« New Art Nouveau » à Gemgenève, une joaillerie hybride.

Dans la section “Immerging talent” du salon GemGenève, focus sur une joaillière polonaise, Iwona Tamborska. Sur son stand des êtres hybrides, des insectes féeriques et des végétaux enchanteurs se parent de gemmes et d’argent. À mesure d’examinations, les détails des pièces se révèlent et quels détails !


Intriguée et attirée par une évidente inspiration de ses bijoux par Art Nouveau, j’ai pu discuter avec Iwona et en savoir un peu plus sur son parcours. Toujours attirée par la joaillerie mais contrainte par l’inexistence d’école joaillière en Pologne, son pays natal, à l’époque cruciale où l’on choisit son orientation, elle se dirige vers le
métier d’architecte paysagiste. Un cursus où elle étudiera art, environnement, architecture et sociologie. Un accident de travail causa temporairement la perte de sa voix et conséquemment elle eut à subir une opération. Cet événement est un tournant pour elle et l’occasion d’une introspection, l’envie de créer et son attirance pour la joaillerie ne l’ont pas quittée. Après un programme d’initiation à la joaillerie de 4 jours, elle s’engage dans un long processus d’apprentissage autodidacte, qui la mènera jusqu’ici, à GemGenève.
Ne bénéficiant pas de formation du bijou, la joaillière est libre de tout cadre et ose créer sans limite à son imagination. Les légendes, mythes et
religions l’inspirent et son cursus lui a fourni un savoir qui la guide dans
son processus créatif. Elle porte une admiration sans limites aux grands
maîtres de la joaillerie Art Nouveau, Lalique ou Fouquet pour n’en citer
que deux. L’art nouveau apparaît vers 1880 et met à l’honneur la femme, les courbes et par-dessus tout célèbre la nature. Les Opales et femmes-insectes présents sur le stand nous évoquent cette époque, Iwona Tamborska qualifie son style de “New Art Nouveau”, un titre qui nous rappelle que l’innovation ne peut se faire qu’avec une connaissance et un respect du passé.

J’ai pu admirer hors de sa vitrine une pièce d’une grande minutie. Inspirée du signe du Sagittaire et armée d’arc et flèche, la créature ailée aux cheveux faits de plume de paon se trouve sertie de saphirs et d’opales. Transportant avec elle sa prise, une mouche figée dans de l’ambre. La chaîne est constituée d’une myriade de flèches, elle explique “la chaine fait partie du bijou et de son histoire”.


La discussion se conclue sur une dernière question “Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner à des aspirants joailliers/créateurs?” et voici sa réponse:

En tant qu’autodidacte on m’a donné tant de conseils, que je n’ai pas voulu suivre, cela ne m’intéressait pas…Alors je ne suis pas sûre de pouvoir moi-même en donner ! Mais je peux dire qu’il est important de savoir ce qu’on veut et ce qu’on aime, on m’a parfois conseillé de produire beaucoup, de faire de la série, je trouve au contraire une vraie satisfaction dans le fait de produire une pièce unique, détaillée qui me correspond et qui m’inspire. Il est difficile de suivre cette voie, il faut de la patience et de la modestie. Mais c’est en fonctionnant ainsi que je suis épanouie et que je suis restée en accord avec moi-même.


GemGenève reste l’occasion de rencontrer des personnalités fortes et de découvrir les coulisses de l’univers passionnant que nous étudions. Nous avons la chance d’avoir accès à des billets, je vous invite donc à vous rendre à GemGeneve quand vous en aurez l’occasion !

Merci de m’avoir lu 🙂

Lucie Garcia – DNMADE24Jo – Octobre 2022

Diamants sur Canapé

  Si les diamants sont les meilleurs amis des filles, ce ne sont certainement pas ceux de notre planète…

1/ Constat écologique :

Si le luxe, plein de promesses, cache bien son jeu et attise toutes les convoitises il n’en recèle pas moins une part de désillusion… Et il faut croire que l’éclat de ces matériaux précieux nous détourne de leurs répercussions éthiques et environnementales…

En joaillerie, tout commence avec l’extraction des matières premières principales : l’or et les pierres précieuses. Et aujourd’hui, l’augmentation du niveau de vie, notamment en Chine et en Inde, couplée à l’incertitude économique, donne à ces matières une sorte de valeur refuge qui naturellement, en stimule la demande et l’exploitation.

« Les acheteurs d’or devraient prendre conscience de ces impacts sociaux et environnementaux et réclamer de l’or provenant d’exploitations qui respectent de bonnes pratiques. » s’insurge Claudio Maretti, responsable de l’initiative « Amazonie Vivante » du WWF.

Et en Amazonie, la pratique de l’orpaillage menace ainsi non seulement la nature mais aussi les populations locales. En effet, la demande croissante en or oblige les sites miniers à s’étendre de plus en plus loin dans la forêt amazonienne, augmentant encore la déforestation… Approximativement 1680 km2 de forêt tropicale auraient été sacrifiés au profit des mines d’or en Amérique du Sud entre 2001 et 2013 selon une étude publiée dans la revue Environemental Research Letters.

Ce phénomène de déforestation pourrait en grande partie être attribuée aux nombreux orpailleurs illégaux qui prospectent dans ces régions et coupent les arbres pour installer leurs campements.

Cependant, la déforestation n’est pas la conséquence la plus grave de l’orpaillage, certaines activités agricoles ayant beaucoup plus d’impact sur la forêt. Effectivement, l’or est débarrassé de ses impuretés par les orpailleurs, qui, pour cela, utilisent du mercure… Lequel s’évapore, se libère dans les rivières et menace la santé des habitants, particulièrement des enfants, chez qui il entraîne des troubles du développement neurologique. De par la déforestation et la pollution des eaux qu’elle engendre l’exploitation de l’or menace donc une grande partie de la biodiversité. Et comme le souligne Claudio Maretti, responsable de l’initiative « Amazonie Vivante » du WWF : « Les acheteurs d’or devraient prendre conscience de ces impacts sociaux et environnementaux et réclamer de l’or provenant d’exploitations qui respectent de bonnes pratiques. ».

Et si les conséquences sociales et environnementales de l’orpaillage sont déjà aberrantes, c’est encore pire pour ce qui relève des pierres précieuses et particulièrement du diamant.

En termes de surface et par conséquent, d’impact sur la biodiversité, l’exploitation du diamant est indubitablement beaucoup plus coûteuse que celle de l’or.  « Regardez sur Google : le trou d’une seule mine équivaut à la taille du premier arrondissement de Paris ! » Dénonce Marie-Ann Wachtmeister, cofondatrice de la marque Courbet. Et on ne mentionnera en rien les émissions de CO2 et les déchets qui en découlent…

2/ Éthique et géopolitique

Le principal problème lié au diamant est néanmoins plus éthique qu’écologique. Les diamants sont effectivement exploités au détriment de tous les droits fondamentaux de l’homme, engendrant ainsi travail forcé, oppression, torture et autres formes de violences.

Si le Processus Kimberley mis en place en 2003, vise à limiter la commercialisation de diamants issus d’économies parallèles finançant certaines de ces violences et certains conflits armés, notamment en Afrique Centrale, on peut douter de son efficacité… Effectivement, les diamants, pour être certifiés nécessitent un certificat délivré par le gouvernement du pays participant dans lequel a été trouvé le diamant. Le Processus de Kimberley repose donc complètement sur les États et les dispositifs de contrôle sont très variables selon les pays. De plus, le Processus de Kimberley dégage la responsabilité des entreprises en ce qui concerne leur approvisionnement. Ainsi, l’absence d’atteinte aux droits humains au sein du processus d’extraction des pierres n’est absolument pas vérifiée… Et si le processus de Kimberley devenait plus pointilleux, plusieurs pays dont l’économie est fondée autour de l’exportation des pierres, se verraient dans l’impossibilité de participer au commerce du diamant.

Le commerce de ces diamants dits « diamants de sang » ou encore « diamants de conflits » en dehors du processus de Kimberley est par ailleurs facilité par les réseaux sociaux. Des trafiquants de diamants de Centrafrique proposent actuellement des diamants à la vente sur Facebook et Whatsapp, nouvelles vitrines pour rencontrer de nouveaux partenaires prêts à investir dans le trafic international. Celles-ci permettent assurément aux cyber-diamantaires d’avoir un temps d’avance et de créer très rapidement des réseaux de partenaires pour amener les diamants illégaux sur le marché international. Et ce, contournant les mesures prises par les états et les organismes internationaux et continuant à maltraiter les populations.

3/ Des alternatives innovantes

De quoi être dégoûté des belles pierres direz-vous ? Pas obligatoirement. En effet, la technologie apporte aujourd’hui de nouvelles possibilités que certaines maisons ont brillamment su s’approprier pour créer des pièces d’exception.

La maison de haute joaillerie Courbet, nommée d’après le peintre qui, pendant la commune de Paris, rêvait d’une nouvelle place Vendôme à la gloire de la paix, propose une alternative écologique et éthique à la joaillerie traditionnelle.

Effectivement, Courbet valorise le diamant de culture, fruit de la magie de la science et de la technologie, qui répond aujourd’hui aux attentes éthiques et écologiques des clients.

L’objectif de ces diamants, réalisés dans les laboratoires high-techs de la Silicon Valley est de fournir une quasi-transparence environnementale. Non seulement ces diamants sont parfaitement traçables, mais ils reproduisent également à l’identique l’ensemble des propriétés optiques, chimiques et physiques du diamant naturel.

 En effet, les diamants de culture sont formés grâce à un processus similaire à celui par lequel les diamants naturels se sont formés au cœur de la Terre il y a des milliards d’années à une pression extrême et une température avoisinant les 1500 °. Seules différences : sa provenance et, par conséquent, son impact social et environnemental. De plus, seulement 2% issus de mines sont classifiés comme purs tandis que c’est le cas de 100% des diamants bruts produits en laboratoire.

Et à la règle des 4C permettant d’évaluer la pureté d’un diamant (Carat, Color, Clarity, Cut), la maison Courbet a rajouté un C : celui de Conscience.

Et Courbet n’est pas seule à privilégier les diamants de synthèse. La griffe Lightbox Jewellry, soutenue par la De Beers depuis 2018, utilise elle aussi uniquement le diamant de culture.

« Sans le bien, le beau n’est rien », slogan de la marque de joaillerie parisienne Courbet.

Et, aujourd’hui, les possibilités de synthétisation de pierres précieuses ne cessent de se multiplier. On pourra par exemple transformer les cendres funéraires d’un être cher en diamant commémoratif à des tarifs très abordables notamment grâce à l’entreprise suisse Algordanza ou encore réaliser du YAG (pierre de laboratoire imitant le diamant) grâce à une céramique récemment développée par le CNRS d’Orléans.

La maison Courbet a également trouvé une alternative durable à l’or car « Sans le bien, le beau n’est rien ». S’il est possible de travailler avec de l’or responsable issu des mines labellisées « fairmined », c’est l’or recyclé qui a remporté tous les suffrages chez Courbet. Bien que l’extraction de l’or soit orchestrée dans les meilleures conditions possibles, cela reste indubitablement très polluant. Extraire de quoi réaliser un simple anneau conduit à la production parallèle de plus de 40kg de CO2, 2 tonnes de déchets et 5000 litres d’eau. Or, l’or présente la capacité extraordinaire de pouvoir être réutilisé à l’infini. Doté d’une exceptionnelle conductibilité électrique, l’or est très prisé en électronique et c’est cet or, une fois recyclé, que Courbet revalorise dans ses créations joaillères.

En intégrant, les questions de développement durable et social dans sa politique d’entreprise, Courbet fait preuve d’innovation et permet de concilier le bien et le beau. Ainsi, plus question de se passer de bijoux !

4/ Attention aux abus

« L’argument écologique est surtout marketing et trompe le consommateur. Pour lui, c’est surtout le prix qui est déterminant. » Paul Zimnisky, analyste financier.

Attention cependant, à ne pas se laisser abuser. Si certaines maisons s’engagent en faveur de l’environnement et des droits de l’homme, ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles. De tous les diamants utilisés aujourd’hui en haute joaillerie, les diamants de culture représentent seulement 5% de ceux sur le marché… Et pour Paul Zimnisky, analyste financier indépendant spécialisé dans le diamant, l’argument écologique faisant l’apologie du diamant de synthèse serait plutôt de l’ordre du marketing, une sorte de greenwashing joaillier.

La DPA, l’Association des producteurs de diamants, dénonce parallèlement l’énergie consommée par les laboratoires pour produire des pierres synthétiques. Selon elle, un carat naturel de diamant taillé émettrait 160 kg de dioxyde de carbone contre 511 kg pour un carat synthétique taillé. Cependant, un autre cabinet estimait en 2014 que l’impact environnemental d’une pierre de culture était sept fois moins lourd que celui d’une pierre minière. Il semble donc difficile de trancher…

La valorisation des diamants de culture pourrait donc simplement être une manière pour les entreprises et le secteur controversé du diamant de redorer leur image. Mais l’on peut espérer que les laboratoires fonctionneront bientôt grâce à des énergies vertes qui réduiront encore l’empreinte environnementale des pierres de culture. Sans compter que leur dimension éthique ne pourra que les tirer vers le haut.

D’autre part, pour Paul Zimnisky, le respect de l’environnement promu par les diamants de culture est aussi une façade dissimulant l’attrait économique de ce type de pierre. En moyenne, le diamant synthétique coûte en effet 30% moins cher que le diamant naturel. Et ce qui pourrait être considéré comme un avantage pourra aussi l’être comme un handicap. Si le diamant de culture est moins onéreux que le diamant minier comment pourra-t-il s’imposer sur le marché de la haute joaillerie et ainsi pallier aux conséquences écologiques et éthiques désastreuses du diamant naturel ?

Finalement, ce sera donc à nous, en tant que tant que consommateurs et futurs acteurs du domaine de la joaillerie, d’en décider.

Mathilde Z. DNMADE bij 1 2019-2020

Références :

Le Monde :

Environemental Research Letters

Amnesty International

Courbet Joaillerie