« Il ne s’agit pas d’un art, ni même d’un simple savoir-faire. Il s’agit de
la vie, et donc de trouver un langage pour la vie »
Pina Bausch
Avez-vous déjà essayé de laisser votre corps s’exprimer ? Laisser vos membres bouger au rythme de la musique ? Laisser vos mouvements mettre en exergue vos émotions ? Non ? Et si vous lisiez cet article, vous pourriez peut-être voir la danse d’une toute autre manière.
La même scène répétée sans arrêt, le même geste brutal, la même incompréhension qui s’en dégage comme dans une tourmente. Une danse folle entraînée par une rengaine dans un jeu corporel libre, personnel, puissant, empli d’émotion. Un spectacle envoûtant, perturbant, complexe. C’est là l’entièreté du travail si captivant et délirant d’une des plus grandes chorégraphes du XXème siècle, pilier de la danse contemporaine, dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui. Son nom, Pina Bausch.
Si vous ne la connaissez pas je vous conseille de vous pencher un peu plus sur cette femme au regard impassible d’une prestance sans nom. Créatrice de ce que l’on pourra appeler la danse-théâtre, une danse à l’encontre de tous les codes conventionnels, liant danse contemporaine et théâtre, Pina fait partie de ces gens qui ont changé la vision de la danse, qui lui ont apporté une profondeur bien plus intense que la simple beauté du geste. Il s’agit de travailler le geste, dans sa totalité, explorer toutes les fonctions anatomiques du corps, d’amener le mouvement jusqu’au bout des doigts, de manière à le faire parler, exprimer les émotions des danseurs. Une émotion à double sens qui transcende autant le danseur que le spectateur, plongés tous deux dans des scènes de la vie quotidienne et de la vie de couple dans sa violence la plus belle.
Pina a, dans les scènes qu’elle présente, des situations d’amour intense, charnel, de violence, de déchirure, de haine. Des scènes qui se répètent en boucle, s’accélèrent, se revivent. Des danses, des situations où les cris, les sons appuient le geste. Un mélange de questionnement, de beauté singulière, de folie se dégage de ses œuvres. Le corps alors parle.
Notre chorégraphe a une manière bien à elle d’appréhender la danse et ses danseurs. Tout ce qui peut être présent sur la scène a son importance, décors, danseurs/acteurs. Elle met en avant l’individu dans la pluralité, chaque danseur a son importance. Une danse dans laquelle le ressenti, ce questionnement de beauté singulière et de folie se dégage au travers d’une introspection, d’une dualité, qui se dévoile à nos yeux. Pina Bausch n’impose pas de mouvements, elle soumet une situation à laquelle les danseurs réagissent et pour laquelle ils donnent leur propre interprétation la plus profonde et la plus pure. Elle les pousse, allant même jusqu’à les faire danser les yeux fermés, pour mieux ressentir les émotions, les laisser s’exprimer. Ils agissent alors dans une démarche de quête intrinsèque, et laissent parler leur corps. La situation sera amenée différemment pour chaque danseur, sous les yeux aguerris de Pina Bausch. C’est là toute la subtilité du travail de la chorégraphe, qui ne monte pas de toute pièce ces tableaux qui parlent, mais qui sublime le travail de ses danseurs en le poussant toujours plus loin.
La danse peut alors être perçue comme une thérapie dans laquelle le danseur prend conscience de l’entièreté de son corps et de ses émotions. Une pièce qui marque une quête du danseur, de l’homme, du « je » du « nous ».
Il ne suffit pas de danser pour danser, il faut donner du sens à chaque geste, chaque expression, chaque pas comme nous le ferions dans une phrase.
Pina Bausch, m’a permis de comprendre certaines subtilités de langage que notre corps avait à nous offrir, comprendre qu’il n’était pas seulement source de beauté. J’ai aimé sa folie, son audace dans sa façon de travailler, de partager ses idées.
L’avis de chacun , aussi subjectif soit-il , mènera toujours au questionnement face à ce qu’il vient de voir ; c’est là la force des mots dansés de Pina Bausch. Une situation floue qui peut pour autant être perceptible et interprétée de mille façons.
Fermez les yeux, vivez, ressentez, laissez votre corps dire ce qu’il a envie d’exprimer
Alors ? Qu’attendez-vous ? Dansez !!!
Cabrol Noélie, DNMADE Jo 1, Février 2022