La représentation du corps traduit-elle une destruction de l’identité ?

A l’ère de la communication mondialisée il me semble pertinent de vous présenter le travail artistique du duo Aziz et Cucher véritable remise en question de notre usage des technologies.

Tous deux issus du San Francisco Anthony Aziz et Sammy Cucher travaillent depuis 1990 sous le nom logotypé de Aziz+Cucher. Leurs œuvres et points de vue sont principalement énoncés par la photographie digitalement modifiée.  

 « Chaque image, chaque représentation est devenue aujourd’hui une imposture potentielle « 

C’est à travers la série de photos nommée « Dystopia » sortie en 1995 que le duo nous présente de grands portraits défigurés, l’opération de gommage débouchant sur l’obstruction de tous les orifices dédiés à nos sens disparaissent sous une épaisse couche de chair, sous une peau qui les prive d’échanges avec l’extérieur. Derrière le mutisme de la peau, le visage silencieux devient impersonnel. L’identité du portrait, comme celui des autres œuvres de la même série, est dissoute, décomposée, déshumanisée.

Dans les photographies, la manipulation est évidente. Les visages semblent fermés sur un cri silencieux. De cette façon les artistes mettent l’accent sur tout un tas de questions liées à l’identité : la possibilité de cloner un jour d’autres êtres humains, l’angoisse qui peut surgir des manipulations génétiques mais aussi la perte d’identité de l’homme dans sa relation et son association avec le virtuel. Symboliquement les portraits nous montrent la mutation fatale de cette société, privée de liberté et d’échanges avec l’extérieur, et littéralement asphyxiée.

Les visages seraient comme connectés à un autre monde, virtuel, rendant le corps inquiétant et morbide. La cyberculture a levé de nombreuses barrières qui existaient jusque là entre les individus. Mais à en croire ce portrait, le phénomène ne serait pas sans conséquence pour l’individu lui-même. Le sujet est entièrement absorbé, englouti, néantisé. À travers la connexion et le couplage homme-machine, se joue non seulement la disparition du corps, mais aussi la perte des caractéristiques individuelles. Edmond Couchot nous explique que ces « êtres appartiennent à un univers virtualisé aux infinies possibilités, où l’engagement du corps est devenu obsolète. Téléprésence, téléactivité, cybersex, la prothèse technologique appelle la disparition des organes et des sens vitaux. De là ces êtres qui ne sont pas amputés mais dont les sens ont disparu suivant un processus qui semble presque naturel, la peau ayant repris ses droits sur des orifices devenus inutiles. Ce constat terrifiant sous-tend la nécessaire réappropriation du corps face au corps virtuel et bouleverse les conventions du portrait. »

Ainsi ces photographies agissent elles comme un récit d’anticipation contre utopique qui nous mettrait en garde contre d’hypothétiques mutations fatales de l’humain et de la société, technologiquement refondés. ces œuvres agissent de façon métaphorique comme des avertisseurs, appuyant visuellement sur nos craintes, en nous montrant des figures redoutées. Un mouvement général de transformation du réel par les technologies est en marche. Le corps, la société, mais aussi notre environnement naturel, se trouvent profondément affectés par ce phénomène en expansion rapide. La plupart des utopies technoscientifiques des décennies passées sont en train de devenir des « faits accomplis », ouvrant la voie à de nombreux espoirs, tout autant qu’à de potentielles dérives.

« La réalité virtuelle introduit une autre forme de dédoublement de l’homme et de son corps. En transformant le monde en information, la cyberculture efface le corps, elle modélise la perception sensorielle, réduite le plus souvent à la vue, à la seule protubérance d’un regard fonctionnel. »
David Le Breton

EMMA G. – DNMADeJo1.5 – Avril 2023

L’onirisme, une réalité ?

C’est dans un univers surréaliste, épuré et touché par la magie que les deux sorciers Tania Shcheglova et Roman Noven nous embarquent, réalisant des images hallucinées inspirées par leurs rêves et notre planète. Je vous invite à la rencontre de l’univers psychédélique complètement dément du couple de photographes ukrainiens.

« Notre travail est une exploration intime de la planète Terre, de la nature. »

D’une beauté troublante c’est à travers une série de photos intitulées « Supernatural » prise au cours d’un road trip, que le couple auto-explore l’inconnu. Aussi brute en apparence qu’en contenu ces images sont remplies de mysticisme. Ils traitent la construction de la propre version de la réalité et visitent la frontière entre le réel et l’imaginaire. C’est dans cette brèche de deux mondes opposés que les photos du duo « Synchrodogs » existent. Un travail qui les porte jusqu’aux limites du réel, et révèle un goût pour l’abstraction.

Les divinités possédées qui se pavanent dans une bonne partie de ces photos semblent elles-mêmes être des mirages. Plongés au beau milieu de paysages désertiques, rocailleux et sablonneux, mais surtout merveilleux et surnaturels. A travers ce projet hyper esthétique, Les décors dégagent cette aura aride de romantisme si unique aux déserts de l’Arizona ou aux roches rouges du Nouveau-Mexique.

« Depuis 10 ans nous avons développé une certaine technique de méditations nocturnes, nous essayons de documenter le passage du sommeil à l’éveil. Nous nous réveillons souvent au milieu de la nuit, pour prendre des notes de nos rêves afin de les reproduire en image plus tard. Surtout, nous avons redécouvert nos propres capacités et limites énergétiques, la façon dont un humain peut marcher dans les ténèbres, aller directement dans l’inexploré, en se fiant à l’intuition, aller là où le subconscient mène et se sentir en sécurité dans le monde de l’inconnu. « 

En effet, le duo artistique a recréé leurs visions qu’ils ont réussi à observer grâce à l’expérimentation des techniques de méditation et de rêve lucide, l’élément central de communication avec notre inconscient. Le duo libère celui-ci en analysant les profondeurs de la psyché humaine. A travers leurs œuvres nous pouvons aussi comprendre qu’il n’existe pas de définition universelle du rêve, chaque personne lui accorde un traitement spécifique, (son récit, le maniement de son matériau, son interprétation, univers…) différent selon les esprits. Il ne reste pas moins un véritable brouillon du réel ils nous rappellent à quel point nous pouvons avoir une connexion puissante avec notre esprit et franchir toutes limites, se plonger dans d’autres dimensions infinies l’esprit a ce besoin d’échapper au réel.

La peau nue des modèles n’apparaît pas sensuelle, mais plutôt vulnérable. Elle définit les formes des corps et se laisse ensevelir sous différentes matières naturelles comme artificielles. Devenue simple sujet, les hommes se fondent dans les éléments, ne faisant qu’un avec la planète. Un univers hallucinatoire porteur d’espoir et de créativité.

« La nudité est préconditionnée par la nature, elle fait partie de nous, donc elle fait aussi partie de notre art Notre intention est toujours de rendre l’homme étrange, de le faire apparaitre comme un être vivant qui n’existe que grâce à la terre. »

Emma. G – DNMADE JO1- Février 2023

DAVID HOCKNEY, de l’œuvre classique à l’œuvre digitale 

L’artiste, David Hockney, casse les codes de l’art.

Cette figure majeure du mouvement Pop Art des années 1960 et de l’hyperréalisme est un des peintres les plus influents du XXe siècle. Ses œuvres colorées de portraits et de paysages mélangent la peinture et la photographie. Étant sensible à son environnement (East Yorshire, UK), au travers de ses œuvres nous pouvons voir la métamorphose de la nature.

Voici quelques unes de ses œuvres emblématiques : 

A Bigger Splash 1967 David Hockney born 1937 Purchased 1981

C’est la troisième toile d’une série sur le thème des piscines. Son œuvre étant la plus connue est tout en géométrie avec seulement le « splash » de l’eau qui vient troubler cette vision représentatif du style californien. Le tableau est bordé d’un cadre clair à la manière d’un Polaroïd que l’artiste commence à utiliser. Il photographie souvent ses idées pour après les retranscrire en peinture : cela l’aide à la vision de sa toile et aux perspectives.

Portrait d’un artiste ( Piscines avec deux personnages ) 1972

L’œuvre est née de deux photographies prises par l’artiste lui-même. Un personnage fixant le sol, la piscine avec un nageur, deux personnes pouvant s’apparenter à un couple. Cela donne une œuvre énigmatique dans ce paysage montagneux.

Après avoir utilisé de l’huile, de l’acrylique et de l’aquarelle comme médium, David Hockney suit l’air du temps et découvre le numérique. Il s’approprie progressivement les techniques de peinture via l’iPhone et l’iPad. La pandémie et les confinements successifs l’ont conduit à un auto-apprentissage intensif de l’Ipad. Ce moyen offre davantage de fonctionnalité et de finesse. Il publie alors une multitude de séries d’œuvres faites à l’iPad (Yosemite suite, Arrival of spring in woldgate). David Hokney apprécie la rapidité de l’œuvre digitale comparée à l’aquarelle et la retranscription de qualité de la lumière. Son application favorite est Brushes car il affectionne particulièrement comment elle retranscrit l’aspect de la trace du médium choisi : les effets de brosse et de lumière sont conservées. Ainsi cet outil de dématérialisation lui permet de saisir l’instant fugace d’un levée de soleil, d’une allée en fleurs….. En conservant la naturalité de son trait, puisqu’il joue avec les nombreuses fonctions de l’application qui retranscrivent sa vision.

David Hockney, Yosemite, 2011

David Hockney est un artiste qui vit avec son temps. Lui-même exprime cette idée : « L’art ne progresse pas mais c’est l’artiste qui évolue ». Aujourd’hui la question n’est pas de savoir si c’est un artiste mais si son œuvre digitale peut-être considérée comme une œuvre d’art ? Les fichiers numériques ont-ils une valeur artistique ?

Mathilde Petit – DN MADE 2 JO – DEC 2022

Le covid… Source d’inspiration ?

Souvenez vous ! Pendant les temps forts de la pandémie de coronavirus, la grande majorité du monde fut confinée, les grandes villes se retrouvaient alors désertées. De nombreuses photos troublantes ont circulé, montrant des rues de grandes métropoles totalement vides. Les œuvres de l’artiste dont je vais vous parler aujourd’hui m’évoquent directement cette période. En effet, dans cet article nous allons passer au peigne fin le travail de Rumi Ando.

Cette photographe casse les codes de son domaine en ne s’intéressant pas à la foule ou encore aux couleurs vives. Le principe même de son expression artistique est de représenter les formes géométriques qu’on retrouve dans les rues de Tokyo avec des couleurs très pastels qui rendent la scène plutôt inquiétante. Ici le pastel ne semble étonnement pas nous communiquer une idée d’innocence. Bien au contraire…

Pour renforcer cette idée de photographie angoissante, l’artiste supprime les habitants, les panneaux publicitaires, les pylônes électriques, les portes et les fenêtres. Un décor presque post apocalyptique qui attire notre attention sur la déconnexion sociale présente au sein de cette ville. Le plus beau dans tout ça ? C’est que ces œuvres à la vision dystopique de nos métropoles ont été réalisées AVANT la pandémie. Un coup de génie ? Peut être.

On peut remarquer que cette artiste semble appartenir au surréalisme. Ce mouvement artistique a pour but de redécouvrir une sensibilité perdue, de retrouver les facultés humaines annihilées, réprimées par des siècles de civilisation et d’accéder à un univers régi par le merveilleux, l’imagination, le rêve et l’amour. Quoi de mieux que de supprimer directement à la source le problème ? L’artiste nous fait réfléchir. A-t-elle voulu supprimer toute forme de vie en ne laissant que les créations humaines pour dénoncer un sentiment d’oppression ? Une autre hypothèse plus probable : L’artiste dénonce l’évolution de la société qui tend à être de plus en plus asservie par internet, et qui peut à peu nous isole de nos congénères réels. Faut-il s’inquiéter d’un avenir urbain qui pourrait conduire à une distanciation sociale volontaire, ou ne voir que la dimension sereine, paisible, qui se dégage de ces photographies ? Suite aux récents évènements sanitaires cette question est d’autant plus renforcée.

Eve BIELHER – DNMADe1 Ho – Avril 2022

Quand la nature sublime la rouille

L’exploration urbaine, plus communément appelé Urbex, qui se définit comme étant une visite sans autorisation des lieux délaissés ou abandonnés, d’après plusieurs pratiquant.es, l’exploration des lieux abandonnés était, est, et sera toujours quelque chose qui perdurera, le plus longtemps que l’Homme décidera d’abandonner des bâtisses et autres bâtiments.

Grâce ou à cause des réseaux sociaux (à vous de juger), l’engouement autour de cette activité est grandissante, malgré la médiatisation de celle-ci, qui possède ses propres principes, ainsi qu’un code de conduite visant à préserver les lieux et les protéger au maximum, entre photographes, youtubeurs, amoureux d’histoires, et autres adeptes passionnés, la non-diffusion des coordonnées des spots* est une règle d’or dans cette discipline, afin d’éviter d’attirer les voleurs, les casseurs ou même les squatteurs, mais aussi par respect pour les propriétaires.

Alice Van Kempen, FURBEX

Pourquoi apprécier cette discipline?

D’abord il y a l’aspect historique des lieux, qui est étroitement lié à la temporalité, les lieux peuvent être abandonnés depuis des années ou des mois, les urbexeur.ses sont toujours en admiration sur ces lieux dans lesquels le temps semble s’être arrêté. Éprouvant une nostalgie du présent, qui suspend le temps pour celui qui l’observe, un décor actuel mais plongé dans le passé. De plus, nous avons les adeptes de l’aspect esthétique, des lieux chargés d’histoire, de détails, d’objets qui méritent d’être photographiés, ou d’être scénarisés à des fins cinématographiques, et d’autres domaines pour les plus créatifs.

Dominique Hermier, urbexeur et graphiste, nous montre comment il lie ses deux univers pourtant très différents : « En tant que graphiste et directeur de créa, faire se télescoper des univers de pop-culture et photographiques, cela crée des chocs « philoso-graphiques », […], l’urbex est souvent abordée par les photographes, soit sur l’aspect esthétique et historique avec de très belles réalisations photographiques qui montrent le travail du temps et de l’abandon, soit comme support pour des mises en scène avec modèles ravissants et accessoires travaillés. Rarement le volet social et marketing sont mis en avant, et c’est dommage, car c’est l’occasion de montrer notre société sous un angle différent, tout en posant des questions avec un autre vocabulaire graphique. J’ai voulu imaginer la fusion du marketing et de l’urbex… »

L’exploration urbaine à la sauce « Ikea » : que découvriront les urbexeurs de demain ?

Après cette brève information ré-créative, revenons aux différents attraits de cette discipline.

Pour nous, dans cette société, nous avons facilité à imaginer une ville, une usine, un lieu, mais s’y rendre c’est en prendre possession, c’est retrouver un autre rapport à soi par rapport aux objets, se rendre compte à quel point la matérialité des choses est si dérisoire pour l’Homme, du jour au lendemain, un lieu peut être abandonné, pour un manque d’engouement pour celui-ci, un départ en catastrophe, ou seulement parce qu’il ne génère plus d’interactions sociales, ou économiques.

Je ne vais pas vous faire tout un dépliant sur le pourquoi du comment l’Urbex est appréciable, mais n’oublions pas la satisfaction de voir que dans certains lieux abandonnés par l’Homme, la nature reprend ses droits, prenant le contrôle sur les structures, les recouvrant de feuillages, c’est un mélange qui donne place a une magie inédite.

Si vous êtes intéressé.e pour essayer, n’oubliez pas de vous renseigner avant toute chose sur les lieux, de vous faire accompagner de personnes bienveillantes et de confiance, évitez de vous mettre dans de mauvaises situations, s’il n’y a aucun accès vers l’intérieur, admirez l’extérieur. L’adrénaline peut être un sentiment addictif, mais autant positif que négatif, le bon sens et le respect du lieu sont de rigueur, c’est une discipline dangereuse et illégale, c’est quelque chose à prendre en compte dans certaines situations. 

Tiphaine Dausseing, DnMade Jo 14 Avril 2022

 

Le métissage au service de l’art

C’est de ce mélange culturel et ethnique que Mous Lamrabat tire toute la puissance de son art.

Mous Lamrabat, belgo-marocain est photographe de mode à la base, né au Maroc et ayant grandi en Belgique, il a choisi de faire de cette double culture la base de son travail pour créer un univers singulier qu’il nomme « Mousganistan ».

A travers ses photos, il confronte l’Orient et l’Occident en mélangeant par exemple, McDonald’s et le voile ou les codes de la culture arabe et les marques de luxe. Ce mélange donne des clichés étonnants et décalés, parfois humoristiques entre tradition et modernité. Il s’inspire principalement des objets du quotidien marocain et leur donne un coté artistique en les sortant de leur contexte.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le but du photographe est de rassembler les gens grâce à l’amour et l’humour comme il le dit. Il se sert de l’humour pour déconstruire les préjugés sur le monde arabe. Mous Lamrabat prouve aux occidentaux qui sont encore effrayés par les musulmans qu’ils pensent différents d’eux, qu’un musulman peut faire de l’art à l’occidental et que la culture arabe est très drôle et très artistique. Avec ses clichés, il fusionne ses « deux mondes » et montre que nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences.

« Finalement, je veux rassembler les gens ! Surtout dans les temps que nous vivons, où c’est « nous » contre « eux ». J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on pense que nous n’avons plus besoin des autres. Et cela m’effraie. »

Certaines de ses photos peuvent faire polémique et être mal interprétées comme celle de la femme en niqab bleu qui fait référence à la célèbre couverture de Paper Mag avec Kim Kadarshian, photographiée par Jean-Paul Goude. Mais lorsque l’on connaît les intentions du photographe, on comprend que c’est encore un moyen de défaire les clichés et les stigmates sur la culture arabe.

Le travail de Mous Lamrabat me touche particulièrement, car comme lui, je suis métisse marocaine et en grandissant, on vit une sorte de « crise identitaire » où l’on se demande à quelle origine on appartient le plus, laquelle nous représente le plus, car au bled, on n’est pas considéré comme vraiment arabe et en France comme vraiment français. C’est parfois compliqué de savoir qui on est et de se construire. J’admire cet artiste qui a réussi à se servir de son métissage pour créer, pour faire de l’art, il en a fait une force. Je pense qu’il faut prendre cette diversité et ce mélange de cultures comme une chance même si on essaye parfois de nous faire croire que c’est une faiblesse (notamment dans les absurdités que l’on entend dans les débats politiques actuels) , ce photographe y est parfaitement arrivé et me redonne de l’espoir.

Iman AMRANE – DNMADE23Jo – Décembre 2021

Saisir l’Instant

Pour ce dernier article de l’année, j’aimerai vous présenter un photographe que j’affectionne tout particulièrement. Steve McCurry né en 1950 dans l’état de Pennsylvanie aux Etats Unis, passionné par la photographie et tout particulièrement les portraits, il commença sa carrière de photographe indépendant à l’âge de 28 ans lors d’une expédition en Inde. Ses clichés dynamiques et amplis de couleurs, contrastent particulièrement avec la dureté des conditions en zone de guerre où il a pris ses clichés les plus connus.

Les différents portraits qu’il a capturés autour du monde documentent sur les luttes humaines et sont assez spectaculaires. A travers un simple cliché, il arrive à faire ressortir le caractère et le vécu de ses modèles, parfois teinté d’une lourde histoire. Un de ses clichés le plus connu est « l’Afghane aux yeux verts », immortalisé en 1984 en période de guerre dans le camps de réfugiés de Nasir Bagh, situé au nord du Pakistan. Cependant même si cette photographie mériterait plus d’un article, je souhaiterai vous en présenter deux autres.    

Ce portait nommé « Smoking Coal Miner » a été immortalisé à Pol-e Khomri en Afghanistan en 2002, dessus, on y voit un mineur de charbon fumant une cigarette. Quelque chose de très fort se dégage de ce cliché. La façon dont a été pris la photo montre les conditions précaires de ces mineurs et les répercutions sur le corps humain, ce qui marque le plus sur ce portait se trouve dans le regard que porte le sujet, le contraste entre les conditions difficiles qui mettent son corps et son esprit à l’épreuve, ce regard rempli de fierté et d’assurance, donne un sentiment si particulier à ce portrait.

 

Cette deuxième photographie nommée « Man with sewing machine in monsoon  » a été prise lors d’une inondation en Inde en 1984, sur cette photo montrant un vieil homme, l’eau jusqu’au cou, portant sur sont épaule une machine à coudre endommagée par une inondation, sa machine à coudre, peut-être son bien le plus précieux, sans laquelle il n’a sûrement plus de revenu, pourtant, il arbore sur son visage un grand sourire, cet homme malgré sa situation, à l’air tout à fait heureux.

Je n’ai pu malheureusement vous présenter qu’une infime partie du travail de cet artiste, je vous invite donc si ces photographies vous ont plu, à vous renseigner sur ses autres œuvres, et pour ce qui on la chance d’être en ce moment en région parisienne, il y a une exposition temporaire nommée « Le Monde de Steve McCurry » jusqu’au 29 mai 2022 au musée Maillol à Paris.

Mathieu M. – DNMADe23Ho – Déc. 21

Un vice particulier pour les portes…

Bella Foxwell - @thedoorsofldn Obsession des portes
Bella Foxwell – @thedoorsofldn Obsession des portes

Vous allez vous dire, pourquoi les portes, quel est l’intérêt ? Il est temps de vous ouvrir les yeux sur les pépites du quotidien, je suis certaine qu’après avoir lu cet article, vous allez vous surprendre à mater des portes, des lampadaires ou des façades.

« A mon plus grand désespoir, je me suis découvert une attirance photographique pour les portes et les fenêtres. Ne cherchez surtout pas à savoir pourquoi, vous prendriez peur ou tomberez vite dans le jugement. Aller savoir ça vient peut-être d’une curiosité malsaine, d’un plaisir tordu a m’introduire dans l’intimité des gens. » Celine Cotinat.

Cette phrase colle parfaitement à l’incompréhension de cette lubie qu’est d’aimer les portes, à mon avis chercher à comprendre d’où peut venir ce vice est peine perdue, et dénaturerait complètement le fait même d’aimer cela. Lorsque vous possédez un vice atypique, ne vous posez pas de trop de questions, et n’y réfléchissez pas, le principal est que ça vous satisfasse, et pas forcément aux autres, alors pourquoi vouloir sans arrêt justifier ses envies ?

Andre Vicente Goncalves @andrevicentegoncalves Obsession des fenêtres

Il s’agit de dénicher des pépites auxquelles personne ne prête attention, afin de satisfaire son œil et son… vice. Il s’avère que certains vices sont faciles à satisfaire, l’intérêt ici, c’est que d’une ville à l’autre, l’architecture ne se ressemble pas, la diversité qu’apporte cette lubie est incroyable. Entre les différentes palettes de couleurs, le temps qui passe, laissant une trace sur certaines façades, ce sont ces détails qui font la beauté d’une photographie. Elles racontent toutes une histoire d’une certaine manière, cela attise l’imagination, nous laissant libre court d’écrire le scénario.

T. DAUSSEING – DNMADE14JO – Déc 21

Oulah, méfiez-vous de l’eau qui dort !

Hula artiste peintre autodidacte, de son vrai nom Sean Yoro. Hula est un artiste originaire de Hawaï et basé à Los Angeles. Surfeur et street artiste depuis 2015, Hula est très engagé dans les changements climatiques sur les océans.

Ce qui le distingue des autres artistes, c’est que pour voir ses œuvres, on peut seulement s’y rendre en bateau ou en paddle. Les peintures qu’ils réalisent sont essentiellement des femmes à la peau nue hyper réalistes qui semblent sortir de l’eau, la réflexion symétrique de ses ouvrages, produit un effet miroir sur l’eau qui est splendide. Il a réalisé ses peintures sur des surfaces immergées abandonnées, quand l’eau monte on dirait qu’elles se baignent ou qu’elles se noient.

Il a alors énoncé  » Dans chacune de mes pièces j’intègre l’environnement au portrait, en montrant une sorte de connexion entre les deux »

Au travers de ses œuvres, Hula nous invite à réfléchir sur le réchauffement climatique, car elles sont éphémères et peuvent disparaitre peu de temps après. Parmi ses projets les plus connus, figurent ses peintures sur les glaciers, qui sont très parlant je trouve (bien sûr ce sont des huiles végétales et non toxique pour l’environnement).

peinture sur glace

On voit le visage peint à même la glace d’une femme flottant dans l’eau. Ce visage va finir par disparaitre soit a cause de la fonte des glaces, soit a cause de la montée des eaux, donnant l’impression que la femme se noie. Le message est ainsi clair : les problèmes climatiques n’auront pas seulement d’impact sur l’environnement mais aussi sur les êtres humains.

Il a aussi un projet intitulé « Deep Seads » qui rassemble une exposition de plusieurs œuvres, non pas sur terre, mais bien au fond de l’eau. Ces nouvelles créations ont un double objectif : alerter sur la dégradation des coraux et créer des récifs artificiels.

peinture sous l’eau

La découverte du travail de Hula me touche parce que nous pensons que le réchauffement climatique, n’affecte que la fonte des glaces au Pôle Nord, alors que bien au contraire cela nous impacte bien plus que l’on ne pense. Hula reste un artiste jeune, qui peut toucher la jeune génération, en postant ses œuvres sur Instagram. Il faut dire que, depuis plusieurs années, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) s’accorde à prédire une hausse du niveau de la mer allant de 0,5 à un mètre en 2100. Si, nous ne parvenons pas à gérer les émissions de gaz à effet de serre, un drame qui pourrait interpeller et alarmer les pays les plus polluants, et pourtant, semble leur faire ni chaud ni froid…

A nous de réagir avant de boire la tasse !

Ps : Je vous invite à le suivre sur Instagram (@the_hula), qui a un contenu très intéressant en nous faisant partager ses projets.

PEZZIN Charlène – DN MADe 2Ho – Décembre 2021

La triste photo de l’année

Le 25 octobre a été remis le prix de photographie « Siena International Photo Awards ». Il s’agit de la plus belle photo prise en 2021. Ce concours suscite l’intérêt de nombreux photographes, il y a eu des dizaines de milliers d’images soumises par des photographes de 163 pays différents. Plusieurs prix à la clef mais le prix ultime reste celui de « la photo de l’année » qui représentera l’année 2021.

Avec la crise sanitaire, on pourrait imaginer que le cliché de l’année serait celui des hôpitaux surchargés, des masques jetés dans la nature ou encore des familles confinées dans des minuscules appartements. Pourtant l’ultime photo n’a aucun lien avec cette crise. Alors peut être une photo qui mettrait en lumière les catastrophes climatiques, un autre sujet très actuel, qui occupe l’esprit de nombreux citoyens ? Je ne donnerai pas d’exemple car la photo récompensée par le concours ne parle pas non plus de ce sujet.

En réalité l’image prise par le photographe Mehmet Aslan traite d’un événement qui a commencé il y a longtemps mais qui a été « oublié » par l’Europe occidentale à cause de la crise sanitaire, des problèmes écologiques et d’autres problèmes actuels.  Cet événement c’est la guerre en Syrie.

Voici la photo « Hardship of Life »  ou en Français « L’épreuve de la vie ». Cette photo n’a rien d’une mise en scène, c’est la capture d’un moment entre un père et son fils. La première chose qui interpelle c’est le handicap du père et celui du fils. Munzir (le père) a perdu sa jambe lors d’un bombardement dans un marché. Son fils, Mustafa, est né sans membres à cause d’un syndrome appelé tetra-amélie. Cette maladie congénitale a été causée par les médicaments que sa mère a dû prendre alors qu’elle était enceinte après avoir été exposée à des gaz neurotoxiques durant la guerre en Syrie. Cette photo n’a pas été prise en Syrie mais à Reyhanli dans la province de Hatay près de la frontière.

Ce cliché me plaît beaucoup car d’une part il est esthétique notamment grâce à la lumière qui met en valeur l’enfant et son père. Et d’autre part cette image est remplie de sens, l’arrière plan obscur laisse imaginer les difficultés que la famille a dû dépasser, les troncs coupés peuvent être interprétés comme des proches tombés dans la guerre (comme un arbre tomberait quand on le coupe). Le courage et la force de cette famille franchit l’image pour nous atteindre directement, et si le titre de l’œuvre était une question alors je dirais que oui Munzir à réussi l’épreuve de la vie ! Face à la dureté de leur parcours, Munzir et Mustafa irradient de bonheur.

Je trouve le jury très intelligent d’avoir récompensé cette photo, car en mettant en avant cette histoire, on se rappelle de toutes les autres qu’on a pu oublier comme la prise de l’Afghanistan par les talibans ou les pressions que la Chine fait subir à Taïwan. Un cliché, un retour à la réalité.

T.L – DNMADe2 Ho – 2021

 

 

Plongez dans l’infiniment petit

Sous l’objectif du microscope, les choses les plus banales se transforment en un univers totalement inconnu et chatoyant. Voyagez dans l’infiniment petit, grâce au concours photos organisé par Nikon.

Cela fait 46 ans que le Concours Nikon Small World récompense les plus belles oeuvres photographiées à l’aide d’un microscope (les microphotographies). Celles-ci permettent de distinguer des détails invisibles à l’œil nu dévoilant ainsi des photos colorées par fluorescence qui apportent d’incroyables détails d’inflorescences, de solutions chimiques, d’ailes d’insectes ou de cellules neuronales. Les clichés sont jugés sur leur aspect artistique, leur intérêt scientifique et la technique de photographie en microscopie. Voici les gagnants et les meilleures photos.

                    

  • 5th Place – 2016 Photomicrography Competition, Front foot (tarsus) of a male diving beetle, Dr. Igor Siwanowicz
  • 1st Place – 2019 Photomicrography Competition,Fluorescent turtle embryo, Teresa Zgoda

                           

  •  2nd Place – 2019 Photomicrography Competition, Depth-color coded projections of three stentors (single-cell freshwater protozoans), Dr. Igor Siwanowicz
  • 1st Place – 2017 Photomicrography Competition, Immortalized human skin cells (HaCaT keratinocytes) expressing fluorescently tagged keratin, Dr. Bram van den Broek

            

  • 4th Place – 2011 PhotomicrographyCompetition, Intrinsic fluorescence in Lepidozia reptans (liverwort), Dr. Robin Young
  • 5th Place – 2011 PhotomicrographyCompetition, Microchip surface, 3D reconstruction, Alfred Pasieka

Derrière le concours Nikon Small World, il y a un objectif clairement affiché par les organisateurs : montrer au monde à quel point art et science peuvent être proches. Et avec l’évolution des techniques d’imagerie et de microscopie, les clichés proposés sont de plus en plus créatifs.

Emma Y. V. – DNMADe1 Jo – Février 2021

Besoin de retrouver ton visage, vos visages…

Nous pensons à tort que seul le regard est le portail de l’âme qui permet d’entrevoir et de transmettre nos émotions.

Mais voilà, depuis maintenant plus d’un an, l’apparition d’un virus appelé la Covid-19 a frappé notre pays et plus largement l’entièreté de notre monde, vous n’êtes pas sans le savoir, à part si vous habitez dans une grotte,  car ce nom pourtant inconnu auparavant est désormais sur toutes les lèvres. Pour nous protéger, protéger ceux qu’on aime et ceux qui nous entourent, il est maintenant obligatoire de porter constamment un masque. Oui, on parle ici de ce petit rectangle à élastiques souvent bleu, parfois en tissu, qui peut être aussi  réalisé, même si cela est présentement interdit, avec des slips de papi ou encore des vieux linges de mamie. Oui oui cela existe, croyez-moi ! Cet outil indispensable est devenu en l’espace de quelques mois, pour certains, notre meilleur ami et pour d’autres, notre pire ennemi du quotidien. Nous pouvons tous nous mettre d’accord que son port est nécessaire, quoique plutôt désagréable. Il empêche surtout de voir la partie basse du visage. Cette zone pourtant si banale est composée des joues, du nez, du menton et principalement de la bouche. De plus, Bea de Gelder, professeure à l’Université de Maastricht, explique qu’il n’est pas naturel pour les êtres humains de dissimuler leur expressions faciales avec un masque. « Le contact social est aussi essentiel pour survivre que manger et boire« , il améliore notre santé mentale et physique, notre immunité et réduit notre stress. Cette période nous aura bien appris quelque chose, c’est que les émotions ne se lisent pas que dans les yeux. Cet éclat de rire, cette moue après une dispute, ces petites joues rouges, si essentielles en temps de St Valentin, cette bouche ébahie d’étonnement, tous ces gestes nous manquent et compliquent nos relations avec les autres. Cet aspect, si  important du comportement et de la communication non verbale, est dissimulé et même parfois pour certains oublié.

C’est pour cela qu’aujourd’hui, je profite de cet article pour vous montrer le travail de Jay Weinstein. Vagabond d’origine australienne, il est guide de voyage mais surtout photographe et nomade numérique spécialisé en Inde. Son travail est remarquable et nous permettra de prendre un petit bol d’air frais en admirant quelque chose que nous avions pourtant acquis et que nous avons indéniablement perdu. Comme quoi, il ne faut jamais se reposer sur ses acquis ! Cette citation prend ici tout son sens.

Alors, je leur ai demandé de sourire”. Voici le nom de ce projet touchant, pétri de simplicité mais non dénué d’efficacité. Il consiste à photographier des inconnus dans la rue avant et après leur avoir demandé de sourire. Démarré en Inde il y a 6 ans, le projet “So I asked them to smile” prend de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui, plus de 1 000 inconnus dans 6 pays différents ont accepté de poser pour le photographe (Inde, Singapour, Australie, Kenya ou encore le Népal). Cela permettra aussi de voyager un peu en appréciant la diversité de notre magnifique planète. A travers nos écrans bien sûr ! Covid oblige. La plupart des clichés sont partagés sur le compte Instagram officiel @soiaskedthemtosmile et certains ont été exposés dans plusieurs galeries, comme le Jehangir Art Gallery à Bombay en décembre 2018.

                                                 Khonoma, Nagaland, Inde

Le Dalaï-Lama a dit : « Un simple sourire. C’est le début de l’ouverture de votre cœur et de la compassion envers les autres ». Les sourires ont la capacité de changer une journée, et pas seulement pour celui qui sourit, mais aussi pour ceux qui voient ou reçoivent un sourire. Ce n’est qu’une simple expression, et pourtant, c’est peut-être la plus puissante, car c’est la plus positive.

La réponse derrière chacune de ses photographies est qu’un sourire change tout, et pas seulement l’humeur, mais même l’image entière du sujet. Ses photos montrent également qu’un sourire est unique à chaque individu et qu’il est parfois difficile de savoir à quel point les gens sont beaux quand ils sourient jusqu’à ce qu’ils le fassent.

                             Kerala, Inde                                            Shanghai, Chine

« Ce projet de photographie me force à affronter mes peurs et à approcher des personnes que je ne connais pas. Cela m’oblige à remettre en question mes idées préconçues et à apprendre encore et encore à quel point mes hypothèses sont inexactes. »

A travers ces portraits Jay Weinstein retient que « nous avons tous beaucoup plus en commun qu’on ne le pense et qu’il continue à regarder ces sourires humains se connecter à travers les barrières que la classe, le statut économique, l’ethnicité, le sexe, la religion ou les origines créent ».

Pour finir, en attendant de pouvoir faire tomber les masques, n’oublions pas comme le rappelle dans son livre d’amour, Raoul Follereau, « un sourire ne dure qu’un instant, mais son souvenir est parfois éternel« . Je vous incite donc, à faire appel à vos souvenirs pour vous redonner le sourire !

Jorane Bilquez, Dnmade 1 Jo, Février 2021

« Mille et Un visage… »

Cindy Sherman, est une artiste et photographe américaine contemporaine née le 19 janvier 1954 à Glen Ridge. Elle vit et travaille à New York et est aujourd’hui reconnue comme l’une des photographes vivantes les plus influentes de sa génération. L’artiste est connue pour se mettre en scène dans des œuvres où elle modèle son corps grâce à différents artifices. La cinquantenaire a quelque chose de très singulier : la fantaisie ou l’audace de se métamorphoser et travaille parfois exprès à se ridiculiser. Débordant d’imagination et jamais à court d’idées, c’est avec un second degré qu’elle déconcerte l’œil du spectateur.

Fondatrice de la génération des images ainsi que de la photographie contemporaine et de l’art performance, la petite fille de Long Island est devenue une grande artiste.  Femme habile et séduisante, la signature de Sherman est de se transformer en une litanie de personnages historiques et fictifs, qui franchissent les limites du genre et de la culture. Elle a fait sursauter l’art contemporain lorsqu’elle a publié, en 1977, une série de films fixes sans titre. Fondatrice de la génération des images ainsi que de la photographie contemporaine et de l’art performance, la petite fille de Long Island est devenue une grande artiste.

 

 

 

 

 

D’une photo à l’autre, elle est tout juste méconnaissable. Pourtant, en y regardant d’un peu plus près, quelque chose nous semble familier. Dans le regard, dans l’intention. Il n’y a qu’une seule personne et c’est elle, grimée sous une panoplie d’artifices.

Par le biais de mises en scène, de maquillages et de costumes de cinéma, l’artiste traite chaque photographie comme un portrait, mais jamais comme un portrait d’elle-même. Elle incarne ses personnages même si ce n’est que pour l’image d’elle-même. En présentant la subversion par le mimétisme contre les tableaux des médias de masse et les messages basés sur l’image de la culture pop,  Sherman s’attaque à la fois à l’histoire de l’art et au monde de l’art.

« Je me sens anonyme dans mon travail. Quand je regarde les photos, je ne me vois jamais… Parfois, je disparais. »

Les influences de son œuvre sont nombreuses et se réfèrent à des imageries très différentes, de l’image picturale et cinématographique à l’image de publicité,
de magazine, ou encore à l’image érotique. La femme déclare à propos de son œuvre dont la dimension critique vis-à-vis de la société contemporaine et de
ses différents modes de représentations semble évidente :

« Bien que je n’aie jamais considéré mon œuvre comme féministe ou comme une déclaration politique, il est certain que tout ce qui s’y trouve a été dessiné à partir de mes observations en tant que femme dans cette culture. »

« Vous pouvez être terrifié, crier et vous cacher les yeux, mais vous riez, le pire c’est que c’est tellement exagéré et cathartique d’affronter ces choses qui sont vraiment dérangeantes. Ce n’est pas grave parce que ce sont des faux. Tout est arrangé. Ça fonctionne comme un conte de fées. » Cindy Sherman

En 1985, Le magazine Vanity Fair l’invite à créer une série de photographies basées sur des contes de fées pour enfants intitulée « Disasters and Fairy Tales » (catastrophes et contes de fées) de 1985 à 1989. Ses réponses théâtralement grotesques ont fait imploser les attentes sentimentales et se sont alignées plus
étroitement sur les sombres fantasmes des fables des XVIIIe et XIXe siècles des frères Grimm et Hans Christian Andersen que sur les histoires classiques pour enfants. L’artiste bouleverse le genre féérique et le rend monstrueux. Nous ne sommes plus dans un conte mais bien dans un film d’épouvante.

Les Contes de fées de Sherman invitent à la projection de nos propres souvenirs, fantasmes et cauchemars, ouvrant ainsi la noirceur subconsciente qui se cache derrière les images idéalisées qui envahissent notre vie quotidienne. le travail de Sherman s’est toujours concentré sur la façon dont la femme est représentée à travers différents médias : peintures, publicité, films, etc. En l’occurrence, il s’agit de la représentation du personnage féminin dans les contes de fées classiques.

Pour sa série « Disasters and Fairytales », la photographe va utiliser une grande variété de techniques de maquillage, de masques et de prothèses pour créer une représentation du corps vraiment choquante et grotesque. Joanna Lowry
décrit la collection comme allant vers « … la sombre face cachée de nos fantasmes collectifs, un lieu où les forces d’une sexualité polymorphe débridée et de la violence sont relâchées parmi les jouets de l’imagination ».

Le travail de Sherman s’est toujours concentré sur la façon dont la femme est représentée à travers différents médias : Peintures, publicité, films, etc. En l’occurrence, il s’agit de la représentation du personnage féminin dans les contes de fées
classiques. Des féministes comme Angela Carter ont repris cette idée et ont fait de la déformation du personnage féminin des contes de fées classiques un point central de leur travail.

 

Le personnage de Sherman est paralysé comme un cadavre, les yeux écarquillés vers le lointain. Avec des vêtements humides et boueux et des perles d’eau qui parsèment sa chair, c’est comme si son corps venait d’être rejeté sur le rivage par les
profondeurs. Amplifiant le malaise hitchcockien complexe de ses œuvres précédentes, Untitled #153 entre dans un nouveau territoire fascinant avec une image envoûtante qui à la fois excite, terrifie, provoque et trouble.

Achetée 2,7 millions de dollars en novembre 2010 à la maison de vente londonienne Phillips de Pury&Co, Untitled #153 est l’une des œuvres fondatrices les plus importantes de la carrière de Cindy Sherman. Incluse dans la plupart des expositions phares de l’artiste, elle est l’une des photographies de Sherman les plus acclamées et les plus analysées par la critique. Cinq
exemples de cette édition sont conservés dans des collections institutionnelles réputées dans le monde entier et représentent une contribution majeure à l’histoire de la photographie contemporaine : le Museum of Modern Art, New York ; le Musée d’Art Contemporain de Montréal ; le Museum of
Contemporary Art, Chicago ; le Israel Museum, Jérusalem ; et le Tamayo Museum, Mexico.

Cela réaffirme une fois de plus le thème féministe comme dans les Untitled Film Stills. Il y a un facteur de choc dans l’œuvre, comme on le voit dans la plupart des œuvres féministes. Il amène le spectateur à s’interroger sur ce qui est agréable et ce qui est acceptable. Il se demande en outre pourquoi nous créons ces sentiments négatifs à l’encontre de certaines choses. À un niveau plus profond, elle se demande peut-être pourquoi les femmes sont réprimées, est-ce simplement parce que nous avons une vision prédéterminée de ce qu’une femme devrait être ? Notre vision a-t-elle un sens ?

 

Dans Untitled #153, nous sommes irrésistiblement attirés par un drame captivant et séduits par notre propre lecture de la scène, mais par sa nature même, nous comprenons en même temps la fiction inhérente à ce spectacle captivant.

Il semble que l’artiste essaie de suggérer qu’il y a de la beauté même dans les choses les plus viles. Nous devons tous faire face à ces choses dans le monde, et c’est seulement la perception que nous nous imposons qui les rend viles à nos yeux.

Le travail de Sherman s’est toujours concentré sur la façon dont la femme est représentée à travers différents médias : peintures, publicité, films, etc. En l’occurrence, il s’agit de la représentation du personnage féminin dans les contes de fées
classiques. Des féministes comme Angela Carter ont repris cette idée et ont fait de la déformation du personnage féminin des contes de fées classiques un point central de leur travail.

Chromogenic color print

Dimensions: 170 cm × 120 cm

Corrompant sa propre apparence au-delà de toute reconnaissance, Sherman a ici mis en scène l’imagerie
éblouissante des films d’horreur à petit budget – à la fois séduisante et bouleversante.

Ni una menos Mexico (« Pas une de moins à Mexico »)

Je souhaite, à travers cet article vous parler d’Andréa Murcia. Photojournaliste pour l’agence Cuartoscuro (Chambre Noire), elle couvre différents sujets. 

Lors d’une interview accordée au journal « La Razon online» le 12 septembre 2020, Andréa Murcia répondait à la question :

« Que trouvez-vous dans la photographie, en tant que ressource journalistique ? Pourquoi ne pas écrire, par exemple ?

– J’écris très mal, j’ai déjà essayé, et pour être honnête, je ne m’en sors pas aussi bien que quand je prends des photos ; La vérité, c’est que je me suis trouvée (grâce à la photo), je m’y développe, je m’y sens bien. Il me semble que c’est l’une des façons de raconter des histoires qui me convient. »

La plupart de ses photos ne sont pas mises en scènes et encore moins retouchées. En les regardant, ce qui m’a marquée, c’est la sincérité de ses clichés. Ce sont des instantanés du moment présent.

                                                    9 juin 2019                                                    7 août 2020

23 avril 2020
Non loin de Mexico, sur près de 30 hectares, environs 800 personnes vivent en triant les ordures. La plupart sans protections quelle qu’elle soit.

Depuis près d’un an, Andea Murcia s’intéresse particulièrement aux marches féministes. Au cours de ces manifestations, un slogan revient régulièrement : «  Ni una menos Mexico » (pas une de moins à Mexico). A travers ses clichés, elle retranscrit la volonté, la colère, la tristesse, la rage, les joies et les peines des manifestantes.

Pour remettre dans le contexte, il y a à peine un an, les meurtres de Karla Ramirez et d’Angélina Estevez sont les meurtres de trop. Elles étaient mère et fille et ont été retrouvées mortes après avoir été violées à Ecatepec, une banlieue ultra-violente de Mexico. Spontanément, afin de dénoncer ces meurtres, un rassemblement a été organisé. Depuis, d’autres manifestations se sont succédées au fil du temps. Les revendications sont diverses mais elles ont toutes un point commun : la lutte féministe.

28 Septembre 2019, aux cris de « Avortement oui, avortement non. C’est à moi de décider », des manifestantes veulent la dépénalisation de l’avortement.

Rassemblement après la dépénalisation de l’avortement par le Congrès d’Oaxaca.

2 novembre 2019, pour la journée des morts, des femmes du collectif « les mâles nous tuent au Mexique » ont organisé des rassemblements pour protester contre les féminicides dans le pays (~ 9 par jour).

25 novembre 2019, des femmes ont manifesté dans les rues de Mexico pour protester lors de la journée internationale pour l’éradication des violences sexuelles envers les femmes.

Plus récemment, le 28 septembre 2020 à Mexico, plusieurs dizaines de femmes ont manifesté lors de la journée internationale pour le droit à l’avortement. Elles exigent d’avoir accès à un avortement légal, sûr et gratuit. Durant ce rassemblement, les manifestantes et les journalistes qui couvraient cet évènement ont été encerclés durant 6h par la police.

 

« Une révolution change tout ce qui nous paraît être l’héritage le plus solide du passé ; non pour « faire du neuf », mais bien pour être fidèle à l’origine même dont nous nous réclamons. »

François Fédier

7 juin 2020

Je vous remercie pour votre lecture. J’espère que vous aurez apprécié les photos malgré le contexte souvent tragique de celles-ci.

Sitographie :

https://www.razon.com.mx/mexico/fotoperiodistas-cndh-andrea-murcia-405049

https://www.instagram.com/usagii_ko/

Maëlle Renaudat -NMADE BIJ1 – Octobre 2020

Corps en (dés)Accord

Barbara Kruger 1989

Le corps humain nous intrigue, nous attire et nous obsède.

Aujourd’hui, à l’époque de Instagram, des top-modèles, et athlètes, l’obsession du corps est encore plus forte.  Mais pourquoi suscite t-il tant d’intérêt ? Comment est-il représenté dans la société et pourquoi cela fait monter une vague de malaise sinon de panique ? Se pourrait t-il que le corps soit simplement « à la mode » ? 

L’homme est surtout les femmes mènent un combat avec leurs corps pour qu’ils répondent aux critères de la société. Encore aujourd’hui, je reçois un snap d’une amie, je vais l’appeler « Loulou » (elle n’a jamais peur d’être jugée par quiconque, elle ose et se comporte de manière insolite sans jamais ressentir de la honte) dans lequel elle nous demande, probablement à toute une liste d’amis, si sincèrement on la trouvait grosse. D’un autre coté il y a quelques jours j’ai eu une longue discussion avec une amie très proche qui, elle, se bat avec son corps pour reprendre du poids. Et suite à cela, elle m’a laissé un poème qui décrivait ce duel, cette obsession et cela m’a bouleversé. Et étonnamment  hier soir Yseult, une jeune chanteuse auteure-compositeur-interprète, française a publié un podcast parlant de son corps, que je vous invite à aller écouter. En effet elle affirme son identité de femme au delà d’être une femme noire, d’être une femme grosse. Et je retrouve dans ses paroles, le même mal être évoqué plus tôt, la difficulté à s’assumer et à s’aimer.  L’esprit et le corps sont comme un couple, c’est un perpétuel je t’aime, moi non plus, c’est encore et toujours réapprendre à aimer son corps et non pas le subir. S’accepter tel que l’on est, tant que notre santé n’est pas remise en question, ne pas contraindre notre corps à s’uniformiser au moule normé de la silhouette à adopter dans cette société.

« Corps » c’est aussi le nom du titre qui a beaucoup fait parler d’elle, elle a su se mettre à nu avec comme pochette un gros plan sur ses bourrelets. 

Posée sur de somptueuses notes de pianos, la voix brute et vibrante de Yseult se dévoile et nous transcende. Elle nous emmène gravir les montagnes, les courbes charnelles de son corps pour ressentir aux pics, les sentiments, l’explosion d’émotions qu’il y a en elle. 

Suite à cela je suis retournée explorer le livre photographique « Le corps » de William A. Ewing qui m’attendait dans la bibliothèque. Il comporte 365 œuvres photographiques magnifiques, bizarres quelques fois brutales. Une réelle encyclopédie des corps, une poésie de la chair et de sa diversité. On redécouvre les corps dans des cadrages aiguillés; Des fragments de corps, de peau, de silhouettes de toutes couleurs, de toutes textures, de toutes formes, et c’est Beau ! C’est unique ! 

La réponse que j’ai donné suite au poème si personnel que mon amie m’a partagé, c’est cette chanson « Carcasse » d’Anne Sylvestre

Cette carcasse, ce corps personnifié, avec lequel elle a cohabité toute sa vie est ici une deuxième personne, une sœur, une meilleure amie, avec qui elle peut être à la fois en accord et d’autres fois complètement étrangère. C’est un réel dialogue avec l’esprit le corps, qui sont contraires et qui  pourtant viennent à s’accorder. Ils osent se regarder en face et le conflit cède finalement à l’harmonie.

En espérant que ces chansons et oeuvres auront délivré leurs messages, fait vibrer certains corps, je vous laisse sur cette citation de Victor Hugo.

« Aucune grâce extérieure n’est complète si la beauté intérieure ne la vivifie. La beauté de l’âme se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps. »

Laurie Camelot – DNMADE Bij 2 – Avril 2020