Durant mes années de BAC Arts Appliqués, ma classe et moi devions tenir des carnets de croquis lorsqu’on voyageait, mais également quand on débutait un nouveau projet. C’était loin d’être une corvée, car nous étions tous à l’affût de ce qui pourrait stimuler notre créativité au quotidien. Mais comme beaucoup de choses lorsqu’une pression s’installe il n’y a plus de spontanéité, c’était devenu pour moi un devoir davantage qu’un plaisir.
Lors de notre visite au musée des arts décoratifs, j’ai eu une folle envie de dessiner, des fragments d’idées me venaient en tête, mais je n’avais rien à portée de main pour gribouiller. Bien sur ce n’était pas arrivé n’importe où… C’était dans l’exposition du style Memphis, bien que j’eusse déjà vu, étudié ces objets, je pense que ce style me ramène en enfance. Le soir même, je suis allé acheter un carnet dans le but qu’il m’accompagne où que j’aille…
L’exposition présentée à la monnaie de Paris L’Argent dans L’Art explore les rapports entre l’Art et l’Argent au fil du temps.
L’Art conte, illustre, dénonce, il est le reflet hyperbolique de la société qui lui est contemporaine. Ainsi, l’Or est présenté dans des mythes et légendes, puis comme un objet de désir pécheur, on représente la bourse, on évoque le capital, puis vient le grand questionnement de la valeur de l’art et de l’œuvre.
Une partie de l’exposition fais le focus sur le surréalisme et le dadaïsme. Le nom de Duchamp y est évoqué maintes fois, ses ready-made ont fait tourner les têtes et insufflent dans le monde de l’art des idées nouvelles. C’est cette partie de l’exposition qui m’a fait l’adorer bien que son entièreté vaille le détour. On y retrouve des grands noms mais on plonge aussi dans une époque de remise en question et de jeu avec les limites. Dans la salle résonnent deux voix. Celle de Dali qui nous parle de son amour pour l’argent, « la puissance, l’idée symbolique, l’idée pure de l’argent pour l’argent ». Puis celle de l’oeuvre « Baiser de L’artiste » d’Orlan, qui scande «Baiser de l’artiste, 5 francs ! 5 francs ! allez messieurs dame » comme un poissonnier nous vendrait sa carpe ou son gardon. Je ne savais plus où donner de la tête, mais quel bonheur !
Le vide de Klein ou l’Artist’s Shit de Piero Manzoni sont posés dans une petite vitrine, l’air de rien. Quelle chance de croiser la route de ces icônes, objets de scandales et de mouvement dans le monde de l’art. C’est ces œuvres qui font que l’art me fascine, me dérange un peu parfois mais m’attire incontestablement.
Je finirais cet article par vous raconter l’histoire d’une asperge.
Oui d’une asperge.
L’Asperge, Manet 1880
Il était une fois un collectionneur, Charles Ephrussi, comme nous tous (enfin ceux qui ont du goût) il aimait beaucoup le travail d’Edouard Manet, alors il lui commanda un tableau, celui d’une botte d’asperges. Comme il était généreux, il versa à Manet une somme plus haute que celle convenue. Alors Manet, d’humeur à faire de l’humour, lui fit parvenir un second tableau (ci-dessus), représentant une asperge, solitaire, cette fois-ci. Le tableau vint accompagné de la note suivante « Il manquait une asperge à votre botte ». Le monde de l’art regorge d’anecdotes comme celle-ci et je me devais de vous la faire découvrir.
Sur ce, je vous invite à faire un tour à cette exposition qui vaut le détour !
Lors du voyage à Paris, j’ai eu l’occasion de découvrir l’exposition Kimono au musée du Quai Branly. Une exposition très complète et l’opportunité d’en apprendre plus sur ce vêtement emblématique du Japon.
Le kimono a connu son âge d’or durant l’ère Edo (de 1603 à 1868). Ce vêtement sans poche est confectionné à partir d’une seule pièce d’étoffe. Il s’accompagne souvent d’une ceinture, l’Obi. Il faut savoir que le kimono peut se décliner en plusieurs versions, en fonction des saisons et des événements de la vie. On retrouve par exemple le Shiromuku, le kimono blanc porté lors du mariage, le Furisode, porté par les femmes non mariées et bien sur le Yukata, une alternative du kimono plus légère qui se porte l’été. Le kimono est produit de manière industrielle pour le marché domestique mais les plus riches le font confectionner sur mesure.
Ce kimono de nourrisson m’a très vite interpellé par ces motifs. En réalité, il date des années 1930. A l’époque, l’imagerie des samouraïs sur les kimono des jeunes garçons venait d’être remplacée par des représentations militaires contemporaines. Des motifs censés symboliser la vaillance à venir de cet enfant pour protéger son puissant pays, mais qui font tristement sourire lorsque l’on connaît le sort du pays au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Face à la curiosité qu’il suscite à l’étranger, le kimono s’est très facilement exporté, en Europe notamment. Une partie de la production japonaise de kimono s’est spécialisée dans ce kimono décoratif. De la fin du XIXème siècle au début du XXème siècle, il insuffle un vent de modernité dans la haute couture et l’industrie de la mode européenne. Pour illustrer ce phénomène, l’exposition regorge de toilettes, robes de chambres ou châles inspirés du kimono. Il se présente comme une des pièces les plus avant-gardistes de l’époque et avec sa forme en T, se prête bien pour inspirer les couturiers du début du XXème siècle tels que Paul Poiret dans des revisites occidentales. Porté dans l’intimité ou pour briller en société, c’est un vêtement phare de l’époque.
Un portrait du XIX ème siècle d’Elizabeth Smith portant son kimono d’été à gauche et le kimono en question à droite.
Cette exposition était très vite prenante, du point de vue esthétique, que ce soit par la multitude des motifs représentés, des formes de vêtements ou par les différentes techniques de broderie, tissage ou teinture sur une large collection de plus de 200 pièces à travers les âges (sûrement parce que l’exposition a été conçue par et pour le Victoria and Albert Museum de Londres), alors j’ai été agréablement surprise à la vue d’un présentoir contenant des échantillons à toucher. Le moyen d’effleurer de nobles étoffes de soie, crêpe ou coton aux motifs fleuris et de constater que certaines techniques de broderie et de tissage sur kimono étaient destinées à procurer certaines sensations avec des effets de reliefs ou des fils torsadés. Ainsi, la qualité d’un kimono ne s’apprécie pas qu’à l’œil, mais aussi au toucher.
Identifiable comme un des symboles du Japon par excellence, le kimono revêt une dimension plus politique lorsqu’il indique par ses motifs le rang d’un officier ou qu’il est offert comme cadeau diplomatique, symbole de l’artisanat de luxe et du patrimoine culturel japonais.
L’exposition se termine par la foule d’inspirations contemporaines engendrées par le kimono. Que ce soit dans la pop culture et l’univers musical ou celui-ci a été repris dans Star Wars, par Björk, David Bowie ou encore par Freddy Mercury pour sa coupe mixte, idéale pour défier les normes de genre, il est intégré dans des nombreux univers modernes. C’est par ailleurs une source inépuisable pour la haute couture, entre les designers modernes japonais qui tentent de mettre en avant le patrimoine de leur pays ou les créateurs internationaux sous le charme de cette pièce transformable et intemporelle tels que Alexander McQueen et John Galliano pour ne citer qu’eux. Elle sert de passerelle entre les cultures pour Serge Mouangue, le créateur de Wafrica, des kimono mélangés avec le wax de l’Afrique de l’Ouest.
De gauche à droite, une pièce D’Issey Miyake, une de Serge Mouangue et une de John Galliano.
«Vous reconnaissez l’Afrique, vous reconnaissez le Japon, mais le tout vous raconte quelque chose de nouveau. »
Serge Mouangue
Une exposition qui prouve que, malgré son statut de vêtement hors-du temps, le kimono ne cesse de se réinventer. Teinté d’influence diverses, c’est un vêtement qui influence constamment la création.
Kimono, au musée du Quai Branly jusqu’au 28 mai 2023.
Voici un compte-rendu de mes impressions sur le séjour passé à Paris ; il ne sera pas exhaustif et encore moins pertinent mais il traite de nos visites sur place.
Nous sommes, ou étions plutôt, lundi et notre toute première activité consiste à faire un tour aux Puces de St-Ouen. Je m’attendais à trouver des stands de brocanteurs, j’avais même prévu un peu de monnaie sur moi au cas où mais je n’étais apparemment pas la clientèle visée. C’était une curieuse promenade. Nous nous sommes également arrêtés à l’Atelier du Temps pour y rencontrer son gérant. Son parcours est atypique, j’ai particulièrement en tête ses encouragements à la prise au sérieux des cours. Le conseil est cousu de fil blanc mais je ne crois pas l’avoir souvent entendu des professionnels que j’ai rencontrée jusqu’à présent.
Vient ensuite notre visite de la collection permanente du Centre G. Pompidou. Je me suis surprise à vraiment l’apprécier. Je ne suis pas fan d’art moderne mais il y avait quelque chose de captivant à découvrir étrangeté sur étrangeté, s’interroger sur son sens puis très rapidement chercher des yeux la pancarte, seule clé de compréhension potentielle. Potentielle car même en lisant la pancarte, il est arrivé que certaines œuvres m’apparaissent tout autant voire plus nébuleuses qu’elles ne l’étaient déjà.
C’est avec une visite du Château de Versailles que l’on commence notre pérégrination du mardi. Simplicité et modestie sont les mots à exclure du vocabulaire servant à décrire les lieux. La réputation des monarques à aimer le faste y est bien avéré et c’est ainsi qu’il est réuni des chefs d’œuvres d’ébénisterie, de menuiserie, de sculpture, de peinture et bien sûr, d’horlogerie. J’ai aussi eu la bonne surprise d’y découvrir des tableaux tous droits sortis de mes manuels d’histoire avec notamment Le sacre de Napoléon par J.L. David qui est légèrement plus grand qu’imaginé. Une sympathique visite en somme malgré la foule écrasante de visiteur.
Il s’en est suivi la descente des Champs Elysées et la traversée du Jardin des Tuileries. Quelques devantures de magasins de luxe et beaucoup de monde. Je n’ai pas bien saisi en quoi cette allée est si fameuse mais je suppose qu’elle eut plus d’attraits dans le passé et que la proximité de l’arc de triomphe aide à son prestige.
Salle Khmere du Musée Guimet
Le mercredi commença par une visite du Musée des Arts Asiatiques Guimet. Il y est présenté une impressionnante collection d’œuvres très variées et on y traite de nombreux pays passant de l’Afghanistan au Japon. L’art khmer m’a particulièrement marqué avec ses sculptures d’une grande finesse et ses bas-reliefs de grès en dentelle de pierre.
Sculpture en cheveux représentant un renard de Shinji Konishi – Exposition « Des cheveux et des poils » du MAD
L’après-midi débuta avec le Musée des Arts Décoratifs (MAD). Je ne suis pas parvenue à en faire une visite complète mais sans trop de regret car l’exposition sur les années 80 et celle nommée Des Cheveux et des Poils m’ont bien plu. Je crois qu’amusée serait plus exacte, il y avait à travers ces deux expositions quelque chose de ludique. Celle sur les années 80 présente des objets et des tenues d’un autre temps pas si éloigné du notre mais si différent par ses formes surprenantes et surtout ses couleurs vives. J’ai beaucoup aimé l’exposition Des cheveux et des poils aussi. Le sujet est traité avec décomplexion et parle à chacun tout en étant sociétal. On y découvre donc l’évolution des mœurs capillaires occidentaux à travers des tableaux, des sculptures, des bijoux, des outils et des publicités. J’ai d’ailleurs pu trouver avec surprise le portrait de Madame Rimsky-Korsakov par Winterhalter et constater qu’il est encore plus grand que la copie accrochée depuis toujours chez ma mère. Je retiens aussi les impressionnants travaux de Marisol et de Shinji Konishi dont les perruques sont ni plus ni moins des sculptures.
On enchaina avec le Musée Breguet Place Vendôme. Je pense que l’on était nombreux à avoir les pieds douloureux à ce stade de la journée mais la présentation des pièces du musée par l’horloger de la boutique était assez intéressante pour l’oublier le temps de l’entrevue.
Deux heures pour visiter un musée permet rarement que l’on puisse s’arrêter sur chaque pièce exposée et c’est d’autant plus vrai avec le musée des Arts & Métiers visité jeudi matin. Après une heure de visite tranquille où je me payais naïvement le luxe de lire les pancartes, j’ai réalisé que je n’avais pas fait 3 salles et dû accélérer le rythme. Je me suis retrouvée à traverser les salles restantes à grands pas, jetant des regards à tout ce qui se présentait et m’arrêtant très peu. Alors, je ne veux pas me vanter mais je crois bien que je suis parvenue à TOUT voir. Je n’ai peut-être (certainement) pas observé comme il faut mais c’est au moins du tout vu ! Sans surprise, la salle où sont réunis de veilles auto avec des engins suspendus m’a faite grande impression, je retiens aussi un magnifique Tour à guillocher de Mercklein. Moins positif, il semble que le musée n’entretienne pas bien ses pièces, c’est probablement dû à une politique de conservation mais on pouvait voir des aiguilles de garde-temps piquées par la rouille.
L’après-midi se dédia au Musée du Quai Branly. Là encore le temps jouait contre une attentive et exhaustive visite. Je ne suis pas parvenue à en faire tout le tour cette fois-ci et ai même manqué de faire l’exposition sur le Kimono. Je crois qu’une saturation finit par s’installer à force d’en prendre constamment plein les yeux mais j’ai tout de même apprécié cette visite. Les collections que j’ai pu voir sont captivantes, dépaysantes bien entendu mais aussi bien agencées dans un cadre les mettant en valeur. Il se dégage de ce musée une ambiance propre qui incite à la contemplation.
Grande Galerie de l’Evolution du Musée d’Histoire Naturelle
Pour ce dernier jour, la matinée de libre s’est portée sur la Galerie de l’Evolution du Musée d’Histoire Naturelle. A peine le portique passé, on se retrouve nez à nez avec le squelette d’une baleine, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un dinosaure marin tant sa stature est phénoménale. Le lieu est en tout cas bien nommé car exposé dans une très grande galerie, on découvre nombre de squelettes et d’animaux empaillés ou reproduits. Il y a de tout, des animaux marins, des airs, polaires, de la savane, des insectes aussi et même des grains de maïs ! (Rapport à la domestication des plantes et les conséquences sur leur génome) C’était fascinant de constater à quel point je n’ai vraiment aucune culture zoologique, j’ai reconnu très peu d’espèces et découvert un paquet d’autres. L’ambiance est particulière aussi ; appuyée par une bande son d‘orage grondant de temps à autre, un éclairage tamisé, un style architectural de la Belle Epoque et toutes ces œuvres taxidermiques, on a la sensation de se trouver dans un gigantesque cabinet de curiosité où il serait inquiétant de rester enfermé la nuit.
Pour finir ce séjour et cet interminable compte-rendu, on visita le showroom de la matériauthèque très justement nommée ; MatériO’. Je n’attendais rien de cette dernière activité et c’était une belle surprise. J’ai découvert le concept qui m’apparait maintenant comme allant de soi tant il peut être d’une aide précieuse pour les créateurs et suis ravie d’y être allée. Nous permettre de voir et toucher tout ce que cette caserne d’Alibaba regorge était aussi vraiment chouette et on se surprend à reprendre nos réflexes d’enfant curieux.
Pour conclure, ce séjour à Paris était sympathique comme tout et culturellement intense. J’espère bien y retournée un jour histoire de voir d’autres musées ou même d’en refaire certains plus posément. Merci à l’équipe pédagogique de nous avoir organisé ce voyage !
En juin 1977, à l’entrée de la galerie d’art Moderna de Bologne en Italie, les artistes Marina Abramovic et Ulay se sont tenus debout, complètement nus dans l’encadrure de la porte d’entrée pour leur projet “Imponderabilia”. Ils étaient l’un en face de l’autre, occupant presque tout l’espace qu’offrait la porte, au point où le public n’eut pas d’autre choix que de s’appuyer sur l’un des deux artistes pour entrer voir l’exposition. C’est alors que le peu d’espace qu’il restait entre les deux artistes forçait le spectateur à devenir acteur. Le but de cette œuvre était de faire réfléchir les spectateurs sur leurs croyances et leur comportement, notamment en leur faisant ressentir un sentiment corporel inhabituel, qui quelque chose de dérangeant et même gênant – surtout avec des inconnus.
Cette performance était quitte ou double pour le couple qui ne savaient même pas si les spectateurs allaient comprendre le concept, ni même s’ils allaient jouer le jeu. C’est de là d’où vient le nom “Inponderabilia”, qui se traduit par “Impondérabilité” en français et signifie la qualité de ce que nous ne pouvons pas prévoir. De plus, ce fut une grande appréhension pour M .Abramovic qui à été agressée lors de ses précédentes expositions tel que “Rithm 0”, où 72 objets en tout genre (de la plume au révolver) étaient posés sur une table mise à disposition des spectateurs qui avaient le droit d’utiliser ces objets sur l’artiste comme ils le souhaitaient. Cette expérience lui a fait conclure :
« Ce que j’ai appris, c’est que si vous laissez le public décider, ils peuvent vous tuer. Je me suis sentie vraiment violée : ils ont découpé mes vêtements, planté des épines de rose dans mon ventre, une personne a pointé le pistolet sur ma tête et un autre lui a retiré. Cela a créé une atmosphère agressive ».
Marina Abramovic
Ces projets nous montrent que de simples projets artistiques peuvent devenir un miroir du monde dans lequel nous vivons. Et même si nous faisons des gestes aléatoires, il y aura toujours une foule pour nous démontrer que rien n’est lié au hasard, mais que notre inconscient reproduit seulement ce que nous apprenons sans le savoir depuis tout petit.
Les spectateurs avaient le choix de s’appuyer soit contre Marina, soit contre Ulay. Autant nus l’un que l’autre, les artistes évoquent la pureté et l’honnêteté de cet art. Mais d’un autre côté, ce sont de vraies questions qui se posent pour ceux qui essayent de passer la porte. Est- ce la seule entrée ? Contre qui s’appuyer ? Le projet s’est révélé être une expérience de genre, car tous les hommes se sont appuyés contre Marina sans aucune hésitation, tandis que les femmes mettaient un peu plus de temps pour décider contre qui elles allaient se tourner et nombreuses d’entre elles ont détourné le regard, essayaient de se heurter le moins possible à la peau nue des deux artistes. Les sociologues sont formels. Le fait que chaque personne doive décider qui elle va regarder en passant est important. Les hommes se sont rapidement appuyés contre le corps de la femme, ce qui pourrait être une recherche inconsciente de plaisir, une démonstration de supériorité, ou encore une manifestation de la peur d’être exposé à l’intimité d’un autre homme.
Anne Virlange est une artiste contemporaine qui a étudié le design textile et l’histoire de l’art. et expose depuis 1994. D’abord itinérante elle décide de s’établir à Gordes (Vaucluse) en 1997. En 2021 elle ouvre une galerie d’art à Vallouise, petit village dans une vallée des Hautes Alpes.
Ces œuvres d’un aspect plutôt enfantin ouvrent sur un univers de rêve et de conte, afin de faire partager les paysage illusoire et poétique de nos enfances. Ces tableaux nous présentent donc la plupart du temps des paysages fantastiques colorés.
Pour les créer Anne Virlange utilise diverses techniques dont des collages de papiers usés, frottés… qui donc renforce l’unicité et la personnalité de chaque œuvre. Par les procédés utilisés, les texture, les couleurs… des histoires symboliques peuvent naitre. On y retrouve un univers vivant et positif.
Le tableau présenté nous montre un paysage de montagne pouvant rappeler la vue depuis la vallée de La Vallouise au printemps mais aussi en hiver en effet on peut voir les montagnes enneigées en arrière plan, ce qui nous fait dire que cette vallée est tout aussi féérique en hiver qu’en été, qu’elle nous offre un moyen de nous évader loin de tout le tumulte de la ville et des guerres. On y retrouve donc la philosophie chère à Anne Virlange qui veut faire passer des messages de tendresse, poésie, paix… à travers ses œuvres.
« Divagation sentimentale » est une exposition née de la réunion d’un artiste et d’un agriculteur, c’est au cœur de la Puisaye, dans la ferme familiale des Metz que vous pourrez effectuer cette balade forestière et culturelle. Vous vous promènerez sur un chemin en forêt le long duquel vous pourrez voir les œuvres de Pierre Marty et de la nature elle-même. En effet vous pourrez notamment y voir un chêne centenaire ayant résisté à la foudre, ou encore une allée de trognes (arbre taillé périodiquement à la même hauteur pour produire durablement du bois, voir photos).
Pour commencer, voici une présentation de Pierre Marty et le Hugues Barrey (agriculteur).
Pierre Marty est un artiste travaillant le bois brulé depuis l’incendie de sa maison ne 2017, il a d’abord commencé par donner une seconde vie à la charpente calcinée de sa maison.
Hugues Barrey est un paysan, éleveur, travaillant dans la ferme des Metz (Yonne), propriété familiale depuis plus de 2 siècles.
C’est une promenade dans le bocage poyaudin rythmée d’œuvres et d’arbres remarquables que vous propose cette exposition, que nous allons vous détailler.
Dès votre arrivée dans le cour des Metz vous serez accueilli par cette trogne avec ses cheveux qui dansent avec le vent.
En vous retournant vous verrez sur la façade de la grange l’immense soleil noir.
A partir de la commence le voyage en forêt débutant par une grande « allée » où se dresse à intervalles réguliers des piliers surmontés d’une branche noire et or.
A mi-chemin du parcours se trouve un étang qui il y a peu était sec, des arbres poussaient au fond, désormais trône au milieu de l’eau un grand buché.
Devant cet étang vous pourrez voir le chêne foudroyé toujours debout malgré l’immense cicatrice partant de son sommet jusqu’à son pied, témoin de ce qui lui est arrivé. Cicatrice que Pierre Marty et Hugues Barrey ont décidé de peindre en noir et or.
Pour le retour vous passerez dans un chemin creux, bordé de trognes ou vous pourrez entendre à chaque passage un poème s’élevant de ces arbres remarquables.
Pour finir vous vous rendrez dans l’ancien manège ou vous pourrez voir une forêt de branches calcinées, et pourrez par la même occasion discuter avec l’artiste.
Si vous avez entendu parler de soupe à la tomate sur des tournesols c’est que les activistes de « Just stop oil » ont réussi leur mission. Et oui ! Pour rappel, ce 14 octobre dernier, deux jeunes femme se sont introduites dans la National Gallery de Londres et ont aspergé de soupe à la tomate une œuvre de Van Gogh :
Vase avec quatorze tournesols
Vase avec quatorze tournesols, Van Gogh, National Gallery, Londre
Petit récap’ de l’œuvre d’ont il est question aujourd’hui. Van Gogh peint cette toile avec 5 autres qu’il présente comme une série. L’amour que l’artiste porte aux tournesols lui vient de ses études du baroque flamand à Anvers. De ses Tournesols ressort une impression de vivant : certains ont cru reconnaître des yeux, une bouche, une barbe. De plus, les fleurs sont peintes à différents stades de leurs évolutions : bourgeon, ouvert, fané. On remarque aussi l’exploitation des couleurs orangées qui rappellent le soleil. L’artiste a même affirmé que cela permettait d’habiller de lumière l’hiver. Ainsi, au sein de ses tableaux, il représente la vie, la nature ainsi que le soleil.
Mais alors… Pourquoi s’attaquer à d’innocentes toiles ?!
Deux activistes du mouvement « Just stop oil »
« Qu’est-ce qui a le plus de valeur, l’art ou la vie ? »
Cette phrase résume parfaitement ce geste. Et oui ! Si tout le monde est mort à quoi ça sert d’avoir des œuvres à plusieurs milliers d’euros ? C’est suite à la déclaration de la première ministre britannique, Liz Truss, qui a laissé entendre que l’extraction de gaz par fracturation hydraulique pourrait être autorisée que le groupe just stop oil a décider d’intervenir. Just Stop Oil c’est un groupe militant pour le climat au Royaume-Uni qui utilise la désobéissance civile dans le but de s’assurer que le gouvernement britannique s’engage à arrêter les nouvelles licences et la production d’énergie fossile. Viser le tableau de Van Gogh qui représente la nature et donc la vie n’est pas un hasard !
Logo du mouvement JUST STOP OIL
Le groupe est créé en février 2022 et l’attaque dees tournesols de Van Gogh n’est pas la première action de cette coalition militante ! Beaucoup d’autres ont eu lieu ce mois d’octobre mais n’ont pas fait de bruit. Par exemple deux d’entres eux ont escaladé un pont autoroutier au-dessus de la Tamise, près de Londres, provoquant d’importants embouteillages ! D’autres actions on été menées et pourtant… En avez vous entendu parler ?! Le monde a retenu son souffle pour de la peinture craquelée, protégée par une vitre en verre ( les militants étaient au courant). Pourtant personne ne se souvient de cet individu défendant la même cause et qui s’est attaché à un poteau durant un match de foot en février dernier ! Comment se fait il qu’on lève plus de fonds pour la reconstruction de Notre Dame que pour la lutte contre le cancer ? Peut être que l’art a un prix potentiellement plus élevé que la vie ? A méditer…
En cette saison automnale, les actions se multiplient. Le 23 octobre c’est la statue du Roi d’Angleterre qui a été « attaquée » par une tarte à la crème. Le choix d’utiliser de la nourriture fait réagir mais surtout la manière de communiquer de Just Stop Oil (bien que cela semble être la seule qui fait du mouvement.) Malheureusement, la plupart du temps on retiendra uniquement deux personnes en colère, hors de contrôle, ont hurlé et saccagé le patrimoine culturel.
Pourtant ce n’est pas si simple! On peut avoir le plus beau des messages à faire passer, si le messager est mauvais jamais celui-ci ne passera . Les activistes semblent avoir trouvé une méthode qui fait « parler » . La société n’est elle pas encore prête pour ouvrir les yeux ? La colère est plus ou moins puissante que la diplomatie ?
Que pensez-vous de ces actions… L’espace commentaire est là pour ça 🙂
Retour sur l’exposition au MAD qui fait honneur à une des créatrices de génie du XXème dont on ne fait pas assez l’éloge aujourd’hui.
Les croquis de la créatrice issus de la donation de l’UFAC.
Pour beaucoup, la créatrice de renom du XXème siècle est sans hésitation Coco Chanel, celle-ci a révolutionné et allégé la garde-robe féminine et elle marque les mémoires encore aujourd’hui. Pourtant, il convient de rendre hommage à sa grande rivale, Elsa Schiaparelli. Née le 10 septembre 1890 et décédée le 13 novembre 1973, cette créatrice de mode au style provocant fonde la maison Schiaparelli en 1927.
Très vite elle se démarque des autres créateurs et s’attire les bonnes critiques de ses contemporains grâce à son regard novateur. Sa première collection “Présentation “ regroupe des chandails ou des sweaters tricotés à la main en trompe l’œil pour imiter des vêtements marins. Elle insère dans cette collection des références à l’Art Déco à l’aide des motifs géométriques inhérents à ce mouvement. Elle présente également des maillots de bains pour femmes une pièce. C’est une des toutes premières créatrices à oser recycler le vestiaire masculin et marin pour élaborer des vêtements de sports pour les femmes, pratiques et esthétiques. Cette entrée dans le cercle très fermé de la Haute Couture ne marque que le début de ses extravagances.
En effet, Elsa a parfaitement compris comment assurer le succès de sa maison et s’assure d’être toujours bien entourée. C’est la coqueluche des artistes, tous veulent échanger, collaborer avec elle que ce soit pour des portraits et des croquis ou des créations couturières toutes plus osées et extravagantes les unes que les autres. “Travailler avec des artistes a quelque chose d’exaltant” explique celle qui fut une grande amie de Jean Cocteau ou de Salvador Dalì. Dans son réseau figurent également d’autres grands noms tels qu’Alberto Giacometti, Andy Warhol, René Magritte ou encore Pablo Picasso. Sa facétie et son envie de toujours repousser ses limites dans ses créations s’accorde à merveille avec l’esprit touche-à-tout et l’excentricité de ces personnages illustres. Ce mélange fertile entre art et mode lui a valu d’être qualifiée par sa concurrente Coco Chanel d”artiste qui fait des vêtements”.
Petit à petit, la créatrice chevronnée développe une certaine identité autour de sa marque. Elle mélange des longues coupes noires avec l’aspect pétillant de son célèbre rose Shocking. Elle s’essaie aussi aux parfums. Superstitieuse, les premiers commencent tous par la première lettre de son nom, S, Sans Soucis, Schiap, et bien sûr Shocking. Pour ce dernier, elle collabore avec les ateliers Lesage qui confectionnent des petits bouquets de fleurs, destinés à orner le haut du parfum et c’est le peintre Leonor Fini qui dessine les contours du flacon d’après le buste de l’actrice sulfureuse Mea West. On parle également de la “silhouette Schiaparelli”, reflet de ce que la créatrice considère être la parfaite façon de se vêtir pour une femme. Elle inclue un vêtement sublimé par de nombreux accessoires tels qu’un chapeau, des gants et bien sûr des bijoux . Car ce qui fait véritablement le style de la maison, ce sont ses nombreux petits bijoux et éléments décoratifs dorés qui viennent s’insérer dans ses vêtements. Le parurier derrière la plupart de ces petites créations se nomme Jean Schlumberger. Il fait partie de ces nombreux paruriers qui comme lui travaillent dans l’ombre, éclipsés par la solaire créatrice.
L’imagination d’Elsa Schiaparelli est sans bornes. Elle s’inspire et revisite tout, du Printemps de Botticelli, aux inspirations gréco-romaines, en passant par les papillons ou encore le cirque. Elle a l’audace de mélanger pour une collections les figures profanes de l’Antiquité avec des personnages de la Renaissance. Elle s’éloigne des standards de l’époque et innove avec des vêtements en volume, avec lequel on peut dissimuler des objets ou jouer de la musique. En 1939, elle fait sensation malgré le climat politique de l’époque en dissimulant des boîtes à musiques dans ses accessoires, ses broderies évoquant des portées ou ses petites clochettes et tambourins cousus à ses vêtements qui entraînent un doux tintement lorsqu’ils sont mis en mouvement. Avec Dalì elle conçoit une robe homard ou des manteaux et tailleurs avec des poches tiroirs, repoussant ainsi les limites de l’absurde. Pour une de ses collections de 1935, les motifs reprennent un patchwork d’articles lui rendant hommage tandis qu’une de ses dernières collections explorent l’astrologie. Elle n’a pas peur de provoquer et dénoncer, sous son air joyeux, sa collection Comedia Dell’Arte fait sarcastiquement écho à la comédie trompeuse et inquiétante de l’actualité européenne, à la suite des accords de Munich de septembre 1939.
Un des vestes tiroirs issues de l’imagination d’Elsa Schiaparelli avec la complicité de Salvador Dalì.
Malheureusement, la maison connaît un déclin à partir de l’après guerre puisqu’a cette période la rigueur vestimentaire devient la norme et elle doit fermer ses portes en 1954. Elle restera pendant des années un mythe jusqu’à ce qu’en 2006, elle soit rachetée par Diego Della Valle, le président de Tod’s. Pour recentrer l’attention sur cette maison déchue, il organise en 2012 l’exposition Schiaparelli-Prada, impossibles conversations au Métropolitain de New York. Petit à petit, la marque reprend des couleurs avec de nouveaux directeurs artistiques qui tentent de la mettre en avant. Mais c’est véritablement en 2019, lorsque Daniel Roseberry devient le directeur artistique de la marque, qu’elle prend son évolution. Il mise sur des collections références au style et aux préférences d’Elsa Schiaparelli pour le plus grand plaisir du public. Les plus grandes célébrités font sensation en portant des vêtements de la marque à l’image de Lady Gaga qui a arboré fièrement une tenue de la maison pour l’investiture de Joe Biden. Aujourd’hui la marque a su renaître de ses cendres pour redevenir une des maisons les plus iconiques et retrouver son label de Haute couture perdu en 1954.
L’iconique robe de la maison Schiaparelli portée par Bella Hadid lors du festival de Cannes 2021.
Ce que j’ai particulièrement bien aimé dans cette exposition, c’est le début puisque des dessins des ses collections issus de 55 de ses albums et prêtés par l’UFAC viennent tapisser tous les espaces de la salle, et former un tourbillon de formes, styles et couleurs comme pour annoncer la donne dés le début : cette exposition est destinée à satisfaire les yeux de son public et de les faire rêver. Ce qui m’impressionne chez cette créatrice, c’est cette énergie à créer sans cesse et à combiner des vêtements confortables et avant-gardistes pour les femmes avec une fantaisie et une imagination sans borne. Si aujourd’hui cela parait naturel de voir des collaborations entre art et mode, c’était totalement précurseur à l’époque. Voir à nouveau ce style indémodable refaire surface au sein de la Haute couture est une vraie chance et un régal pour les yeux.
Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli jusqu’au 22 janvier 2023 au MAD.
Une exposition itinérante pour (re)découvrir l’hyperréalisme
Lorsque l’on pense à l’hyperréalisme, notre vision se limite principalement aux Tourists II (1988) et à la Supermarket Lady (1970) de Duane Hanson, des sculptures plus vraies que nature et critiques de la société de consommation de l’époque. Selon sa définition classique, l’hyperréalisme est un courant artistique apparu aux États-Unis à la fin des années 1960, et caractérisé par une interprétation quasi photographique du visible. Il s’est développé en opposition à l’esthétique dominante de l’art abstrait, c’est également de cette façon que ce sont développés le pop art et le photoréalisme. Mais ce serait une erreur de penser que l’hyperréalisme ne se limite qu’à ce concept ou que c’est un mouvement passé d’époque. Bien au contraire, ce mouvement dépasse largement les frontières de la vraisemblance et de la réalité et s’adapte à la société et ses bouleversements.
C’est justement ces possibilités plus vastes qu’on ne le croit que l’exposition « Hyper Réalisme, ceci n’est pas un corps » nous propose d’explorer. Cette exposition itinérante, qui a déjà connu un certain succès à Bilbao, Rotterdam, Liège, Bruxelles et même Cambera a posé récemment ses valises dans le deuxième arrondissement de Lyon et ce pour environ une demi-douzaine de mois. Elle rassemble le travail d’une quarantaine d’artistes hyperréalistes parmi lesquels on retrouve des pionniers et des figures mythiques de ce mouvement tels que George Segal, Berlinde De Bruyckere, Carole A. Feuerman, Maurizio Cattelan, Ron Mueck, Duane Hanson ou encore John DeAndrea mais également des artistes plus récents.
L’exposition débute en confrontant le spectateur avec une femme plus vraie que nature, de dos, la tête appuyée contre le mur et le visage dissimulé par son pull, comme si elle voulait se protéger de la lumière du jour. Est-elle une autre spectatrice en train d’observer une vitrine miniature encastrée dans le mur, est-elle en train de manipuler une installation de l’exposition interactive ? Pas du tout, il s’agit de Caroline (2014), une création de Daniel Firman qui instaure le cadre de l’exposition. En effet tout au long de l’exposition, la disposition spatiale est conçue afin de surprendre au détour d’un angle ou d’un couloir le spectateur avec une œuvre saisissante de réalité de sorte que, l’espace d’un instant, il se croit confronté à une personne réelle, en chair et en os. Le tout ponctué de citations et d’interviews d’artistes qui donnent plus de sens aux œuvres et aux démarches entreprises par les artistes.
L’exposition se divise en six concepts. Si la première partie s’attarde sur les répliques humaines, la deuxième se concentre sur les représentations monochromes, afin de démontrer que l’absence de de couleurs peut renforcer les qualités esthétiques liées à la forme, bien loin d’atténuer l’effet réaliste et permet de donner un certain anonymat et une dimension collective aux sculptures. On découvre ensuite l’intérêt pour les artistes de se focaliser exclusivement sur des parties spécifiques du corps pour gagner en réalisme et véhiculer un message.
CAROLE-A.-FEUERMAN-Catalina,1981 et General’s Twin,2009.
Les nageuses de Carole A. Feuerman sont plus vraies que nature, aves les goutelettes d’eaux sculptées à leur surface on a l’impression de voir des épidermes humides.
« Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail »LEONARD DE VINCI
Viennent ensuite des sculptures aux dimensions exagérées : leur format n’est pas anodin, il vient placer l’accent sur des thèmes existentiels et des moments clés de la vie.
Woman and child de Sam Jinks, 2010.
Cette sculpture de taille réduite d’une grande tendresse parvient à capturer la fragilité de la vie grâce au vieillissement du corps de cette grand-mère finement travaillé et la quasi transparence laiteuse de sa peau.
Ensuite l’exposition connait un certain basculement puisque le concept suivant concerne les réalités difformes. Dans cette partie plus contemporaine, les artistes dépassent à l’aide de l’hyperréalisme les frontières du réel. Ils déforment, contorsionnent, décomposent les corps, afin de soulever des questionnements essentiels sur les progrès scientifiques, les possibilités offertes par les outils numériques et les questions éthiques entrainées par ces avancées, dénonçant ainsi la finitude de notre existence souvent niée aujourd’hui.
Evan Penny,Self Stretch, 2012
Evan Penny adapte l’hyperréalisme au monde d’aujourd’hui : ses sculptures semblent avoir des proportions exactes seulement pour un angle de vue. Ainsi de face, cette sculpture semble sorties tout droit d’une photo tandis que lorsque le spectateur se déplace, il réalise que le reste de la sculpture est comme écrasé, aplatit, réduisant donc cet « êtrehumain » à un format en 2D.
« C’est le regardeur qui fait l’œuvre » MARCEL DUCHAMP
La dernière partie intitulée « Frontières mouvantes » est l’occasion de s’interroger sur la possibilité de se libérer du cadre tridimensionnel et de la sculpture inanimée et figée pour faire perdurer l’hyperréalisme.
J’ai beaucoup apprécié les concepts présentés dans cette exposition et plus particulièrement les derniers qui ont le mérite de dépoussiérer ce mouvement artistique. Les techniques et les matériaux utilisés questionnent tantôt le rythme consumériste de notre société ainsi que la volonté d’améliorer toujours plus l’apparence humaine. Et puis surtout, les illusions créées par ces œuvres occasionnent des impressions et des émotions qui ne sont pas transmissibles par des photographies c’est pourquoi je vous recommande cette exposition qui est un vrai régal pour les yeux.
« Hyper Réalisme, ceci n’est pas un corps », à la Sucrière à Lyon jusqu’au 6 juin 2022.
Eh oui, aujourd’hui on va s’attaquer à du lourd. A du très très lourd même. On va parler de pierres qui défient la gravité et de personnes qui en font des œuvres d’arts hors du temps…
Empiler des cailloux, c’est pour ainsi dire, le péché mignon de l’Homme depuis tout temps. Cela a commencé avec la construction de dolmens, tel Stonehenge, et continue de perdurer avec la construction de cairns par quelques randonneurs audacieux aux bords des sentiers de montagne.
Ci-dessus, deux œuvres de l’artiste Michael Grab.
Cependant, certains en ont fait une passion;
à tel point qu’ils ont poussé le niveau à l’extrême, jusqu’à allant défier la gravité. C’est ce que l’on appelle plus communément le « stone balancing » ou le « rock balance », en bref : l’équilibre des pierres.
Ci-dessus, une œuvre de l’artiste Adrian Gray à Singapour en 2012.
C’est une pratique encore assez méconnue mais qui commence lentement à se démocratiser à travers les paysages montagneux et aquatiques des quatre coins du monde. Une des premières personnes à avoir pratiqué cette discipline est Adrian Gray, un artiste américain, se qualifiant lui-même de « pionnier de l’art du stone balancing« . L’artiste a en effet commencé sa carrière en créant des œuvres éphémères aux alentours de l’année 2002.
De plus en plus d’adeptes veulent s’y essayer et pour cela rien de plus simple : un beau paysage, des pierres astucieusement choisies et une infinie patience. Beaucoup y voit un aspect philosophique et spirituel. Le fait d’empiler des éléments aussi simplistes que des pierres en luttant contre la gravité pour ne pas que tout s’effondre peut aider au bien-être de certaines personnes appréciant cela.
Ci-contre, une photo de l’US National Park Service alertant sur les dangers de cette pratique.
Mais cette pratique, se rependant de plus en plus dans le domaine de l’amateurisme, a un côté double-tranchant. En-effet, certaines personnes mal intentionnées effectuent cette pratique de manière répétée, ce qui a pour conséquences la destruction d’abris d’animaux sauvages et la déformation du paysage naturel.
Ci-dessus, une œuvre de l’artiste Sp Ranza.
Il existe néanmoins un championnat mondial au Texas réservé aux professionnels qui impose aux participants d’ériger leurs œuvres dans un endroit naturel n’interférant pas ou très peu sur la faune et la flore locale. L’usage de colles ou de matériaux adhésifs est totalement proscrit, seule la « gravity glue » (la gravité dite collante) est autorisée. Le champion d’Europe de ce concours n’est autre qu’un artiste français se présentant sous le pseudonyme de Sp Ranza.
Et vous? Ne vous laisseriez-vous pas tenté par le stone balancing dans un environnement calme, propice à cette activité en luttant avec ferveurs contre la gravité que nous a démontré Newton…?
Aujourd’hui tout le monde apprécie les oiseaux. Et surtout, tout le monde apprécie l’art. Et si on mettait les deux ensemble ?
C’est en partant de ce principe un peu farfelu que l’idée de peindre des fresques géantes pouvant être vues du ciel est venue à l’artiste français Saype.
Mais ce qui fait que cet artiste est unique en son genre, c’est sa capacité à peindre des personnages sur l’herbe tout en défendant des causes bien concrètes.
Ce pionnier d’un nouveau type d’art, mélange entre du street art et du land art, peint sur l’herbe grâce à une peinture totalement biodégradable. Il se considère d’ailleurs lui-même comme « pionnier d’un nouveau mouvement qui est la peinture biodégradable sur herbe« .
Le nom de Saype vient de la contraction des mots Say Peace, nom avec lequel il signait ses divers graffitis et tags dans les villes au début de sa carrière.
En 2013, il commence à s’intéresser à faire une peinture biodégradable. Il passe un an à concevoir sa propre peinture totalement naturelle et c’est à partir de là qu’il réalisera à l’aide de quelques amis deux ans plus tard une gigantesque fresque sur herbe nommée l’Amour de 1400m².
L’Amour, fresque de 1400m², est un véritable défi tant physique que technique pour Saype. Il exprime « l’humilité » de l’Homme face à Dame Nature. Peinture éphémère faite au Col des Aravis, Haute-Savoie, 2015.
L’artiste aime travailler dans la nature, mais aussi la défendre.
Chacune de ses œuvres milite pour une cause liée à l’environnement dans lequel elle se situe. Saype a pour règle d’or « d‘impacter les mentalités sans impacter la nature« .
Il est animé par le fait de s’affranchir du monde clos des galeries et de pouvoir travailler en plein air. « Cela me donne une infinité de possibilités, déclare-t-il, c’est ça qui m’éclate dans mon travail« .
Ses œuvres ont une durée de vie d’environ un mois. Sa peinture ne craint pas vraiment la pluie mais évolue au fil des intempéries, de la repousse de l’herbe et du passage des visiteurs.
Toutes ses œuvres relèvent des questions existentielles et philosophiques, explorant le plus souvent des problématiques autour de l’être humain. L’artiste partage sa vision du monde à travers son travail et nous invite à nous interroger sur notre nature profonde, notre place sur Terre et dans la société.
Qu’est ce qu’un grand homme? est la plus grande fresque biodégradable sur herbe du monde, s’étendant sur 10 000m² et faite dans les Alpes suisses à Leysin en 2016.
L’artiste s’engage socialement en 2018 en créant Message from future, une « petite » fille de 5 000m² en plein cœur de Genève en soutient à l’association SOS Méditerranée.
Depuis, Saype a développé un projet appelé Beyond Walls à but pacifique en créant plusieurs œuvres à travers le monde. Le 1 décembre 2021, il crée All of us de 2 800m² sur la plage de Miami Beach, pour lutter contre le sida.
« En cette journée mondiale de lutte contre le sida, c’est le bon moment pour partager des messages d’espoir optimistes et aider l’association caritative (RED) luttant contre le sida. »
Saype est donc un artiste international engagé qui, grâce à ses œuvres, veut entretenir l’environnement à sa juste valeur et la paix à travers le monde.
On peut donc se demander si une œuvre éphémère dans la nature bouscule plus les mentalités qu’une œuvre permanente dans une grande galerie d’art ?
La curiosité vous attire ! Comment un monument peut-il être invisible ? Je vais vous le faire découvrir dans cet article conteur d’histoire et de souvenirs alors installez-vous près de la cheminée et laissez-vous porter par votre imagination.
Petit et encore aujourd’hui la période de Noël enchante nos esprits de sa magie créée par la neige, le sapin lumineux et les cadeaux, mais surtout et avant tout par ce gros bonhomme en rouge et blanc poussé par des rennes sur son traîneau, le Père Noël. Une histoire qui nous faisait attendre le mois de décembre avec impatience, mais qui cependant instaure le mystère avec ce personnage qui par sa discrétion n’a jamais été visible.
Alors comment et pourquoi croyons nous au Père Noël ? Demandez à vos parents, aux livres, aux films…
En effet nous ne pouvons croire en lui que par les histoires qu’on nous raconte, alors croirez vous en moi si je vous dis que se trouve dans le quartier de Schlossplatz à Sarrebrück un monument que l’on ne voit pas.
À la manière du père Noël qui rentrait clandestinement dans les maisons pour déposer des cadeaux au pied du sapin, Jochen Gerz a clandestinement scellé progressivement les pavés de la place pour rendre hommage aux disparus juifs victime de la Shoah…
Qui est Jochen Gerz ?
Jochen Gerz est un artiste conceptuel d’origine allemande, né à Berlin en 1940. Il mène l’essentiel de sa carrière artistique à Paris avant de s’installer en 2008 en Irlande. Ses travaux ne relèvent jamais d’une seule discipline artistique. Ils doivent d’abord être compris comme des œuvres in-situ où sont utilisés différents médias : Écriture, photographie, vidéo, installation, mais également performance. Ses anti-monuments et son œuvre sur la mémoire l’ont fait connaître au-delà du milieu de l’art.
« Quand je pense à l’art, je ne pense pas à l’idée de faire quelque chose. Tôt ou tard, je pense à être. Pour moi, l’art reste lié à son origine, être. C’est aussi la manifestation la plus radicale du non-dit que l’on puisse produire « .
Un Monument Pas Aussi Invisible qu’on ne le Pense
Le monument invisible, aussi appelé 2 146 Pierres, un monument contre le racisme, est une intervention faisant appel à la sculpture de Jochen Gerz.
1 an après la chute du mur de Berlin. Le pays est réunifié et la chute du mur entraîne une prise de conscience plus intense des événements passés. En avril 1990, l’ensemble des 66 communautés juives d’Allemagne (et de la RDA de l’époque) ont été invitées à mettre à disposition les noms de leurs cimetières. Jochen Gerz entreprend clandestinement, avec l’aide de ses étudiants de l’École des Beaux-Arts, de desceller progressivement les pavés de la place devant le château de Sarrebrück, ancien quartier général de la Gestapo. Sur chaque pavé, il inscrit le nom d’un cimetière juif d’Allemagne et la date de cette inscription pour le remettre en place, face gravée tournée vers le sol. Le nombre des cimetières donnés par les communautés juives s’élevait à l’automne 1992 à 2146. Cela a donné le nom au mémorial 2146 pavés.
L’œuvre a été inaugurée à Sarrebrück en mars 1993 par une exposition photographique retraçant les étapes de la réalisation du projet. Le 23 mai 1993, la place du château est officiellement baptisée Place du Monument Invisible. Ce sera le seul indice visible d’un lieu qu’on arpente sans repère.
Une Œuvre Conceptuelle
Il ne s’agit pas d’une œuvre comme les autres. D’une part, c’est une œuvre invisible, on ne la connaît que si on nous l’a raconté, car elle est cachée. C’est une œuvre conceptuelle. Le spectateur déambule donc sur l’œuvre elle-même et s’interroge sur ce qui se cache sous ses pieds. D’autre part, c’est une œuvre qui est une installation In Situ, c’est-à-dire installée non pas dans un musée, mais dans un lieu extérieur et choisi volontairement par l’artiste dans le but de créer du sens.
L’artiste détourne ici l’intention commémorative initiale et le caractère habituellement démonstratif du monument. Il crée ainsi une œuvre forte et discrète à la fois, dont le sens et la forme évoquent le silence de la population locale face aux déportations. L’artiste mobilise donc une nouvelle forme de commémoration qu’il développe sous la forme d’anti-monuments qui symbolisent l’enfouissement de souvenir de ces événements tragiques dans nos mémoires.
Si un jour vous avez l’occasion d’aller ou de retourner sur cette incroyable place, imaginez-vous arpenter une longue vallée de centaines de petits monuments pour vous laisser porter au cœur de l’espace, du calme, de la compassion et des souvenirs qu’offre Jochen Gerz à travers son œuvre.
Je vous remercie de l’attention portée à cet article, n’oubliez pas de laisser un commentaire.
Salvatore Garau secoue le monde de l’art avec des œuvres… invisibles !
C’est en 2020, à la Piazza Scala de Milan, que sont exposées pour la première fois les Invisibles Sculptures de l’artiste italien Salvatore Garau. Ces sculptures sont d’autant plus étonnantes qu’elles ont été créées à partir de… rien et de vide ! Le monde de l’art s’émoustille alors pour ces œuvres façonnées dans le néant, à tel point qu’à Milan en Mai 2021, un chanceux collectionneur privé réussit à obtenir une de ces raretés intitulées « Io sono » (traduction : Je suis) pour la modique somme de 15 000 $. Bien qu’impalpable, la pièce unique se voit livrée, accompagnée d’un certificat d’authenticité en bonne et due forme sur lequel sont apposés les schémas détaillés et des instructions très précises pour la bonne présentation de l’objet. Des éléments qui, sans le moindre doute, rassureront l’acquéreur lors de sa future exposition.
Mais la question que l’on se pose est « que représente-elle ? ». L’artiste répond : « Io sono est le portrait de quiconque prononce ou pense au titre devant l’espace vide. La liberté d’interprétation est totale. Qu’elle serve à se penser autrement, en s’abstrayant de tout et surtout des images ». Néanmoins il affirme : « Ne rien voir rend fou. S’il est mal interprété, le vide crée des angoisses ».
Si le vide crée des angoisses, alors les presque 6 mois de travaux, durée qu’a mis l’imaginaire de Salvatore Garau à être sculpté, sont justifiés ! Mais l’artiste rassure, son œuvre est chargée d’intentions car elle cherche à faire ressentir aux gens « la proximité des amours et l’énergie sentimentale qui peut exister dans les pensées, dans les moments de distanciation sociale, dans le monde à cause du Covid19 ». Le travail de Garau vise également à être un défi à l’œuvre numérique NFT qui, selon lui, « provoque une forte pollution, une surconsommation d’énergie et fait, paradoxalement, allusion au culte des restes qui les considère comme sacrés quelle que soit leur nature réelle».
Quand l’invisibilité bouleverse les droits d’auteur
Formé à l’Académie des beaux-arts de Florence et récemment connu pour ses œuvres dépassant l’entendement, Salvatore devra tout de même faire face à une rivalité bien visible. Depuis quelques semaines, l’originalité de la performance de l’artiste est remise en question, l’italien se voit pris dans un tourbillon médiatique mais cette fois, pas fait que de vent : Un sculpteur américain, Tom Miller l’accuse de plagiat pour son oeuvre « Io sono » estimant que cette oeuvre est belle et bien une contrefaçon de sa sculpture invisible « Nothing » exposée en 2016 à Gainesville aux États Unis. L’élaboration de l’œuvre de Tom Miller avait fait l’objet d’un court documentaire fictif représentant la construction de la sculpture invisible par des constructeurs mimant l’installation de bloc d’air… Cette actualité soulève alors la très grande question pas moins intéressante de la protection des performances d’art contemporain et a fortiori celles invisibles !
Plagiat ou pas, ce qui est sûr c’est que ces œuvres ne risquent pas d’être volées, pas pour leur côté « air de rien », mais on imagine bien qu’un nouveau « titre devant l’espace vide » pourrait les faire changer de place comme par enchantement. Alors, bonne chance les !
Pour ce dernier article de l’année, j’aimerai vous présenter un photographe que j’affectionne tout particulièrement. Steve McCurry né en 1950 dans l’état de Pennsylvanie aux Etats Unis, passionné par la photographie et tout particulièrement les portraits, il commença sa carrière de photographe indépendant à l’âge de 28 ans lors d’une expédition en Inde. Ses clichés dynamiques et amplis de couleurs, contrastent particulièrement avec la dureté des conditions en zone de guerre où il a pris ses clichés les plus connus.
Les différents portraits qu’il a capturés autour du monde documentent sur les luttes humaines et sont assez spectaculaires. A travers un simple cliché, il arrive à faire ressortir le caractère et le vécu de ses modèles, parfois teinté d’une lourde histoire. Un de ses clichés le plus connu est « l’Afghane aux yeux verts », immortalisé en 1984 en période de guerre dans le camps de réfugiés de Nasir Bagh, situé au nord du Pakistan. Cependant même si cette photographie mériterait plus d’un article, je souhaiterai vous en présenter deux autres.
Ce portait nommé « Smoking Coal Miner » a été immortalisé à Pol-e Khomri en Afghanistan en 2002, dessus, on y voit un mineur de charbon fumant une cigarette. Quelque chose de très fort se dégage de ce cliché. La façon dont a été pris la photo montre les conditions précaires de ces mineurs et les répercutions sur le corps humain, ce qui marque le plus sur ce portait se trouve dans le regard que porte le sujet, le contraste entre les conditions difficiles qui mettent son corps et son esprit à l’épreuve, ce regard rempli de fierté et d’assurance, donne un sentiment si particulier à ce portrait.
Cette deuxième photographie nommée « Man with sewing machine in monsoon » a été prise lors d’une inondation en Inde en 1984, sur cette photo montrant un vieil homme, l’eau jusqu’au cou, portant sur sont épaule une machine à coudre endommagée par une inondation, sa machine à coudre, peut-être son bien le plus précieux, sans laquelle il n’a sûrement plus de revenu, pourtant, il arbore sur son visage un grand sourire, cet homme malgré sa situation, à l’air tout à fait heureux.
Je n’ai pu malheureusement vous présenter qu’une infime partie du travail de cet artiste, je vous invite donc si ces photographies vous ont plu, à vous renseigner sur ses autres œuvres, et pour ce qui on la chance d’être en ce moment en région parisienne, il y a une exposition temporaire nommée « Le Monde de Steve McCurry » jusqu’au 29 mai 2022 au musée Maillol à Paris.