Le titre que vous venez de lire est une citation extraite de la pièce de théâtre « Caligula » d’Albert Camus (1944). C’est une vérité que le jeune empereur romain découvre après avoir assisté à la mort de sa sœur et maîtresse, Drusilla. Cet évènement lui fait perdre ses repères et Caligula devient alors « l’empereur fou ». Il s’aperçoit que le monde tel qu’il est ne le satisfait pas et trouve cette idée insupportable. Pour continuer à vivre, il a désormais besoin de la lune, c’est-à-dire de quelque chose d’impossible qui vienne contrebalancer l’absolu de la mort. Il devient un tyran provocateur, particulièrement cruel et destructeur : il humilie, viole, assassine devant les patriciens impuissants.
« Caligula », mise en scène par Stéphane Olivié‑Bisson (2011)
Caligula utilise son pouvoir comme bon lui semble, il obtient tout ce qu’il désire. Par ennui peut-être, il va chercher les limites de sa toute-puissance que lui procure son titre d’empereur de Rome. Il choisit la voie la plus perverse, le mal pour le mal.
Le protagoniste recherche une forme de bonheur, de plénitude mais il ne sème que le chaos autour de lui. Il choisit le bonheur immoral, agissant comme un enfant capricieux et cherchant à imposer sa vérité. Pourtant en agissant ainsi, il crée autour de lui un tissu de relations factices. En effet, contrarier l’empereur signifie une mort rapide, pour survivre il faut le servir avec zèle. Caius veut aller au bout de sa logique absurde et finit par connaître des instants de « bonheur », où il estime avoir obtenu l’impossible et ainsi avoir surpassé Dieu :
« Je vis, je tue, j’exerce le pouvoir délirant du destructeur, auprès de quoi celui du créateur paraît une singerie. C’est cela, être heureux. C’est cela le bonheur, cette insupportable délivrance, cet universel mépris, le sang, la haine autour de moi. »
Eprouvant la joie euphorique d’un assassin impuni, il ressent ce contrôle sur la vie humaine. Mais cette joie est de courte durée, il se déclare lui-même coupable dans un monde sans juge.
« Si j’avais eu la lune, si l’amour suffisait, tout serait changé. »
Caius sera donc un insatisfait, un malheureux qui croyait pouvoir être heureux en suivant une voie différente des hommes. Il en éprouve une haine de soi et est envahi par le désespoir.
« Ma liberté n’est pas la bonne […] Cette nuit est lourde comme la douleur humaine. »
Il finit tué par les patriciens, c’en est finit du règne de l’empereur tyrannique.
Il m’est difficile de décrire le caractère de Caius. Il est à la fois naïf et enfantin tout en étant nihiliste et désenchanté. Il va au bout de son objectif croyant atteindre le bonheur mais s’aperçoit de son erreur après avoir commis des crimes impardonnables. En vivant dans le vice, en agissant contre la morale de l’Homme, Caligula détruit ses semblables et se détruit lui-même par la même occasion. L’ordre du monde n’a pas changé, l’empereur est pris au piège, son destin est scellé. En participant à sa propre mort, il change son assassinat en mort sacrificielle. Il montre ainsi l’exemple et son entreprise marquera les esprits.
Finalement l’homme peut-il croire au bonheur ? La recherche du bonheur est-elle raisonnable ?
Sylva EHRLACHER – DNMADE 2 – Février 2021