brillance et ses propriétés, est-il toujours d’actualité dans le monde l’art ?

Ces principales propriétés sont la beauté, le pouvoir et la richesse. Ce métal a l’avantage d’être malléable, résistant et quasi inaltérable. Malgré sa rareté, les artisans l’utilisent depuis toujours.

Un objet ou matériaux précieux se définit par sa valeur monétaire en ce qui concerne notre sujet le coût de l’or sur le marché des échanges. Aujourd’hui, le cours de l’or au kilo est a 52,690 euros : celui-ci varie constamment, il est en perpétuelle évolution. Il se définit également par sa valeur sentimentale au travers de bijoux de famille qui seraient transmis de génération en génération.  Enfin sa valeur morale, c’est-à-dire un objet précieux qui peut être une référence symbolique, religieuse ou autres, avec des qualités prédéfinies.

L’or jalonne notre histoire depuis des millénaires. La meilleure illustration est l’utilisation de l’or pour représenter le divin. Il donne de l’éclat à la peinture religieuse, tels que les icônes, un très bel exemple le tableau : « la vierge allaitant entourée des saints » de Maître Santa Barbara. L’utilisation de l’or dans ces œuvres divinise les personnages.

La vierge allaitant entourée de plusieurs saints – Maître de Santa Barbara a Matera

L’or fait également rêver l’humanité, notamment avec la ruée ver l’or dans les années 1800. Ces 8 années d’engouement ont beaucoup inspiré la culture particulièrement en littérature avec Mark Twain ou au cinéma dans des westerns tel que « La piste des géants » (1930) de Raoul Walsh.

Par les différentes monnaies d’échanges ayant existé, le matériau précieux a aussi parcouru notre histoire. Les premières pièces d’or ont été frappées sous l’ordre Crésus de Lydie en l’an 560 avant Jésus Christ. Encore aujourd’hui nous utilisons l’or comme monnaie d’échange à moindre échelle car c’est une ressource épuisable et très convoitée dans d’autres domaines.

Aujourd’hui il est vrai que l’or est majoritairement exploité par les orfèvres et les artisans joailliers ayant des savoirs faire ancestraux. Dans la joaillerie l’or est utilisé pour sa durabilité. Il est inoxydable, brillant, malléable : c’est le métal favori des bijoutiers depuis des millénaires. Grâce à la malléabilité, l’or peut être mis en forme de deux façons : à chaud en le faisant fondre et coulé dans un moule à la cire perdue ou à froid, avec la technique du martelage ou du repoussage. Un exemple de Van Clef and Arpels, la célèbre maison de haute joaillerie, le duo de clips Roméo et Juliette, deux figurines réalisées avec la technique de la cire perdue et par la suite sertie de pierres.

Le duo de clips Roméo et Juliette – Van Cleef and Arpels

Il faut savoir que plus de la moitié de l’or extrait est utilisé par la bijouterie.

L’or est rarement utilisé brut il est souvent mêlé à des métaux comme le cuivre, l’argent ou le platine. Ces alliages permettent d’accroître sa solidité et donc sa durabilité. Grâce à sa principale qualité, la malléabilité, il est aussi particulièrement exploité par les doreurs. En effet, l’or peut s’étaler pour créer une feuille d’un micron d’épaisseur. A petite échelle, les ébénistes ainsi que les restaurateurs d’œuvres d’art utilisent cette technique. Par exemple l’ébéniste du roi soleil, André Charle Boulle réalisa de nombreuses pièces dorées comme la commode pour le Grand Trianon de Versailles.

Commode – Grand Trianon de Versailles – André Charles Boulle

A plus grande échelle, la feuille est aussi utilisée pour recouvrir certaines surfaces de bâtiment car l’or à une propriété anticorrosive. A Paris, la Cathédrale orthodoxe de la Sainte Trinité a été récemment construite avec cinq dômes recouvert d’or mat, obtenu grâce à un alliage d’or et de palladium.

Cathédrale orthodoxe de la Sainte Trinité – Paris

La technique du kinsugi, une méthode japonaise apparue à la fin du 15 siècle inclus également l’or. Elle a pour but de valoriser la restauration de porcelaines ou de céramique fissurées ou cassées avec de la poudre d’or. L’or vient recouvrir la colle et ainsi revaloriser l’objet cassé. Cette technique le rend unique et précieux.

N’importe quel objet devient précieux lorsqu’il est doré ou associé avec de l’or. Prenons l’exemple du pot doré de jean pierre Raynaud à Beaubourg, ce simple contenant a été érigé en œuvre d’art parce qu’il a était doré et mis en scène pour une grande maison de luxe, Cartier.

Pot doré  – JR Raynaud

Yves Klein symbolise également l’or avec sa valeur monétaire grâce a sa série de tableaux les Monogolds et plus particulièrement « Le silence est d’or » en 1960. Il dévoile la préciosité de l’or par 2 façons, d’une part par sa brillance comme un soleil pétrifié et d’autre part du fait qu’il est éternel car Yves

Klein a dit « il imprègne le tableau et lui donne vie éternelle » l’or est également éternel en tant que monnaie d’échanges. Un tableau recouvert de feuilles d’or plaquées sur un bois lisse  et d’autre positionnées en relief par-dessus représentant de la monnaie.

le silence est d’or  – 1960 – Yves Klein

Pour conclure, l’or est précieux grâce à sa valeur marchande, à ses propriétés physiques uniques comme sa malléabilité et son côté anti corrosif, son esthétique séduisante, sa préciosité et son universalité. En revanche, l’or est une ressource épuisable et nous avons déjà utilisé plus de la moitié des ressources terrestres. C’est pourquoi aujourd’hui nous nous demandons, si nous pouvons nous contenter de l’or déjà extrait ou s’il faut penser à une nouvelle façon d’utiliser l’or ou créer un or de substitution ?

Mathilde P. – DNMADE1JO – Février 2022

Art savant ou art populaire ?

Le pop art

Histoire Design : Le Pop Art - Atelier Germain

Mouvement de création plastique essentiellement anglo-américain, le pop art présente des compositions artistiques faites à partir d’objets du quotidien. En effet « pop » est tout simplement l’abréviation du terme « popular » qui désigne donc le terme « populaire ».  

Eduardo Paolozzi,1947, I was a Rich Man’s Plaything

Contrairement à ce qu’on pourrait croire ce n’est pas aux Etats Unis que naît le pop art mais en grande Bretagne. Le Groupe Indépendant (IG) apparait à Londres en 1952, il est considéré comme le précurseur du Pop Art. Ce groupe était composé des peintres Paolozzi et Hamilton, ainsi que du couple d’architectes Smithson et du critique d’art Lawrence Alloway.  Eduardo Paolozzi a initié ce courant en présentant lors de la première réunion de l’IG une série de collages composés d’objets trouvés et intitulés « superposés ». Il s’agissait de publicités, de personnages de bandes dessinées et de couvertures de magazines. La première œuvre d’art à inclure le mot « Pop » est d’ailleurs un collage d’Eduardo Paolozzi de 1947 : « I was a Rich Man’s Plaything » [J’étais le jouet d’un homme riche]. Dans cette œuvre, un nuage de fumée sur lequel le mot « Pop» a été écrit sort d’un revolver. Le titre est très provocateur car ce sont essentiellement des collectionneurs riches qui achètent ce genre d’affiches. Le groupe poursuit ses provocations en sortant une série de collages ou le mot « bunk » est retrouvé. Bunk, signifie en anglais « foutaise », le message est clair :l’histoire c’est de la foutaise, il faut vivre le moment présent, et à partir de là, le pop-art était lancé.

Bunk collages, Edouardo Paolozzi

 Ce mouvement est étroitement lié avec la croissance économique du monde occidental après la seconde guerre mondiale. En effet, dans cette période les privations et les traumatismes de la guerre laissent place à une vraie frénésie commerciale et donc à une production d’images de communication de masse. Le pop-art se singularise alors sous trois aspects : c’est un art urbain, d’inspiration industrielle et voué au culte du présent. Urbain parce qu’ils visent les grandes métropoles en proie au développement constant et d’inspiration industrielle parce que ses inspirations proviennent des marchandises produites en masse et des médias (la presse à grand tirage, la radio la télévision…). Ses « sources » ont toutes en commun cette dépendance à la publicité. On retrouve donc dans ce mouvement des couleurs vives issues de ces médias. Enfin, le pop-art est voué au « culte du présent » parce qu’il est indifférent au passé et à l’histoire récente. Il est de plus profondément laïque ce qui le distingue des arts et des traditions populaires ou même du folklore souvent lié à la religion ! C’est donc un art sans regard en arrière, qui n’est pas mélancolique d’une période révolue ou à venir sur la terre comme au ciel. 

 Mais alors comment sommes-nous passé du tableau néoclassique représentant les aventures des héros romains à un tableau aux couleurs vives, repris dans des publicités ?

Crying girl de Roy Lichtenstein. Cet artiste est réputé pour son style cartoon à « pois »

 L’art entretient depuis longtemps des liens avec la culture populaire, notamment avec des représentations de la vie courante (les tableaux de Gustave Courbet en témoignent). C’est aux alentours des années 1870 que l’art s’intéresse aux conditions de vie moderne notamment celles des classes les plus modestes. Dès le début du 20 siècle siècle, le mouvement cubiste rentre en jeu et c’est à cet instant qu’on retrouve des morceaux de journaux dans des œuvres. Vient ensuite le dadaïsme et le surréalisme qui amplifient cette idée de s’intéresser aux objets du quotidien.

Le pop-art c’est aussi le superficiel, le rêve américain car pop c’est le bruit d’un bouchon de champagne.  C’est aussi le bruit d’un pistolet silencieux qui essaie peut-être de nous dire que cette production en série nous tue silencieusement ?

Eve B. – DNMADe1Ho – Février 2022

Fresh Meat

Claustrophobes, s’abstenir ! Écrasées dans leur emballage cellophane comme on les trouverait en grande surface… les belles décapitées manquent d’air. Et nous font suffoquer.

Le duo des photographes SH/Sadler a décidé de dé-standardiser la beauté féminine et militer pour une représentation non sexualisée de la femme. Plus explicite que le titre de cette série photo, ça risque d’être compliqué.

Le projet « Fresh Meat », pour: « viande fraîche », est lancé afin de dé-standardiser la beauté féminine et militer pour une représentation non sexualisée de la femme.

Ils ne supportaient plus l’image que l’on donne des femmes dans les médias, dans les publicités, ou de manière générale. Le duo d’artistes basé à Los Angeles photographie des modèles nues mais met toujours un point d’honneur à ne pas les sexualiser. Souhaitant modifier la perception des femmes dans la culture contemporaine, maquillées à outrance, brunes, blondes, noires, asiatiques … étiquetées comme autant de morceaux de viande, leur nom, leur prix s’affichent tels des produits au rabais. Pas forcément de la première fraîcheur du reste ; et ce n’est pas un hasard. Ces clichés de têtes de femmes collées à une pellicule plastique cellophane comme pour un steak de viande vendu en supermarché font parler, en dénonçant la pression qu’exerce la société sur l’idéalisme de la beauté et de l’apparence subie par les femmes. Les femmes sont maquillées de couleurs vives, leur bouche et leur nez écrasés contre le film plastique qui semble symboliser les diktats de beauté oppressants auxquels beaucoup sont confrontées. L’eau et la glycérine renforcent l’imagerie tristement organique de ces nouvelles viandes.

Une cruauté sans pareil mais surtout sans honte qui cherche à provoquer un public bien trop souvent bercé par la standardisation. l’auto-portrait en continu, avec la volonté de captiver l’attention des réseaux sociaux, définit les contours d’un nouveau type de grotesque, aussi standardisé que les canons de conformité à un modèle de séduction. Écrasés dans leur emballage, les modèles de SHSadler donnent à voir la manière dont nous sommes tous étouffés par des icônes inaccessibles car surréalistes.

Et certaines mimiques évoqueraient un sentiment de révolte, aujourd’hui devenu réalité. Les ventes de cosmétiques sont en baisse, les collectifs abondent qui revendiquent le droit à la différence des corps, l’authenticité, la liberté d’être sans devoir se corseter dans un moule.

 Nous n’avons aucun intérêt à dépeindre une beauté simple. C’est la raison pour laquelle nous évitons souvent les montages de beauté traditionnels, prenons en compte les hasards, les défauts ainsi que l’inconfort des postures que nous demandons à nos modèles »

On approuve cette grossièreté esthétique qui fait même mal aux yeux, une attention nécessaire, qui fait réagir, et c’est le but. Pour voir le reste de leurs travaux c’est par ici (click on)

JOURNOT Lola – DNMADE23JO – Décembre 2021

Un artiste qui ne manque pas d’air !

Salvatore Garau secoue le monde de l’art avec des œuvres… invisibles !

 

C’est en 2020, à la Piazza Scala de Milan, que sont exposées pour la première fois les Invisibles Sculptures de l’artiste italien Salvatore Garau. Ces sculptures sont d’autant plus étonnantes qu’elles ont été créées à partir de… rien et de vide ! Le monde de l’art s’émoustille alors pour ces œuvres façonnées dans le néant, à tel point qu’à Milan en Mai 2021, un chanceux collectionneur privé réussit à obtenir une de ces raretés intitulées « Io sono » (traduction : Je suis) pour la modique somme de 15 000 $. Bien qu’impalpable, la pièce unique se voit livrée, accompagnée d’un certificat d’authenticité en bonne et due forme sur lequel sont apposés les schémas détaillés et des instructions très précises pour la bonne présentation de l’objet. Des éléments qui, sans le moindre doute, rassureront l’acquéreur lors de sa future exposition.

Mais la question que l’on se pose est « que représente-elle ? ». L’artiste répond : « Io sono est le portrait de quiconque prononce ou pense au titre devant l’espace vide. La liberté d’interprétation est totale. Qu’elle serve à se penser autrement, en s’abstrayant de tout et surtout des images ». Néanmoins il affirme : « Ne rien voir rend fou. S’il est mal interprété, le vide crée des angoisses ».

Si le vide crée des angoisses, alors les presque 6 mois de travaux, durée qu’a mis l’imaginaire de Salvatore Garau à être sculpté, sont justifiés ! Mais l’artiste rassure, son œuvre est chargée d’intentions car elle cherche à faire ressentir aux gens « la proximité des amours et l’énergie sentimentale qui peut exister dans les pensées, dans les moments de distanciation sociale, dans le monde à cause du Covid19 ». Le travail de Garau vise également à être un défi à l’œuvre numérique NFT qui, selon lui, « provoque une forte pollution, une surconsommation d’énergie et fait, paradoxalement, allusion au culte des restes qui les considère comme sacrés quelle que soit leur nature réelle ».

Quand l’invisibilité bouleverse les droits d’auteur 

Formé à l’Académie des beaux-arts de Florence et récemment connu pour ses œuvres dépassant l’entendement, Salvatore devra tout de même faire face à une rivalité bien visible. Depuis quelques semaines, l’originalité de la performance de l’artiste est remise en question, l’italien se voit pris dans un tourbillon médiatique mais cette fois, pas fait que de vent : Un sculpteur américain, Tom Miller l’accuse de plagiat pour son oeuvre « Io sono » estimant que cette oeuvre est belle et bien une contrefaçon de sa sculpture invisible « Nothing » exposée en 2016 à Gainesville aux États Unis. L’élaboration de l’œuvre de Tom Miller avait fait l’objet d’un court documentaire fictif représentant la construction de la sculpture invisible par des constructeurs mimant l’installation de bloc d’air… Cette actualité soulève alors la très grande question pas moins intéressante de la protection des performances d’art contemporain et a fortiori celles invisibles ! 

Plagiat ou pas, ce qui est sûr c’est que ces œuvres ne risquent pas d’être volées, pas pour leur côté « air de rien », mais on imagine bien qu’un nouveau « titre devant l’espace vide » pourrait les faire changer de place comme par enchantement. Alors, bonne chance les !

Emma Y.V. – DNMADe23JO – Déc 21

Les NFT à la sauce des artistes !

Chaque année se déroule l’exposition d’art moderne Art Basel qui prend place à Bâle, Miami ou encore Hong Kong. Après l’édition 2020 qui n’a pas pu avoir lieu suite à la pandémie de COVID 19, l’exposition a su générer un intéressement important auprès d’une communauté d’investisseurs digitaux de plus en plus grandissantes en intégrant des expositions ciblées sur les NFT.

NFT (Non-Fongible Tokens) veut dire jeton non-fongible en français. Un objet non-fongible est un objet unique qui n’est pas interchangeable. Par exemple, l’argent est fongible, on peut échanger des dollars ou euros, mais une œuvre d’art est non fongible, car unique. Pour faire simple un
NFT désigne un fichier numérique (Photo, vidéo, œuvre, …) auquel un certificat d’authenticité
numérique a été attaché.

Les visiteurs ont pu se plonger dans le monde réservé de l’art cryptographique et créer leur propre NFT. L’artiste allemand Mario Klingemann, alias Quasimondo, a généré des portraits IA de visiteurs à l’aide d’outils cryptographiques pour qu’ils puissent ensuite les transformer et utiliser sous forme de NFT personnel
Une série de conférences toutes plus immersives les unes que les autres ont permis de promouvoir le travail de nombreux artistes génératifs (artiste qui crée l’algorithme cryptographique pour la NFT) et de montrer que les limites de l’art numérique sont constamment bousculées par Internet.

Dans la plupart des cas, le processus qui intervient dans la création de NFT appelé extraction sur un réseau de chaînes de blocs est très gourmand en énergie et produit des quantités très importantes de gaz à effet de serre.

Durant l’exposition, les artistes mis en avant utilisaient exclusivement un réseau beaucoup moins impactant en énergie et rejets, c’est une manière de mettre en avant des crypto-artistes préoccupés par le climat.

Un des buts de l’exposition était de montrer que la collaboration artistique entre l’homme et la machine n’a jamais été aussi présente qu’aujourd’hui.

Marc GERTHOFFER – 1DNMADE Ho – Décembre 2021

Oulah, méfiez-vous de l’eau qui dort !

Hula artiste peintre autodidacte, de son vrai nom Sean Yoro. Hula est un artiste originaire de Hawaï et basé à Los Angeles. Surfeur et street artiste depuis 2015, Hula est très engagé dans les changements climatiques sur les océans.

Ce qui le distingue des autres artistes, c’est que pour voir ses œuvres, on peut seulement s’y rendre en bateau ou en paddle. Les peintures qu’ils réalisent sont essentiellement des femmes à la peau nue hyper réalistes qui semblent sortir de l’eau, la réflexion symétrique de ses ouvrages, produit un effet miroir sur l’eau qui est splendide. Il a réalisé ses peintures sur des surfaces immergées abandonnées, quand l’eau monte on dirait qu’elles se baignent ou qu’elles se noient.

Il a alors énoncé  » Dans chacune de mes pièces j’intègre l’environnement au portrait, en montrant une sorte de connexion entre les deux »

Au travers de ses œuvres, Hula nous invite à réfléchir sur le réchauffement climatique, car elles sont éphémères et peuvent disparaitre peu de temps après. Parmi ses projets les plus connus, figurent ses peintures sur les glaciers, qui sont très parlant je trouve (bien sûr ce sont des huiles végétales et non toxique pour l’environnement).

peinture sur glace

On voit le visage peint à même la glace d’une femme flottant dans l’eau. Ce visage va finir par disparaitre soit a cause de la fonte des glaces, soit a cause de la montée des eaux, donnant l’impression que la femme se noie. Le message est ainsi clair : les problèmes climatiques n’auront pas seulement d’impact sur l’environnement mais aussi sur les êtres humains.

Il a aussi un projet intitulé « Deep Seads » qui rassemble une exposition de plusieurs œuvres, non pas sur terre, mais bien au fond de l’eau. Ces nouvelles créations ont un double objectif : alerter sur la dégradation des coraux et créer des récifs artificiels.

peinture sous l’eau

La découverte du travail de Hula me touche parce que nous pensons que le réchauffement climatique, n’affecte que la fonte des glaces au Pôle Nord, alors que bien au contraire cela nous impacte bien plus que l’on ne pense. Hula reste un artiste jeune, qui peut toucher la jeune génération, en postant ses œuvres sur Instagram. Il faut dire que, depuis plusieurs années, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) s’accorde à prédire une hausse du niveau de la mer allant de 0,5 à un mètre en 2100. Si, nous ne parvenons pas à gérer les émissions de gaz à effet de serre, un drame qui pourrait interpeller et alarmer les pays les plus polluants, et pourtant, semble leur faire ni chaud ni froid…

A nous de réagir avant de boire la tasse !

Ps : Je vous invite à le suivre sur Instagram (@the_hula), qui a un contenu très intéressant en nous faisant partager ses projets.

PEZZIN Charlène – DN MADe 2Ho – Décembre 2021

Banlieue sur toile

Dans cet article, je vais vous parler du travail de Clément Poplineau, 28 ans, il sort des Beaux Arts de Bruxelles et aujourd’hui il réalise différentes productions artistiques, mais surtout des tableaux.

Ayant grandi dans les banlieues lyonnaises, son art est directement inspiré de son milieu, il représente sa communauté, les galères que les jeunes comme lui connaissent, la culture de la rue et ses problèmes : les préjugés, la précarité ou l’échec. Clément n’a pas choisi de faire du rap, mais à travers ses œuvres, il revendique les mêmes notions d’oppression, de pouvoir, de révolte et de lutte des classes, mais aussi d’éducation à l’art. Il souhaite prouver que venant de n’importe quel milieu l’art est accessible.

« On n’est toujours pas dans l’art. Dans la musique oui, le rap c’est ce qui se vend le plus. C’est bien, mais trop sectaire, comme si on ne pouvait faire que du rap ou devenir footballeur. »

Clément Poplineau peint dans un style inspiré des portraits de la Renaissance, à cette époque seuls les nobles étaient représentés, Clément lui peint ses amis, des jeunes issus de quartiers populaires que les médias et les politiques définissent comme « en marge de la société ». C’est sa manière de lutter contre les inégalités.

J’ai choisi de vous présenter deux œuvres de cet artiste.

« AMINEKE », huile sur toile/broderies – 2018

Cette peinture représente un de ses amis, sans papiers, actuellement en prison. Clément a brodé sur le fond de la toile des motifs berbères. Il a fait ce choix, car pour son ami Amine la seule chose qu’il connaissait de l’art ce sont les tapisseries de sa région natale du Maroc. Avec cette représentation artistique, il souhaitait faire exister Amine différemment qu’avec l’étiquette du banlieusard clandestin. Je trouve cette peinture particulièrement touchante par son histoire car malheureusement il y en a des centaines d’autres comme celle d’Amine, des jeunes immigrés qui se retrouvent dans les banlieues, dans des situations de précarité et qui deviennent délinquants. L’intégration des broderies qui contraste avec le reste de la peinture qui est sombre la rende encore plus puissante.

« 10H DE GARDAV DANS LA SABAT « , résine/haschisch – 2020

Ici on reconnaît un modèle de basket emblématique de la culture urbaine, une Nike air max moulée en résine avec dans la semelle une barrette de shit. Son idée était de cacher la drogue tout en la mettant en valeur grâce à la transparence de la chaussure. L’artiste s’est amusé du fait que la vente de shit soit interdite, mais que son œuvre soit en galerie donc potentiellement achetée. Cette œuvre a un côté un peu provocateur assez plaisant.

Ce qui m’a plu dans le travail de Clément Poplineau est sa façon de mélanger la peinture classique avec des scènes ultra contemporaines de banlieues qui donnent un effet anachronique assez inattendu. En effet, il est assez rare de voir des artistes illustrer ce genre d’images. J’apprécie également la manière qu’il a d’utiliser son art pour essayer d’abolir certains préjugés sur les quartiers populaires, ses œuvres visent un public déjà initié à l’art avec les techniques qu’il utilise, mais aussi les jeunes des quartiers populaires qui peuvent s’identifier aux images représentées.

« Je suis peintre mais mon objectif c’est de ramener les frérots au musée, que la vision qu’ont les jeunes des milieux populaires change, comme celui du public. Ce que je veux avoir dans mon travail, c’est une portée sociale. »

Si ça vous a plu, vous pouvez retrouver tout le reste du travail de Clément Poplineau sur son instagram @clementpoplineau

Iman AMRANE, DNMADE2 Bij, octobre 2021

Damien Hirst « Cherry Blossoms », une ode à la vie ?

« Si jamais vous pensez que mon œuvre est l’art de la mort, je pense que vous vous faites berner. Je pense que mon art parle de la vie, la vie qui est la chose la plus importante et qui m’occupe. […] J’ai simplement envie de peintures qui arrêtent l’oeil et qui vous permettent de regarder. Je ne veux pas créer des tableaux que les gens ignorent. »

Depuis mai 2021 et jusqu’à janvier 2022, la fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, accueille la nouvelle œuvre de Damien Hirst, « cerisiers en fleurs ». L’exposition présente 30 tableaux choisis par l’artiste parmi les 107 toiles réalisées. Il répond à une invitation du directeur de la fondation, Hervé Chandès, qui après avoir vu un aperçu des toiles de l’artiste sur les réseaux sociaux, s’est émerveillé devant ces chefs-d’œuvre : « Ça a été un éblouissement visuel, un enchantement, quelque chose de très jubilatoire ».

Qui est Damien Hirst ?

Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est un artiste anglais, né à Bristol. Aujourd’hui, il vit et travaille à Londres. Il réalise des sculptures, des installations, des peintures et des dessins. On le connaît pour ses œuvres provocatrices et ses créations sulfureuses, explorant la mort et tout ce qui s’y rattache, comme ses animaux plongés dans la résine ou encore ses crânes sertis de diamants ou recouverts de mouches.

Comment imaginer que ces cerisiers majestueux pleins de vie ont été réalisés par celui qui enchaine les scandales avec les veaux aux sabots en or massif, ou les 9000 papillons tués au nom de l’art dans son exposition à la Tate Modern. Rien à voir avec l’atmosphère poétique présente dans cette œuvre. Pour cette exposition, il nous propose une succession de toiles pouvant dépasser les 7 mètres, nous plongeant dans une forêt de cerisiers géants, un arbre légendaire et emblématique dans certaines cultures.

Les cerisiers sont avant tout un souvenir rempli de nostalgie et évoquant l’enfance de Damien Hirst, puisque sa mère peignait des cerisiers en fleurs.

Au premier abord, on pourrait croire que la succession de toiles similaires provoque une lassitude tout au long du parcours, or, c’est tout le contraire ! Certaines toiles sont couvertes de taches de couleurs vives avec une épaisse couche de peinture. D’autres laissent entrevoir des troncs et des branches avec un ciel d’un bleu plus ou moins intense, lisse ou granuleux. Les touches sont légères, saturées, régulières ou se chevauchent. Tout se ressemble et pourtant tout est différent ! L’artiste explique que quand il a commencé, avec seulement du rose et du blanc, ça ne fonctionnait pas, c’était sans vie. Il a donc observé les arbres et s’est rendu compte qu’il y avait du bleu ou du rouge. La lumière contient toutes les couleurs et les feuilles les réfléchissent. C’est ce qui manquait et la peinture a pris vie. Grâce à cela, chaque toile délivre un sentiment différent. Ces œuvres sont totalement immersives et nous embarquent dans un paysage bucolique faisant rêver le spectateur. Elles procurent volupté et légèreté. De plus, la présentation sobre et sans commentaire, immerge davantage le spectateur et le fait voyager dans les jardins japonais, au printemps.

La série réinterprète avec ironie le thème de la représentation florale dans l’art. En effet, on peut y voir un lien avec de nombreux artistes tel que Monnet et les « Nymphéas » exposées de la même façon au musée de l’orangerie, à Paris.

Dans son atelier londonien, Damien Hirst a travaillé pendant trois ans sur ses toiles dans une perpétuelle quête de la couleur, tout comme l’artiste qu’il affectionne, Bonnard.

Dans son œuvre, il mêle touches épaisses de couleurs faisant référence à l’impressionnisme et au pointillisme, ainsi que des projections de peinture à la façon de Jackson Pollock et l’action painting.

Les toiles sont monumentales et entièrement recouvertes de couleurs vives et saturées comme dans le pop art. Elles emmènent le spectateur dans un paysage végétal entre figuration et abstraction. Les cerisiers sont à la fois un détournement et un hommage aux grands mouvements artistiques du XIXème et XXème siècle.

« Les cerisiers en fleurs parlent de beauté, de vie et de mort. Elles sont excessives, presque vulgaires. Comme Jackson Pollock abîmé par l’amour. Elle sont ornementales mais peintes d’après nature. Elles évoquent le désir et la manière dont on appréhende les choses qui nous entourent et ce qu’on en fait, mais elles montrent aussi l’incroyable et éphémère beauté d’un arbre en fleurs dans un ciel sans nuages. C’était jouissif de travailler sur ces toiles, de me perdre entièrement dans la couleur et la matière à l’atelier. Les cerisiers en fleurs sont tape-à-l’œil, désordonnés et fragiles, et grâce à elles je me suis éloigné du minimalisme pour revenir avec enthousiasme à la spontanéité du geste pictural. »

L’artiste qui a souvent célébré la mort semble désormais célébrer la vie. Les quatre salles de la fondation sont submergées par l’explosion des fleurs de cerisier. L’artiste voulait qu’on en ait plein la vue et c’est réussi ! Il nous offre une œuvre pleine de poésie où les motifs sont infinis et les couleurs à profusion.

Enfin, dans le jardin de la fondation est projeté un film sur les cerisiers de Damien Hirst, dans lequel, l’artiste raconte son œuvre. Si cela vous intéresse, vous pouvez retrouver le film via ce lien : https://youtu.be/OxhtW0gmz-U

 

Pour finir, si vous passez par Paris avant janvier 2022, ne loupez pas l’occasion de voir l’ensemble des toiles de la série réunies dans le même lieu. En effet, l’artiste a vendu toutes les toiles avant même d’avoir achevé son projet. Une raison de plus pour ne pas manquer cette exposition où l’art et la nature se confondent, n’est-ce pas ?

Alizée Couton-Badina – Dnmade 2 Bij – octobre 2021

buy windows 11 pro test ediyorum