L’onirisme, une réalité ?

C’est dans un univers surréaliste, épuré et touché par la magie que les deux sorciers Tania Shcheglova et Roman Noven nous embarquent, réalisant des images hallucinées inspirées par leurs rêves et notre planète. Je vous invite à la rencontre de l’univers psychédélique complètement dément du couple de photographes ukrainiens.

« Notre travail est une exploration intime de la planète Terre, de la nature. »

D’une beauté troublante c’est à travers une série de photos intitulées « Supernatural » prise au cours d’un road trip, que le couple auto-explore l’inconnu. Aussi brute en apparence qu’en contenu ces images sont remplies de mysticisme. Ils traitent la construction de la propre version de la réalité et visitent la frontière entre le réel et l’imaginaire. C’est dans cette brèche de deux mondes opposés que les photos du duo « Synchrodogs » existent. Un travail qui les porte jusqu’aux limites du réel, et révèle un goût pour l’abstraction.

Les divinités possédées qui se pavanent dans une bonne partie de ces photos semblent elles-mêmes être des mirages. Plongés au beau milieu de paysages désertiques, rocailleux et sablonneux, mais surtout merveilleux et surnaturels. A travers ce projet hyper esthétique, Les décors dégagent cette aura aride de romantisme si unique aux déserts de l’Arizona ou aux roches rouges du Nouveau-Mexique.

« Depuis 10 ans nous avons développé une certaine technique de méditations nocturnes, nous essayons de documenter le passage du sommeil à l’éveil. Nous nous réveillons souvent au milieu de la nuit, pour prendre des notes de nos rêves afin de les reproduire en image plus tard. Surtout, nous avons redécouvert nos propres capacités et limites énergétiques, la façon dont un humain peut marcher dans les ténèbres, aller directement dans l’inexploré, en se fiant à l’intuition, aller là où le subconscient mène et se sentir en sécurité dans le monde de l’inconnu. « 

En effet, le duo artistique a recréé leurs visions qu’ils ont réussi à observer grâce à l’expérimentation des techniques de méditation et de rêve lucide, l’élément central de communication avec notre inconscient. Le duo libère celui-ci en analysant les profondeurs de la psyché humaine. A travers leurs œuvres nous pouvons aussi comprendre qu’il n’existe pas de définition universelle du rêve, chaque personne lui accorde un traitement spécifique, (son récit, le maniement de son matériau, son interprétation, univers…) différent selon les esprits. Il ne reste pas moins un véritable brouillon du réel ils nous rappellent à quel point nous pouvons avoir une connexion puissante avec notre esprit et franchir toutes limites, se plonger dans d’autres dimensions infinies l’esprit a ce besoin d’échapper au réel.

La peau nue des modèles n’apparaît pas sensuelle, mais plutôt vulnérable. Elle définit les formes des corps et se laisse ensevelir sous différentes matières naturelles comme artificielles. Devenue simple sujet, les hommes se fondent dans les éléments, ne faisant qu’un avec la planète. Un univers hallucinatoire porteur d’espoir et de créativité.

« La nudité est préconditionnée par la nature, elle fait partie de nous, donc elle fait aussi partie de notre art Notre intention est toujours de rendre l’homme étrange, de le faire apparaitre comme un être vivant qui n’existe que grâce à la terre. »

Emma. G – DNMADE JO1- Février 2023

Un avenir merdique ? Très peu pour nous !  

Amateurs de dystopie, fin du monde et de chaos, cet article risque fortement de vous contrarier. Je m’adresse ici à tous ceux qui n’osent plus allumer la télé, ouvrir un magazine ou écouter la radio de peur qu’on leur dresse une fois de plus un bilan alarmant de l’avenir où on ne parle plus que de réchauffement climatique, montée des eaux et catastrophes écologiques, laissez-moi vous donner un peu d’espoir en vous faisant découvrir le travail de Vincent Callebaut.

Il affirme vouloir transformer :

« les villes en écosystèmes, les quartiers en forêts et les édifices en arbres »

Mais qui est cet homme ?

Vincent Callebaut est un architecte Belge installé à Paris. Agé de 45 ans, il est un visionnaire mêlant écologie et science-fiction dans ses créations végétalisées auto-suffisantes et futuristes. Sa préoccupation première est de créer une architecture humaine réalisée avec des matières biosourcées qui s’inscriraient dans des conceptions durables.

Certains diront de lui qu’il est utopiste et qu’il vit sur petit nuage mais moi je trouve que c’est un génie !

Et pourquoi donc me direz-vous ?

C’est simple, laissez-moi vous expliquer ! Sa préoccupation première est d’inventer de nouveaux modes de vie éco-responsables et d’intégrer la nature dans nos villes. D’après lui, jusqu’à aujourd’hui, la raison première de l’architecture était de protéger l’homme contre la nature, mais à présent, la ville contemporaine s’efforce de réconcilier l’être humain et ses écosystèmes naturels. Le jardin n’est plus juxtaposé au bâtiment ; c’est le bâtiment ! L’architecture devient cultivable, comestible et durable.

Comme vous pouvez le voir tout est pensé dans les moindres détails. En plus d’être une habitation, son architecture est pensée pour protéger et nourrir les humains tout en sauvant la planète.

« Aussi extravagantes et futuristes qu’elles puissent paraître, le cœur de toutes mes créations est une tentative de répondre à la menace réelle que les villes représentent pour l’humanité et notre équilibre écologique »

Avec la collaboration de scientifiques et d’ingénieurs, Vincent Callebaut croise les savoir-faire pour sortir le monde de la crise écologique et ré-enchante la ville qui accueillera, dans plus de 30 ans, 70% de la population mondiale. Ses bâtiments à énergie positive sont capables de produire de l’énergie jusqu’à 300%. Cela fait donc 200 % de plus que nécessaire que l’on peut redistribuer ailleurs. Et si les coûts de construction sont supérieurs de 20 à 30 % par rapport à des bâtiments traditionnels, cette majoration sera vite récupérée. Ses créations répondent au défi de transition écologique par la création de nouveaux modes de vie en ville.

Pour moi, ses projets les plus visionnaires sont :

Dragonfly, une ferme éco concept métabolique pour l’agriculture urbaine à New York.

La ville amphibie autosuffisante appelée Lilypad, une écopole flottante pour les réfugiés climatiques, une solution à long terme à la montée des eaux.

Callebaut a repris l’idée de la ville vivante. Il invente des cités qui nourrissent seules leurs populations, éliminent leurs déchets et purifient l’air et l’eau qu’elles consomment. Leurs bâtiments ont la capacité de produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.

Mais où est-il allé chercher de telles formes ?

Comme vous pouvez le constater dans les images ci-dessus, passionné de nature et de science-fiction depuis son plus jeune âge, Vincent Callebaut utilise constamment les concepts écologique, organique, bionique et biomorphique dans ses architectures.

Alors… rassurés ?

De mon côté, j’aime à croire que la catastrophe environnementale n’est pas une fatalité, que des esprits brillants comme celui de Vincent Callebaut sauront nous réapprendre à rêver et nous sortir de cette situation qui finalement n’est peut-être pas si désespérée qu’elle n’y paraît.

Marre des pessimistes ! En avant pour un avenir meilleur !

Teddy Mougin – DNMADE JO1 – février 2023

L’Orient-Express, le retour d’un mythe

L’histoire de l’Orient-Express débute en 1867 lorsque Georges Nagelmackers, un jeune ingénieur belge quitte son pays pour rejoindre les Etats-Unis à la suite d’un chagrin d’amour. Fasciné par les chemins de fer et les voitures-lits, c’est à son retour en Europe qu’il concrétisera le projet de sa vie : créer une ligne ferroviaire luxueuse en direction des Portes de l’Orient.
C’est ainsi qu’un train mythique voit le jour. Un mythe qui débutera en 1883 à Paris, gare de l’Est.

L’orient-Express, 1883

Le 4 octobre 1883, l’Orient-Express et ses quarante passagers quittent Paris pour rejoindre Constantinople. Le voyage dure 7 jours (aller-retour), ce qui est pour l’époque une réelle avancée qui bouleversera la notion de voyage et ouvrira la société à de nouvelles perspectives.
Ce train connaitra un énorme succès jusqu’en 1977. Le développement du marché aérien fragilisera et aura raison de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits qui se verra contrainte de vendre la plupart de ses voitures.

Au fil du temps, ce train deviendra une référence culturelle et artistique incontestable.
Symbole intemporel de l’art du voyage à la française, il constituait l’un des joyaux du patrimoine ferroviaire français.
De nombreuses personnalités voyageront dans ses couchettes comme notamment l’actrice américaine Marlene Dietrich, le roi Ferdinand de Bulgarie, Léon Tolstoï ou encore Lawrence d’Arabie. Ce sont toutes ces célébrités influentes de l’époque qui ont permis à l’Orient-Express de s’inscrire dans l’histoire, mais pas seulement.
Le mythe s’est aussi construit autour de la littérature et du cinéma. L’Orient-Express est une source d’inspiration inépuisable et ses lignes seront retranscrites dans une multitude de films, romans, bd, etc. Ainsi trois romans de la britannique Agatha Christie qui s’y déroulent deviennent rapidement cultes et inspirent par la suite de nombreuses adaptations cinématographiques.

Surnommé « Le roi des trains, le train des rois », c’est grâce à son élégance que le train a connu un si grand succès. Ce train qui conjugue à la fois innovation et raffinement est pourvu de ce qui se fait de plus moderne pour l’époque et son aspect luxueux souligné par des détails pointilleux et des matériaux d’exception (draps en soie, marbre, coupes en cristal et couverts en argent) ravie les voyageurs.
En 1920, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits fait appel au Maître verrier René Lalique et au décorateur René Prou pour aménager certaines voitures en créant de véritables chefs d’œuvre de raffinement et de luxe à la gloire de l’Art déco. Il devient ainsi un terrain d’expression pour l’Art.

En 2016, un nouveau chapitre s’ouvre pour le mythe qui semblait pourtant appartenir au passé. L’Orient-Express révèle une nouvelle ligne esthétique à la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC) dans une collection d’objets de voyage. Soucieux de leur héritage, ses objets se veulent élégants et contemporains.
En 2022, l’histoire du train né d’un rêve poursuit sa route et voit de nouveau le jour sous les traits de Maxime d’Angeac.

Maxime d’Angeac, 2022

Maxime d’Angeac est un architecte français passionné d’histoire. Fasciné par tous les mouvements artistiques de la Renaissance à l’art déco, il réalise en collaboration avec Joseph Hilton McConnico (designer et artiste américain) depuis vingt ans des projets de restauration et de décoration prestigieux pour Hermes ou encore Guerlain dans la somptueuse boutique des Champs-Élysées.
Amoureux de voyages et de littérature, il puise dans « l’ancien temps » pour parvenir à allier élégance, raffinement et modernité tout en préservant l’héritage et le patrimoine du lieu. Passionné de lecture se retrouvent également dans sa bibliothèque des ouvrages de Henry Miller, Agatha Christie, ou encore le livre Wagon-Lit de Joseph Kessel. Des références qui l’amènent comme par fatalité à l’Orient-Express.

Le projet de l’Orient-Express était de recréer dix-huit wagons, non pas identiques à ceux de l’Orient-Express original, mais plutôt de recréer son ambiance et son prestige, version XXIe siècle.
La Voiture-Bar prend alors place sous de larges coupoles de luminaire dans un style Second Empire aux allures chaleureuses et intimes ravivées par quelques touches de vert. Le bar est quant à lui entièrement fait de verre en clin d’œil intelligent à Lalique.
Dans les suites, les murs sont recouverts de bois précieux et de cuir pour une ambiance encore plus chaleureuse. Les têtes de lits sont ornées de broderies de bois nappées de perles de nacre et de bronze. Des niches laissent même apercevoir des panneaux de Lalique « Merles et Raisins » récupérés du Nostalgie-Istanbul-Orient-Express. Et dans chaque voiture apparait un symbole récurrent, celui du cercle, porteur de douceur et d’harmonie choisi par Maxime d’Angeac pour casser la rigidité et les lignes du train.

Le charme du passé conjugué au présent, soulignent un savoir-faire français d’exception.

Même si la finalisation du projet semble encore loin, les visuels séduisants nous permettent de patienter jusqu’à la mise en service prévue pour 2025.

Toutefois la réhabilitation de L’Orient-Express est loin d’être le seul projet en cours. L’Orient-Express compte bien élargir un peu plus ses horizons en créant une ligne d’hôtels, un tout nouveau train, l’Orient Express La Dolce Vita, qui traversera l’Italie ainsi qu’un voilier, l’Orient Express Silenseas qui voguera sur les plus belles mers du monde.
À travers ces trois nouveaux projets l’Orient-Express se fixe pour ambition d’associer l’amour du voyage au luxe. En collaboration, une nouvelle fois, avec les meilleurs artisans, ses esquisses promettent une excellence propre à l’Orient-Express.

L’Orient Express Silenseas

Si le sujet vous a intéressé, je vous propose d’aller visiter le site de Maxime d’Angeac, pour en prendre plein les yeux en cliquant sur ce lien : https://www.maximedangeac.com/projets/ , ou de vous immerger dans l’ambiance de l’Orient Express en regardant cette vidéo :

Orient Express Revelation: The New Orient Express Train

Eve, L – DNMADE1 Jo – Février 2023

« Sans le bien, le beau n’est rien »

Courbet réinvente la joaillerie

Créée en 2018, la marque de joaillerie Courbet rompt avec la tradition joaillière en proposant une alternative aux diamants de la terre et à l’or extrait des mines grâce à l’innovation et à la technologie.

Parure « Constellation » Courbet

Il se fait connaître pour sa conception des plus beaux diamants cultivés en laboratoire et des bijoux en or recyclé proposant une nouvelle façon de penser la joaillerie traditionnelle. Lorsque Marie-Ann Wachtmeister et Manuel Mallen fondent leur marque de joaillerie, en 2018, ils cherchent une référence artistique, et le nom de Gustave Courbet résonne en eux pour sa représentation de la nature et de la femme. Il incarne à son époque l’audace et l’avant-gardisme qui reflète aujourd’hui les valeurs de la maison de joaillerie.

Depuis quatre ans, la maison se donne pour mission de créer des collections plus respectueuses de l’environnement, sans compromettre le savoir-faire traditionnel ni les exigences de qualité et d’élégance. Selon le cofondateur de la maison, l’idée est de bousculer l’industrie de la joaillerie tout en respectant l’ADN de la Place Vendôme.

Pour réaliser ses bijoux, Courbet utilise de l’or recyclé qui provient de matériels informatiques : téléphones, ordinateurs ou circuits imprimés. La marque est la première maison de joaillerie qui renonce à l’extraction minière. Cette idée forte s’associe à une technologie innovante et révolutionnaire : « faire pousser les diamants en laboratoire ».

En effet, un processus a permis de recréer en laboratoire les conditions de pression que l’on rencontre naturellement près du noyau terrestre. Grâce à une presse, le carbone est cristallisé et permet de recréer un diamant synthétique. Ses propriétés physiques, chimiques et optiques sont identiques aux diamants extraits des mines. Les premières tentatives de création de diamant de synthèse ont eu lieu dans les années 1950. Mais ce n’est que depuis quelques années que des scientifiques sont parvenus à concevoir des diamants synthétiques d’une grande qualité permettant d’être utilisés et sertis sur des créations joaillières.

Cette nouvelle génération de diamants répond aux attentes écologiques et éthiques des écocitoyens qui s’interrogent sur la provenance de leurs pierres. La maison Courbet déclare être la première à utiliser du diamant français.

Bracelets solidaires, « Let’s Commit » Courbet

Au fil du temps, Courbet a développé des collections qui répondent à des objectifs de durabilité, modernité et de raffinement intemporel. Let’s Commit, est une collection de bracelets solidaires. Chaque femme choisit la couleur du cordon et de l’or qui enserre le diamant, ainsi que la cause pour laquelle elle souhaite reverser 15 % du prix du bijou : lutte contre la déforestation, pollution des mers, protection de la faune marine et terrestre ou encore protection des enfants. Porter un bijou n’aura jamais eu autant de sens. Par ses créations, Courbet rappelle l’importance de rétablir une complicité entre l’Homme et la nature, à travers des pièces précieuses, chargées de symboles.

Julie Michelin – DNMADE1 – Février 2023

Quand l’illégal devient un moyen d’expression

Brainless soldier, Blu pour le festival « Draw the line »

Malgré l’évolution des mœurs, à ce jour, le street art reste dans la majorité des cas illégal. Cela dépend notamment du support utilisé. Sur le plan moral, les avis sont divisés, cependant les street artistes sont désormais reconnus comme des artistes à part entière. Ces derniers fondent leurs œuvres dans l’urbanisme, souvent engagés et défiant les lois pour transmettre leurs messages. Nous pouvons citer parmi les plus connus Banksy mais ici nous allons nous intéresser à un artiste italien, Blu.

Qui est Blu ?

Il est difficile de le présenter car tout comme son confrère Banksy, Blu a décidé de préserver son identité secrète. Cependant, nous savons qu’il est né à Senigallia, entre les années 70 et 80. Il est considéré aujourd’hui comme un des 10 plus grands street artistes que ce monde ait connu. Il produit ses œuvres dans de nombreuses régions d’Italie comme Florence, Bologne, Milan ou encore Rome mais a débuté sa carrière dans le quartier étudiant berlinois de Kreuzberg. Il est identifiable à l’aide de son style graphique et de ses prises positions. En effet, il adopte une représentation des humains de manière très caricaturale, avec de grosses têtes déformées, de grandes bouches, s’apparentant à des monstres. Blu se positionne comme anti-guerre, anticapitaliste, et contre la surconsommation. De ce fait, il ne choisit pas les murs sur lesquels il travaille par hasard. Il s’immerge de la situation politique et sociale du lieu. Nous pouvons également l’identifier sur un autre détail, car ce dernier ne produit pas de petites peintures discrètes. Effectivement, Blu peint des œuvres immenses qui se comptent en dizaines de mètres carrés. Blu s’est rapidement fait remarquer par les galeries mais par peur de retrouver son expression limitée, ses collaborations sont rares.

Quelques œuvres de Blu

Ces images nous illustrent la façon avec laquelle Blu peut exploiter les reliefs et l’environnement avec la couronne par exemple. Nous retrouvons également les « monstres » cités plus tôt, représentant ici les grandes entreprises pétrolières. Il aborde la surexploitation des ressources naturelles par les industries pour le profit, d’où le surpoids du personnage représenté. Les deux œuvres ne sont pas en lien mise à part qu’elles ont été peintes toutes les deux pour le Crono Festival de mai 2010 à Lisbonne.

Double fresque, Blu, plaça del Tossal, Valencia

Ici, Blu profite d’exploiter les deux surfaces de bâtiments mitoyens. Sur la fresque de gauche, il dénonce l’industrialisation automobile, la sécurité routière et la qualité des véhicules actuels sur le marché. Sur la peinture murale de gauche, il met en parallèle la religion avec les grandes richesses mondiales. Il est facile de reconnaitre l’adaptation actuelle du personnage de Moïse, tombé dans le vice, représenté avec une barbe de vipères. Les dix commandements sont ici remplacés par des euros et des dollars. Sa conduite est donc uniquement dictée par l’argent.

Grafittis de Cuvry, Blu, 2008

Nous avons devant nous deux immenses graffitis de Blu, qui appartenaient aux peintures murales les plus connus de Berlin. Elles étaient situées sur deux murs coupe-feu au bord de l’ancienne Cuvrybrache à Berlin-Kreuzberg. Ces derniers ont été finalement détruits en 2014 après un incendie. Ce site était considéré comme un des premiers bidonvilles de Berlin. L’œuvre de gauche représente un homme remettant sa cravate et laissant apparaitre des menottes en or sous forme de montres. Nous pouvons donc en déduire que quand argent et biens matériels prennent de plus en plus d’importance pour l’Homme, il en devient esclave. La peinture de droite quand à elle représente Berlin Est et Ouest, sous forme de personnage. Ce qui rend cette œuvre intéressante est qu’elle a été annulée puis déplacée au moment de sa création. Le fait est que la localisation originelle se trouvait à proximité de nouveaux bâtiments en construction. Son œuvre allait donc augmenter la valeur des logements et enrichir les propriétaires. Cela allait à l’encontre de ses valeurs et a donc revu son projet. C’est ici que l’on comprend que Blu est artiste à 100% engagé.

Quand l’oeuvre prend vie

Blu s’est fait réellement connaître aux yeux du grand public avec une œuvre subversive, Muto. Cette dernière lui a valu le Grand Prix de 2009 du Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand. Il y met en scène une œuvre de rue, vivante et se baladant à travers les différents décors urbains dans les rues de Buenos Aires. Une réalisation entièrement en stop motion accompagnée de la musique de Andrea Martignoni qui s’achève en mai 2008. Fruit d’un long et fastidieux travail, il a donc tout au long du court métrage dû faire une peinture murale, la prendre en photo avec le même angle et dans les mêmes conditions, puis l’effacer. Il joue également avec les objets du décors, les ombres et les reliefs, qui transporte le public. Nous vous invitons à terminer cet article en visionnant le court métrage.

MUTO, a wall-painted animation by BLU

LETESSIER Robin DNMADE Horlogerie 1, Février 2023.

Le « Sintétik » de quoi être unik

Vous est-il déjà arrivé de vous demander comment ferions-nous pour entretenir des conversations si l’alphabet n’existait pas ? Si cette police composée de 26 lettres qui nous servent à créer des sons, des mots n’existait pas ? Ou d’une autre manière, s’il n’y avait pas une façon plus simple d’apprendre ou d’écrire la langue française ?

Et bien si c’est le cas, je vais vous partager une autre façon d’écrire,  un « nouvel alphabet » de quoi vous emmêler les neurones !

Depuis notre plus jeune âge on peine à nous apprendre l’alphabet. D’abord les différentes lettres et les sons qu’elles émettent. Puis les sons qu’elles produisent lorsqu’elles sont assemblées, créant des syllabes. Et enfin lorsqu’elles forment un tout, soi-disant un mot afin que nous puissions former des phrases et ainsi nous entretenir les uns avec les autres. Et ce n’est pas tout, une fois que l’on connaît notre alphabet sur le bout des doigts, on nous baratine de règles de grammaire, vocabulaire, etc. Pour que nous nous exprimons de la bonne manière avec une bonne syntaxe. Malgré cela il nous est encore souvent familier de faire des erreurs, d’avoir des doutes sûr comment s’écrit ou se prononce un mot et cela n’importe qu’est notre âge !

C’est pourquoi je vous présente le « Sintétik » de Pierre Di Sciullo.

Voici une police d’écriture qui ne comporte que 15 caractères ! Oui vous avez bien lu « que 15 caractères ». Il s’agit d’une orthographe simplifiée par des lettres compressées comme par exemple « qu » qui devient « k », mais aussi par un balayage de toutes les lettres inutiles c’est-à-dire toutes les lettres qui ne se prononcent pas à l’oral disparaissent et par les syllabes homophones qui s’écrivent de la même façon (pain / pin / peint = pin) . C’est donc un gain de temps et de place.

Cette police peut être intéressante à exploiter notamment pour les personnes qui admettent des troubles du langage, dyslexie, dysorthographie, … car elles seraient en capacités à écrire sans se poser de questions telles que: Ai-je mis la bonne terminaison ? Ou, le son « ai » s’écrit ai, ei, ou est… ? Ils auraient un poids en moins à supporter. De même que cette police peut s’adresser à n’importe qui souhaitant apprendre un nouveau langage ou qui aime déchiffrer des messages, car oui cette police ne comporte pas que des points positifs.

Ecrire en « Sintétik » bien qu’il n’y ait que 15 lettres demande plus de minutie du fait que ces lettres ne sont pas exactement les mêmes que notre alphabet d’origine, des signes apparaissent sur celles-ci. Les lettres sont plus difficiles à reconnaitre.  Les mots peuvent également être confondus puisque rappelons-le s’ils ont la même prononciation, ils ont aussi la même orthographe. Dès lors les choses se corsent, cette typographie ayant pour fonction principale de faciliter dédaigne en réalité de n’être plus contraignante. Cette écriture phonétique ne vit que lorsqu’elle est prononcée à voix haute. Pour comprendre les signes le passage à l’oral est nécessaire.

Alors êtes-vous capable de traduire ces phrases en « Sintetik » ?

(Niveau facile)
(Niveau moyen)

Que faut-il penser de cette police ?

Au premier abord on peut émerger un aspect plutôt ludique, celui de devoir déchiffrer des mots, des phrases issus de cette police et de se prêter au jeu de développer un autre langage innovant en se détachant de l’ancien. En revanche on peut ressortir un aspect critique à se soumettre à cette nouveauté. Nos semblables issus de la langue de Molière penseraient ce dialecte telle une déformation du langage, un non-respect à notre langue natale.

À quoi bon nous soumettre à cette nouvelle police quand depuis tant d’années nous n’utilisons que la même. Que ce soit l’alphabet grec, latin, japonais, laotien,… Chaque pays emploie l’alphabet qui lui convient et ces tous les jours pour écrire, dialoguer, faire des équations, etc.

Alphabet grec
Alphabet japonais
Alphabet laotien

Au final tout notre temps mis au service d’apprendre l’alphabet et toutes ces règles fastidieuses pour atteindre une syntaxe irréprochable n’est-il pas une sorte de richesse ? Notre richesse ? Un pouvoir qu’il ne faut faire disparaître et faire perdurer jusqu’à la fin des temps.


Qui est Pierre Di Sciullo ?

Graphiste, dessinateur et typographe né le 5 octobre 1961 à Paris, il est une figure centrale et même au niveau international un pionnier de la création de caractères numériques. Il se base sur ces expériences de lecture pour créer des polices de caractères comme: le Quantange, le Garamond, le kouije, et pleins d’autres.

Il est aussi l’auteur de la revue  » Qui? Résiste » et multiplie les projets dans l’espace public.

« Mots flottés à Royaumont »

« Générateur de Recouvrance »

« Almanach du théâtre de la Colline »

À travers ces œuvres, il explore différentes voies: le goût pour la logique, l’attention à la sonorité du signe, la forme typographique et son histoire, la géométrie, la colométrie. Un mélange entre méthodologie rigoureuse et résultats poétiques. Et surtout une absence totale de préjugés.

« Écrire, dans ma pratique, c’est à la fois tracer des signes et dire, nommer, construire.

Tous mes projets habitent le langage, ma vie est un atelier d’écriture permanent […] »

Pierre Di Sciullo

Si vous voulez en apprendre plus sur certaine de ces œuvres en lien avec son projet « Sintetik », je vous invite à cliquer sur l’une d’entre elles!


Sources:

STIERLIN Emma – DNMADE15 JO – Février 2023

Imponderabilia, de l’art à la sociologie

En juin 1977, à l’entrée de la galerie d’art Moderna de Bologne en Italie, les artistes Marina Abramovic et Ulay se sont tenus debout, complètement nus dans l’encadrure de la porte d’entrée pour leur projet “Imponderabilia”. Ils étaient l’un en face de l’autre, occupant presque tout l’espace qu’offrait la porte, au point où le public n’eut pas d’autre choix que de s’appuyer sur l’un des deux artistes pour entrer voir l’exposition. C’est alors que le peu d’espace qu’il restait entre les deux artistes forçait le spectateur à devenir acteur. Le but de cette œuvre était de faire réfléchir les spectateurs sur leurs croyances et leur comportement, notamment en leur faisant ressentir un sentiment corporel inhabituel, qui quelque chose de dérangeant et même gênant – surtout avec des inconnus.


Cette performance était quitte ou double pour le couple qui ne savaient même pas si les spectateurs allaient comprendre le concept, ni même s’ils allaient jouer le jeu. C’est de là d’où vient le nom “Inponderabilia”, qui se traduit par “Impondérabilité” en français et signifie la qualité de ce que nous ne pouvons pas prévoir.
De plus, ce fut une grande appréhension pour M .Abramovic qui à été agressée lors de ses précédentes expositions tel que “Rithm 0”, où 72 objets en tout genre (de la plume au révolver) étaient posés sur une table mise à disposition des spectateurs qui avaient le droit d’utiliser ces objets sur l’artiste comme ils le souhaitaient. Cette expérience lui a fait conclure :

« Ce que j’ai appris, c’est que si vous laissez le public décider, ils peuvent vous tuer. Je me suis sentie vraiment violée : ils ont découpé mes vêtements, planté des épines de rose dans mon ventre, une personne a pointé le pistolet sur ma tête et un autre lui a retiré. Cela a créé une atmosphère agressive ».

Marina Abramovic

Ces projets nous montrent que de simples projets artistiques peuvent devenir un miroir du monde dans lequel nous vivons. Et même si nous faisons des gestes aléatoires, il y aura toujours une foule pour nous démontrer que rien n’est lié au hasard, mais que notre inconscient reproduit seulement ce que nous apprenons sans le savoir depuis tout petit.


Les spectateurs avaient le choix de s’appuyer soit contre Marina, soit contre Ulay. Autant nus l’un que l’autre, les artistes évoquent la pureté et l’honnêteté de cet art. Mais d’un autre côté, ce sont de vraies questions qui se posent pour ceux qui essayent de passer la porte. Est- ce la seule entrée ? Contre qui s’appuyer ? Le projet s’est révélé être une expérience de genre, car tous les hommes se sont appuyés contre Marina sans aucune hésitation, tandis que les femmes mettaient un peu plus de temps pour décider contre qui elles allaient se tourner et nombreuses d’entre elles ont détourné le regard, essayaient de se heurter le moins possible à la peau nue des deux artistes. Les sociologues sont formels. Le fait que chaque personne doive décider qui elle va regarder en passant est important. Les hommes se sont rapidement appuyés contre le corps de la femme, ce qui pourrait être une recherche inconsciente de plaisir, une démonstration de supériorité, ou encore une manifestation de la peur d’être exposé à l’intimité d’un autre homme.

DUCLOS Coralie

DN MADE 1.Ho

février 2023

Parlons peu, parlons art, parlons écologie !


« Et c’est à ce moment-là, en le ramassant et en le retournant dans vos mains, que vous avez réalisé que vous aviez là quelque chose de vraiment mortel. Mais c’était quelque chose que vous pouviez démonter, que vous pouviez déconstruire. C’était un matériau que vous pouviez utiliser pour le façonner et en faire une déclaration. »

groupe Ghost Net

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JGM Gallery en Australie « incoming tide »

Plongez au fin fond des océans au travers de merveilles de la nature, d’animaux, de coraux et de plastique!

Ce n’est pas la fin que vous attendiez ? et bien c’est exactement le but recherché au travers des œuvres du groupe d’artistes que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Alors, on parle écologie?



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RAIE AIGLE ORNÉE, 2022
Filet fantôme, corde de plage et cadre métallique
77cm x 87cm x 13cm



Le groupe « Ghost Net » est un collectif qui rassemble des artistes australiens, autochtones dans un travail autour de la faune marine dans une nouvelle exposition : incoming tide (qui signifie marée montante), avec une nouvelle manière d’alerter sur les problèmes écologiques en nous transportant au fin fond des océans à travers l’art et de somptueuses sculptures imposantes, extravagantes et plastifiées !

Leur but ? dénoncer l’un des plus gros problèmes écologiques : LE PLASTIQUE dans les mers et océans, et plus précisément les filets fantômes.

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Les œuvres d’art sont faites à partir de filets de pêche appelés aussi « filets fantômes » qui sont des objets dangereux mais surtout qui sont invisibles au travers des profondeurs océaniques , causant la mort de tellement d’espèces aussi petites que gigantesques.

Cette gamme de déchets dits « fantômes » représenteraient 46% du continent de plastique du Pacifique Nord. Des filets que les pécheurs perdent ou qui, lors d’une pêche illégale, vont être abandonnés volontairement dans les abysses des mer et océans, et qui viennent s’échouer avec les marées montantes sur les plages (d’où le nom de l’exposition).

Les engins fantômes représenteraient 10% de la pollution marine. Ce qui est énorme ! (Greenpeace)

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FRAGMENT DE RIDEAU 1, 2021/2022
Filet fantôme et corde de plage
155cm x 110cm

Des oeuvres qui dénoncent et que je trouve très intéressantes personnellement, par le fait qu’elles représentent plastiquement l’être tué avec l’objet tueur. Cette oeuvre montre bien cette idée que le filet est dangereux pour toutes les espèces, les oiseaux, les coraux, les poissons. Les prédateurs deviennent des proies à cause de l’homme. C’est une oeuvre qui fait réfléchir sur l’impact de l’homme sur la faune marine. Mais à une échelle plus réduite si l’on réfléchit à nos propres actions, on se dit alors que l’on peut faire des choses, l’oeuvre marche, on peut recycler, réutiliser, avant même de devoir les ramasser sur les plages.. !!! . On peut à notre petite échelle, et si l’on se relie tous, faire beaucoup.

Plusieurs associations ont été créées pour justement recycler ces objets fantômes. Le groupe d’artistes récupère ces tonnes de filets recyclés pour les tisser autour de tiges métalliques et recréer ces animaux des mers et océans.



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Jimmy K. Thaiday, ‘Kenny’, 2022, 152cm x 48cm x 54cm

Ce sont des sculptures colorées, entremêlées, représentant des animaux marins. L’objet se forme par un tissage, comme le filet qui s’enroule autour du corps de l’animal, poissons, requins, raie Manta..  Des sculptures imposantes et colorées qui attirent et percutent l’œil, qui alertent, voguant, toutes espèces confondues, dans la même direction : la mort. C’est alors une métaphore. L’objet tueur, prédateur se transforme alors par le prisme de l’art et de la sculpture en proie océanique.

Plus qu’une œuvre qui dénonce, une œuvre qui agit.

Cette exposition a été installée à la JGM Gallery en Australie de septembre à octobre 2022.

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Cette exposition ne réprésente qu’une partie de l’art du ghostnet, soyez curieux, n’hésitez pas à vous renseigner, et à aller voir ces somptueuses sculptures tissées.

Pour en savoir plus sur les filets fantômes.https://blog.sinplastico.com/fr/toute-la-verite-sur-les-filets-fantomes-les-dechets-plastiques-marinsles-plus-dangereux-puor-les-animaux/

Et sur le travail du ghost net : https://www.museum-lehavre.fr/fr/expositions/lart-des-ghostnetshttp://www.artsdaustralie.com/ghostnet.html



Noelie. C – DNMADE2 – Octobre 2022

Le point d’auto-inflammation

Fahrenheit 451 c’est le genre d’ouvrage qui laisse une trace indélébile dans votre esprit sans qu’on puisse l’expliquer directement. En fait, la raison est plutôt simple : ce roman dystopique aborde un sujet qui concerne chacun d’entre nous, notre liberté d’expression, de réflexion et notre unicité en tant qu’individu.

C’est dans une société étouffée par les réseaux sociaux, le divertissement et l’amusement que Guy Montag vit sa best life de pompier. Cependant, le détachement dont il fait partie est peu commun. Ce dernier, créé par le gouvernement étasunien pour qui la littérature est source de questionnement et d’idéologies déviantes, a pour mission de brûler tous les livres dont la possession est interdite. Comblé Guy Montag est à l’aise dans son travail, compétent, marié et heureux de remplir ses missions quotidiennes (des autodafés), il vit un bonheur simple. C’est quand, au détour d’une rue pour rentrer chez lui, Montag rencontre une jeune fille singulière, qu’il va se mettre à penser, à imaginer et à comprendre ce qui l’entoure. Elle va lui parler de ce qu’il regarde tous les jours sans rien voir : la vie. Il comprend qu’il ne sait rien, ne connait rien du monde, des gens, des autres, du passé, de l’histoire ou de la culture des Hommes… Rien de tout ça, mis à part son quotidien à lui. Un jour la jeune fille disparait mystérieusement, et là, il prend conscience de sa société de consommation et du bonheur factice qu’elle impose à ses gens.

Un rappel à l’ordre pour éviter le pire

Ce roman prend place dans une société qui nous parait corrompue dès lors où les pompiers n’ont pas pour mission d’éteindre les incendies, mais de les allumer. Où le gouvernement exclut la possibilité de détenir des livres : ils donnent la possibilité d’apprendre et de connaître le monde par soi-même, de développer son esprit critique, son imagination, tout un tas de chose en fait… C’est ce « tas de chose » que le gouvernement retire à ses citoyens dans Fahrenheit 451, il a censuré la pensée, la connaissance et les droits du peuple, de manière douce et progressive, en changeant les lois et la constitution au fil des années. C’est un génocide culturel qui vise à effacer les différences entre individus, la possibilité du dilemme, du choix, et à les rendre plus heureux. Cependant un bonheur conféré par la tromperie en est il vraiment un ? Bref, le livre ne se résume pas qu’à cela, mais c’est aussi une mise en garde contre les régimes totalitaires et extrémistes qui visent une unité de la population au mépris de l’individu.

Une intrigue qui résonne à toutes époques

Le propos de Fahrenheit 451 est devenu de plus en plus pertinent au fil des ans, la fiction qui en est porteuse est devenue l’une de ces fables intemporelles où l’Histoire peut venir se mirer.

Farhenheint 451, préface, Jacques CHAMBON

Il est vrai que ce roman d’anticipation dystopique, paru en 1953, se déroule dans un futur lointain dont les dates restes floues. Pourtant aujourd’hui, en 2022, on pourrait penser que c’est une réalité parallèle, ou même une situation actuelle dans certains pays où la liberté d’expression est réduite à son minimum. Il est aussi question de la suprématie des médias, fait bien réel dans notre société ultra-connecté, « du grand décervelage auquel procèdent la publicité, les jeux, les feuilletons, les informations télévisées… » (préface de Jacques Chambon). Par une paresse mentale qui gagne un peu plus chaque nouvelle génération, on préfère écouter ou regarder les informations qui nous sont servies sur un plateau plutôt que chercher par nous même la vérité, la réalité ; c’est un désintérêt envers la littérature qui nous gagne. Est ce parce que cette dernière ne nous est pas bien présenter quand on est encore à l’école ? A savoir… Pour sur, de grands textes nous paraîtrons plus ennuyeux et moins amusants que des vidéos « short » sur internet, mais il nous feraient plus cogiter, ça c’est certain.

Il y a plus d’une façon de brûler un livre.

Ray Bradbury

C’est la psychologie de Guy MONTAG que l’on suit à travers ce récit, sa réaction face à la prise de conscience du fonctionnement de sa société, l’angoisse qui le consume, de se retrouver seul face à des gens qui ne l’écoutent pas, qui sont aveugles et sourds au monde qui les entoure, à lui…

Montag nous montre la voie…

Personne n’écoute plus. Je ne veux pas parler aux murs parce qu’ils me hurlent après. Je ne peux pas parler à ma femme ; elle écoute les murs. Je veux seulement quelqu’un qui écoute ce que j’ai à dire. Et peut-être que si je parle assez longtemps, ça finira par tenir debout. Et je veux que vous m’appreniez à comprendre ce que je lis.

Guy MONTAG, FAHRENHEINT 451

On ressent l’angoisse à laquelle fait face le personnage car on s’identifie à son sentiment d’être seul contre tous, comme dans un drame apocalyptique où l’on est seul et à bout face aux zombies par exemple. Bref, Bradbury nous fait prendre conscience de la chance que l’on a de pouvoir profiter, au travers des livres, de réflexions, de paroles philosophiques qui développent notre esprit critique, de visions du monde propre à d’autres, d’avoir accès à d’autres cultures, d’autres langues etc, etc… Cet ouvrage est une apologie de la liberté d’expression et nous montre que la plupart des traces que nous laissons derrière nous sont fragiles et si on ne veut pas qu’une civilisation, qu’une idée, qu’une ethnie ou autre trace de vie disparaisse, il faut veiller à garder les objets littéraires intacts.

Un livre à lire au moins une fois

Je vous ai présenté ce livre, tant bien que mal, car je pense qu’il doit être lu, sans nécessité vitale, bien entendu (quoique…), mais au moins une fois dans sa vie, même si l’on n’aime pas lire, que ce n’est pas notre style ou qu’on le trouve trop monotone. Il vous marquera pour de bon.

Vous admirerez la virtuosité de Ray Bradbury dans les moments les plus insupportables de l’histoire (pour ma part) : les conversations entre la compagne de Montag et lui même en sont un bel exemple. Ces dernières sont une retranscription de la mentalité engendrée par le manque de culture et de maturité qu’à imposé le gouvernement : les échanges du couple sont plats, sans intérêt, ils ne nous apportent rien et ne font pas avancer Montag dans sa quête de vérité, bref une belle torture mentale que nous sert l’auteur ! Il faut parfois relire certains passages pour en comprendre toutes les nuances, mais surtout pour ne pas perdre le fil de l’histoire ! Enfin ce livre est tout de même incontournable si vous voulez prendre conscience de la chance que l’on a de vivre dans des pays où la liberté d’expressions à tout de même une grande importance, et que l’on es toujours libre de nos choix, avec la capacité d’explorer et de choisir nos influences, nos milieux et nos façons de vivre !

Guenaelle G. – DNMADe1JO- Octobre 2022

Aucune Raison

Je vais vous parler de « Rubber », un film sorti en 2010 et réalisé par Quentin Dupieux.

Affiche du film

A ce nom, les amateurs du cinéma se doutent peut-être déjà du caractère insolite de ce long métrage. Il faut dire que ce réalisateur en a fait sa marque de fabrique car selon lui « il n’y a rien de plus beau dans l’art que de ne pas réfléchir». Et tout est dit ou presque car « Rubber » en est la parfaite illustration.

Alors avis aux adeptes de la cohérence et de la raison, cette comédie d’horreur est faite pour mettre vos nerfs à l’épreuve.

Entrons dans le vif du sujet, l’histoire est celle de Robert, un pneu psychokinétique lancé dans une frénésie meurtrière en plein désert californien…

Comme vous je suppose, j’étais sceptique la première fois que l’on m’a résumée ce film où il serait question d’un pneu tueur aux pouvoirs paranormaux puis j’ai éclaté de rire en apprenant qu’il s’agissait d’un western. Ma curiosité attisée, j’ai fini d’être convaincue avec cette bande annonce aux petits oignons que je vous recommande vivement.

Reprenons le scénario, parce que oui, il y en a un ;

On suit donc Robert qui, en plus de tuer à tout-va, poursuit une jolie fille à ses heures perdues. Des comédiens conscients d’en être tentent de l’arrêter tandis que des spectateurs en jumelles observent le tout. Apparaît alors une double intrigue, l’une autour du pneu et l’autre autour des spectateurs. Les comédiens chercheront d’ailleurs à éliminer les spectateurs espérant ainsi mettre fin à leur travail d’acteurs mais rien dans ce film ne se passe comme prévu.

On pourrait tout à fait résumer ce film à du grand n’importe quoi et pourtant, je trouve qu’il y a un certain génie dans la manière de mettre en scène ce délire assumé. Il faut déjà savoir que Rubber a été tourné à Los Angeles en 14 jours avec seulement deux appareils photos. Les trucages quant à eux sont presque entièrement mécaniques. Pour exemple, le pneu avance avec un moteur et une télécommande à distance tandis que les têtes qui explosent sont des ballons de baudruche avec de l’air comprimé.

Le film dure 1h18, il est donc assez court mais le rythme reste lent avec de nombreuses scènes contemplatives qui mettent l’accent sur l’absurde de la situation. Concernant les cadrages et mises en scène, on observe des reprises des codes du film d’horreur avec par exemple Robert qui apparaît derrière les personnages en fond de plan. On remarque aussi des références au western de par le décor désertique américain et ce qui ressemble à des confrontations de regard. Ces procédés renforcent le décalage entre l’absurde des situations et le sérieux avec lequel elles sont prises, au point qu’elles en deviennent comiques. C’est un humour qui n’est cependant pas au goût de tout le monde.

La confrontation, Robert face à la Police

Concernant la bande originale, elle est signée par Mr. Oizo, le pseudonyme de Quentin Dupieux en musique, l’ambiance vacille entre tranquillité et épouvante. Les acteurs eux ne manquent pas de justesse et dépeignent des personnages à la fois caricaturaux et consternants.

Présentation faite, intéressons-nous au fond ;

Le lieutenant Chad, comédien

Dès le départ, on est prévenu. Pris à parti parmi les spectateurs qui constituent à eux seuls une étrange mise en abîme, on nous assomme d’un :

« Tout les grands films, sans exception, contiennent une part importante de Aucune raison, et vous savez pourquoi? Parce que la vie elle-même est une succession de Aucune raison. Le film que vous vous apprêtez à voir est un hommage à Aucune raison, cette figure de style d’une puissance fantastique.»

Lieutenant Chad

Le ton est donné et il est cohérent avec la gimmick du réalisateur ; faire du contemporain sans spécialement chercher du sens dans ce qu’il entreprend. Il n’empêche que l’on peut se poser la question ; quel sens y-a-t-il à faire un hommage à l’Aucune raison ? Aucun peut-être mais à m’y tenter, j’avancerais l’hypothèse d’une sorte de satire du cinéma en particulier américain, je m’explique ;

  • Le fait que l’« Aucune raison » soit traité comme une figure de style dont l’usage est d’accentuer un propos signifie qu’il y a bien un propos à traiter ici. Or un propos est un discours ayant un but fixe et il me semble que l’on ne se fixe pas de but sans raison.
  • Parmi les grands films cités en introduction, 4 sur 5 sont américains. Et en effet, l’influence du cinéma américain est majeure au point qu’il en mène encore aujourd’hui les tendances et codes.
  • Dans le même esprit, la réplique : « Tu peux si tu le veux mais c’est contre les règles », m’est apparue comme un manière de dénoncer le formalisme des productions cinématographiques.
  • La mise en abîme avec les spectateurs et le fait que l’un des comédiens déclare qu’ils ne sont pas dans la vraie vie tout en demandant à ses camarades de sortir de leur rôle est également un élément mettant en évidence le caractère irréel de l’histoire comme dans toute autre fiction.
  • Un autre point est le traitement des spectateurs, ils nous sont présentés comme des personnes crédules et voraces de spectacles. L’un d’entre eux, mécontent du manque d’action, ira jusqu’à directement s’en plaindre auprès des comédiens et leurs demandera d’accélérer les choses. Cette image peu flatteuse semble ici dénoncer le ridicule d’un public prés à se jeter sur tout ce qu’il leur sera proposé quand certains iront jusqu’à invectiver les réalisateurs lorsqu’un contenu ne répond pas à leur attente.
  • Enfin, le dernier plan du film présente une horde de pneus roulant sur une route menant vraisemblablement à Hollywood, l’iconique panneau étant bien mis en évidence au fond de la scène. Alors a priori, soit l’absurde s’apprête à lancer un assaut sur le cinéma américain trop fermé au concept, soit il s’agit d’une manière saugrenue d’expliquer pourquoi ça serait déjà le cas sans qu’il en ait conscience. L’inconscience serait appuyée par le fait que les comédiens à la fin croient que l’histoire est terminée, Robert le pneu et les spectateurs ayant été éliminés, mais à tort, l’irréalisme poursuivant son invasion en toute impunité.

L’aucune raison serait-elle donc à la fois une manière de lutter et le sujet de dénonciation contre des règles cinématographiques imposées par une hégémonie américaine ? Ou tout cela n’aurait-il réellement aucune raison ?

Solveig DUBOIS – DNMADe24HO – Octobre2022

« La Favorite » de l’Orfèvrerie

Je vous invite dans cet article, à prendre part à l’émerveillement et à l’innovation dans un voyage temporel du siècle des lumières au monde contemporain.

Délicatesse, noblesse, détail et beauté enivrent le travail d’orfèvre de cet artiste qui transpose les plus beaux jardins du classicisme en ornementation de chevelure.

Le styliste barcelonais Alexis Ferrer a développé une méthode d’impression sur cheveux mettant à l’honneur certains tissus de la bourgeoisie française du XVIIIe siècle.

La série photographique baptisée « La favorite » est l’oeuvre du photographe Rafael Andreu, avec les modèles Emma Fuhrmann, Camila Ferreyro et Patrizia Lombardo.

ALEXIS FERRER

« Enfant, je passais la plupart de mon temps dans le salon de ma mère à grandir entre les coiffeurs. Je suis né à Barcelone, l’une des scènes de mode les plus avant-gardistes, ce qui m’a inspiré à repousser les limites du design dans mon imagination. Grandir au milieu de différentes disciplines artistiques telles que le surréalisme de Dalí, le modernisme de Gaudi ou la gastronomie moléculaire de Ferran Adrià, m’a beaucoup influencé, et tout mon travail est toujours lié à la nature. »

Au cours des 20 dernières années, Alexis Ferrer a travaillé sur plus de 1 200 défilés à travers le monde à Barcelone, Paris, Milan et Londres. il a participé à plusieurs événements mode pour Wella, haute-couture à Paris, cinéma et théâtre et à étudié avec Vidal Sassoon à Londres et à Los Angeles. Faisant partie depuis 2012 de la Wella Global Creative Team dirigée par Eugene Souleiman, il à également sa propre entreprise, gérant quatre salons et gérant une équipe de 54 employés. 

LA FAVORITE

En 2012, Alexis Ferrer a été invité à interpréter une collection pour les Wella Trend Vision Awards, pour lesquels il a d’abord commencé à explorer les cheveux comme toile d’impression. « Le but du salon était d’innover avec une technique peu utilisée en coiffure, et l’impression photographique sur cheveux semblait le moyen idéal pour représenter une histoire de manière graphique et impressionnante« . Les images utilisées pour la collection Echo sont tirées des films The Shining et Psycho, tous deux en noir et blanc. Pour la Barcelona Fashion Week 2017, Alexis Ferrer a collaboré avec le designer Txell Miras dont la collection s’est inspirée des conteneurs maritimes et des pêcheurs. Des mannequins ont défilé avec des visages déguisés et des portraits de pêcheurs imprimés sur leurs extensions de cheveux également en noir et blanc.

Je dois admettre que les premières impressions sur les cheveux ont été un véritable défi. Il a fallu deux mois pour obtenir de bons résultats en haute définition, le mélange de la technologie et de nos connaissances dans la coiffure nous ont permis de recréer ces merveilleux motifs sur les cheveux.”

En 2020, après avoir revisité et perfectionné les techniques, travaillé sur l’intensité des couleurs et amélioré la définition, Ferrer a mis à jour son processus d’utilisation d’encres photographiques à des encres générées numériquement, lui permettant d’utiliser la couleur et le design à une nouvelle échelle ; une méthode qui avait été mise au point par le groupe espagnol « head hacker »X-Presion en 2011, et leur a valu un prix à l’Alternative Hair Show l’année suivante. Avec cette méthode, l’ombrage noir et blanc limité des impressions précédentes de Ferrer a été remplacé par des dégradés de couleurs et des motifs complexes numerisés sur des extensions ensuite posés sur les cheveux blonds des modèles Emma Fuhrmann, Camila Ferreyro et Patrizia Lombardo…

 » Nous nous sommes inspirés des jardins du palais du XVIIIe siècle en France », à cette époque, les fleurs et les animaux inspiraient les couturiers pour créer les meilleurs tissus pour la bourgeoisie française. »

INSPIRATION

La collection Echo lors du Wella International TrendVision Award était basée sur la beauté sombre, un voyage vers la partie intérieure de vous-même où se trouvent les sentiments les plus protégés, comme l’angoisse, la peur et la solitude. Intéressés à utiliser les cheveux comme canal pour exprimer ces sentiments intérieurs, Alexis Ferrer à imprimé des images sur les cheveux et ainsi créé l’impact recherché. « J’ai aimé l’idée que les cheveux soient une extension du patron des vêtements« , comme les tissus français qui l’ont inspiré.

L’objectif principal d’Alexis Ferrer est de travailler sur le côté expérimental de la mode est d’apporter de nouvelles idées à l’industrie capillaire. A l’aide de son carnet de croquis, il commence à chercher l’inspiration dans différents domaines artistiques et dans des collection de cheveux déjà existantes. Il se renseigne sur l’histoire, le concept et les techniques créés qui ont inspiré ces coiffeurs et créatifs.

Des oiseaux, des fleurs et des papillons aux tons chauds, des formes inspirées des estampes françaises qui au XVIIIe siècle décoraient les chambres de la bourgeoisie sont celles qui brillent désormais dans ces crinières aux coupes géométriques. Des dessins travaillés numériquement et imprimés sur les cheveux, un travail artistique éphémère et innovant.

« L’un des éléments les plus excitants lorsque vous créez une collection est de créer une nouvelle technique et de la partager. » 

La Favorite a eu un impact sur l’industrie capillaire, la collection a été créée grâce à une combinaison de styles artisanaux mélangés à la technologie. Un mélange parfait pour la nouvelle génération qui recherche de nouvelles frontières de la mode. Cela montre une fois de plus que tout dans la mode reste à inventer et à innover. 

Je vous remercie de l’attention portée à cet article, n’oubliez pas de laisser un commentaire.

Amélie T. – DNMADE2 Jo – Octobre 2022

Les yeux fermés

Prune Nourry est une artiste née à Paris en 1985. Elle vit et travaille aujourd’hui à New York. Reconnue pour ses projets d’art sur le long terme et de grande envergure, elle est par exemple à l’origine de l’Amazone Erogène, une immense installation au Bon marché Rive Gauche, évoquant l’expérience de son cancer du sein : un sein unique, géant, est la cible de 888 flèches suspendues dans les airs, tirées depuis un arc immense. L’artiste invite les femmes atteintes du cancer à se représenter comme des amazones, figures guerrières mythologiques, mutilées d’un sein comme peuvent l’être les malades, et de penser cette amazone comme symbole du combat qu’elles livrent contre leur maladie.

En 2021, Prune Nourry propose à la galerie Templon à Paris une réécriture de la relation entre artiste et modèle. Le Projet Phénix est constitué d’un ensemble de huit bustes et d’un film réalisé avec le réalisateur Vincent Lorca. Dans la galerie, les visiteurs avancent dans le noir, guidés par une corde accrochée le long du mur, et sont parfois invités à toucher, en tendant le bras, un visage en argile. En même temps, un haut-parleur diffuse les dialogues de l’artiste et de ses modèles. Le court-métrage, proposé en audio-description, montre la rencontre et la création des bustes dans l’atelier de l’artiste.

Les modèles, tous aveugles ou malvoyants, sont modelés dans la terre à partir d’une longue étude tactile de leurs visages. Prune Nourry, les yeux bandés, fait glisser ses doigts sur le nez, les pommettes, la bouche, les yeux, et reproduit dans l’argile les traits qu’elle sent. N’ayant jamais vu ses modèles, seul le sens du toucher lui permet de les appréhender, et de réaliser leur portrait. Les autres sens aussi, sans doute, puisque l’artiste les écoute en même temps raconter leur histoire, leurs pensées, s’approche d’eux, les effleure constamment. Les modèles eux-mêmes posent leurs mains sur le visage de Prune Nourry et tentent de visualiser son visage grâce au toucher.

D’ordinaire, l’artiste observe son modèle, à distance, et le regard que ce dernier peut ou non poser sur l’artiste n’a d’importance que pour la position de son propre visage et de ses yeux, que l’artiste copie. Autrement dit, seule l’image du modèle compte, et seul le regard de l’artiste importe. Dans le cadre du Projet Phénix, le portrait est conçu comme une rencontre. La relation que crée Prune Nourry avec ces huit personnes se veut égale et équilibrée ; ce rapport à l’autre que les modèles, aveugles de naissance, à la suite d’une maladie ou d’un accident, entretiennent avec leur entourage, est partagé par leur interlocuteur voyant. L’artiste fait l’expérience de ce mode de relation, qui exclut la vue mais qui, comme l’expriment certains modèles, pousse à porter une attention plus particulière au timbre d’une voix, à la pression d’une poignée de main. L’idée du Projet Phénix est de remettre au centre le contact physique et le sens du toucher dans nos relations, généralement tabou et parfaitement aboli dans le contexte de la pandémie. Naturellement, ces bustes n’ont pas vocation à être vus, mais doivent être touchés, d’où le concept peu commun de l’exposition dans le noir…

On peut imaginer la difficulté d’un tel exercice, pour l’artiste ; et celui ou celle qui a déjà dessiné, peint, sculpté ou modelé un portrait d’un modèle vivant se représente facilement à quel point l’expérience doit être différente. Appréhender un autre corps sans la vue nous semble si peu naturel qu’il nous est assez difficile de nous rendre compte du quotidien d’une personne non-voyante. L’exposition s’est déroulée du 4 septembre au 23 octobre 2021 : il n’est donc plus possible de découvrir les bustes à tâtons, néanmoins le film de Vincent Lorca est disponible sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=0oLByKfccEU) et donne une bonne idée de la démarche de Prune Nourry.

J’espère que cet article vous a intéressé, merci pour votre attention!

https://www.prunenourry.com/en/projects/projet-phenix

Lucille Gilbert, DNMADE 2 Jo, octobre 2022

La maison Coperni aurait-elle trouvé la recette miracle pour une mode durable et écologique ?

A l’occasion de la Fashion Week de Paris, la maison Coperni a dévoillé comme pièce maîtresse de sa collection Printemps-Ete 2023 une robe épousant parfaitement le corps de la célèbre top modèle Bella Hadid. 

Lors de la Fashion Week de Paris, la maison Coperni a fait l’unanimité en cloturant le défilé de sa collection Printemps-Eté 2023 par un spectacle pour le moins impressionnant. Pour présenter leur dernière création, la top modèle Bella Hadid a pris place au centre de la salle des textiles du Musée des Arts et Métiers, presque entièrement nue. Pendant une dizaine de minutes, un spray a pulvérisé sur la mannequin une étrange matière filandreuse, recouvrant petit à petit son corps. En l’espace de quelques instants, une robe blanche épousant parfaitement Bella Hadid a été créée sur-mesure, à même son corps. Le secret ? La technologie intitulée Fabrican, développée par le designer et docteur Manuel Torres. La matière projetée par le spray est constituée de fibres naturelles ou synthétiques assemblées par différents polymères. Des solvants liquides sont ensuite mélangés avec les fibres et vont s’évaporer au contact du corps, lors de l’utilisation du produit. Ainsi des vêtements sur-mesure, plus inclusifs et adaptés à la morphologie et au goût de chacun peuvent être fabriqués en un instant. N’oublions pas de mentionner la touche de magie verte pour notre notre planète : une fois fabriquée, la matière peut être dissoute et ré-utilisée pour refabriquer à nouveau un vêtement.

Cette technologie est comme une bouffée d’air frais au milieu de l’industrie de la mode, connue pour être la deuxième industrie la plus polluante. Cette innovation serait-elle capable de révolutionner ce milieu peu scrupuleux de l’environnement en le rendant plus écologique ?

En effet, responsable de l’émission d’environ 1,2 milliards de tonnes de CO2 par an, notre situation écologique actuelle demande du changement vers une mode plus verte. La technologie Fabrican semble donc être à la hauteur de ce défi.

Fabrican dress 2007 © photographer Gene Kiegel

Schéma de la chaîne de production et d’utilisation de Fabrican

Mettant un poing d’honneur à s’engager pour notre environnement, l’entreprise propose des fibres pouvant être biodégradables, réduit sa chaîne de production et cherche à limiter son nombre de fournisseurs étrangers, réduisant ainsi les émissions de CO2 liées au transport des matériaux. L’optique de Fabrican est de proposer au grand public un produit permettant de réparer nos affaires, allonger leur durée de vie pour lutter contre la sur-consommation et nous permettre de créer des vêtements recyclables et réutilisables. Ce pourrait donc être la solution pour combler les demandes toujours plus exigeantes des fashionistas à l’affut des tendances toujours changeantes.

Schéma de la chaîne de production et d’utilisation de Fabrican

Cependant, même si la majorité salue cette prestation comme une avancée de la mode dans le développement durable, certains restent dubitatifs. L’intention est bonne mais le procédé peut être critiquable. En effet, les cannettes qui serviraient à rendre cette technologie accessible au grand public ne sont généralement pas recyclables dans les centres de tri traditionnels. Elles doivent, soit être mises en déchetterie, soit être recyclées par des professionnels, amenant dans l’industrie de la mode des déchets compliqués à traiter. De plus, la méthode de projection des fibres requiert l’utilisation de produits chimiques, pas forcément écologiques et, comme l’on peut le voir lors du défilé de Coperni, cela crée beaucoup de particules et de déchets. Enfin, l’utilisation du produit pose question sur son ergonomie. Il ne semble pas envisageable de s’appliquer seul le spray dans le dos par exemple. 

Le défilé Coperni a donc permis de mettre en avant une technologie innovante qui questionne l’industrie de la mode quant à son empreinte carbone et son implication dans une transition écologique durable. Néanmoins, la technologie Fabrican a plutôt servi à faire sensation auprès du public plutôt qu’à présenter un nouveau matériel fiable, durable et écologique dont les créateurs pourraient se saisir. Comme l’explique le co-fondateur et directeur artistique de la maison Coperni, Sebastien Meyer :

« C’est notre devoir en tant que designers d’essayer de nouvelles choses et de montrer un futur possible. Nous n’allons pas gagner de l’argent avec cela, mais c’est un moment magnifique — une expérience qui crée de l’émotion ».

Si, petit à petit, l’industrie de la mode tente de se tourner vers des matériaux plus écologiques et durables, cela reste malgré tout au détriment de l’attraît du spectacle et du buzz.

Harmonie TAKACS – DNMADe1Jo – Octobre 2022

L’artisanat et les métiers d’art face au pouvoir de l’aléatoire !

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Quel est le rôle de l’aléatoire dans une production artisanale ?

 L’aléatoire est une notion qui peut avoir de l’influence dans le processus créatif d’une production artisanale.

Cette notion est tout de même à différencier de celle du hasard. En effet, une expérience aléatoire c’est une expérience dont on connaît tous les résultats possibles mais sans pouvoir prévoir le résultat final. À l’inverse, on peut qualifier le hasard d’un manque de connaissance. C’est-à-dire lorsque l’on ne peut ni prévoir le résultat final ni même toutes les issues possibles.

Dans son processus, il va ainsi y avoir un moment de non contrôle où le créateur va “laisser le hasard faire les choses”.  Il cherche de nouvelles formes à travers plusieurs manipulations expérimentales. C’est ainsi qu’il introduit des techniques artisanales qui se rapprochent plus ou moins du bricolage dans le processus de création. Ces savoir-faire amènent une rigueur qui vient en contradiction avec la part de hasard qui est introduite à un moment précis. C’est de là que naissent des formes et des principes singuliers. 

Et c’est cette singularité que recherche le designer.

Aléatoire et contrôle : Un aléatoire guidé

L’intervention de l’aléatoire dépend du degré de contrôle que possède le créateur.

Jolan Van der Wiel, dans la Gravity Stool de 2011, utilise un aimant afin de “faire pousser” les pieds du tabouret. Dans un premier temps, on pense que les pieds se créent d’eux-mêmes par la technique de l’aimant, donc sans être contrôlés par l’artisan. En réalité, même si la matière réagit différemment et marque ainsi chaque tabouret de pieds tout à fait uniques, la technique est toujours la même et est belle et bien contrôlée par l’artisan.

Processus créatif en vidéo !

Nous pouvons également guider la matière en construisant le projet sur un support de base.

C’est ce que fait Charlotte Kingsnorth pour sa collection d’assises de 2013 nommée Hybreed. Elle utilise d’anciens cadres de chaise sur lesquels elle dépose des formes biomorphiques de tissu qui donnent une forte impression d’aléatoire. On peut d’ailleurs parler de greffe et son degré de maîtrise est assez élevé. Effectivement l’intention est de redonner un corps à ce squelette de bois ainsi qu’apporter du confort. Mais la configuration de ces formes est définie par les besoins du cadre : les trous et les zones à recouvrir ; auxquels se mêlent les envies du designer.

ttp://actualite-design-corbusier-de2017a2019.over-blog.com/2018/04/les-chaises-envahies.html

On remarque donc que dans certains processus créatifs, la place de l’aléatoire est restreinte à une impression que l’usager a. C’est par des formes ondoyantes et mouvantes ainsi que des jeux de courbes et de découpes hors du commun, que l’effet aléatoire se manifeste. Finalement, lorsque l’on creuse on remarque que ce n’est qu’un effet optique et que le créateur garde une maîtrise majeure dans la phase de production que cela soit par la technique utilisée comme pour la Gravity Stool ou au niveau d’une matière plutôt contrainte par son support tel que dans Hybreed.

La technique choisie et mise en œuvre par le créateur décide donc de l’importance et du rôle plus ou moins aléatoire de la matière. Ainsi le résultat est incertain et provoque une singularité dans l’aspect esthétique de la création.

Fidèle à lui, l’aléatoire “plus hasardeux”

Le créateur peut également diminuer le degré de contrôle qu’il possède lors de la production de sa création. Paramètres extérieurs venant en complément du matériau utilisé, accentuation d’une contrainte naturelle, le créateur fait des choix stratégiques afin de laisser faire les choses.

Le feu est un élément souvent utilisé dans la conception de produits artisanaux car il est complètement imprévisible. Ainsi le taux de maîtrise est forcément bas. Par exemple, en 2011 dans le projet Vase de Loris&Livia avec Acne Studio, les vases sont déformés par la chaleur. Par conséquent, c’est la contrainte du feu sur le verre qui crée la déformation et donc la forme finale du produit. Des formes toutes plus alambiquées les unes que les autres sont créées grâce à la réaction imprévue et non contrôlée du vase fondu. « Imprévue » ? Pas exactement. En effet, les designers étaient bel et bien au courant que le verre allait fondre une fois en contact avec le feu, mais ce qu’elles ignoraient c’était la forme finale de chaque vase. Nous sommes bien d’accord qu’il est impossible de pouvoir prédire le rendu final.

Enfin, nous pouvons également remarquer un autre type de contrainte qui est naturellement liée à la matière.

C’est ce que l’on voit dans le luminaire 14% de Laura Strasser en 2013. Les abats-jour sont créés en porcelaine mais cette matière perd 14% de son volume à la cuisson. Alors la designer a voulu faire de cette contrainte une nécessité en utilisant l’abat-jour terminé en tant que moule pour le prochain qui sera alors 14% plus petit que le précédent. Ainsi le modèle du pot de porcelaine est conservé mais seulement la taille diminue. Le luminaire 14% est ainsi une pièce artisanale réalisée en petite série qui remet en question le rôle d’une contrainte technique et le fait d’en jouer pour créer un objet unique. C’est à cette singularité du processus que l’on peut rattacher la notion d’aléatoire : La notion d’aléatoire intervient en dernier, lors de l’assemblage des pots pour fabriquer le luminaire. En effet, les pots sont identiques mais de tailles différentes et disposés ensemble sans trop de réflexion.

Au final, lorsqu’une production artisanale renvoie une impression d’être aléatoire c’est qu’elle a été produite avec plus ou moins de contrôle de la part du créateur. Bien que l’effet aléatoire soit maîtrisé lors de la production de la création ou qu’il y ait un réel lâcher-prise, le créateur laisse une place importante à la technique ou la matière. Tout ceci dans le but de créer de la nouveauté, une production marquée d’une singularité, afin de donner naissance à des résultats particuliers c’est-à-dire ce qui diffère du standard créé en série et/ou en masse.

CORMON–BATION Jade DNMADe1 Jo – Octobre 2022

L’art brut alias « L’art des fous »

L’attrait pour la folie, est depuis longtemps romantisé par l’art. La folie symbole d’imaginaire développé et décomplexé, et pourtant celle ci ne suffit pas à définir l’acte de création.

Le lien entre l’art brut et la folie se veut étroit, car tout être jugé « fou », « aliéné » ou « différent » au XIXème siècle et une bonne partie du XXème siècle aussi, sont expédiés en asile, lieu d’émergence des premières productions issues de la pulsion créative à l’état pur ; c’est donc ces personnes qui sont à l’origine de cet art, prénommé auparavant « l’art des fous ».

L’intérêt pour les créations graphiques et picturales des aliénés, se lit dans les ouvrages des psychiatres français dans les dernières décennies du XIXème siècle.

Wölfli, Adolf - Les onze fleurs, 1922

« Bien que l’attention n’ait été jusqu’ici fixée que sur les écrits des aliénés, je ne crains pas de dire que l’on rencontrera souvent un intérêt réel à examiner les dessins et les peintures faites par les fous. Que l’on combine par la pensée, que l’on imagine par la fantaisie, les choses les plus impossibles, les images les plus bizarres, on n’arrivera jamais à l’espèce de délire qui se peint sur la toile ou sous la main de l’aliéné, à ces créations qui tiennent du cauchemar et donnent le vertige. » Ambroise Tardieu, Étude médico-légale sur la folie, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1872, p. 610.

Wölfli, Adolf – Les onze fleurs, 1922

Le terme « d’art brut », apparaît seulement le 28 août 1945, lorsque le peintre Jean Dubuffet baptise cet art, qu’il collectionne depuis déjà plusieurs années, un art qui comprend à la fois l’art des fous et celui des marginaux de toutes sortes, tels que des prisonniers, des anarchistes ou des révoltés.

Malgré ça, Dubuffet établit que ce n’est pas la folie en soi qui donne sa valeur à l’œuvre, mais plutôt la force d’expression et l’extrême nouveauté qui la constitue.

« Le vrai art est toujours là ou on ne l’attend pas. Là ou personne ne pense à lui, ni ne prononce son nom. » J.Dubuffet

Comme Prinzhorn, il n’assimile pas les actes créatifs des malades à la dégénérescence de leur esprit. Au contraire, il est persuadé qu’ils sont plein d’enseignements sur le processus de créativité, moins bridé chez les malades que chez les personnes saines

L’art brut se place en contradiction avec l’art culturel : le mimétisme de la nature et des grands maîtres, n’y ont pas leurs places ; pas de style défini, de techniques ou encore de théories communes aux artistes bruts.

Willem Van Genk – Leningrad, ca. 1955

Souvent considéré comme relevant d’un art-thérapie, car cet art se veut libérateur, quelle que soit la nature du déséquilibre intérieur ; comme une marginalité sociale, un isolement ou enfermement, physique ou mental, un côté obsessionnel voir maniaque dans l’œuvre.

L’objectif est d’utiliser la création au sens large, afin de dévoiler les problématiques profondes de l’individu, ses douleurs, ses violences et ses contradictions, et peut être le conduire à une transformation positive de lui-même.

Tiphaine Dausseing, DNMADEJO2 – Décembre 2022

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