« Depuis 10 ans, la plupart des chaînes commerciales utilisent l’humiliation, la violence et la cruauté pour fabriquer des programmes de plus en plus extrêmes. À quand le jeu de la mort en Prime time ? »
Je vous présente un reportage qui date d’avril 2009, et qui cherche à traiter des questionnements tels que : où sont les limites de la télévision ? Quel est le pouvoir de cet écran qui nous suit du matin au soir ? A-t-elle une réelle autorité sur nous et dirige-t-elle en quelque sorte notre quotidien, nos actions ? C’est ce qu’ont voulu vérifier une équipe scientifique pluridisciplinaire, dirigée par le professeur de psychologie sociale Jean-Léon Beauvois.
Après un an de recherche, cette équipe a trouvé un protocole expérimental pour savoir si le pouvoir de la télévision pouvait oui ou non pousser une personne à aller vraiment loin. À commettre l’irréparable. Un meurtre. Ils ont décidé de suivre le modèle de l’expérience de Milgram de 1963. Voici un bref récapitulatif pour ceux qui ne connaissent pas cette expérience :
Tout d’abord Milgram a pris deux sujets, un qui devait retenir une liste de mots et un autre qui devait lui poser des questions sur cette liste et infliger au premier une punition par un choc électrique si la réponse était fausse. Plus les erreurs étaient nombreuses, plus le choc était violent. Le sujet qui infligeait les punitions était surveillé par un scientifique, représentant le pouvoir et l’autorité. Mais celui qui recevait les chocs électriques était un acteur. Il simulait des hurlements et n’était pas branché. L’étude de Stanley Milgram a révélé que 62% des gens se soumettaient aux ordres. Ainsi, le scientifique a démontré que tout individu peut commettre les pires atrocités quand c’est une autorité légitime à ses yeux qui le lui ordonne.
Cette expérience a donc été transposée à notre époque, et modifiée sur certains points pour devenir une sorte de jeu télévisé, appelé « La Zone Extrême » avec, comme pour Milgram, un acteur, qui simule des chocs électriques, et avec des sujets, pris un à un et mis à l’épreuve sur un plateau, devant des caméras, sans le savoir. Sur le plateau, ce n’est pas un scientifique qui incarne l’autorité, mais la présentatrice du jeu.
Cette fausse émission est très intéressante aussi parce qu’elle est liée à une autre expérience, celle de Asch, qui date de 1951. Il y a quelques similitudes. Pour l’expérience de Asch, il s’agit d’observer la réaction et les réponses à des questions d’un seul individu face aux réponses d’un groupe composé de plusieurs individus. Le scientifique a voulu voir comment se comporte l’individu, qui est confronté à ses propres idées contre celles du groupe. Cela s’appelle la règle de conformité. La plupart des individus vont se conformer aux pensées des autres pour ne pas être rejetés, expulsés et pour éviter le jugement et le regard extérieur.
Dans « La Zone extrême », les candidats vont devoir faire face à cette règle de conformité. Face à l’animatrice d’une part mais aussi et surtout face au public ! Car le public est là et rajoute sur le candidat une pression encore plus énorme que celle qu’il y avait déjà dans l’expérience de Milgram de 1963 (car enfin dans cette dernière, il n’y avait que les scientifiques qui regardaient les sujets).
Je trouve cette recherche très importante et très intéressante car la population ne se rend pas compte du pouvoir qu’a la télévision sur notre comportement et de son ampleur toujours plus grandissante. Le sociologue nous explique que nous avons des valeurs, que certaines sont compatibles avec les règles du jeu mais que d’autres vont à l’encontre du jeu. Seulement, comme le joueur est seul, face aux caméras, au public, aux techniciens, à l’animatrice, il va se mettre dans un mode « automatique » et il va en quelques sorte trier ces valeurs, essayer d’en oublier quelques-unes, et obéir aveuglément. Jean-Léon Beauvois nous explique que parce que l’individu est seul, et comme tous les êtres seuls confrontés à n’importe quel pouvoir, il n’a pas de défense et devient l’être le plus obéissant.
Découvrez la réaction et les émotions que vont développer les candidats du jeu mais aussi vous découvrirez des pourcentages et des statistiques surprenants et extrêmement troublants ! Ce reportage va parler de l’obéissance et de la désobéissance, de la tricherie, de l’autorité, du pouvoir, de la volonté, des émotions, de la pression… et il y aura même une variante de l’expérience avec l’autorité (l’animatrice du jeu) qui quitte la scène.
Ce reportage nous remet en question, qu’aurions-nous bien pu faire à la place de ces candidats ? Est-ce que nous aurions pu, nous aussi, suivre aveuglément les ordres de l’autorité ?
Se poser des questions oui, mais surtout y trouver des réponses… ?!
C’est là le rôle du Jeu de la mort.
Esther L. – DNMADe1JO – Février 2022