Ces derniers jours, nos médias nous alertaient sur les nombreux scandales alimentaires liés aux industriels du secteur qui ne respectent pas si bien les normes d’hygiène établies pour la sécurité des consommateurs, mais ces scandales sont-ils le reflet de notre époque ou ont-ils toujours existé ?…
C’est alors que je me suis rappelé le visionnage d’un très bon documentaire Arte il y a quelques années sur une mystérieuse brigade menée par Harvey Willey, chimiste américain (1844-1930). Nous sommes alors à la fin du XIXème siècle, certains pays comme la France, l’Allemagne ou la Grande Bretagne possèdent déjà quelques législations alimentaires permettant de contrôler l’origine et la qualité d’un produit industrialisé. Harvey se trouve justement en France et celui-ci est frappé par le contrôle exercé, il est vrai qu’aux États-Unis l’état ne s’intéresse pas aux pratiques des industriels, par désintérêt mais aussi par intérêt et pourtant la vérité n’est pas si flatteuse …
Harvey Washington Wiley
De retour dans son pays, Harvey n’a plus qu’une obsession, découvrir cette vérité. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne sera pas déçu, et bien qu’il fasse découverte sur découverte l’état américain rejette ces demandes et craint le scandale. C’est alors qu’Harvey émet l’idée brillante d’associer les journalistes du Washington Post à son combat, avec eux pas moyen que les américains continuent de manger en ignorant ce qu’ils ont dans l’assiette.
1902, Harvey Wiley passe une annonce bien particulière dans les journaux, il cherche 12 volontaires pour expérimentations alimentaires en échange de repas gratuit (après la guerre de Sécession bon nombre d’américains n’ont plus les moyens de s’alimenter il y aura plusieurs centaines de candidats). Les 12 volontaires sont vite trouvés, le chimiste les choisit de bonne condition physique, robuste et jeune pour ne pas influencer les résultats. Le groupe est divisé en deux, ceux qui recevront de la nourriture empoisonnée et ceux qui recevront une nourriture saine, aucun des hommes ne sachant dans quel groupe il se trouve. Les résultats apparaissent très vite : douleurs digestives, nausées, troubles neurologiques,…
Journalistes et lecteurs se passionnent pour le Poison Squad et bientôt l’opinion publique manifeste pour que des mesures soient prises. Ils seront rejoints par les groupes hygiénistes féminins et les femmes activistes comme sa femme, Anne Kelton Wiley (1877-1964) qui distribueront prospectus, feront des campagnes de sensibilisation dans les milieux sociaux défavorisés. Nous sommes maintenant en 1906, le congrès adopte le Pure Food and Drug Act après le soutien du président Roosevelt. Grâce aux efforts et à l’acharnement d’Harvey Washington Wiley, les industriels sont désormais contraint à la transparence auprès du grand public.
The Poison Squad presque au complet entouré par Harvey W. Wiley
Alors maintenant je peux vous révéler quelques découvertes d’Harvey mais je vous préviens, ayez l’estomac bien accroché ! Vous aimez les petits-pois ? Ceux-ci étaient bien verts grâce au sulfate de cuivre (qui sert désormais à nettoyer nos piscines). Le miel et le sirop d’érable du Vermont ?.. du sirop de maïs. La plupart des alcools étaient coupés au bitume, le lait était blanc comme neige à l’aide de craie et de conservateurs servant à l’embaumement des corps… et l’une des affaires les plus tragiques concerne un produit très apprécié des enfants depuis son invention : le bonbon.
Au XIXe siècle la mode est aux bonbons colorés qui attirent l’œil des enfants sur le comptoir des épiceries. Pour obtenir un vert bien éclatant les industriels utilisaient un pigment vert inventé par un chimiste, Wihelm Scheele composé de potassium, arsenic blanc et cuivre. Vous voyez déjà l’absurdité ? Bientôt des enfants ressentiront de violentes nausées et certains ne survivront pas. Une ordonnance parisienne en 1830 interdit l’usage de ses substances, les stocks sont nombreux et les industriels envoient les bonbons en province (les contrôles ayant rarement lieu en Province) où ils feront encore des victimes.
Les scandales alimentaires lié aux industriels sont donc nés avec ceux-ci qui encore aujourd’hui doivent répondre de leurs agissements souvent à déplorer. Pourrons-nous un jour faire totalement confiance à l’agro-alimentaire ou à nos services de sécurité sanitaire ? L’état est-il vraiment transparent avec nous ? Des questions auxquelles je compte mener une enquête… à suivre !
Pour poursuivre le débat :
– France Culture, Le Journal de l’Histoire : « Poison Squad ou l’avènement d’une conscience face à l’industrie agro-alimentaire »
– Arte, « La brigade des empoisonnés volontaires », John Maggio, 2019
Je vous conseille aussi le blog d’Amusidora et son article « Histoire macabre de la couleur verte » pour comprendre l’ampleur de l’usage d’un vert arsenic dès le début du XIXe siècle.
Diane C. – DNMADe1 JO – Avril 2022