Présent sur Terre depuis près d’un milliard d’années…
Ni animal, ni plante, ni champignon…
Un des êtres vivants les plus primitifs et des plus simples avec son unique cellule…
Vous l’avez ?

LE PHYSARUM POLYCEPHALUM.
Quoi, vous ne le connaissez pas ? C’est peut-être parce qu’on l’appelle plus communément le « blob ». Cet organisme passionne les chercheurs. Thomas Pesquet, célèbre spationaute français, en a même glissé dans ses bagages pour l’ISS afin d’étudier son comportement dans l’espace.
Sa première apparition dans les médias se déroule dans les années 70 au Texas. Une dame trouve dans son jardin un drôle de mélange entre une omelette et ce que l’on pourrait qualifier de cookie jaune… En essayant à plusieurs reprises de le retirer de son jardin, les résultats n’en sont que peu concluants : il double de volume à chaque tentative, jusqu’au jour où il disparaît mystérieusement. Dans les journaux, on en vient jusqu’à parler d’extraterrestre… Intriguant non ? Pas tellement quand on voit l’image qui en est faite par la suite. En 1988, dans « The Blob » de Chuck Russel, un monstre gluant venu tout droit de l’espace s’incrustant par les interstices de votre cinéma, inspire à un film d’horreur et de science-fiction. Pourtant, ce n’est pas exactement l’idée qu’en a Audrey Dussutour…
Cette scientifique française est chercheuse au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) à Toulouse, spécialiste des fourmis et des organismes unicellulaires, coéditrice de revues scientifiques et aussi l’heureuse auteure du livre « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Blob sans jamais oser le demander ». C’est une grande passionnée du blob !
Mais c’est quoi exactement le blob au fait ?

Pour être plus précis, il faut faire un tout petit peu de biologie, rien de bien méchant ne vous inquiétez pas ! Voici la carte d’Audrey Dussutour des « eucaryotes ».
Ce sont des organismes dotés d’un noyau qui renferme l’information génétique. Tout comme nous faisons partie du règne des Animaux, de la classe des Mammifères, et de l’espèce Homo Sapiens Sapiens, le Blob fait parti du règne des Amibozoaires, de la classe des Myxomycètes et de l’espèce Physarum Polycephalum (là, vous l’avez !). Il est apparu il y a environ 1 milliard d’années, bien avant le champignon, datant d’il y a 800 millions d’années, et les premiers animaux ressemblant à des hominidés, il y a 6 millions d’années. Il peut être de plusieurs couleurs et déteste la lumière. Il vit dans la nature souvent sur les écorces d’arbre humides, se nourrit de bactéries et de champignons (des flocons d’avoine en laboratoire) et peut atteindre 10m² !

Aussi, le Blob possède 1 seule cellule pour respirer, manger et se reproduire contre 100 000 000 000 000 de cellules pour l’être humain… Ce qui lui permet d’atteindre cette taille impressionnante ? La multitude de noyau que possède la cellule. En effet, le Blob se déplace en créant un réseau veineux et tout comme le font nos muscles, il contracte ses veines ou pseudopodes (les « bras » du blob) et fait aller et venir le cytoplasme qui le compose, ce qui lui permet de se déplacer jusqu’à… 1 cm à l’heure, voir 4 cm à l’heure lorsqu’il est trèèèès affamé ! Ainsi, le Blob avance grâce à de petites contractions et par ses flux de liquide ; il est animé au rythme de pulsations qui le font doubler de taille tous les jours.
Et puis pourquoi parle-t-on du Blob d’abord ?
Depuis le 12 octobre, ma mère – qui est institutrice – et sa classe participent à l’expérience éducative « Élève ton blob » lancée par le CNRS et le CNES consistant à envoyer un Blob à bord de l’ISS, et à inviter des classes à mener la même expérience que celle qui est menée en micropesanteur. Menée par Thomas Pesquet dans l’espace, elle est également réalisée sur la Terre par Audrey Dussutour et 4 500 établissements scolaires français.
Devant ce projet blobesque, ma curiosité et ma passion pour la nature m’ont tout de suite embarquée à suivre leurs expériences…
Physarum démontre une capacité fascinante à sortir d’un labyrinthe élaboré et complexe pour trouver de la nourriture en trouvant même le chemin le plus court pour optimiser le transfert de nutriments au sein de son organisme. Le blob part à la recherche de nourriture, et développe son réseau de pseudopodes jusqu’à trouver les flocons d’avoine. S’il a pris la mauvaise direction, il laisse sur son chemin un mucus répulsif qui lui sert de mémoire externe pour marquer les territoires déjà explorés. Cela lui évite ainsi de retourner là où les chemins sont vains. De quoi étonner, venant d’une cellule sans cerveau, ni neurones…
Sur cette photo prise par l’école, on voit le Blob commencer à résoudre le labyrinthe puis… le contourner vers le bas pour emprunter le chemin le plus pratique et efficace.
Le Blob nous a pris à notre propre jeu…
Mon expérience préférée est celle du biologiste Nakagaki. Celui-ci a souhaité comparer les réseaux créés par le Blob au réseau ferroviaire japonais, reconnu comme l’un des plus performants au monde. Sur une carte du Japon, le Blob a été placé sur Tokyo et les flocons d’avoine ont été placés sur les villes principales autour de la capitale.

Cette expérience nous montre l’extraordinaire capacité du blob à réaliser des réseaux extrêmement performants et optimaux qui rivalisent avec les meilleures ingénieurs (rien que ça) ! Audrey Dussutour a même essayé avec le réseau français et le Blob nous propose un Paris – Toulouse sans passer par Bordeaux, bonne nouvelle pour les Toulousains ! D’autres expériences ont été faites, telles que reprendre le comportement du Blob pour le coder sur un robot, l’adapter en musique ou encore en expression faciale…
La science nous mène à l’art.
Il y a quelques années, Heather Barnett met en ligne un site internet « The Slime Mould Collective » qui regroupe des scientifiques, des informaticiens, des chercheurs mais aussi des artistes, comme elle, des architectes, des designers, des écrivains, des activistes… Pour n’en citer que quelques uns. Voici quelques exemples. L’artiste Sarah Roberts peint avec des Physarum fluorescents -si si c’est possible -, dans « Fluorescent particle painting ». Le blob porte une poudre fluorescente et part à la recherche de flocon d’avoine ce qui crée différents motifs, créés par les chemins qu’il prend en réponse aux différentes conditions d’humidité, de nutrition disponible, de lumière, etc… Son comportement de recherche de nourriture peut être interprété comme un calcul et est représenté sur une carte où un cerveau est dessiné, montrant ainsi un parallèle.



Une équipe combine des modèles biologiques, électroniques et des impressions 3D dans un atelier ; c’est le cas de BioLogic, qui fait intéréagir le Physarum avec des motifs imprimés en 3D à base de gélose contenant de l’avoine. Les modèles sont issus d’algorithmes informatiques et s’inspirent du comportement des systèmes naturels. Voilà ce qu’ils ont pu obtenir du mélange entre biologie et modèles informatiques :


Des recherches fondamentales sont menées autour du Blob notamment pour comprendre et traiter certaines maladies. Par exemple, le déplacement du Blob a des similarités avec celui des cellules cancéreuses, et ses rejets de calcium laissent aussi entrevoir de potentielles études sur les maladies liées aux os.
La prochaine expérience du projet « Élève ton blob » consistera à tester les capacités d’adaptation du Physarum sous les conditions du changement climatique, sujet actuel et préoccupant qui amène donc à cette expérience. Résultats à suivre !
Ce qui est impressionnant, c’est de se dire qu’à partir d’une simple cellule, la nature arrive à créer un organisme fascinant et doté d’intelligence. En effet, le Physarum Polycephalum décentralise complètement la vision répandue de l’intelligence, fortement basée sur l’humain et le cerveau.
Pourtant le Blob est un parfait contre-exemple de cette croyance : sans cerveau il est capable d’apprendre et de mémoriser des informations, il possède une capacité redoutable d’adaptation et d’anticipation, il est capable de sentir la nourriture de loin sans même avoir l’odorat, de goûter et d’apprécier différents types d’alimentation sans pour autant avoir le goût non plus. En plus de se démultiplier à partir d’une seule cellule, il a également l’intelligence d’optimiser ses chemins pour trouver de la nourriture et pour survivre, de faire mourir une partie de lui et de laisser une trace du chemin déjà parcouru pour éviter de revenir sur ses pas. Il va préférer la nourriture qui lui est la plus nourrissante et la plus bénéfique à sa survie.
Il n’y a non pas une mais DES intelligences, ailleurs et sous d’autres formes. Cela élargit enfin ainsi, l’intelligence à tous les êtres vivants.
Louison JACQUOT – DN MADe 2 Bij – Octobre 2021