E.Hopper , »AUTOMAT », 1927

« L’homme a besoin d’images« . Yves Bonnefoy, poète de la présence.

Pourquoi?

“Le rythme ressemble au temps, à la fois un et changeant, il ressemble à l’architecture, c’est-à-dire à notre univers qui est une construction.”
  Yves Bonnefoy / Colloque – 1984.

« Le temps étiré, l’inquiétude, la solitude…Ils sont spéciaux ces personnages, comme désincarnés, il y a jamais de regard… » Pascal ClarK

  • Titre: Automat.
  • Date: 1927
  • Auteur: Edward Hopper.
  • Technique : huile sur toile.
  • Dimensions: 41,7 cm X 91,7 cm.
  • Lieu d’exposition : Collections permanentes du Des Moines Art Center (État de l’Iowa).
  • Le tableau a été acheté avec des fonds de la Edmundson Art Foundation, Inc.  en 1958. Cette fondation crée en 1948, permettait à travers l’acquisition et la collection d’oeuvres majeurs de promouvoir l’accès démocratique à la culture.
  • (Cf. Https://desmoinesartcenter.org/)
  • Contexte d’exposition et de réception: Ce tableau, à la thématique plutôt sentimentale, été exposé pour la première fois en 1927. Le peintre profite de la saint Valentin et de l’occasion d’une deuxième exposition personnelle à la Frank Knox Morton Rehn Galleries de New York pour présenter cette toile au message universel (le phénomènes social de la rencontre amoureuse en milieu urbain). Cet espace d’exposition, sis au 693 Firth Avenue, a été crée en 1918 par Frank Knox Morton Rehn. Ce nom de famille n’est pas inconnu dans « le champ artistique » américain. C’est celui de son père, le peintre de marine Frank Knox Morton Rehn. » Cette galerie était donc un lieu tout à fait opportun pour un artiste qui, après de premiers succès d’estime, était devenu en 1925 pour reprendre l’expression de gail Levin « guetting establiched ». Hopper commençait  donc dans ce « champ de production et d’échange que l’on nomme « le monde de l’art » » à se faire une place. E.Hopper était désireux, la quarantaine passée, de pouvoir enfin atteindre une certaine « légitimité ». Il lui fallait obtenir une reconnaissance critique et « institutionnelle », tout autant que le succès auprès de ses pairs et du public. Au delà de l’univers artistique, les nouveaux « capitaines d’industrie « donneront dès la fin du XIXèm leur patronyme à de nombreux autres « instances de conservations et de consécration »: les fondations philanthropiques, « celles de Rockefeller ou de Carnegie »,  les institutions universitaires ( « Johns Hopkins à Baltimore, James Duke en Caroline du Nord et Leland Stanford près de San Francisco »). Ces derniers lieux de production des savoirs seront désormais  le locus de formation « entrepreneurial des nouvelles élites en gestation. Pour François Cusset dès le début du XX èm nous assistons en Amérique à une « mainmise forte des patrons d’industrie sur le système universitaire. » afin de lui donner une direction propre et pouvoir répondre à ses intérêts nouveaux de la finance et du capitalisme (P.46 French Theory). Le « Pouvoir de consécration » pour reprendre une terminologie sociologique bourdieusienne ne pouvait se construire qu’à travers ce rapport privilégié que l’artiste entretenait avec les «nouveaux stratèges de l’accès à la consécration » que sont d’une part les marchands d’art (ceux-ci auront une grande importance dans la diffusions des avant-gardes) et les clients, les élites américaines détentrices financièrement du capital économique et symbolique (Bourdieu, 1992) Aujourd’hui pour pendre une expression plus contemporaine, il était nécessaire de se construire un réseau sur « le marché des biens symboliques et les « instances de « légitimation culturelles). Ce sera le cas en 1933. S’il avait déjà participé à certains expositions collectives en 1929 (« 16 painting living American »,  « peinture et de sculpture américaines » en 1932; entre du 30 octobre au 8 décembre 33 avec  Alfred H. BARR J.R, le nouveau directeur du MOMA organise une rétrospective de ces oeuvres.
  • Hopper succède ainsi à  l’  » Art européen moderne »  (3-27 octobre 1933) exposition dans laquelle figurait les grands artistes d’avant-garde (Picasso, Modigliani, Matisse, Braques, Chirico) . Il est également présenté en contrepoint dans une sorte de dialogue questionnant et légitime  pour le conservateur avec l’art français. Comme l’explique un article du New York Times de l’époque: « Outre l’exposition personnelle d’Edward Hopper, le Musée d’Art Moderne propose au public une exposition de peinture et d’art graphique français modernes, représentant des dons et des prêts de la collection de Mme Sadie A. May de Baltimore. Mme May est à la fois peintre et collectionneuse. » New York Times • On pouvait selon le catalogue y découvrir au delà des aquarelles et gravures, les peintures de cette période comme: House by the Railroad (1925), Sundays (1926), The drug store (1927), Two on the ailes (1927), the city (1927), Light house hill (1927), Night windows (1928), Tables for laidies (1930)…
  • L’intelligentsia culturelle et financière, composée principalement de conservateurs de musée, de collectionneurs d’arts, visitaient donc fréquemment la galeries Rehn. Cet espace s’était particulièrement spécialisé dans la présentation de peintres typiquement américains (« Rehn Galleries specialized in representing American painters.) »tels que Robert Henri chef de fil du mouvement Ash Can art, George Luks et son style agressif, avec son coup de pinceau puissant quand il s’agit de peindre des scènes de l’East Side , John Singer Sargent portraitiste edwardien et paysagiste de talent, Peggy Bacon et ses caricature mordantes et satiriques ou George Bellows « the viril depicter of prize fights forceful realistic version of city life « selon L’aigle quotidien de Brooklyn Brooklyn, New York• Dimanche 8 janvier 1928 Page 58.
    Quelle était la position de Hopper dans se « champ de lutte et de rivalité »? Il semble avoir été un électron libre, seul maître de son modus operandi. Sa force fut de crée un style, son style. Bourdieux montre bien comment avec la modernité, les créateurs s’évertueront à créer un art caractéristique et singulier en portant une attention particulière sur la manière dont celui-ci est traité plastiquement et formellement comme signature. Est-ce une leçon qu’il a tenu en observant les diverses avant-gardes européennes? Le collectionneur Stephen Clark, héritier de la fortune de la manufacture Singer est un parfait exemple de ce rapport de fidélisation nécessaire avec les grandes fortunes. S. Clark deviendra l’un de ses grands mécènes de l’artiste – » le plus fidèle supporters de l’œuvre de Hopper » selon le critique Didier Ottinger . Il achète, sur les conseils avisés de Rhen, en 1925, la toile House by the Railroad pour la somme de 600 $. Ce fut le premier grand succès d’estime du peintre. Il fut lors de son exposition en 1925 acclamé par la critique.. Ce tableau à la puissance formelle indéniable, véritable portrait d’une maison victorienne, entrera par la suite dans les collections du prestigieux Museum of Modern Art de New York en 1930.  Ce seul événement témoigne, s’il en est, de la renommée grandissante du peintre et le nouvel enthousiasme que suscita sa peinture à la fois originale et typiquement américaine. Pourquoi ce tableau si emblématique a pu susciter un tel enthousiasme? C’est un tableau emblématique, l’ image du temps perdu que le tableau nous ferait retrouvé, entre présence et absence avec ce goût d’inquiétante étrangeté. La structuration de son espace, la composition des divers éléments, comme c’est souvent le cas chez lui, évoque la métaphore temporelle du carrefour. Entre la fixité de cette masure enracinée dans le paysage et la mobilité de cette « railroad « track qui traverse de gauche à droite l’espace du tableau au premier plan, se joue cette tension entre tradition et modernité. la modernité moderniste qui par nature n’est que passage, mouvement pur, vient couper à sa racine cette verticalité imposante et pourtant fragile. Survivance lointaine et isolée d’un autre temps, architecture spectrale et fantomatique sous le soleil couchant, la maison fait face, dernière résilience mémorielle, « trace » que saisit et saisira souvent le peintre avant son effacement. Pour Gail Levin  « Cette maison solitaire semble rappeler le passé le plus innocent de l’Amérique – un moment plus simple qui a été laissé de côté par la vie urbaine moderne et ses complexités. »  Cette maison ne renvoie t-elle pas à un « passé absolu » nous « oblige » t-elle à  » penser ce présent-passé confronté à celui du présent-futur qui la colonise.
  • Elle devient par la suite, avec les représentations du peintre Grant Wood « American Gothic », l’une des icônes de l’Amérique de l’entre-deux-guerres. la toile House by the Railroad figurera à l’exposition « Paintings by 19 Living Americans » organisée du 13 décembre 1929 au 12 janvier 1930 au sein de la nouvelle institution ». Relisons ce qu’en disait le « communiqué de presse de l’exposition » :« It is believed that these Nineteen painters represent a fair cross section of the most mature artists of both conservative and radical tendencies.« « The nineteen painters are: Charles E. Burohfield, Charles Demuth, Preston Dickinson ,Lyonel Feininger, Pop Hart, Edward Hopper, Bernard Karfiol, Rookwell Kent, Walt Kuhn, Yasue Kuniyoshi, Ernest Lawson, John Marin, Kenneth Hayes Miller, Georgia O’Keeffe, Jules Pascin, John Sloan, Eugene Speicher, Maurice Sterne, Max Weber :Cette exposition de peintres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle révèle des orientations artistiques complexes et contradictoires. Deux tendances » se manifestent dans le sens où deux « désirs »,tendances s’expriment entre, d’une part, une nostalgie « précapitaliste » qui cultive l’image auratique et fantasmée d’une époque originelle en train de s’éteindre et d’autre part une vague épique et dynamique de nouveaux artistes qui  sous l’oriflamme « the banner of modernism »  Où se situe le peintre ? N’est-il pas dans ce chiasme, cet entrelacement des deux ? L’œuvre de Hopper semble être à l’intersection entre une certain peinture teintée de romantisme et  des lumières impressionnistes d’une Amérique mythique et celle nouvelle avant-garde qui impose ses nouveaux mythes fondateurs d’un tabula rasa moderne. A travers la forme d’une peinture sociale et réaliste qui prend sa source dans les égouts et la boue, les artistes du ‘Ash can Art’ notons la naissance d’une société de classes avec sa couche sociale sordide et urbaine constituée de défavorisés, tandis qu’une autre, plus progressiste et moderniste, s’intéresse à l’esthétique du progrès : pensons par exemple aux peintres. Charles Demuth, Géorgie O’keeffe …)
  • Ce mouvement « précisionniste « est apparu au début des années 20. On pourrait trouver des correspondances et des contiguïtés dans le travail de ces artistes avec celui d’Hopper. Chacun  porte un vif intérêt pour traduire dans des compositions très structurées et graphiques l’expérience du monde urbain avec ses architectures modernes et ses nouveaux paysages industriels. Nous assistons à la naissance d’une beauté fonctionnaliste. Pensons au regard de Duchamp sur les nouvelles œuvres de l’ingénierie américaine. E. Hopper semble porter une attention particulière sur ce moment clé de l’histoire, témoin directe de l’ « émergence » d’un phénomène nouveau: la naissance de la modernité et de son autre pan, le modernisme. Il semble vouloir capter cette « événementialité ». l’artiste prend conscience de cette « ligne de partage », cette fracture entre deux temps, deux époque, deux monde entre  ruine et mise en chantier des nouveaux espaces. Ce profond changement crée chez l’être humain un sentiment de disruption, de déchirement tout autant dans  les âmes que dans les corps . Nous reprendrons l’analyse très intéressant de Michel Foucault dans son étude sur les régimes de pouvoirs et de vérité et plus précisément son regard sur le travail du généalogiste (« Nietzsche, généalogie, histoire en 1971.) Foucault reprend la terminologie du philologue allemand et la différence étymologique entre deux mots de sa « boîte à outils conceptuelle » : « Entstehung » et « Herkunft ». » que l’on peut traduire par « Émergence » et « provenance ».) Selon M. Foucault, le mot « Entstehung » pourrait être défini comme un « point d’émergence », à la fois « principe » et « loi singulière d’une apparition » ? On peut le relier aux concept de  » survenance » de Donald Davidson .
  • Phénomène et processus, il « se produirait toujours en état de puissance », expression d’une « lutte », d’un combat ». Quoi qu’il en soit géologiquement parlant, quelque chose semble « sortir » des profondeurs physique liquides ou solides, d’une terre, un environnement, un continuum temporel (événement et histoire). C’est une sorte de phénomène épiphanique (donnant naissance à de nouvelles propriétés et caractéristiques):émergence « du sujet, » du temps, émergence temporelle de la différence, émergence d’une pensée, d’une idée, d’un affect, de la vérité, d’un concept nouveau, théorique, du sens et de la signification, d’une réalité, de la perte, de la singularité , de l’autre, de » l’estranger » ,émergence d’une matrice, d’un nouveau monde, d’ « un nouvel humanisme », d’une nouvelle forme d’universalité ou « d’un nouvel esprit totalitaire », l’émergence d’un problème, d’une problématique, émergence d’un texte, d’une peinture d’un oeuvre dans un nouveau contexte; émergence singulière ou multiples..(d’un ensemble) L’émergence se fait elle progressive? violente; irruptive? c’est « une force de rupture ».l’émergence par le dialogue, la confrontation…
  • Si l’on parle de « pays émergents », on suit une grille de lecture directive basée sur une perspective économique et mathématique: la déclinaison d’un modèle de croissance mondialisée. Il y a l’émergence et son développement…
  • En feuilletant le dictionnaire allemand, nous découvrons d’autres mots comme : création, formation, naissance, mais M. Foucault préfère le terme « émergence », terminologie qui selon Olivier Sartenaer suscite  » L’attrait philosophique »
  • que l’on retrouve aussi dans le langage et l’œuvre de nombreux intellectuels de J. Butler à G. Spivack… lorsqu’il s’agit d’explorer, de « déconstruire » au sens derridien un cadre, une situation, de questionner les canons de lecture (« histoires » et discours »), les « instances » de légitimation de sa propre personne, les connaissances et mécanismes de pouvoir qui en découlent, afin de se déplacer, inverser les rôles, les lieux, les positionnements ritualisés, institutionnalisés, historicisés. Face à la (la « straigth mind« ), il faut mettre en lumière, « les « double-blind », faire parler les invisibles (« subalternes »), les marges dans une société hiérarchique, injuste et binaire sans sujet proprement féminin (« homosociale« , « logophalocentrique« , « européocentrique« ). A travers cette pensée décapante et non destructrice va pouvoir « émerger des mouvements d’émancipations, de contestation : mouvements féministes, Queer, une conscience globale et non parcellaire qui  loin des états- nations dans «  L’ intersectionnalité » reprendra tous les combats des opprimés (celui des « tiers-mondiste » post- coloniaux et anti-impérialistes (subaltern studies). l’émergence peut naître d’un mode volontariste et éthique de changer le monde: « Connected: Emergence of Global Consciousness « (Connecté : l’émergence de la conscience globale) l’ouvrage ROGER NELSON parle du GCP( Global Consciousness Project) . Qu’est-ce qui conduirait à l’émergence d’une chose, d’une situation, d’un nouveau monde? Une prise de conscience? Elle signifierait  « l’entrée en scène des forces »,  un « lieu d’affrontement » entre deux visions (réactionnaire/révolutionnaire/ l’ancien contre le nouveau).
  • Émergence de la ville moderne…
  • Hopper perçoit et traduit dans sa peinture, à travers le silence des choses et des êtres, ce moment décisif, une crise qui peut prendre  forme et s’incarner dans les lieux,  des corps placés dans l’espace, ces représentation de « formes de vie » devenue problématiques, symptomatiques d’un mal-être, « mal-à dire civilisationnel ». Tout comme les personnages, le spectateur éprouve, lorsqu’il découvre ces tableaux, la même sensation de flottement, d’arrêt, entre pause et désorientation, . Nous assistons à ce que l’on pourrait appeler « une rupture d’intelligibilité ». Les personnages comme des acteurs de cinéma semblent souvent posés là, assis, incertains, arrachés à eux-mêmes, à l’espace, au temps aux autres. Pourtant, ils semblent attendre quelque qu’ événement incomparable, qui qui pourrait interrompre la stase quotidienne. mais rien ne semble interrompre l’attentent. Ce monde qu’il nous décrit dans la profondeur de son quotidien est-il à vivre ? Ce monde qu’il nous décrit dans l’épaisseur de l’ordinaire est-il vivable?

D’autres artistes exaltent par contre à travers l’architecture moderne, le nouveau triomphe de l’esprit objectif, une ville conçue à l’image des « objets idéaux » de la géométrie et de son application technique. leur peinture a la pureté  cristalline des dessins d’architecture. Comme Hopper, ils ont développé le credo d’une représentation très épurée et géométrique parfois dépouillée de toute présence humaine afin de laisser rayonner la beauté du lieu ou l’objectivité de la forme instrumentale,. Chez Hopper elles semble néanmoins demeurer fort  éloignée des nouvelles architectures modernistes et fonctionnalistes de fer et de verre que propose l’Europe et qui gagnera la citée des grattes-ciels. les bâtiments dans ses œuvres demeurent  toujours dans le style éclectique et historiciste avec ses caractéristiques historiques et européennes, reliques vieillissantes dans la dernière modernité américaine. (Edward Hopper, The City, 1927). Le lien entre le « précisionnisme » et le cubisme « épique », le goût pour la représentation mécano morphe (Picabia, Duchamp) est évident. Dans Machinery de Charles Demuth en 1920, la toile devient le lieu de fusion entre les éléments architecturaux d’une manufacture et l’esthétique de la machine: dans le paysage tout attire les peintres un simple  séparateur de cyclone  ,une citerne aérienne châteaux d’eau au dessus des toits, des cheminées d’usines, des silos, des rampes à grains…

« City night » -Georgia O’Keeffe- 1926, ponts métalliques (« Queensborough Bridge » -Elsie Driggs – 1927), naviguant entre les deux pôles du photoréalisme et l’abstraction sans jamais y succomber et préférer cet entre-deux fertile.

 CharlesDemuth-Modern-Conveniences-19211undefinedAbstraction d’après des édifices, Lancaster, 1931, Charles Demuth, Detroit, Institute of Arts.

. » Modern Conveniences » – 1921,Charles Demuth/

Charles DemuthAucassin and Nicolette (1921).

Abstraction d’après des édifices, Lancaster, 1931, Charles Demuth, Detroit, Institute of Art.

En poésie William Carlos Williams comme Charles Desmuth en peinture envisageait l’analogie entre les arts et la technologie. L’attention est désormais portée sur la forme structurelle, le process artistique est  comparée à une grande machinerie . si pour le poète moderniste « on poems as machines made out of words » « Un poème est une petite (ou grande) machine faite de mots », l’architecte le Corbusier aussi conçoit dans son domaine  l’habitat collectif, comme machine à habiter ».

Williams said:

To make two bold statements: There’s nothing sentimental about a machine, and: A poem is a small (or large) machine made out of words. When I say there’s nothing sentimental about a poem, I mean that there can be no part that is redundant.Prose may carry a load of ill-defined matter like a ship. But poetry is a machine which drives it, pruned to a perfect economy. As in all machines, its movement is intrinsic, undulant, a physical more than a literary character.From: Williams’s introduction to The Wedge, in Selected Essays of William Carlos Williams (NY: New Directions, 1969), p. 256.

« il n’y a rien de sentimental dans une machine, et : un poème est une petite (ou grande) machine faite de mots. Quand je dis qu’il n’y a rien de sentimental dans un poème, je veux dire qu’il ne peut y avoir aucune partie qui soit redondante.
La prose peut transporter une charge de matière mal définie comme un navire. Mais la poésie est une machine qui la meut, taillée à une parfaite économie. Comme dans toutes les machines, son mouvement est constant, ondulant, un caractère physique plus que littéraire. »

Tiré de : Williams’s introduction to The Wedge, in Selected Essays of William Carlos Williams (NY : New Directions, 1969), p. 256. »

Ne nous trompons pas en citant Le Corbusier, ce dernier en effectuant son premier voyage à New York en 1935, ne fut nullement impressionné par cette cité dans laquelle il ne voyait qu’une mégalomanie du vertical. A contrario Georgia O’Keefe qui déménagera à New York en 1918 , vivra cette découverte avec enthousiasme .Elle tentera de traduire cette expérience phénoménologique à travers le choix privilégié de la contre-plongée, seule capble d’exprimer ce choc célinien, cette sensation de vertige, ce sentiment du sublime que lui procura le spectacle  de ces  “modern skyscrapers of the New World, like the medieval cathedrals of Europe. » Déçu par sa première expérience New yorkaise, le Corbusier considéra l’urbanisme de cette métropole avec sévérité, constatant avec agacement cet espace « totalement dépourvue d’harmonie ». (Dana Schulz pour Arch Daily) et « Beaucoup trop petit. » Avec ces trois mots, Le Corbusier a rejeté l’architecture de New York quelques instants après son arrivée pour la première fois à l’automne 1935″. « Il a qualifié ses propres plans de « cartésiens » à la régulation parfaite comparé à l’urbanisme anarchiques, sans tracé régulateur de la grande Pomme. Celle-ci est devenue le lieu du « vivant dans l’invivable » (Butler), de « la confusion », et du  » chaos  » . Cette problématique de la mise en ordre du vivant, de la ville comme organisme et corps vivant et social sera l’une de ses problématiques avec les dérives que peuvent porter tout désir utopique de régulation et de rationalisation ( structures  et dispositif de contrôle du peuplement:  bio-pouvoir ) . « Il s’élève contre l’irrationalité d’une ville du 20e siècle bâtie sur des rues tracées au 19e et s’effraie de « la folle spéculation de l’entreprise privée ». Les New-Yorkais, à leur tour, n’avaient aucune utilité pour un plan directeur : personne n’avait le temps ou le pouvoir de raser et de reconstruire Manhattan. »Le Corbusier contre Manhattan : l’exposition du MoMA montre pourquoi l’architecte d’origine n’a jamais tout à fait conquis New York Jonathan Keats

« Le Corbusier embarked on a well publicized trip to the the United States in 1935″ »A modern metabolic change imposed on a pre machine cardiac system. »“A hundred times have I thought New York is a catastrophe and 50 times: It is a beautiful catastrophe.”Le Corbusier in New York City
“Manhattan is hot jazz in stone and steel” Le Corbusier. Art Hum dans la ville: LeCorbusier – Columbia University

  • Revenons sur un autre personnage de ce « un cordon ombilical d’or »d’admirateurs et mécènes que la première exposition de notre artiste intrigua . Ce grand « accumulateur de merveille », collectionneur scientifique, généalogiste et critique d’art de Washington DC. est Duncan Phillips. Il acquit  en ces lieux en 1926 pour sa future collection d’art moderne ( devenue aujourd’hui la fondation Phillips Collection), la peinture Sunday. Cette première rétrospective des oeuvres d’Edwar Hopper témoigne de l’intérêt croissant d’une certaine élite éclairée, pour ce nouvel art  véritablement national. D. Phillips, figure majeure, aventureux et prémonitoire dans ses choix esthétiques, témoignera à travers sa collection de l’intérêt croissant de « intelligentsia »  une nouvelle classe sociale aisée et engagée dans un travail de diffusion de la nouvelle culture, des nouvelles tendances modernistes européennes. La lecture personnelle  audacieuse et très avant-gardiste de l’histoire de l’art avec son concept de « continum » historique et culturel sera particulièrement novateur dans la conception scénographique et muséale des collections. Le désir de réunir en un même lieu (un « mémorial » ), l‘art moderne et ses sources « , d’adopter une présentation in situ à la fois didactique et dialectique permettait ce dialogue fertile immédiat entre peintures passée et  innovations picturales entre l’art européen et l’art américain . Cette approche témoigne d’une grille de lecture historique de l’art pertinente et fine, d’une familiarité avec la  compréhension du processus créatif lui-même, propre à la modernité ( comment rendre compte de cette réalité de la création contemporaine : relation entre art moderne et arts primitifs, relecture des oeuvres classiques par les artistes modernes: Poussin/ Cézanne, Picasso/ Manet/ Ingres). Dans cette connexion visuelles et thématique, le spectateur peut redécouvrir chez les artistes d’autrefois Le Greco, Chardin, Goya, une modernité plastique à l’état latent et dé-voilée sous un nouveau jour grâce à la relecture modernistes. Sa nouvelle collection révèlera au spectateur américain par un phénomène de réciprocité et d’effet miroitant le questionnement qu’engage les avant-gardes européennes et américaines avec la tradition: Gauguin, Matisse, Manet , W .Homer, T.C. Eakins, E.Hopper…).  Cette initiative n’est pas unique, elle traduit dans la décennie d’après guerre une volonté très forte, à travers des lieux culturels, de promouvoir l’art moderne européen, aussi bien que la création contemporaine américaine. Pensons par exemple à Albert Eugène Gallatin, ce « membre of a second generation of modern art collector activ…after figure as Katherine Dreier, Walter Atensberg, Albert C. Barnes, and Duchan Philipps« , héritier lui aussi d’une importante fortune, cette fois-ci bancaire, arrière-petit-fils du fondateur de l’Université de New York et son projet de création de la première collection d’art moderne aux États-Unis à l’UNY . la » Gallery of Living Art » (« america firts museum devoted exclusively to modern art ») était une sorte de » musée d’art universitaire » sise au 100 Washington Square East. Crée en déc.1927, elle était la seule institution qui offrait un accès pour un large publique aux derniers développements internationaux de l’art moderne. Pensons à La Galerie 291 sise 291, 5e Avenue, (1905-1908) « Alfred Stieglitz et son cercle », à l’Armory Show « The New Spirit: American Art » en 1913, à Katherine Dreier, Marcel Duchamp et Man Ray qui fondent en 1920 la Société Anonyme Inc. (à laquelle participera d’E.Gallatin) . Ils organiseront  jusqu’au début des années 40 quatre-vingts expositions et autant de conférences et de séminaires pour faire connaître l’art moderne. Le principe de la collection privé accessible à un large public, cultive cette philosophie d’accès démocratique et humaniste que l’on retrouvera dans les institution culturelle américaine aujourd’hui. Prenons pour exemple le credo de la nationale Gallerie of art de Washington: « La National Gallery of Art sert la nation en invitant tout le monde à explorer et à découvrir l’art, la créativité et notre humanité commune. » La galerie de l’art vivant était une véritable « educational laboratory for advanced american painter » selon Gail Stavinsky, historienne de l’art et conservatrice au Montclair Art Museum. Elle donna « l’occasion » aux new yorkais « [d’étudier] » des oeuvres trop souvent confinées aux seules mains et regards des « collections privés » ou  » des marchands. » Placer l’art au sein d’un lieu éducatif, faire d’un petit musée un espace vivant et stimulant propice à l’intelligence collective, à la critique et la collaboration entre artistes, étudiants et le public amateur, fut une initiative très audacieuse. Ceci s’explique certainement par le profil de ce collectionneur-artiste -après la fermeture de la galerie en 1936, il s’adonnera à sa véritable passion de peintre. On peut parler d’acte politique au sens qu’en donne Jacque Rancière quand il affirme que «  la politique » s’est  » trouver une manière de faire ce qu’on n’est pas supposé faire, d’être là où on n’est pas censé être. » Il déplace ce locus commun et institutionnel de l’art, cette place traditionnellement assignée à sa présentation, celle d’un espace de réception conçu exclusivement à travers un écrin architectural noble, seul espace  de légitimation pour exposer, discourir et normaliser les questions de l’art: ce fut une conception qui irrita les Guggenheim par sa non-concordance ( l’aspect trop terne des lieux.) Il faut parfois  savoir  » redessiner la carte » quitte à froisser les convenances.  Attention, une collection comme celle de Philipps n’est pas par exempte de partialité et d’oublis. (le surréalisme, par exemple, y est absent). Ultérieurement le formalisme greenbergien avec sa coloration marxissisante autour des notions d’avant-garde et de kitch ne sera par exempte dans cette tentative parfois normative de construire une nouvelle identité, essence propre de l’art américain .Ce modernisme cultivera  les « qualités physiques immédiates de la peinture »  sa spécificité propre. l’art doit correspondre avec la pureté de son médium = sa planéité absolue. Sa vision partisane, »partialisante« , parfois rigide et forclose pouvait être un frein à d’autres propositions innovantes, pensons à celles de Duchamp qui n’entre pas dans son cadre régulateur et doctrinal. Le choix de la peinture hopperienne participe de cette même tension entre une volonté forte d’affirmer pleinement son modernisme artistique et la recherche d’une identité purement américaine qu’il tentera de construire à partir de ses thématiques et de son style (elle peut tendre vers le régionnalisme dans les année 30 et cette quête identitaire d’un art national). l‘exposition L’art américain New Spirit dans l’Armory Show, 1913″ présentées en 2013 au Montclair Art MuseumCo-organisée par la conservatrice en chef de Montclair, Gail Stavitsky et la commissaire invitée Laurette E. McCarthy, révèle de façon intéressante la nécessité de réexaminer et à réévaluer à travers cet événement itinérant qui fut marqué dans les esprits par la plasticité radicale de la production européenne. (Duchamp, Brancusi, Matisse) le « novum » artistique que ce soit en peinture (le nu descendant l’escalier) ou en sculpture (Melle Pougny) fut un véritable choc esthétique pour beaucoup de spectateurs à New York, Chicago et à Boston. Cette exposition hommage à cet évènement fondateur, cent ans après, permettait de façon très juste de corriger, la focale et cet effet loupe que fut cette première grande foire d’art moderne. Gail Stavitsky à travers cette exposition, ce regard rétrospectif tente de corriger et rétablir ce déséquilibre et cette injustice de l’histoire. La part de la peinture américaine a souvent explique t-elle, été éclipsée et considérée comme de second ordre dans cette manifestation qui fit la part belle au tintamarre révolutionnaire. On a retenu Duchamp, Brancusi, le barnum moderniste mais on a oublié tous les autres.Tout ceci témoigne de la grande force idéologique et prosélyte à laquelle l’art américain devait se confronter. l’exposition intinérante et l’enthousiasme que son oeuvre suscita auprès du publique américain témoigne des stratégies de publicités mis en place pour promouvoir exclusivement le tempo du génie français.Cela n’est pas nouveau, Michaël Vottero dans son article, To Collect and Conquer: American Collections in the Gilded Age, décrit très clairement ce phénomène dès le milieu du siècle précédent. A travers son examen du marché de l’art américain au XIXè et la formation de cette nouvelles élites économiques, aristocratie d’argent, « The kings of steel, sugar or transport » et les représentants de la souveraineté populaire, il relate le goût croissant pour la peinture européenne et surtout française à cette époque. Celle-ci était facilité par les lois instituées (le protectionnisme sur l’exportation en 1861, crée l’effet inverse) et la naissance de nouveaux lieux dédiées à la diffusion de l’art: Ceux-ci faciliteront sa vulgarisation et sa familiarisation progressive vers des propositions de plus en plus avant-gardistes au siècle suivant : « In 1838, the creation in New York of the Art Union or Apollo Association », » the first private art gallery in New York in 1832″(Luman Reed). Ce marchand, mécène et collectionneur, féru de peinture de paysage et de genre tentera de promouvoir et soutenir des artistes nationaux  (T.Cole, Ashe .B Durand) mettant en lumière à travers sa collection des paysagistes de l’ » Hudson River School », tandis qu’en 1849 la « Düsseldorf Gallery  » de  John Baker se positionnera exclusivement sur les pionniers européens. Son succès grandissant « , la production transatlantique surtout française éclipsera progressivement la production américaine:“the eclipse of American Art”. Sa mise à l’honneur à la » Metropolitan Fair Picture Gallery on 14th street, témoigne du nouvel élan pour la création européenne. Les galeries française ouvrent des succursalles à N.Y. le marché s’ouvre de la côte est au pacifique par exemple: »The French house Goupil, Vibert & Company, specialized in prints, opened a branch office in New York in 1846. » Pour ces “barons” of business, dès 1850-60 puis le générations suivantes l’investissement et l’acquisition de très nombreuses oeuvres françaises -directement à la source ( depuis le voyage des mécènes et des artistes aux expositions universelles de1867 jusqu’aux visites d’ateliers en 1930) ou sur les marchés américains -à partir de grands marchands français « Georges Petit, Paul Durand-Ruel et Ferdinand Barbedienne » comme la pratique du portrait de commande participait d’une même forme de spéculation et de capitalisation symbolique à partir de l’immatériel. Le lien entre prestige et accumulation capitaliste dans la société aristocratique et bourgeoise n’est pas une forme nouvelle de différenciation sociale. Ce concept de « consommation de prestige »  ou ostentatoire et ses rouages a été bien étudié par le sociologue allemand Norbert Elias dans ses travaux sur la société à la cour des rois de France de François Ier à Louis XIV :Die höfische Gesellschaft . Elle se manifeste aussi chez ses richissimes famille américaines par l’exposition publique de son statut social à travers et part l’acquisition et le mise en visibilité du capital culturel et sa mise à disposition philantropique dans l’espace publique pour une collectivité  plus large. On le découvre dans la magnificence de leur somptueuses demeures décorées d’oeuvres d’arts mais également par la création de Musées, de fondations philantropiques à partir de leur propre collection et de donation. Cette nouvelle élite capitaliste, ces puissants industriels allient bourgeoisie et aristocratie dans une même entité en gérant consommation et dépense dans une économie teintée de vertu sociale , laïque et religieuse : Il fallait dans un soucis  démocratique permettre de façon correctif et redistributif l’accès au peuple à un certain capital culturel et immatériel sous couvert d’une structure ou institution dont  le nom rappelle le don ou la propriété.
  • Michaël Vottero souligne que:« The real start of collecting in the United States dates back to the Civil War and its aftermath. Thriving firms offered their owners comfortable incomes to build true palaces accompanied by the traditional painting gallery, as demanded by society. 

          Le changement d’optique, la conversion dans le choix d’acquisition des oeuvres chez le collectionneur E.Gallatin au sortir de la guerre vers l’abstraction moderniste des oeuvres  non objectives au détriment de ses premiers achats impressionnistes et d’Ash can art puis figuratif traduit de cette volonté de diffuser les  » influences les plus récentes à l’œuvre dans la peinture progressiste du XXe siècle .» A contrario de ce pont entre Paris et New York, il peut y avoir de la part de mécènes, également, la volonté de soutenir une création propre aux États-Unis à contre-courant de cet assujettissement canonique, purement européenne. Cette démarche est incarnée par la figure de la richissime et mondaine Gertrude Vanderbilt Whitney. Elle était une sculptrice, plutôt académique, une grande admiratrice du style de Rodin. Fondatrice du Whitney Museum en 1931, elle sera collectionneuse et mécène d’une avant-garde américaine plutôt réaliste comme  » l’ Ash can art ». la peinture d’Edward Hopper, Tôt le dimanche matin de 1930 entrera au musée. N’oublions pas en passant que Le peintre léguera une grande partie de ses œuvres à cette institution. En 1916, elle commandera à Robert Henri, chef de file de ce réalisme factuel son portrait. Ce dernier très audacieux et peu conventionnel, entre tradition et modernité, renouvelle tout en le citant le genre classique de la courtisane, de la déesse couchée sur un divan un véritable topoi de la représentation féminine et érotique occidentale .
L’œuvre de Hopper est emblématique justement de cette problématique du « dialogisme » entre identité et altérité dans la formation de la subjectivité et de la psyché de l’artiste naissant, cet entre-deux à la source de sa démarche entre « l’américanéité constitutive « de ses sujets, « l’américanisme » de sa peinture et les sources d’un moi idéal artistique  qu’il retrouve    outre atlantique (relation d’attachement et de détachement avec la loi ) , ces artistes dont il faudra un moment ou l’autre s’émanciper (l’autre comme construction de soi et modèle à déconstruire pour construire son propre mythe). Comme Hopper et bien d’autres artistes américains, ou collectionneurs (E. Gallatin), Paris fut une révélation et une grande source « d’inspiration » au sens derridien du terme dans son chapitre de l’Écriture et différance, « Force et signification » : « feu », « flamme », une force dont on intériorise le souffle comme le fut le maghreb avec sa lumière chez les peintres coloristes. Cette exposition de 1927 obtenue un grand succès d’estime, la carrière de Hopper était lancée. .

  • (Source :ELIAS, Norbert, La Société de cour, Champs Flammarion, préface de Roger CHARTIER, 1985 (rééd.).Michaël Vottero« To Collect and Conquer: American Collections in the Gilded Age »Transatlantica [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 14 février 2014, consulté le 16 mars 2023URL : http://journals.openedition.org/transatlantica/6492 ; DOI : https://doi.org/10.4000/transatlantica.6492
  • Edward Hopper, de Gerry Souter, Parkstone International, 22 déc. 2011.)
  • Archivist’s Angle: Histoire de la Gallery of Living Art de l’Université de New York,Lexi Echelman (GSAS ’19)
  • Galerie et musée d’art vivant AE Gallatin (1927-1943),  Gail Stavitski
The New Spirit: American Art
  • Le tableau a été vendu, en avril 1927, pour $1,200.(13744$ actuel)
  • GENRE:C ‘est une scène de genre, une images de la société contemporaine de l’artiste, celle du spectacle quotidien de la classe moyenne dans une société tiraillée, déchirée entre les changement inévitable de la vie moderne qui transforme le paysage et l’organisation  sociétal et ce désir de retour arcadien vers le grand air, une nature sanctuaire fondatrice mythique et sans frontière . Le regard du citadain fuit vers ces horizons demeurés encore intactes (wilderness) espace-temps à redécouvir loin de cette urbanité insalubre en continuelle expansion .(H.D Thoreau, anticipe ce qui sera plus tard la question de la protection de la nature. « Dans les bois », le philosophe relate cette expérience sublime que fut celle du départ puis l’immersion pas à pas vers les éléments naturels sauvages. Il retrouve à travers ce parcours et cette entrée dans l’espace de la forêt un regard neuf infant décapé de toutes les scories civilisationelles. Il rescent dans cette nouvelle expérience phénoménologique et psychique une  grande » jouissance ,une allégresse quasi extatique « Dans les plantations de dieu », dit-il, »règne la grandeur et le sacré ». Ce contacte mystique avec tout les signaux qui s’offrent à lui sont comme autant comme un langage à déchiffrer. la nature devient un espace de « consensciousnesse » réparatrice loin des divisions, le lieu réel ou fantasmé d’un retour à l’anarchie fraternelle et secrète celle avec les éléments naturels (végétaux)  la divinité et  soi même .A distance des rues et des villes,  loin des hommes il redécouvre sa propre nature, sa propre humanité. (Le milieu du 19em verra la création des grand parcs américain qu’appelle de ses voeux Thoreau, un intérête pour la noble culture indienne , ces « subalterne » dont l’écoute serait un contrepoint salutaire face à la folle sauvagerie moderniste…) Dans les tableaux de Hopper l’ancien dans la grande mégapole  est en ruine, une trace éparse et précaire qui bientôt laissera place au nouveau, un nouveauté encore en chantier. » L’artiste peint, cadre de nombreuses espaces vides, des architectures isolés et solitaires, celles que tout promeneur , flaneur baudelairien peut  percevoir lors de ses pérégrinations. D’autrefois, il  fixe  son regard mobile sur des scènes de genres avec ces acteurs énigmatiques. Peindre une scène intimiste  comme porter son attention exclusivement sur un  paysage étaient autrefois considérée d’un intérêt mineur et insignifiante dans  » les théories esthétiques classiques ».  Nous étions dans La  tradition » de la grande peinture d’histoire  comme il y a la grande histoire, celle sacrée ou profane des « vainceurs ». Elle avait pour  fonction  de manifier et d’enseigner aux différentes couches sociale une « Rhétorique » du pouvoir instituante, régulatrice et légitimante : nous pourrions reprendre les termes foucaldiens  de « gouvernementalité »verticale. Un « discours vrai » sur la  vérité sera mis en représentation à travers des dispositifs optiques (perspective) des formes symboliques, des « machinerie » appareillage démonstratifs et iconiques.   De son mode de production-création jusqu’à sa mise  en visibilté nous assistons à tout une chaîne de régulation, de  mise en ordre obligatoire ( les différents éléments internes de cette scène, de ce petit théâtre du pouvoir à l’image du monde social doit jouer son rôle (paysage, /objets/personnages/ corps/ postures/ éléments anatomiques ). Ce micro ou macro Kosmos même quand il deviendra abstrait devait  reproduire ce topos géocosmique . Dans l’espace de travail qu’est l’atelier demeure les divisions instituantes entre le maître et le disciple, mais aussi celle d’une « straight mind »quand parmi ceux-ci intervient le personnage femme (artiste, modèle, compagne, disciple)
  • Entre pensée de classe et phalocratique s’impose le jeu des statuts, des positions assigné à chacun depuis le premiers coup de crayon, la signature jusqu’aux multiples façons dont les signifiants, non propre ou communs doivent faire signes (Lacan/Derrida système phalogocentrique). Pensons chez E.Hopper à JO. Quelle pouvait être la place de l’artiste peintre Joséphine, sa muse, son épouse,,son assistante demeurée dans la situation de subalterne  condamné à l’ombre colérique et sadique de l’artiste?. Le documentaire de Catherine Aventurier, de 2016 , coécrit par Alexia Gaillard, Edward et Jo Hopper, un si violent silence » met  parfaitement en lumière celle qui pendant longtemps ne fut que le souffre-douleur de l’artiste, une forme de figure tragique comparable à celle « d’écho »condamnée à être muette face à narcissique.(G.C.Spivack)
  • Élisabeth Décultot et Christian Helmreich, rappellent justement dans leur article Présentation Paysage et modernité que la peinture de paysage avait ce même statut de minorité dans la production du tableau. Elle était simplement un arrière-plan, un travail dévolu à la main du »discipulus« , de l’apprenti peintre, cette « force de travail » au service du maître. Cette hiérarchisation des tâches depuis l’exécution jusqu’à la création participait de la forme d’apprentissage professée. Cette émancipation progressive du disciple depuis le fond (background) vers la lumière le premier plan de la scène est à l’image de ce long chemin qu’il devra parcourir à travers les multiples tâches qui lui seront confiées. Fabriquer  la matière picturale, dégrossir le boc de marbre le temps sera long avant de rejoindre celui de la conception. Il faudra passer de
  • l’inanimé vers l’animé, du corps au visage, du paysage vers la figure, savoir la rendre  vivante aux yeux de tous, miracle de la mimésis et du pouvoir promothéen pour rejoindre le panthéon des artistes. On retrouvera dans la sculpture, la même dynamique (Transmission, filiation, transgression -(Cf. Bourdelle, enseignant et théoricien, son école et son projet de « musée-atelier »)- ou la prérogative du maître avec Auguste Rodin dans le travail épique qu’est le travail de la statuaire et sa représentation du corps, sa mise en représentation. Le maître manifestait le génie de sa présence, la signature de son talent, son inventio divine dans l’exécution exclusive des mains qu’il fallait animer (la main comme main de dieu, comme cathédrale, totalité et expression deviennent chef-d’oeuvres à elles toutes seules) Et le praticien  simple exécutant doit en amont dégrossir la forme, réaliser « le reste », les atours. De Claudel ou de Brancusi, la question de la tutelle entre maître et disciple et la capacité à pouvoir dans cette force écrasante à pouvoir émerger comme artiste et créateur singulier est souvent problématique voire dramatique et le lieu de luttes, de rapport de force. Comment se détacher de l’ombre du maître-amant, tuer le père, le nom du père? Comment se séparer de ce « fantasme « de la souveraineté »? (le Parisside du style, du logos, du nom propre, était -il nécessaire pour pouvoir devenir singulier et unique, à soi sa propre origine et ressource? Non répondra Derrida même s’il est parfois inévitable, le meurtre du père pure imitation cyclique autant que les ismes est inutile pour celui qui sait se faire  » inimitable ». Pensons à la Joconde ou l’impossible imitation. Oblitération, amnésie, révoltes, multiples sont les stratégies pour pouvoir dépasser ou gommer voire effacer la tutelle? Ne cesse t’on pas de tuer le père ou/ et de la réhabiliter sous une autre forme à un autre moment (ambivalence), un « père à la fois survivant et revenant » . Le spectre  de toute façon, toujours nous hante ( Derrida.) L’oeuvre peut devenir une fille sans père, pensons au projet de Duchamp.
  • Brancusi en quittant l’atelier d’un monstre de la sculpture en 1907, après un mois de formation seulement, ne déclarait-t-il pas : « Il ne pousse rien à l’ombre des grands arbres. ». Manet explique Michèle Hadad se détachera du peintre Couture en affirmant qu’après avoir passé six ans dans son atelier, il ne devait rien à son professeur. Provocation, ingratitude ou certitude arrogante de son propre génie? Courbet anarchiste préfère être reconnu comme « maître-peintre » reprenant la figure du moyen-âge plutôt que celle du professeur, « du sachant »; du savant. (Le maître à la Renaissance était conçu comme une sorte de père nourricier et spirituel, construisant parfois une relation filiale, quasi-familiale au-delà du caractère salarial avec le jeune apprenant qui venait demeurer plusieurs années dans sa maisonnée. Cette formation permettait au-delà de la simple acquisition technique et servile du métier, de permettre par l’enseignement de « déployer son propre talent » chez les plus doués d’entre-eux .(la transmission véritable de la « virtu » devait pour Georges Steiner dans son texte « maître et disciple » avoir lieu dans un type d’ »école  » celui de la  » dissension » car elle devait pouvoir « éveiller les doutes » celui de la transgression. Le disciple s’émancipe du mentor, incorporant et digère voire recrache la norme pour se faire artiste). Être un bon maître explique Steiner, « C’est préparer le disciple au départ (“Quitte-moi maintenant”, commande Zarathoustra). Au terme, un maître valable doit être seul. » Tuer le père? Certains peintres, peuvent parfois abolir cette hiérarchie verticale et préférent concevoir la réalisation sous l’ordre d’une relation fraternelle, d’une collaboration intra-générationnelle , égalitaire et démocratique/ libérale. Certains peintre Verroccio, Tintoret peuvent abolir cette hiérarchie ,maître assistants, ils préférent concevoir le travail comme le résultat d’une collectivités de talent .Ce peut-être, parfois, une relation de camaraderie comme chez Bourdelle, affectueuse ( Noguchi et Brancusi) ou d’admiration, de dette, de réponse en soi ( Derrida/ Levinas).  Courbet désira en socialiste progressif reprendre l’idée « d’atelier en commun » Renaissant , il le réalisa avec plus ou moins de succès précise Michèle Hadad. Au patronyme envahissant marquant l’oeuvre dans sa totalité a pu succéder celle d’une signature commune, signature tampon, celle de « l‘atelier». Et Hopper ? « Loup solitaire » comme Brancusi, avait-il des émules et des disciples ? Il fut inspirant pour les cinéastes, il  partagea du souffle malgré-lui. Était-il lui-même disciple ? Il refusera les filiations, même si sa peinture semble  traversé par les influences et confluences. Malgré les affinités il ne  concevait  dêtre le représentant ou porte drapeau d’une quelconque école, il était affilié qu’à lui-même sa propre source . Courbet créateur du Réalisme en France, et adepte d’un très fort individualisme réfutait cet enseignement de l’art par et à travers l’école. Le rapport de Hopper avec sa femme artiste Jo est révélatrice de sa conception solitaire et solipsiste de l’art, voir égotiste. 
  • Dans une pensée, volonté manifeste d’indépendance avec son époque l’orthodoxie du moment ou de tout système, conformisme (l’artiste peut prendre ses distances. l’anti académisme de Courbet est notoire, luttant contre la tutelle étatique sur les arts, la  vision de l’artiste- professeur), non-conformisme, prise de distance avec la référence et l’histoire officielle- horreur des grecs, l’Idéal, Courbet), contre la philosophie du même et de la lumière et de la totalité (Levinas/Derrida contre Platon-Hegel-Husserl-Heidegger) comme d’autres ont l’ambition d’être au sommet du triangle en devenant « avant-garde », underground contre une arrière-garde, l’artiste, le philosophe peuvent adopter une pensée à contre-temps, « intempestive ». l’artiste, le penseur doit-il répondre à « l’appel du contretemps ou du contre-pied » être au-delà ou être en deçà de la filiation, la position du « marginal ». Raymond Aron, Michel Foucault, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu s’en réclamaient, s’autoproclamaient: »déconstructeur » en s’en prenant aux matrices dominantes ( » institutions,  structures sociales et politiques, le « phallogo-centrisme », les » traditions les plus dures… « (CF..Christiane Klapisch-Zuber« Disciples, fils, travailleurs. Les apprentis peintres et sculpteurs italiens aux XVes et XVIes siècles », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines.
  • Courbet et l’enseignement de l’art, ou comment faire école sans tenir école:Michèle Haddad, Romantisme  Année 2003  122  pp. 71-79 Fait partie d’un numéro thématique : Maîtres et disciples
  • L’espace paysagé était donc confiné au « rang subalterne » de simple « ornement » « utilitaire » sans parole sans histoire propre dans ce rapport pouvoir-savoir. Simple  « décor  » il était conçu pour une « action dramatique ». Cette praxis de second ordre, toile de fond, devait être le théâtre de la « storia« . Il n’était qu’un « accessoire » pictural ou littéraire au service du « prestige » de la scène historique. celle-ci support d’un « texte « , d’un discours savant, érudit », « éthique « était seule digne de pouvoir instruire (édifier le spectateur) et toucher l’âme tout autant que de démontrer de part et d’autre sa culture et son pouvoir. L’art devient, genèse, manifestation de sa puissance créative sur la nature, et l’artiste se fait démiurgique. Le paysage n’avait pas de rôle à jouer dans l’ordre du sensible, contrairement à l’âge des lumière puis romanqtiaque ou il jouera un rôle majeur dans les arts et la litterrature où il deviendra le réceptacle des émotions et le symbole des états d’âme propice à l’introspection et la contemplation. Nous ne sommes plus devant un artefacte réduit le plus souvent à n’être qu’une construction artificielle et idéalisée, un travail de reconstruction dans l’atelier. Les deux catégories : peinture de genre et peinture de paysage acquièrent au XVIIIème avec la naissance de l’esthétique et surtout au XIXe siècle avec la peinture moderne (histoire d’une évolution qui de la naissance de l’espace plastique aboutira à celui cubiste de sa destruction ( paysage d’abord romantique puis impressionniste, réaliste, Moderniste: expressionniste, cubiste, futuriste, abstrait) européenne et américaine,  le statut de pratique autonome. ) Comme la question de la figure et du lieu, du fond et de la forme, « L’émergence du paysage est, en effet, intrinsèquement liée à la modernité. « pour  Élisabeth Décultot and Christian Helmreich » l’une des premières explications est à rechercher certainement dans le fait que  » le paysage vient remplacer l’ancien cosmos,  » avec la naissance et l’ entrée du « sujet » dans l’histoire du tableau. Qu’entend-on par là. La nature devenue paysage est une construction, « une pensée paysagère »,esthétique, politique, économique dans l’esprit de celui qui tout autant qu’il le regarde, le contemple, le parcours, l’interroge, le mesure, le façonne pour en devenir un maître et possesseur plus éclairé.C’est une nature conçue et vécue; mise en forme comme paysage. la nature rendue habitable devient pour l’homme l’affirmation de son identité (biblique) le triomphe d’une humanité en péril ( opposition entre l’esprit et la nature) .Après le déluge, selon le jeune Hegel, il était nécessaire depuis Noe , le héros du déluge,(Gn 6–9), de conjurer, sa part hostile et barbare par « un agir » » , « l’action volontaire »  une forme de « violence »( « travail du négatif comme « puissance de l’entendement » et de l’esprit ») à travers l’action de l’homme sur les éléments, les phénomène du monde.(Acte de civilisation.(Hegel ) »Dans la pratique sociale du goût elle-même, l’engouement pour le paysage, très marqué en Allemagne et en France au xviiie siècle, repose souvent sur un intérêt documentaire . »‘« On commande des paysages comme on lit des récits de voyage », constate Schlegel en 1805’ Un morceau de paysage permet au spectateur de voyager sans se déplacer (naissance du tourisme et du grand tour). Selon Élisabeth Décultot and Christian Helmreich, il prend aussi une dimension « politique » et « idéologique« : affirmation d’une « imagerie territoriale » et nationale ( le périple qui peut nous conduire depuis la philosophie du romantisme allemand jusqu’à l’ esthétique américaine puis dans les années 20 et 30 aux dérives morbides de l’enracinement nationaliste comme principe d’affirmation du même contre l’altérité comme danger, principe de division et d’exclusion, de l’identité du peuple corps, peuple race contre celui du corps barbare, avec les frontières et l’enracinement dans un territoire (sol), une filiation . Au paysage comme violence Levinas y oppose celui de visage comme ouverture à l’altérité radicale.

Le fond gagne le premier plan et ce fait paysage, la scène ordinaire prend une dimension monumentale (Courbet) et sociale ( développement de l’anti-paysage et présentation de l’homme au travail). Autrefois dévalués nous assistons aussi à la nouvelle puissance du travaille de l’œil et de la main, l’expression de sa jouissance sensible et plastique à travers la corporéité. l’artiste c’est aussi un oeil, un corps expliquait (Levinas) .Un oeil qui  marche et se déplace dans la nature ou dans la ville. la scène de genre prendra vraiment naissance dans la société précapitaliste et bourgeoise ( événement de La réforme protestante, nouveau goût des commanditaires ( » Réalisme hollandais « ) contrecarrant » l’économie du discours classique sur le genre autrefois disqualifié par son manque de récit.

Élisabeth Décultot and Christian Helmreich“Présentation Paysage et modernité”Revue germanique internationale, 7 | 1997, 5-16.

  • Influences:Le REALISME EUROPEEN ET AMERICAIN
  • L’ artiste peint de nombreuses scènes urbaines et de la vie quotidienne. Ce genre autrefois mineur dans la peinture classique, connaît à l’instar de la peinture de paysage, un grand succès au XIXe siècle avec l’avènement de la peinture moderne européenne et américaine. Les artistes désireux de sortir des canons idéalistes, beaucoup trop désincarnés et du formalisme académique trop guindé « descendent dans la rue » pour interroger, sonder « l’épaisseur matérielle du réel », traduire son poids tangible et sa matérialité à travers les sujets les plus viles – pensons à la vision du peintre flâneur baudelairien avide du circonstanciel et de la foule et de la rue, à Gustave Courbet et sa peinture socialisante avec son oeil engagé si attentif « aux yeux d’un pitoyable gueux, d’une fille du trottoir, » à l’humble tâche d’un casseur de pierres, à un enterrement à Ornan plutôt qu’au lustre majestueux d’une cathédrale d’une pièce d’histoire- Pensons outre-atlantique, évidemment, au réalisme américain, à sa figure emblématique, Robert Henri (1865-1929). Ce professeur des beaux-arts fondateur du groupe des « Height »-prénommé par ses détracteurs l’« Ash Can School »(l’art de la poubelle)-  avec George Luks, William J. Glackens, John Sloan et Everett Shinn, fut très inspirant et stimulant pour la jeune génération: Que disait-on de lui?
  •  » Robert Henri Spock with hypnotic effect », he was »a great prophet of your age », he had a « contagious entousiasm ». Pour Forbes Watson, » Henri was an inspired teacher with an extraordinary gift for verbal communication, with the personality and prophetic fire that transformed pupils into idolators. »Il avait a « magnetic power »(Introduction de « The Art Spirit: Robert Henri »).“it was really Henri’s direction that made us paint at all, and paint the life around us. . . . i feel certain that the reason our group in Philadelphia became painters is due to Henri.”Sloan (P.133.)« C’était vraiment la direction d’Henri qui nous a fait peindre du tout, et peindre la vie autour nous. . . . Je suis certain que la raison pour laquelle notre groupe à Philadelphie est devenu peintres est due à Henri. »Sloan,  cité par Bohan, Ruth L.. « Robert Henri, Walt Whitman, and the American Artist. » Walt Whitman Quarterly  Review 29 (2012), 131-151
  • Pour tous les jeunes peintres modernistes, R.Henri apportait son expérience et sa connaissance des nouvelles avant-gardes françaises tout autant que la leçon d’une longue tradition de la grande peinture européenne (espagnole) redécouverte lors de ses périples en Europe (Hals, Rembrandt, Velazquez) .En 1888, R.Henri avait étudié à l’académie Julian. Avec l’artiste canadien Ernest Thompson son condisciple à l’académie, il alla sur les traces de Jean-François Millet, peindre en pleine nature, en forêts de Barbizon directement sur le motif. Robert Henri « encouraged his students, selon Erika Doss , to liberate themselves from Both stylistic and social contraints ». Il les incitait fortement à affirmer leur propre indépendance et à développer leur propre potentialité créatrice. « la véritable étude d’un étudiant en art  est , expliquait R.Henri dans une conférence,en 1901, généralement nourrit dans la poursuite de la technique. Bien plus crucial pour l’artiste et la société en général était l’épanouissement du sens imaginatif de l’artiste : « Il faut chérir ses émotions, ne jamais les sous-estimer. le plaisir de s’exclamer (parler) pour eux et les autres et cultiver une recherche avide de leur expression la plus claire. »” Far more crucial for the artist and society generally was the nurturing of the artist’s imaginative sense: “the cherishing of his emotions. never undervaluing them. the pleasure of exclaiming them to others. and an eager search for their clearest expression.””R.Henri , conférence, 1901 » cité par Bohan, Ruth L.. « Robert Henri, Walt Whitman, and the American Artist. » Walt Whitman Quarterly Review 29 (2012), 134
  • la liberté artistique était une vertu cardinale et nécessaire dans la formation de ce nouvel art national. « Le progrès de notre art national, écrivait Robert Henri, en 1909, dans son texte Progress in Our National Art,” p. 390 -L’artisan(The Craftsman), doit naître du développement de l’individualité des idées et de la liberté d’expression : une suggestion pour une nouvelle école d’art. (« Progress in our national art must spring from the development of individuality of ideas and Freedom of expression: a suggestion for a new art school.)
  • Robert Henri, Snow in New York, 1902
  • Les étudiants devaient comme le firent les impressionnistes sortir de l’atelier, aller sur le motif et se confronter à la « révélation of réal life (« réal-life expérience »). L’ artiste peint de nombreuses scènes urbaines. Ses « sujets puisent leur source dans l’ordinaire et le commun ». Il faut explorer ce champ « d’expérience » longtemps oublié, ce « concepts de l’ordinaire  » professait cette nouvelle tradition américain littéraire artistique et philosophique :W.Withman et R.Emerson). Pour ce dernier selon Raphaël Picon dans une conférence sur l’intellectuel américain », l’intellectuel doit s’approcher toujours plus du commun, de l’ordinaire, du familier afin d’accorder ses auditeurs au monde qui est le leur et de les rendre transparents aux lois qui régissent l’univers.« Il en appel à prendre à bras le corps les nouveaux sujets contemporains, à « embrasser le commun« , s’asseoir au pied de ce qui est familier », le décrire avec attention et soin, être dans le proche à l’écart des concepts, dans le directe, « parfois les pieds dans la fange, retranscrire « le monde à hauteur de sol de la « rue américaine »comme le fit Diogène en révélant » cet autre impensé de la culture et des l’intelligence ». Emmerson, ne disait-il pas que « chaque pas vers le bas est un pas vers le haut »?(« Every step down is a step up ».) « Ce sublime ordinaire! « , c’est ce qui doit désormais être rendu visible et transmis à chacun à travers l’expérience du réel, de sa proximité  et sa rencontre , son alchimie baudelairienne. « le réel est ce dont l’esprit fait l’expérience ».
  • « Je ne demande pas le grand, le lointain, le romanesque ; ni ce qui se fait en Italie ou en Arabie ; ni ce qu’est l’art grec, ni la poésie des ménestrels provençaux ; j’embrasse le commun, j’explore le familier, le bas, et suis assis à leurs pieds. Donnez-moi l’intuition d’aujourd’hui, et vous aurez les mondes antiques et à venir ».Ralph Waldo Emerson, « The American Scholar », dans Selected Essays, Londres, Penguin Classics, 198 « De quoi voudrions-nous vraiment connaître le sens ? De la farine dans le quartant ; du lait dans la casserole ; de la balade dans la rue ; des nouvelles du bateau ; du coup d’œil ; de la forme et de l’allure du corps. »
  • Par une véritable transvaluation des valeurs, la culture autrefois apanages seule « des belles lettres européennes », des livres anciens, d’une empyrée idéaliste, et diaphane du grand et du lointain, doit se fonder à présent sur  » le sérieux », de nouvelles catégories négligées: « l’usage, la surprise, le rêve, le tempérament »… »la vérité « de l’ordinaire »est une nouvelle approche de l’amérique: (transcendantalisme: l’invisible, les vérités spirituelles sont accessibles à partir du visible, de l’expérience directe de l’immanence, une réalité connue par l’intuition (Kant), une pensée intuitive et « la self-culture » platonicienne. Celle-ci touchera aussi le langage même, pensons à son son usage dans la philosophie du langage ordinaire. « Nous reconduisons les mots de leur usage métaphysique à leur usage quotidien§ » expliquera Wittgenstein. (116 des Recherches philosophiques)
  • Le réel concret devient par le biais d’une imagination créatrice, « dévoilement des grandes lois de la nature » et à travers lui un nouvel accès à soi et aux profondeurs de » l’âme humaine« . On doit changer, désormais, de polarité dans le jeu de l’expérience, celle-ci est conçue comme contacte direct et concret avec l’ici et le maintenant du monde, que l’artiste rend visible, un présent porteur en son fond « de l’ancien et du future. » Il faut pour le philosophe, selon R.Picon, se reconnecter avec une « philosophie de la rue« , « une expérience de la domesticité » des choses, cultiver comme le conseillera Baudelaire puis W.Benjamin le siècle suivant le regard de l’infans« . Il faut pour R.W Emerson developper une véritable « littérature des pauvres: l’artiste de la rue, répond-il à cette recommandation en mettant aussi son spectateur directement en contacte avec la rue par une peinture des pauvres, une recherche nouvelle dans la représentation de la domesticité, en construisant, vulgarisant une peinture capable de s’adresser à un autre public, au peuple? Comme Emerson, ces nouveaux peintres, puis Hopper cherchent-il dans une amérique pré-industrielle puis industrielle à provoquer l’émergence d’ une conscience de soi et du monde?. Scandale, provocation n’est-elle pas comme le suggère Agamben, la volonté de pousser, mettre en réaction par l’art une puissance qui demeure qu’à l’état latent, puissance à ne pas faire.puissance d’être et de ne pas être, de faire et de ne pas faire».) Est-ce un Socialisme/ un démocratisme de la représentation à l’image de ceux engagé par le réalisme de Courbet ou de Manet? oui et non, Pour certains critiques de R.Emerson, sa pensée demeure trop métaphorique et idéaliste, enfermée dans une vision beaucoup trop abstratisante et éloignée de l’histoire (sa matérialité comme praxis :marxiste) Pour Hopper, quel sera ce public recherché, son engagement?  « Hopper a ,selon Claude-Henri Rocquet, lu Emerson, il s’est imprégné de sa philosophie et de ses principes, de son refus de tout dogmatisme ». A t-il retenu cette volonté d’indépendance de l’esprit. Ne disait-il pas « J’admire Emerson grandement. Je le lis beaucoup. je lui ai relu encore et encore » (Levin, 2007 : 276) I admire Emerson greatly. I read him quite a lot. I read him overand over again » (Levin, 2007: 276) Cependant il gardera sa distance avec la référence directe à l’ash can School, cela le faisait grincé des dents, ne recherchant surtout pas à réaliser une peinture sociale ou socialisante.
  • « Emerson, père fondateur de cette pensée de l’ordinaire, revendique ainsi l’indépendance intellectuelle de l’Amérique, l’appropriation de l’ordinaire contre les sublimités héritées de l’Europe, dans un passage culte « The American Scholar » Sandra Laugier, « Emerson, père fondateur refoulé ? », Raisons politiques, 24 Raphaël Picon :Emerson. Le sublime ordinaire: Le sublime ordinaire, 2015
  • Et Whitman?Quand-est-il de sa poésie?
  • Pour Joseph J. Kwiat dans son article de 1956 Robert Henri and the Emerson-Whitman Tradition,Emerson and Whitman were Henri’s major for his idea ».Pour Ruth L. B ohan  Walt Whitman (« The bard of Candem »,) »offraient une perspective nouvelle et démocratique bien éloignée du guindé et de l’ impersonnel normes prescrites par l’académie ».Sa poésie humanitariste, « ses chants de mort et d’immortalité, et sa sympathie passionnée pour le commun et le quotidien » renouvelait la vision de l’homme au sein de la communauté- le poète lyrique professait « the culture of the personality », une conception intérieure et spinoziste  de l’homme -ce dernier devait reconquérir avec fierté son identité native.(supports to one’s own native force and the authority inherent in one’s self.Whitman)
  • Pour le groupe de Brookling et R. Henri qui transforma rapidement son studio sis 806 rue Walnut en un lieu animé de discutions et de réflexions  intellectuels sur les problématiques modernistes: artistique, littéraires, musical et politiques en vogue à l’époque. Whitman eu «une influence très importante sur notre pensée- dans les années 90 », il était un « catalyseur », dont le « point de vue poétique stimulant a
    aidé les membres du groupe à traduire l’expérience apparemment banale, l’existence autour d’eux dans l’art
  • Comme en peinture, il souhaitait se détacher d’une conception esthétique européenne pour établir une nouvelle poésie dans cette démocratie toute nouvelle.
  • Comme cette toile « Snow in New York, 1902 exécutée dans une touche très enlevée. ll reprend les effets atmosphériques de la neige dans une rue. Comme son école, il influencera particulièrement le jeune Hopper, même si ce dernier s’en défend. Son réalisme sans phare proposait une beauté nouvelle , « révolutionnaire », lui et son groupe étaient considérés cependant  comme des « apôtres de la laideur ».
  • (On peut se replonger dans son article « indiviuality and freedom in art » de 1909 ou son ouvrage « The art spirit » de 1923 qui réunit ses notes et lettres.Son sujet était selon  son auteur « beauty—or happiness, and man’s approach to it is various.« R. H.June, 1923 ( L’esprit de l’art, que l’on peut visionner ci-dessous). »
  • https://youtu.be/oD_C_yk0Zi0
  • Pensons à William James Glackens, également, un des représentants de ce réalisme factuel. Ce « réalistes de New York » portera un intérêt particulier pour les motifs de ma Middle Class « américaine. (Il reprendra, dans ses toiles, après un voyage en France, en 1895, et un long séjour d’un an dans la capitale française, les motifs  citadins : »everyday scenes, the street show, scenes from cabaret, from Bar, from the American city » dans un style très proche de Forain, Renoir ou de Manet). Pensons à John French Sloan et son intérêt, comme Dos Passos, pour la classe ouvrière et les migrants nouvellement arrivés dans la grande ville. On découvre, chose rare, la cité vue depuis les toits, « la ville au-dessus de la ville », autant de nouvelles scènes d’humanité où le peintre révèle, à travers ce nouveau point de vue, les nouveaux espaces de la vie dans le tissu changeant de la métropole : (toilettes féminines, le lancer de pigeons…les Loisirs). Le réalisme de Hopper consiste dans cette vaine à représenter la société américaine, la vie des Américains de la classe moyenne (middle class) des années 1920-40, sans idéalisation et sans fard. On pourrait rechercher des paternités chez les réalistes européens et américains qui le précèdent.
  •  133496 050 B271 Ee56John Sloan, A Roof in ChelseaJohn Sloan : peintre de l'Ashcan SchoolJOhn Sloan, Un toit à Chelsea, New York, v. 1941/51, sous-peinture à la détrempe avec glaçure à l’huile et finition à la cire sur panneau de composition, 21 1/8 x 26 1/16 pouces. Hood Museum of Art,
  • Dartmouth College, acheté par le biais du fonds Julia L. Whittier. P.946.12.2.

    Sunday Women, Drying Their Hair (1912)

    Sun and Wind on the Roof (1915)

     Réplique De Peinture | les pigeons de John Sloan (1871-1951, United States) | ArtsDot.comles pigeons. Reproductions De Peintures | Le travail d une femme, 1912 de John Sloan (1871-1951, United States) | WahooArt.comLe travail d’une femme »

  • pigeons.

    George Luks,City Scene

    undefinedNew York City Scape (circa 1910)
    charcoal on paper, 16.5 x 22.375

    Cecil Bell, Reginald Marsh et Louis Ribak

  • Autre influence qui ce certainement à la source de la peinture américaine de la fin du XIXe siècle, c’est le mouvement impressionniste et son « espace purement optique », sa captation lumineuse, sa traduction fluide des impressions ressenties, la conception de la toile comme réceptacle d’un morceau de réalité vu à travers un œil et un tempérament, nourrirons certaines aussi le goût d’Hopper pour la couleur et la lumière. Son travail au départ plutôt sombre dans la veine de Robert Henri va au contacte de cette peinture selon Claude-Henri Rocquet « s’éclaircir. Il réalise des pochades à Parisi nfluencé par « l’impressionnisme »: sans doute, mais par la clarté de la palette, une lumière conquise sur la peinture sombre de New York…plus que par la manière, la touche ». Il serait plus proche de Marquet dont il a découvert les oeuvre au salon d’automne en 1906.
    • Raphaël Picon :Emerson. Le sublime ordinaire: Le sublime ordinaire, 2015

    • Et Whitman?Quand-est-il de sa poésie?
    • Pour Joseph J. Kwiat dans son article de 1956 Robert Henri and the Emerson-Whitman Tradition,Emerson and Whitman were Henri’s major for his idea ».Pour Ruth L. B ohan  Walt Whitman (« The bard of Candem »,) »offraient une perspective nouvelle et démocratique bien éloignée du guindé et de l’ impersonnel normes prescrites par l’académie ».Sa poésie humanitariste, « ses chants de mort et d’immortalité, et sa sympathie passionnée pour le commun et le quotidien » renouvelait la vision de l’homme au sein de la communauté- le poète lyrique professait « the culture of the personality », une conception intérieure et spinoziste  de l’homme -ce dernier devait reconquérir avec fierté son identité native.(supports to one’s own native force and the authority inherent in one’s self.Whitman)
    • Pour le groupe de Brookling et R. Henri qui transforma rapidement son studio sis 806 rue Walnut en un lieu animé de discutions et de réflexions  intellectuels sur les problématiques modernistes: artistique, littéraires, musical et politiques en vogue à l’époque. Whitman eu «une influence très importante sur notre pensée- dans les années 90 », il était un « catalyseur », dont le « point de vue poétique stimulant a
      aidé les membres du groupe à traduire l’expérience apparemment banale, l’existence autour d’eux dans l’art
    • Comme en peinture, il  souhaitait se détacher d’une conception esthétique européenne pour établir une nouvelle poésie dans cette démocratie toute nouvelle.
    • Comme cette toile « Snow in New York, 1902 exécutée dans une touche très enlevée. ll reprend les effets atmosphériques de la neige dans une rue. Comme son école, il influencera particulièrement le jeune Hopper, même si ce dernier s’en défend.Son réalisme sans phare proposait une beauté nouvelle , « révolutionnaire », lui et son groupe étaient considérés cependant  comme des « apôtres de la laideur ».
    • (On peut se replonger dans son article « indiviuality and freedom in art » de 1909 ou son ouvrage « The art spirit » de 1923 qui réunit ses notes et lettres.Son sujet était selon  son auteur « beauty—or happiness, and man’s approach to it is various.« R. H.June, 1923 ( L’esprit de l’art, que l’on peut visionner ci-dessous). »
    • https://youtu.be/oD_C_yk0Zi0
    • Pensons à William James Glackens, également, un des représentants de ce réalisme factuel. Ce « réalistes de New York » portera un intérêt particulier pour les motifs de ma Middle Class « américaine. (Il reprendra, dans ses toiles, après un voyage en France, en 1895, et un long séjour d’un an dans la capitale française, les motifs  citadins : »everyday scenes, the street show, scenes from cabaret, from Bar, from the American city » dans un style très proche de Forain, Renoir ou de Manet). Pensons à John French Sloan et son intérêt, comme Dos Passos, pour la classe ouvrière et les migrants nouvellement arrivés dans la grande ville. On découvre, chose rare, la cité vue depuis les toits, « la ville au-dessus de la ville », autant de nouvelles scènes d’humanité où le peintre révèle, à travers ce nouveau point de vue, les nouveaux espaces de la vie dans le tissu changeant de la métropole : (toilettes féminines, le lancer de pigeons…les Loisirs). Le réalisme de Hopper consiste dans cette vaine à représenter la société américaine, la vie des Américains de la classe moyenne (middle class) des années 1920-40, sans idéalisation et sans fard. On pourrait rechercher des paternités chez les réalistes européens et américains qui le précèdent.
    •  133496 050 B271 Ee56John Sloan, A Roof in ChelseaJohn Sloan : peintre de l'Ashcan SchoolJOhn Sloan, Un toit à Chelsea, New York, v. 1941/51, sous-peinture à la détrempe avec glaçure à l’huile et finition à la cire sur panneau de composition, 21 1/8 x 26 1/16 pouces. Hood Museum of Art,
    • Dartmouth College, acheté par le biais du fonds Julia L. Whittier. P.946.12.2.

      Sunday Women, Drying Their Hair (1912)

      Sun and Wind on the Roof (1915)

       Réplique De Peinture | les pigeons de John Sloan (1871-1951, United States) | ArtsDot.comles pigeons. Reproductions De Peintures | Le travail d une femme, 1912 de John Sloan (1871-1951, United States) | WahooArt.comLe travail d’une femme »

    • pigeons.

      George Luks,City Scene

      undefinedNew York City Scape (circa 1910)
      charcoal on paper, 16.5 x 22.375

      Cecil Bell, Reginald Marsh et Louis Ribak

    • Autre influence qui ce certainement à la source de la peinture américaine de la fin du XIXe siècle, c’est le mouvement impressionniste et son « espace purement optique » , sa captation lumineuse, sa traduction fluide des impressions ressenties, la conception de la toile comme réceptacle d’un morceau de réalité vu à travers un œil et un tempérament, nourrirons certaines aussi le goût d’Hopper pour la couleur et la lumière. Son travail au départ plutôt sombre dans la veine de Robert Henri va au contacte de cette peinture selon Claude-Henri Rocquet « s’éclaircir .Il réalise des pochades à Parisinfluencé par «  »l’impressionnisme »:sans doute, mais par la clarté de la palette, une clarté conquise après la peinture sombre de New York…plus que par la manière, la touche ». Il serait plus proche de Marquet dont il a découvert les oeuvre au salon d’automne en 1906.
    • https://france-amerique.com/fr/edward-hopper-a-paris-naissance-un-maitre/
    • « La géométrie de Paris »

      Edward Hopper (Two Figures at Top of Steps in Paris) 1906

      Edward Hopper Écluse de la Monnaie ,1909

    Fichier:View of the Seine and the Monument to Henri IV Albert Marquet (1906).jpgPeinture montrant de façon simplifiée un fleuve avec quais, pont, petits personnages et large parvis devant une cathédralePeinture dans les bleus représentant en léger surplomb un pont en oblique sur un fleuve, avec taches noires figurant passants et véhicules, immeubles estompés au fond et soleil cerclé de rougePeinture montrant dans un contraste entre blanc et couleurs sombres une carriole sur un pont, des arbres et divers bâtiments au loin

    View of the Seine and the Monument to Henri IV (1906)

    Notre-Dame sous la neige (1905, huile sur toile, 65 × 82 cm, musée des beaux-arts de Lausanne).

    La Seine au Pont-Neuf, effet de brouillard (v. 1906, huile sur toile, 65 × 81 cm, musée des Beaux-Arts de Nancy)

    Le quai du Louvre et le Pont-Neuf à Paris (1906, huile sur toile, 60 × 71 cm, musée de l’Ermitage)

    « Un jeune américain à Paris » Claude-Henri Rocquet

    • Comme ses camarades peintre, un séjour initiatique à Paris s’imposera comme une évidence pour E. Hopper dans sa formation de peintre âgé tout juste de 24 ans. « Rares furent les peintres américains qui échappèrent à l’influence artistique de Paris  » explique dans le catalogue illustré de l’exposition de 2006 consacré à ce thème : ‘Les Américains à Paris : 1860-1900 « . « Au XIXe siècle, Paris était au centre du monde des arts et constituait, en particulier après 1860, un pôle d’attraction certain pour les étudiants et les artistes américains. » Domicilé rue de Lille et non dans le mythique Montmartre ou le Montparnasse animé, selon C.H.Rocquet, il ne fréquente pas » les atéliers ou les écoles, les lieux traditionnellemt fréquantés par les artistes de la belle époque, « Il aime Paris, ses gris, ses nuances, ses demi-teintes, l’harmonie de ces façades, l’ordre qui y règne, sa propreté, la douceur de l’air, la délicatesse des ciels, cette douceur de la lumière jusque sous les arches…Il peint.Il Peint la seine, les quais, les péniches, les bateaux lavoirs,les bateaux-mouches, le louvre par temps d’orage, le pont des arts…
    • Influence de la peinture Nabis? »de l’aplat, de simplification des formes architectural, son goût pour la délimiter les masses appliquées aux espaces a peut être sa base dans la conception picturale des Nabis  ce mouvement synthétiste et moderniste, prophétisant une  peinture pure, autonome et abstraite : Édouard Vuillard, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Paul Sérusier.
    • Influence ou plutôt confluence certaine avec le cinéma, dont l’horizontalité des formats, les décors et les cadrages, tous comme la photographie influa sur la peinture de Degas, semble avoir de vraies affinités électives et mutuellement inspirantes.L’œuvre d’Edward Hopper (1882-1967) et l’art cinématographique n’ont cessé, selon Nicolas Cvetko, de se nourrir mutuellement. Dans certaines toiles le spectateur de cinéma est présent, ou l’ouvreuse, toujours comme un spectacle hors champ. »On sait aussi désormais explique Nicolas Cvetko.,que les films, les films noirs en particulier, ont pu déterminer certains de ses motifs et avoir une incidence sur ses choix de composition. Ce jeu d’influences est aussi permanent que réciproque. »E.Hopper , »AUTOMAT », 1927: Etude H.D.A sur la ville. – Histoire des arts  ,Ni l'un ni l'autre

    Cf:La quadrature du film : citation de Nighthawks (Edward Hopper, 1942) dans Les Frissons de l’angoisse (Profondo rosso, Dario Argento, 1975) Nicolas Cvetko. ou « Edward Hopper : film criminel et peinture. Jean Foubert https://doi.org/10.4000/transatlantica.5966

    Le catalogue: Américains à Paris 1860-1900
    • Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Nude walking through a doorwayEdward Hopper. Woman walking 1906Edward Hopper. Woman walking 1906
    • Le Style : « Ses peintures sont figuratives mais abstraites ». C’est une PEINTURE FIGURATIVE aux structures très fortes et « abstratisantes ».Hopper est un peintre réaliste et figuratif, mais il use du réalisme avec bizarrerie. Hopper propose plutôt un réalisme spéculatif, voire énigmatique. Sa peinture est métaphysique. Il simplifie et épure la toile de tous les détails inutiles. Hopper « oblitérait » énormément dans son atelier, éliminant impitoyablement de son travail tout ce qui ne faisait pas partie de ce qui concernait le plus [sa] vision. » explique Olivier Rey. E.Hopper est considéré comme un représentant du naturalisme dans la tradition de la peinture et littérature du XIXe siècle (1860-1880). Recherche du document vrai, de la vérité en art, ce mouvement littéraire et artistique fondait sa pratique sur une observation scrupuleuse du réel. Peut-on parler d’une totale captation objective du réel ? Non, il semble l’épurer afin de libérer l’espace  pour laisser triompher l’impacte de la lumière crépusculaire sur les surfaces nues de l’architecture .Son style est sévère, laconique, voire puritain à travers le jeu de grandes surfaces colorées, aplats de couleurs froides.) E. Hopper contrairement au modernisme parisien qui s’ingénie à révolutionner la peinture en remettant en cause les dogmes classiques de la représentation : fauvisme (autonomie de la couleur), cubisme (révolution de l’espace et de la forme), abstraction (abandon de la /figuration) demeure un classique. il devient moderne par son classicisme : il veut faire du poussin sur nature? « Imaginez Poussin refait entièrement sur nature, voilà le classique que j’entends.« 
    • Comme de nombreux peintres américains, Hopper a d’abord formé comme illustrateur. C’est une pratique graphique que nombre de peintres américains conjugueront avec leur propre pratique de peintre. William James Glackens sera illustrateur pour le New York Herald et le New York World, peintre, illustrateur et graveur, il est un habile dessinateur, et travaillera pour le Philadelphia Inquirer. Au-delà d’être une ressource pécuniaire avec la presse, elle favorise de plain-pied un art pictural en phase avec l’actualité et la diffusion de l’oeuvre d’art et des images à l’ère de la « Mechanisierte Reproduktion ». Pour Walter Benjamin qui questionnera cette nouvelle fabrication de l’image, une peinture comme celle du peintre américain, reproduite aujourd’hui de façon massive, donne en écho, raison à ce que le philosophe diagnostiquait « mettre ses produits sur le marché » et la « transformation de l’oeuvre traditionnelle en images multiples. « Comme la lithographie, « l’art graphique devient capable , dit-il ,d’accompagner le quotidien en l’illustant. »Andy Warhol, peintre américain, sera le parfait exemple de ce que prévoyait W.benjamin:(einen Platz unter künstlerischen Prozessen erobern/ »conquéire une place parmi les procédés artitiques)faisant de ce médium technique, « la reproduction technique », de son « process » l’essence même de son art.
    • Thème : Il s’agit d’une représentation de la vie urbaine américaine dans l’entre-deux-guerres.

    II) Contexte historique et économique et artistique ?

    • 1)Contexte historico-économique : Quelques dates et événements.1880 – 1920 : urbanisation et perte des valeurs rurales traditionnelles.
      1880 : Électrification des grandes villes américaines (Inventeur : Thomas Edison). Tout comme le gaz à Paris, l’électricité change le visage de la ville.
      1920 – 1932 : Interdiction.
      24 octobre 1929 : Jeudi noir : krach boursier de Wall Street.
      1929 – 1933 : Grande Dépression.
      1933 : Élection de F.D. Roosevelt – La nouvelle donne.
    • Contexte culturel : du cinéma muet au cinéma parlant
    • 1927 :ce tableau est contemporain de la naissance du parlant : à cette époque, on assiste à cette rupture, ce passage entre deux mondes – celui du cinéma muet, triomphe d’un langage antique et universel du corps comme geste expression, à travers la théâtralité, la pantomine et la mise en scène à celui nouveau type de cinéma parlant qui redistribue les carte et pousse certains acteurs à l’obsolescence programée. Hopper et sa femme Jo étaient amateur de théâtre, il constitue comme le cinéma un thème du peintre, souvent le regard positionné du côté du publique, le rideau fermé, précédent sa levée.(Thématique de l’attente).
    • Edward Hopper, Two on the Aisle, 1927, Toledo Museum of Art, New York, NY, USA.
    • Edward Hopper, The Sheridan Theatre, 1937, The Newark Museum of Art, Newark, NJ, USA.
    • Edward Hopper, Intermission, 1963, San Francisco Museum of Modern Art, San Francisco. CA, USA.
    • Edward Hopper, First Row Orchestra, 1951, Hirshhorn Modern Art Museum, Washington, DC, USA
    • .Edward Hopper, Two Comedians, 1965, private collection.
    • La Compagnie Warner présente ses premiers films sonores, Don Juan 1926 et surtout Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland, œuvre fondatrice ,à la même époque que la toile du peintre en 1927 (Celle-ci s’accompagne de l’invention du vitaphone). Ce personnage féminin et toutes ses peintures si muettes, proches des décors de cinéma, ne parlent-ils pas de cette transition cinématographique, ce profond changement dans le régime de l’image et du son, du déclin de ce langage expressif, désormais impropre dans sa forme excessive comme dans sa voie (Pour P.Negri celle-ci est trop grave et étrangère,ou pour Vilma Bánky qui parle anglais avec un fort accent hongrois. L.Brooks devait pour sa part perdre son accent du Kansas. Leur reconversion est donc un vrai problème pour répondreaux nouvelles attentes des studios et du public américain . Nous assistons, ici, à ce passage entre deux temps, deux mondes, une métamorphose comparable à celle du paysage New yorkais. Cette jeune femme, avec son chapeau cloche à bords rabattus et son manteau, style très à la mode en europe et en amérique en 1927, ne serait-elle pas la figure spectrale et fantomatique de certaines héroïnes du vieux style qui comme les actristes iconiques Louise brooks, Vilma Bánky ou Pola Negri ne trouvent plus leur place sur la scène hollyhoodienne. Nous découvrons une étrange ressemblance physique avec Louise Brooks, cette femme au goûts saphiques et à l’aura scandaleuse . Qu’est-devenu l’image de la vamp et rebelle des film muets d’ Howard Hawk, ici la femme aux yeux vides, ne semble pas avoir son feu. Est-elle devenue comme Vilma Bánky dans le film de Georges Fitzmaurice, de 1925, The Dark Angel ?
      Pola Negri sombra dans l’oubli, l’infortune et la dépression avec la venue du nouveau cinéma. Après la fin du cinéma qui la consacra (ruinée par la crise de 29, une fausse-couche, les déboires de son couple avec un mari flambeur), se trouve désormais, dans l’espace moderne, désœuvrée. » Ce corps, a-t-il une présence, posté dans la précarité du présent, entre un avant et un après. L’attente même, le désespoir sont des « attitudes du corps »que le peintre a su sublimer.
    • undefined
    • L’actrice américaine Louise Brooks, en 1927.(Wikipédia)
    • L’actrice Vilma Bánky portant un chapeau cloche, 1927.
    • 2) Afficher l'image d'originePhoto 1/2Elle boit… automatiquement… - - Abyme - Au Café - Jeux de miroirs Forain  Hopper - abyme - artifexinopere
    • Description de cette image, également commentée ci-après Mary Louise Brooks
    • (Yvonne printemps).
    • Les inspirations d'Edward Hopper - Jo Hopper, le Théâtre et le Cinéma |  Article sur ArtWizard

    ttps://artwizard.eu/fr/the-inspirations-of-edward-hopper—-jo-hopper,-the-theater-and-the-movies-ar-107

    UN THEATRE SILENCIEUX, L’ART D’EDWARD HOPPER de WELLS WALTER

    La Toile blanche d'Edward Hopper

    Relire Hopper

    • Que dit-on de lui?

    «Hopper …ce peintre-poète du terroir urbain middle class… » Robert Hughes.

    « Hopper interroge l’américan way of life et ses transformations… ».

    Hopper « considérait l’art comme une réflexion sur sa propre psyché »(« viewed art as a reflexion on his own psyche ») Levin, 2007: 277

    « C’est le peintre de la nuit et de la lumière solaire et du crépuscule. »

    Hopper peint l’homme dans la ville, « cette photosynthèse de l’être ».« Un être qui se tourne vers la lumière (…) la lumière est ainsi un signe en plus, un appel, dans presque tous ces tableaux en cela certes métaphysiques ». Yves Bonnefoy, « Edward Hopper : la photosynthèse de l’être. »

    « Son art ignore les modes ; sa sincérité et son originalité seront toujours les gages de sa nouveauté »,« Charles Burchfield, Américain », in « Notes et articles »

    (Sampietro, 2010 : 95).
    « Hopper avait de l’art une conception austère et entièrement étrangère à toute exaltation
    pour le triomphe de la « modernité » et à toute « dénonciation » à caractère politique
    contre les maux de l’époque (…) Hopper n’a jamais été un chroniqueur ou un
    propagandiste (….) C’est de l’art pur, en ce sens qu’ils ne sont asservis à aucune
    fonction. »

    • Que dit Hopper de son travail?

    De sa propre vie:

    « Si je voulais vraiment être architecte, mais l’architecture m’a toujours intéressée. Un moment je voulais être architecte naval, car j’aime les bateaux. Mais je suis devenu peintre à la place.(« If I really wanted to be an architect, but architecture has always interested me. For a moment I wanted to be a naval architect, because I like boats. But I became a painter instead. »E.HOPPER, Notes sur la peinture », in « Notes et articles ».

    Sur sa peinture: ses objectifs (la peinture est comme les impressionnistes conçue comme projection, « expression » d’une intériorité à partir d’une perception  ( ressenties, sensation,) celle  confronté à l’ordre autonome du réel.

    Quand un journaliste demande à Hopper ce qu’il cherche, il répond : « Je me cherche » ( I am after me )(cité par Lévy, 2010)EDWARD HOPPER COMME CONTEMPTEUR DE LA VILLE : UN MALENTENDU? Joëlle SALOMON CAVIN

    « Mon but en peinture, explique Hopper n’a cessé, à partir des émotions que m’inspire la nature, de projeter sur la toile ma perception la plus intime face à un sujet qui façonne sa représentation. ».( « My goal in painting, explains Hopper, has never ceased, from the emotions that nature inspires in me, to project on the canvas my most intimate perception of a subject that shapes its representation. »« Notes sur la peinture », in « Notes et articles »E.Hopper.

    « Le grand art est l’expression d’une vie intérieure de l’artiste et cette vie intérieure se traduira par sa vision personnelle du monde. »Source: https://quote-citation.com/fr/topic/citations-de-edward-hopper« Ça parle de moi… Le moi-intérieur est un océan immense et fluctuant.« E. Hopper (« It’s about me…The inner self is an immense and fluctuating ocean.« E. Hopper) La peinture est le lieu d’expression de cette « corde vibratoire », transformer ce voile, le miroir d’une intériorité océanique et mouvante. A l’image de l’homme, toutes ses figures introspectives avide d’une nappe de ciel océanique (de la grâce?) ne sont-il pas à l’image d’un être ballotté sur les flots entre les hauts et les bas de toute vie? .« La vie est une lumière dans le vent. » enseignait un Proverbe japonais.

    • Ses thématiques: Ce ne sont pas simplement des vues de ville, mais la question de l’être urbain, la question de l’être en tant qu’être dans la mégalopole moderne (Questions contemporaines autour de l’humanisme/anti-humanisme et de ma métaphysique.« le circuit de l’être m’intéresse beaucoup, j’essaie de le peindre .» E.Hopper

    « L’érotisme est lié à la distance que la femme réussit à mettre en elle et l’homme , créant un rapport de dépendance psychologique. Cette même dépendance psychologique génère la tension qui est le ressort alimentant le désir. »Edward Hopper

    • Une pratique exploratoire des questions plastiques: le choix de la lumière est le sujet principal dans son oeuvre-comment saisir « ses actions » sur le paysage, l’architecture et l’être, trouver ce que Gothe nommait la juste clarté, cette une juste répartition de l’ombre et de la lumière ». Essayer de la peindre, c’est un défit auquel Monet avait avait consacré sa vie. Dans ses peintures comme au cinéma une lumière semble venir de l’image à travers l’obscurité.(Une religiosité sécularisée)?

    « la lumière m’intéresse beaucoup, j’essaie de la peindre » (“light interests me a lot, I try to paint it”) E.Hopper« Notes sur la peinture », in « Notes et articles. »

    « I may not be very human — what I wanted to do was paint sunlight on the side of a house. »(Je ne suis peut-être pas très humain — ce que je voulais faire était peindre la lumière du soleil sur le côté d’une maison. »)

    « Il y a une sorte d’exultation au sujet du soleil sur la partie supérieure d’une maison. »« Aucune invention habile ne peut remplacer l’élément essentiel de l’imagination.»  Edward HopperSur sa réception, son interprétation:

    « Avant tout, il est important de rappeler que Hopper n’offre pratiquement aucune clé de lecture sur sa manière de concevoir la ville dans ses travaux. Cet artiste, timide et introverti, qui a connu une extrême célébrité de son vivant, n’a accordé que très peu d’interviews, n’a fait que de très rares commentaires sur son propre travail et n’a pratiquement rien révélé de sa représentation de la ville. »EDWARD HOPPER COMME CONTEMPTEUR DE LA VILLE : UN MALENTENDU? Joëlle SALOMON CAVIN

    « He preferred to speak throught visual images » (Levin, 2007:
    282).

    « Il y a dans la peinture quelque chose d’essentiel, quelque chose de plus qui ne s’explique pas. » E.Hopper. Notes sur la peinture » (“There is something essential in painting, something more that cannot be explained. »in « Notes et articles ».E.Hopper

    Des croquis à l’oeuvre:(Livre à consulter)

    « J’embrasse le commun »:une aspiration au vulgaire

    C’est le peintre de l’ordinaire. Dans la lignée d’un Emerson jusqu’à S.Cavell de « l’inquiétante étrangeté ordinaire »(uncanniness). Rendre visible l’obscurité, ce qui paradoxalement est visible et que l’on ne voit pas.Inventer l’homme ordinaire.

    (Foucault) cité par Sandra Laugier dans sa conférence sur Philosophie et vie quotidienne.

    « Je ne recherche pas ce qui est grandiose, éloigné, romantique… J’embrasse le commun, j’explore et je suis l’enseignant du familier, de l’ordinaire »

    « Je ne demande pas le grand, le lointain, le romantique ; que se passe-t-il en Italie ou en Arabie ? qu’est-ce que l’art grec, ou le ménestrel provençal ; J’embrasse le commun, j’explore et m’assieds aux pieds du familier, du bas. Donnez-moi un aperçu d’aujourd’hui, et vous aurez peut-être les mondes antique et futur. »

    Emerson, « Société et solitude ».

    La toile si cinématographique chez Hopper, deviendrait-elle l’égale de l’écran, lieu de projection, (ce que le philosophe américain nomme comme le lieu de « la projection du monde », titre d’un de ces ouvrages.

    https://www.canal-u.tv/video/universite_de_bordeaux/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

    Philosophie et vie quotidienne – Université de Bordeaux – SAM – Vidéo …

    https://www.canal-u.tv/…/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

    4 sept. 2006.Le philosophe américain Stanley Cavell se réapproprie quelques années plus … Spécialiste de Cavell et de la …

    Non, Hopper veut retranscrire ce qu’il sentait, voyait ou éprouvait ; c’est-à-dire « la transcription la plus fidèle possible » de son ressenti. Sa peinture s’éloigne du formalisme à la mode dans les avant-gardes artistiques du début du siècle. Son naturalisme n’est pas riche, foisonnant de détails à la Zola, mais décanté de façon quasi-constructiviste, pour ne conserver que les structures. Picasso avec sa peinture « Les demoiselle d’Avignon » fragmente l’espace devenu dynamique, en multipliant les points de vue tandis qu’un J.Pollock avec ses dripping et all over, transforme la toile en une arène abstraite et expressionniste ? Un plan haptique ; un écran, en lieu de projection totale du moi. E.Hopper ancre sa peinture dans le vécu, il rejette l’abstraction, incapable, selon lui, de rendre compte de l’expérience humaine. Comment traduire sur la toile son expérience intérieure à travers l’ordinaire, circuit de l’être urbain: l’un artiste impressionné par la lumière et les sensations lumineuses sur les plans d’une rue. Il la conserve, la traduit dans l’espace euclidien et dans la perspective , qui dessine des agencements spatiaux.

    « La réalité est comme une énigme ». Comment montrer que le réel est mystère, l’ordinaire énigme?

    Qu’est-ce que la réalité ? Ce qui existerait indépendamment du sujet et qui n’est pas le produit de la pensée. Ce jeu des phénomènes que perçoit concrètement le peintre et qu’il tente de traduire avec son langage sur la toile ? La réalité avec ses signes demande à être déchiffrée.

    UNE PEINTURE MADE IN U.S.A.

    Hopper préfère cultiver une peinture proprement nationale, une peinture américaine en cherchant à définir son style. De retour en Amérique, sa peinture d’inspiration française ne se vendait pas. Son style américain rencontrera par contre beaucoup plus de succès. Ce choix, est-il purement opportuniste ? La topographie, secréterait-elle un type d’art tout comme Mme de Staël distinguait à travers le climat entre littérature du nord et littérature du su d ? « le nord est romantique et le Midi classique.« Qu’est-ce qu’une peinture américaine, une peinture nationale à l‘A.D.N américaine tout comme dans la façon de penser on discriminerai philosophie anglo-saxonne et continentale.L‘espace de la toile ne sera pas vécu de la même façon avec celui vécu de la topographie américaine.

    « Maintenant ,ou dans un futur proche, l’art américain devrait se sevrer de sa mère française » .E.Hopper. Notes sur la peinture », in « Notes et articles »

    Malgré son influence française,ses séjours et son apprentissage parisien)– il tente de trouver une peinture à l’image de l’Amérique. (?) Luministes, réalistes ou impressionnistes, les peintres américains par le passé ont souvent regardé et retraduit les paysages de l’Amérique avec le regard du peintre européen. J.S.Sargent, par exemple, reprend la palette de Velàsquez, Thomas Eakins le réalisme détaillé et pompier d’un Gérôme, Théodore Robinson les impressions picturales d’un Monet. Avec l’Armory Show en 1913, le continent américain se raccrochait au wagon moderniste de l’avant-garde formaliste européenne. Tout comme à partir d’Emerson l’Amérique a besoin de se fonder intellectuellement, l’Amérique a besoin de se fonder artistiquement.(Se créer une filiation à tout le moins une origine américaine.)

    Duchamp, en 1917, choisit le Ready made -un urinoir comme œuvre d’art – car l’objet technique, manufacturé du plombier ou le pont métallique sont des images symboles de cette modernité Américaine ( son modernisme utilitaire).Afficher l'image d'origine

    Warhol lui choisira le moyen mécanique de la sérigraphie, une image tout en surface et pop (publicitaire), la plus à même de traduire l’Amérique capitaliste et marchande, celle des masses média de « l’industrie culturelle » démocratique et libérale. Les expressionnistes abstraits optent pour de vastes formats à l’image des grands espaces.

    Que choisit Hopper? la tradition de l’illustration?

    Hopper préfère suivant la tradition américaine, faire de la peinture, il est « anti-moderniste« . Il se veut le représentant de « la scène américaine », même s’il réclame le statut d’électron libre, refusant de sacrifier son indépendance  pour devenir le maître des courants de l’époque. Il sera sans héritier. Cependant , on tentera de trouver des filiations malgré lui en le rapprochant de l’esthétique de « l’Ash Can School », « l’école des poubelles » avec sa représentation volontairement prosaïque et sociale du réel. Robert Henri, qui fut l’enseignant d’Hopper, professait un art documentaire proche du journalisme.

    Hopper s’intéresse à l’ordinaire, à l’anodin. Il extrait une certaine poésie du trivial, du banal, de la quotidienneté. Il pratique « un réalisme subjectif ». Le peintre est le témoin attentif des mutations, évolutions que connaît cette société urbanisée. Dans nombre de ses peintures, on découvre une certaine nostalgie d’une Amérique passée ? Ses toiles traduisent par de savantes compositions ce conflit latent entre deux mondes, deux temps, celui d’une nature authentique transformée avec l’avènement de l’âge industriel. Dans nombre de ses œuvres, les personnages semblables à des automates sont esseulés, mélancoliques…figés, dans l’attente muette d’un entre-deux. L’homme se place dans cette déchirure entre deux mondes.

    « Il distille une atmosphère d’un pessimisme tranquille ».

    Pas de pathos tragique chez Hopper. le peintre met à distance le spectateur, le plaçant dans la position contemplative et interrogative. Sa peinture n’est pas sensuelle, haptique. Sa touche est relativement mate, chaque élément semble peint dans le même bois. Certains critiques lui reprochent son manque de variété.

    « Hopper est-il vraiment un grand peintre ? » question titre du Figaro.Adrien Goetz. 25/10/2012.

    « Il faudrait inventer une catégorie d’art spéciale pour le genre de choses que fait Hopper. Il n’est pas peintre au plein sens du terme. Sa manière est pauvre (…) de seconde main (…) Hopper se trouve tout simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait, très probablement, pas un artiste à ce point supérieur »Cité in « Edward Hopper et la modernité », de Didier Semin

    «Hopper se trouve simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait probablement pas un artiste à ce point supérieur.» Clément Greenberg Sortant d’une exposition en 1946, il critique sévèrement celui en qui il voit un peintre qui ne sait faire que de la «photographie littéraire ».Cité par Didier Semin. Interview confrontation avec Hecto Obalk dans  l’émission ce soir ou jamais présenté par F.Tadei.

    « Quand je le regarde en photo ,en vidéo ça va , mais quand je suis dans une expo, c’est une catastrophe. » H.Obalk.

    4) contexte technique et scientifique.

    • 7 janvier 1927: le premier service de téléphonie par câble transatlantique entre Londres et New York est ouvert au public. La technique permet d’entrer dans la sphère d’un monde « globalisé ». Aujourd’hui, de la rue à la maison, du travail, au cybercafé, les médias et ordinateurs sont les outils du nouveau flâneur virtuel. La ville est désormais un énorme rhizome connecté. MAIS COMMUNIQUONS-NOUS MIEUX AVEC CETTE TECHNIQUE MODERNE, LE TÉLÉPHONE ?« Un siècle après son invention par Graham Bell, le téléphone a traversé l’Atlantique par câbles, liant ainsi l’Amérique au Vieux Continent.« La première conversation téléphonique outre-atlantique a lieu entre W.S. Gifford, président de l’American Telephone and Telegraph de New York (AT&T) et sir Evelyn P. Murphy, secrétaire d’État aux Postes du gouvernement britannique à Londres.
      7 avril 1927 : la compagnie Bell Téléphone transmet des images et des sons de Washington à New York. La télévision n’est pas loin. Présente dans chaque foyer elle deviendra l’objet privilégié du divertissement pascalien, l’enfermement de l ‘homme urbain.« Le médium est le message » dira M. Mac Luhan ? Il influe beaucoup plus que le message lui-même. Nous vivons aujourd’hui dans une culture dominée par l’image, »la société du spectacle » (Guy Debord) et du spectaculaire. La « vidéosphère » a succédé à la « graphosphère » constate le médiologue Régis Debray.  l ‘artiste américain pressent-il ce changement civilisationnel? La leçon de sa peinture, nétait-elle pas de nous inciter à regarder le réel et tous ces parangons médiatiques ?
    • 20-21 mai 1927 : Charles Lindbergh traverse l’océan Atlantique en solitaire à bord du Spirit of Saint-Louis.
    • 28 juin 1927 : un équipage américain relie San Francisco et Honolulu sans escale sur un « Fokker F VII 3 m » : 3 890 km en 25 heures et 49 minutes.PÉRIODE DES INVENTIONS ET EXPLOITS TECHNIQUES DE CIRCULATION, LES MOYENS DE RÉUNIR LES HOMMES ÉLOIGNES SE MULTIPLIENT ET POURTANT L’ETAT D’ÂME DU CITADIN ET SA SENSATION D’ISOLEMENT/ DIFFICULTÉ COMMUNICATIONNELLE EST BIEN PRÉSENTE.Nous sommes en 1927, dans une période de prospérité américaine, deux ans avant le grand Krak boursier de 1929 et la grande dépression. C’est le début de la société de consommation et le temps du plein développement de l’industrialisation : (Le taylorisme (1), le Fordisme (2) caractéristique des temps modernes. Cf. La représentation humoristique faites par Charlie Chaplin dans son film « Les temps modernes. »(1936)

    de 1936.

    L’‘automat inventé en Allemagne à la fin du 19e siècle est à l’image de cette société mécaniste et industrielle. La création du restaurant self-service sans présence humaine place l’individu face au système d’automatisation (3) de tous les services, la standardisation de tous les produits. Nous assistons à la fin d’un monde, celui d’une Amérique agraire (agricole et artisanale) pour une société du progrès, adaptée aux nouvelles exigences urbaine et capitalistiques.(Cf. : la scène burlesque de Chaplin dans les temps modernes). L’invention d’une machine à manger automatique devait permettre à l’ouvrier de se restaurer encore plus rapidement sur son lieu de production. On l’inclut comme un maillon productif de la machine, que l’on tente en vain dans les temps modernes d’intégrer… Mais le mouton demeure noir, le corps demeure encore en résistance face à l’aliénation. Le trublion, marginal légendaire ne se laisse pas incorporé à la structure destructive contrairement à ce qu’exprime Simone Weil dans son expérience de l’usine. Le danger est d’être saisi par cette force aliénante jusqu’à l’impossibilité de toute résistance. Cette situation, traitée par l’absurde, était significative de ce nouveau temps moderne, où le temps des corps devait-être totalement optimisé, rentabilisé dans le système. L’homme n’était qu’un rouage fonctionnel et assujetti dans l’énorme machinerie de production.

    Là où les humoristes traitent de thème de la modernité mécanique sous l’angle de la caricature et du grotesque, Hopper adopte un point de vue plus distant. l’Amérique est la terre promise de la liberté individuelle et du libéralisme à la Adam Smith, l’espace d’une ultramodernité qui a pour part d’ombre la régression dans une nouvelle primitivité. Le monde moderne est désormais topos archaïques du besoin, de la survie…Comment vivre en milieu hostile? Avec « la raison instrumentale » tout devient l’ objet d’une taylorisation à outrance. Les loisirs, la culture, l’art entrent dans le champ de la »KULTUR INDUSTRI » comme le déplora H.Arendt et  Adorno. Nous sommes  dans  le prêt-à-porter,  prêt-à manger, prêt à penser, prêt à représenter, prêt à peindre  de la marchandisation globale.

    La peinture d’ Hopper une oeuvre parfaite pour l’industrie culturelle?

    Elle est devenue  icône, carte postale, fond d’écran, poster, son  succès en fait l’une des énièmes images reproductibles de notre catalogue muséal imaginaire. Etait-elle réellement au départ si picturale? Elle semble être le parfait produit pour les masses médias avides d’images et d’archétype reproductibles et visible à l’aire de la reproduction technique.

    Hopper est-il un artiste flâneur? Ces personnages n’ont pas l’étoffe du flâneur, ils sont ses êtres ordinaires ancrés dans leur quotidien, des hommes sans qualités, humains trop humains.

    Gorg  Simmel rappelle dans ses ouvrages l’association entre ville et monnaie. La ville est construite comme un véritable spectacle capitaliste de l’échange marchand. Le flâneur baudelairien au début de la modernité en serait le héros. Il tente d’instaurer comme l’explique W.Benjamin un rapport créatif avec la ville. Celle-ci devient lieu d’expérimentation de perceptions variées. la marchandise , l’intérêt, le commerce dicte les logiques de déplacement, les pratiques urbaines et relations interpersonnelles. Contre cet utilitarisme du flux, le flâneur entre en résistance. Il voit la ville en poète, en artiste; il utilise, intellectualise cet espace. Les personnages de Hopper ne flânent pas. Ils ne semblent pas établir dans l’épaisseur du quotidien de rapport vraiment créatif avec la cité.Non il semble projeté dans la ville comme projeté dans le quotidien dont il effectue les taches ordinaires qu’il suspend l’espace d’un instant Là où l’artiste peintre tente de traduire les logiques du réel qu’il perçoit, eux semblent le subir, repliés en eux- même dans ce que le philosophe Hegel nomme « la conscience malheureuse », le moi  » aliéné », « réifié », malade du monde et de lui-même.

    « La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau, comme l’eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule.Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ».Beaudelaire à propos du flaneur.

    Cette citadine Hopperiènne n’est pas la flâneuse baudelairienne amoureuse de la foule, serait-elle plutôt la passante, cette idôle éblouissante ? -« Un éclair… puis la nuit ! Fugitive beauté » -Non cette « Fugitive beauté » est  désormais attablée? Est- elle encore cette « grande magicienne de l’apparence »? incarne t-elle encore le fantasme du désir, cette réalité née du seule rêve ? non.Afficher l'image d'origine

    Dans les tableaux de Hopper la foule est absente, les rues et les places sont presque vides, nudité renaissante des premières cités idéales. Nous sommes loin de  » la rue assourdissante « qui  hurlait chez le poète parisien. Hopper, comme ses personnages, n’est pas le flâneur baudelairien. Il n’entretient pas comme le peintre de la vie moderne un rapport dialectique intense avec le collectif. Ce n’est pas  Constantin Guy,  qui dans le kaléidoscope de la rue tente de saisir sur le vif les sensations variées des beautés modernes. Les croquis de ce peintre baudelairien ne sont plus que des retranscriptions de ses « promenade de souvenirs « . Appareil enregistreur, véritable appareil photographique vivant, ce peintre des villes est  avide de tout voir  et conserve tout  en traces dessinées- Reporter , il tente de capter  sous forme fragmentaire ce monde du déplacement perpétuelle. Le monde  avec ce  nouveau peintre devenait une collection d’ instantanés, une lutte constante  une résistance contre l’entropie »une quête  dans le présent d’une forme d’éternité. Hopper n’a pas la frénésie de la captation sur le vif. Il observe les bâtiments et la scène qui se joue devant lui mais à une certaine distance. Il se fait parfois voyeur en surplombant la ville depuis le métro, travelling cinématographique mais, il ne fusionne pas avec « cette matière vivante » et  urbaine comme le ferait le Dandy qui désire lui être vu.  Hopper se balade , arpente,  scrute New York, sa ville,  plutôt comme un paysage. Il regarde la ville mais aussi la contemple, il invite comme certains de ces personnages spectateurs  à contempler la nature comme un spectacle une  projection, un objet esthétique, une“forme spirituelle” (Simmel). La vision se poursuit très souvent hors champ. Le spectateur recherche le paysage solaire, la connexion avec l’infini? Le peintre  apprécie la vie à un rythme plus lent, il digère ces impressions, son développement se fera plus tard. Son atelier sera son labo (photo), sa pellicule , c’est sa mémoire. Du réel ,il n’en gardera que la forme épurée, lumineuse, la vue la plus propice celle qui se sera décantée dans son esprit et qu’il recompose . Il extrait la quintessence de la vie quotidienne pour dégager ce que Baudelaire nommait « l’éternel », des hiéroglyphe cinématographiques de l’éternité.

    « Sa peinture est très cérébrale…il passe de longues heures devant sa toile….il peut réfléchir toute une année pour trouver le bon sujet…. c’est un grand peintre figuratif mais aussi abstrait, il les conçoit mentalement » D. Ottinger. Sa peinture  est méditative, le fruit d’une longue méditation.

    Hopper n’est pas un  touriste. Dans la ville le touriste consommateur recherche les clichés remarquables déjà institués, nulle vraie découverte s’offre à lui ; il conçoit la ville comme un parcours déjà balisé par l’image, l’image des autres. Sa photo et son regard s’ajusteront avec l’image du dépliant. le spectateur des tableau de Hopper doit réfléchir sur sa façon d’appréhender le réel .Comment dans ce paysage urbain, cette vie quotidienne  peut-on encore conserver une expérience esthétique, faire des choses  des «formes vivantes».

    La question de » l’automat »

    • *1)Taylorisme: Système d’organisation du travail établi par F.W.Taylor fondé sur la séparation entre fonction de conception et fonction d’exécution dans l’entreprise et sur la recherche de la plus grande productivité au travail . L’ouvrier n’est plus qu’un exécutant, un maillon de la chaîne soumis à la pression du rendement, un être robotique dans cette automatisation du travail. la vie quotidienne est aussi automatisée.
      *2)Fordisme: il associe la production de masse, le travail à la chaîne et la standardisation des produits.
    • *3 Automatique:qui fonctionne sans intervention humaine, par des moyens mécaniques et non manuels. Écriture automatique (sans contrôle rationnel.)

    Automate:grec automatos: qui se meut par lui-même. Personne dénuée de réflexion ou d’initiative.
    ? Jouet, objet figurant un être vivant dont il simule les mouvements grâce à un mécanisme. HOMO MECANICUS :
    Très souvent un automate imite le comportement d’un être vivant, homme ou animal, il peut alors être un jouet. L’automate s’inscrit dans une pratiques cérémonielles et magiques : masques articulés, statuettes articulées. Mais dans  » le monde désenchanté » de la modernité, qu’en est-il de la magie? l’homme citadin n’est plus qu’un automat, un mécanisme de cette machine à vivre qu’est la ville,comme le logis deviendra dans la pensée de certains architectes visionnaires et modernistes –  » la machine à habiter » (Le Corbusier). La cité moderne et idéale devient fonctionnaliste-machine à vivre, à organiser les « flux « du vivant.(Deleuze).

    En Egypte antique : les âmes des morts, dans leurs pérégrinations, pouvaient, selon la croyance  habiter ces figurines construites qui reproduisent les mouvements quotidiens. Mais ici cette citadine qui sous les mots de HOPPER prend l’apparence d’un automate est-elle encore habitée? a-t-elle une âme? ou justement devient-elle un automate humanoïde qui  a perdue son âme? Euphonia, l’automate parlante de Faber était supposée dialoguer avec les spectateurs et l’automate turc du baron von Kempelen jouait aux échecs – actionné peut-être par un nain caché dans le dispositif . La femme des grandes villes moderne américaine a t-elle encore cette possibilité de la parole, du dialogue. Elle est refermée sur elle même, condamnée selon M.Heidegger au simple »bavardage », absence de véritable parole. « l’urbain agence le retrait de l’individu dans son corps et dans ce corps qui l’expose ». Le geste automatique ne fait pas intervenir la pensée consciente .La mécanisation de la ville cultive et entretien chez chaque individu le réflexe pavlovien . Que devient le citoyen dans cette ville mécanique quand il devient un élément atomisé de la masse ?

    La signification d’automat est double. Comme si en choisissant cette polysémie du titre ,  il montrait l’analogie entre le lieu et l’homme.

    « La machine, en comparaison de l’outil manuel, est une puissance impersonnelle » affirme Marc Fumaroli.

    Nous sommes dans un AUTOMAT. COMMENT SAVONS NOUS QUE NOUS SOMMES DANS CE TYPE DE RESTAURANT CHEZ HOPPER? SEUL LE TITRE nous informe: « AUTOMAT » . Pourquoi ne le représente t-‘il pas?  l’image n’est pas véritablement moderne .L’automatisme est supposé hors champ, non représenté. Hopper joue t-‘il sur le contraste entre le titre et l’ ancien monde présent à l’image, le décalage entre le mot et l’image,  .Deux époques se juxtaposent ,une maison du XIXèm et une voie de chemin de fer.

    Sur les nombreuses photographies d’époque, c’est justement la machine automatique qui est le lieu de focalisation des regards  avides de nouveautés .la photographie souvent de nature publicitaire fait découvrir dans les magazines ce  nouveau symboles de la vie américaine ,cette  « mythologie »moderne .  Roland Barthes  aurait pu l’inventorier dans son catalogue des mythes . le Fast food , le Burger, le distributeur automatique sont des topos emblématique de cette nouvelle mentalité urbaine.« Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société expliquait R.Barthes en  1957 (p 216), c’est le cas de l’automat.

    les carte postales  diffusées à l’époque nous invitent à aller chez Horn & Hardart dans ce nouveau lieu pittoresque New Yorkais  de la 6èm avenue à Time Square. Il fait partie des lieux touristiques du moment.

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    Automat Photo (c) National Geographic

    The Automat, est photographié  en 1936 par Bernice Abbott. Témoin lors de son retour en 1929 à New York du constat baudelairien sur les changements rapides de la cité. « La ville change plus vite que le cœur d’un mortel » constatait amèrement le poète en regardant Paris et la modernité (dans son poème « Le cygne ») . Elle décide avec la photographie comme Atget pour Paris d’immortaliser avant sa disparition la grosse pomme. Son projet « Changing New York »de 1935 à 1939, WPA Projet archive ce passage entre deux mondes. Hopper lui aussi en est conscient.

    • Fifth Avenue Houses, Nos. 4, 6, 8 , 1936

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    Berenice Abbott, Automat, 977 Eighth Avenue, New York, 1936 (675.1984).A l’intérieur d’un  restaurant, le « Horn & Hardart Automat » à Columbus Circle, 977 Eighth Avenue between West 57th and 58th Streets; un homme devant  un distributeur automatique de nourriture choisit une tarte. Anonyme, de dos au spectateur ,la photographe le montre en face de la machine.Afficher l'image d'origine

    Biographie :hopper-003.jpghopper-selfportrait.jpg

    « Timide comme un écolier anglais. Un visage long et émacié, une mâchoire puissante (…) le plus doué d’entre nous (…) mais pas encore un artiste. Pas assez libre pour ça. »
    Guy Pène du Bois parlant de son ami vers 1903-1904.

    « …homme de peu de mots, et sujet aux humeurs dépressives. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY

    « On sait peu de chose sur sa vie privée et sans doute éclaire-t-elle peu son oeuvre »

    « Francophile….Il se réfère à la peinture française »Didier Ottinger.

    Que retenir ? »

    L’homme est à l’image de sa peinture, tranquille. -Naissance à Nyack au nord de New York dans une famille de commerçant/Il a une éducation puritaine et artistique/ initiation à la culture française par son père (francophilie)./ Il Fait des études d’illustrations et gagnera sa vie au départ comme dessinateur publicitaire (comme Andy Warhol) . « Il illustre la circulation des biens de consommation, la civilisation consumériste.). Hopper a travaillé longtemps comme illustrateur, et cette pratique commerciale impliquait sûrement l’usage de la photographie. / Il Effectue « le grand tour », en Europe entre 1906 et 1910, 3 séjours parisiens qui le maqueront /Il se familiarise avec les grands-maîtres de la peinture française et montre un vif intérêt pour les impressionnistes et leur travail sur la lumière, la captation de l’instant. Il réfute les révolutions fauvistes/cubistes sur la couleur, la forme. Ce n’est pas un moderniste.

    En 1920 , il rencontre le succès et la prospérité. Il a 43 ans et peut se consacrer entièrement à son art. Quand il peint cet « automat« , c’est un homme de 50 ans qui est au pinceau.

    « Selon le marchand d’art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée. (Le figaro,2012, »Edward Hopper, peintre inspiré par sa surdité. »

    «Hopper était assis sur un banc dans un coin gris, je me suis assis près de lui et nous avons discuté. Il n’aimait pas être dans les lieux publics. Il me l’a dit et j’ai compris aussitôt pourquoi. J’ai découvert son sévère problème d’audition, une révélation qui m’a fait lire différemment sa peinture. Cette surdité partielle m’a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, qui ne se parlent jamais. C’est une hypothèse plus sensée que la mésentente conjugale avec sa femme, Jo, toujours mise en avant».

    Hopper considère citant Renoir ou Goethe que peindre s’est voir la nature à travers un tempérament, traduire sa vision subjective du monde.

     IV) Description :

    Ce tableau représente une femme seule, impassible, perdue dans ses pensées. Elle est assise devant une table située dans un self-service entre la porte d’entrée et un escalier qui descend vers le sous-sol… La chaise devant sa table est vide. La femme est vêtue chaudement ; ce doit être l’automne ou l’hiver. Elle boit un thé. Seul un de ses gants est défait. Une deuxième tasse évoque probablement la dégustation d’un gâteau pris au distributeur. Autour d’elle, il n’y a aucune présence humaine. Au premier plan, coupé par le cadrage, on aperçoit un autre morceau de chaise. La femme semble totalement excentrée, assise dans ce lieu de passage, cet espace inconfortable et transitoire. Elle est éloignée du cœur chaleureux, convivial du lieu. Peut-être, est-il présent dans le hors champ où nous sommes ? . Derrière cet « Oiseau de nuit », se trouve une glace où dans un habile jeu de miroir, se reflète les globes de lumières artificielles du bar. À travers la vitrine, on n’aperçoit pas l’obscurité de la ville, l’espace est clos sur lui-même. Aucun indice d’une quelconque animation dans la rue. La lumière d’un blanc terne, livide et froid, éclaire la jeune dame.

    « La femme seul personnage humain du tableau, une femme est assise à une table. Son regard est fixé sur sa tasse de café. Elle porte un chapeau et un manteau en fourrure, qui semblent, un peu comme elle, «fatigués». En effet, les deux vêtements ne vont pas ensemble et le chapeau tombe des deux côtés de sa tête. Il n’y a pas d’autres présence qu’elle, pas d’amis ni d’autres clients, ni même de serveur, étant donné qu’elle se trouve dans un «automat», ces restaurants qui donnent automatiquement entrées, desserts et boisson par le biais de la machine...

    Le décor :Le restaurant est ici entièrement vide, à l’exception de la femme ; et pourtant, le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face du modèle. Il rappelle encore une fois qu’elle est seule. La coupe de fruit, qui tranche de par ses couleurs vives, semble être la seule trace de vie de toute la pièce.La femme a gardé son manteau, son chapeau et ses gants, ce qui pourrait signifier d’une part, que le petit radiateur sur le côté ne suffit pas à la réchauffer, et d’autre part que nous sommes en hiver. Le froid qui se dégage du tableau rend la femme encore plus vulnérable. A l’instar de nombreuses peintures de Hopper, aucune porte n’est visible. La femme semble coincée dans sa douleur. Seule une grande baie vitrée est visible, ce qui ressemble aussi beaucoup à d’autres tableaux de Hopper, comme Noctambules. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître l’immense étendue noire de la nuit en se faisant refléter toutes les lampes de l’automat. »

    V Description plastique

    « Il dote l’architecture, (l’espace ) d’une identité psychologique ».

    « Il y a  dans ces tableaux  quelque chose qui l’ empêche de peindre le mouvement…C’est une incapacité féconde. »Didier Semin

    La géométrie et la représentation spatiale traduisent fortement cette sensation d’isolement ressentie par le spectateur. L’espace de ce restaurant rapide est clos, désertique et vide, contrairement aux photographies qui nous le font découvrir animé dans les publicités. Est-ce l’heure tardive ?  . La femme ne semble pas réellement habiter ce lieu. Tout y est statique, sans âme, figé , quasi suspendu. Dans cet espace moderne, y a-t-il un génius loci ? La scène peinte n’a rien à voir avec le bal « du moulin de la galette » d’Auguste Renoir, avec  ses miroitements de lumières sur la foule dansante, ce plein air festif et jovial d’une après-midi à Paris. Le bar, le café, le bistrot traditionnellement dans la ville peuplée de rues agitées sont le symbole de la convivialité, du plaisir et de la sociabilité. Il est un point de chute très frenchy. Les bars dès la fin du XIXe font partis des nouveaux loisirs urbains que diverses classes sociales vont fréquenter. C’est le lieu de réencastrement (re-embedding), espace public de rencontre. Ce sont « des dispositifs particuliers propices à l’échange », des « machines relationnelles ». Qu’en est -il dans l’automate ? L’automate fait partie des nouveaux lieux que la classe moyenne américaine fréquente. Rien à voir avec le bistrot parisien. Ici, le self-service américain est partiellement décrit comme un lieu d’inhumanité. Déjà, Degas et Manet posaient un regard réaliste et similaire sur le bistrot parisien. Il n’était pas seulement institution de loisir, mais topos du désabusement, de l’alcoolisme à la fin du XIXe. C’était l’endroit où se posait l’être à la dérive. Cf. le tableau l’Absinthe, où l’endroit est dépeint sous les traits de l’ennui, de l’incommunicabilité, de la crise du couple. Hopper quarante ans plus tard montre avec le regard d’un Degas, aussi la complainte du progrès comme « un monde renversé », la « grande ville » est celui du renversement des valeurs.L’automat ce n’est pas non plus le bar français des avant-gardes de Montmartre puis  Montparnasse ces lieux d’échanges intellectuels et artistiques si fécond au début de siècle. Dans la grosse pomme, l’automate n’est qu’un lieu fonctionnel de la restauration. Le bar stimulera l’artiste cubistes puis surréalistes permettra le libre jeu de la publicité et de la discussion des idées et opinions. Et l’automate ? Espace transitoire au service du capitalisme, et de la consommation, il ne peut être l’espace où germe la contestation.
    L’automate, ce n’est pas, non plus, le bistrot à la Française, ce bistrot des années 30 avec sa faune bigarrée et interlope des années folles si pressées d’oublier les désastres du début du siècle. Le bistrot immortalisé par les photos de Brassai dans les années 30… est pour ce Hongrois arrivé en France, le lieu le plus authentiquement français, le charme du Paris populaire et romantique. Dans Le Paris nocturne, ces lieux sont ceux de la liberté et de la transgression.

    Degas/Hopper : deux tableaux, deux représentations de la femme moderne avec son regard vague, son vague à l’âme

    .Nouvelle Athenes Photo 1

    Bal du Moulin de la Galette,Auguste Renoir./La nouvelle Athène, le bar des impressionnistes ou le café Gerbois.Le bar à la mode est occupé par les artistes bohèmes.

    « Je suis devant une absinthe, Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles. »témoignage  d’Ellen Andrée  modèle de ce tableau dans ses Mémoires :

    .L’AbsintheDegas_Absinthe_psy1, 1875-1876, Afficher l'image d'origineprune_manet

    92 × 68 cm, Paris,Musée d’Orsaycf. « leblogdelapalettedecouleur.

    La même Ellen Andrée actrice est peinte en 1878 par Manet

    Forain La buveuse d'absinthe14_Jean_Beraud_Les buveurs_1908Caillebotte Dans un CafeForain La lettre et l'absinthe vers 1885

    La buveuse d’absinthe,Forain, Lithographie, 1885, Musée d’art de Providence//Femmes à la terrasse d’un café – 1877//les bistros de Jean BéraudLes buveurs , 1908 //Étude d’« Un bar aux Folies Bergère », vers 1881, d’Édouard Manet. (Photo Collection particulière). Le miroir derrière le modèle est un dispositif scénique permettant la représentation du hors -champ de la serveuse. On découvre l’animation du café.
    Dans un café,Gustave Caillebotte,1880,Musée des beaux -arts de Rouen..La lettre et l’absinthe,Forain, vers 1885, pastel, Collection privée

    William james glackens, café lafayette

    Fichier:William james glackens cafe lafayette.jpgempty imageWilliam Glackens (1870-1938)A Aff A0n N Pu Claaaaa El F Tk Su Qm Cc

    BRASSAÏ et Photographie des bars

    Le tourbillon de la Belle-époque  est photographié par Brassaï, il tente de capter le charme parisien.« Il dérive de rue en rue, il tourne dans les rues de réverbères en réverbères, d’ateliers de peintre en bordels, et l’inattendu surgit, les choses et les êtres que l’on n’avait pas su voir sont là présents, vivants. »Appareil photo à la main, il parcourt les rues et les bars de Paris principalement la nuit.

    « C’est poussé par le désir de traduire en image tout ce qui m’émerveillait dans ce Paris nocturne que je devins photographe »Brassaï

    « Dès l’instant où j’ai réalisé que l’appareil photo était capable d’immortaliser toutes les beautés du Paris nocturne dont j’étais tombé passionnément amoureux lors des pérégrinations de ma vie de bohème,  faire des photos n’était plus pour moi qu’un plaisir ».Brassaï

    BRASSAÏ, Couple d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, vers 1932 © Estate Brassaï
    Le bistrot français symbole du Paris populaire et des rencontres amoureuse des années 30, photographié par « l’oeil de Paris » mais aussi le Paris de la nuit,inconnu et extravagant.Il photographie les couples au plus près, le rapprochement des corps dans ce lieu de rencontre.

    Brassaï – Couple dans un bar parisien,1932

    Brassaï-« Bijou » au bar de la lune-1932

    “Bijou” of the Montmartre cabarets, 1933.

     Brassai1 Brassaï - "Bijou" au Bar de la-Lune, Montmartre-1932Brassai3

     Brassaï – Bal de la montagne Ste Geneviève 1932.

    Piet Mondriaan abstract painting Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930Piet Mondrian?s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927Composition with Blue, Yellow, and Red by Mondrian in the Boston Museum of Fine Arts, June 2010

    P.M .Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930/Piet Mondrian’s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927.

    Composition with Blue, Yellow, and Red 1927 Piet Mondrian.Dimensions: Overall (Unframed): 40 x 50.5 cm (15 3/4 x 19 7/8 in.).

    « L’homme a besoin d’images« . Yves Bonnefoy.

    “Le rythme ressemble au temps, à la fois un et changeant, il ressemble à l’architecture, c’est-à-dire à notre univers qui est une construction.”
    Yves Bonnefoy De Yves Bonnefoy / Colloque – 1984

    « Le temps étiré, l’inquiétude, la solitude…Ils sont spéciaux ces personnages, comme désincarnés, il y a jamais de regard… » Pascal ClarK

    • Titre: Automat.
    • Date: 1927
    • Auteur: Edward Hopper.
    • Technique : huile sur toile.
    • Dimensions: 41,7 cm X 91,7 cm.
    • Lieu d’exposition :Collections permanentes du Des Moines Art Center ; Acheté avec des fonds de la Edmundson Art Foundation, Inc. 1958.2 .État de l’Iowa.(Cf.https://desmoinesartcenter.org/)
    • Contexte d’exposition:  Le tableau a été exposé pour la première fois, le jour de la Saint-Valentin , en 1927, lors de l’ouverture de la deuxième exposition personnelle de Hopper, à la Frank K.M. Rehn Galleries de New York. Cette galerie d’art courue des conservateurs de musée et collectionneurs (Duncan Phillips, John Gellatly, John T. Spaulding, Albert McVitty, E. W. Root et C. Vanderbilt Barton) sis 693 Fifth Avenue,  était spécialisée dans la représentation des peintres américains tels que Robert Henri, George Luks, John Singer Sargent.,Peggy Bacon, George Bellows…
    • Le tableau est vendu en avril 1927 pour $1,200. »
    • Genre :C’est une scène de genre.
    • Influences: L »artiste peint de nombreuses scènes urbaines et de la vie quotidienne. Ce genre, mineur dans la peinture classique, connaît à l’instar de la peinture de paysage, un grand succès au XIXe siècle avec l’avènement de la peinture moderne européenne et américaine. Les artistes désireux de sortir des canons idéalistes, beaucoup trop désincarnés, et du formalisme académique  « descendent dans la rue » pour interroger, sonder  « l’épaisseur matérielle du réel », traduire son poids et sa matérialité tangible même la plus vile – pensons à la vision du peintre flâneur baudelairien avide du circonstanciel, à Gustave Courbet et sa peinture socialiste, son oeil engagé si attentif « aux yeux d’un pitoyable gueux ou d’une fille du trottoir, » au travail humble d’un casseur de pierres plutôt qu’à une cathédrale- Pensons outre-atlantique, évidemment, au réalisme américain, à sa figure emblématique, fondateur de l’« Ash Can School »(Ashcan School )Robert Henri (1865-1929). Ce professeur des beaux-arts si inspirant et stimulant:(
    • « a great prophet of your age »
    • « Spock with hypnotic effect »
    • « contagious entousiasm »-)
    • pour toute la jeune génération.Il apportait à leur connaissance, la connaissance des nouvelles avant-gardes françaises et une une longue tradition de la grande peinture européenne (Hals, Rembrandt, Velazquez) .Robert Henri « encouraged his students selon Erika Doss , to liberate themselves from Both stylistic and social contraints » . Il les incitait à affirmer leur propre indépendance et à  liberté leur créative.Robert Henri, Snow in New York, 1902Les étudiants devaient sortir de l’atelier comme le fire les impressionnistes et se confronter à la « révélation of réal life (« réal-life expérience »). Il peint de nombreuses scènes urbaines des « sujets oridinaires et communs comme cette toile « Snow in New York, 1902 exécutée dans une touche très enlevée. il reprend les effets astmosphériques de la neige dans une rue. Pour Forbes Watson, » Henri was an inspired teacher with an extraordinary gift for verbal communication, with the personality and prophetic fire that transformed pupils into idolators. »Il avait a « magnetic power »(Introduction de « The Art Spirit: Robert Henri »). Comme son école il influencera particulièrement le jeune Hopper, même si ce dernier s’en défend, à travers son réalisme sans phare proposant une beauté nouvelle.(On peut se replonger dans son article « indiviuality and freedom in art » de 1909 ou son ouvrage « The art spirit » de 1923 qui réunit ses notes et lettres.Son sujet était selon  son auteur « beauty—or happiness, and man’s approach to it is various.« R. H.June, 1923 ( L’esprit de l’art, que l’on peut visionner ci-dessous). »
    • https://youtu.be/oD_C_yk0Zi0
    • Pensons à William James Glackens, également, un des représentants de ce réalisme factuel. Ce « réalistes de New York » portera un intérêt particulier pour les motifs de Middle Class « américaine.(Il reprendra, après un voyage en France, en 1895, et un long séjour d’un an dans la capitale, dans ses toiles les motifs citadins : »everyday scenes, the street show, scenes from cabaret, from Bar, from the American city »dans un style très proche de Forain, Renoir ou de Manet). Pensons à John French Sloan et son intérêt, comme Dos Passos, pour la classe ouvrière et les migrants dans la grande ville. On découvre, chose rare, la ville depuis les toits, « la ville au-dessus de la ville », autant de nouvelles scènes d’humanité où le peintre révèle, à travers un nouveau point de vue, depuis les hauteurs de la ville, ces nouveaux espaces de la vie dans le tissu changeant de la métropole : (toilettes féminines, lancer de pigeons… Loisirs). Le  réalisme de Hopper consiste à représenter la société américaine, la vie des Américains de la classe moyenne (middle class) des années 1920-40, sans idéalisation et sans fard. On pourrait rechercher des paternités chez les réalistes européens et américains qui le précèdent.
    •  133496 050 B271 Ee56John Sloan, A Roof in ChelseaJohn Sloan : peintre de l'Ashcan SchoolJOhn Sloan, Un toit à Chelsea, New York, v. 1941/51, sous-peinture à la détrempe avec glaçure à l’huile et finition à la cire sur panneau de composition, 21 1/8 x 26 1/16 pouces. Hood Museum of Art,
    • Dartmouth College, acheté par le biais du fonds Julia L. Whittier. P.946.12.2.

      Sunday Women, Drying Their Hair (1912)

      Sun and Wind on the Roof (1915)

       Réplique De Peinture | les pigeons de John Sloan (1871-1951, United States) | ArtsDot.comles pigeons. Reproductions De Peintures | Le travail d une femme, 1912 de John Sloan (1871-1951, United States) | WahooArt.comLe travail d’une femme »

    • pigeons.

      George Luks,City Scene

      undefinedNew York City Scape (circa 1910)
      charcoal on paper, 16.5 x 22.375

      Cecil Bell, Reginald Marsh et Louis Ribak

    • Autre influence qui ce certainement à la source de la peinture américaine de la fin du XIXe siècle, c’est le mouvement impressionnisme et sa captation lumineuse, sa traduction fluide des impressions ressenties, La conception de la toile comme réceptacle d’un morceau de réalité vu à travers un œil et un tempérament, nourrirons certaines aussi le goût d’Hopper pour la couleur et la lumière.Son travail de l’aplat, de simplification des formes architectural, son goût pour la délimiter les masses appliquées aux espaces a peut être sa base dans la conception picturale des Nabis  ce mouvement synthétiste et moderniste, prophétisant une  peinture pure, autonome et abstraite : Édouard Vuillard, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Paul Sérusier.
    • Comme ses camarades peintre, un séjour initiatique à Paris s’imposera comme une évidence pour E. Hopper dans sa formation. « Rares furent les peintres américains qui échappèrent à l’influence artistique de Paris  » explique dans le catalogue illustré de l’exposition de 2006 consacré à ce thème : ‘Les Américains à Paris : 1860-1900 « . « Au XIXe siècle, Paris était au centre du monde des arts et constituait, en particulier après 1860, un pôle d’attraction certain pour les étudiants et les artistes américains.
    • Influence de la peinture Nabis?
    • Influence ou plutôt confluence avec le cinéma, dont l’horizontalité des formats, les décors et les cadrages, tous comme la photographie influa sur la peinture de Degas, semble avoir de vraies affinités électives et mutuellement inspirantes.L’œuvre d’Edward Hopper (1882-1967) et l’art cinématographique n’ont cessé, selon Nicolas Cvetko, de se nourrir mutuellement. Dans certaines toiles le spectateur de cinéma est présent, ou l’ouvreuse, toujours comme un spectacle hors champ. »On sait aussi désormais explique Nicolas Cvetko.,que les films, les films noirs en particulier, ont pu déterminer certains de ses motifs et avoir une incidence sur ses choix de composition. Ce jeu d’influences est aussi permanent que réciproque. »E.Hopper , »AUTOMAT », 1927: Etude H.D.A sur la ville. – Histoire des arts  ,Ni l'un ni l'autre

    Cf:La quadrature du film : citation de Nighthawks (Edward Hopper, 1942) dans Les Frissons de l’angoisse (Profondo rosso, Dario Argento, 1975) Nicolas Cvetko. ou « Edward Hopper : film criminel et peinture.Jean Foubert https://doi.org/10.4000/transatlantica.5966

    Le catalogue: Américains à Paris 1860-1900
    • Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Nude walking through a doorwayEdward Hopper. Woman walking 1906Edward Hopper. Woman walking 1906
    • Le Style : « Ses peintures sont figuratives mais abstraites ».C’est une PEINTURE FIGURATIVE aux structures très fortes  et  « abstratisantes ».Hopper est un peintre réaliste et figuratif, mais il use du réalisme avec bizarrerie. Hopper propose plutôt un réalisme spéculatif, voire énigmatique. Sa peinture est métaphysique. Il simplifie et épure la toile de tous les détails inutiles. Hopper « oblitérait » énormément dans son atelier, éliminant impitoyablement de son travail tout ce qui ne faisait pas partie de ce qui concernait le plus [sa] vision. » explique Olivier Rey.E.H est considéré comme un représentant du naturalisme dans la tradition de la peinture et littérature du XIXe siècle (1860-1880). Recherche du document vrai, de la vérité en art, ce mouvement littéraire et artistique fondait sa pratique sur une observation scrupuleuse du réel. Peut-on parler d’une totale captation objective du réel ? Non, il semble l’épurer afin de libérer l’espace des détails pour laisser triompher l’impacte de la lumière crépusculaire sur les surfaces nues de l’architecture.Son style est sévère, laconique, voire puritain. Il rend sa peinture puriste par la simplification des détails, la recherche d’une construction géométrique, et le jeu de grandes surfaces colorées aux aplats de couleurs froides.) E. Hopper contrairement au modernisme parisien qui s’ingénie à révolutionner la peinture en remettant en cause les dogmes classiques de la représentation : fauvisme (autonomie de la couleur), cubisme (révolution de l’espace et de la forme), abstraction (abandon de la /figuration) demeure un classique. il devient moderne par son classicisme :f il veut faire du poussin sur nature? « Imaginez Poussin refait entièrement sur nature, voilà le classique que j’entends.« 
    • Comme de nombreux peintres américains, Hopper a d’abord formé comme illustrateur. C’est une pratique personnel que nombre de peintres américains conjugueront avec leur propre pratique de peintre. William James Glackens sera illustrateur pour le New York Herald et le New York World, peintre, illustrateur et graveur, habile dessinateur, travaillera pour le Philadelphia Inquirer.
    • Au-delà très un ressource pécuniaire avec la presse, elle favorise de plain-pied un art pictural en phase avec l’actualité et la diffusion de l’oeuvre d’art et des images à l’ère de la « Mechanisierte Reproduktion ».Pour Walter Benjamin qui questionnera cette nouvelle fabrication de l’image.Une peinture comme celle du peintre américain, reproduite aujourd’hui de façon massive, donne en écho, raison à ce que le philosophe diagnostiquait « mettre ses produits sur le marché » et la « transformation de l’oeuvre traditionnelle en images. »Comme la lithographie, « l’art graphique devient capable , dit-il ,d’accompagner le quotidien en l’illustant. »Andy Warhol, peintre américain, sera le parfait exemple de ce que prévoyait W.benjamin:(einen Platz unter künstlerischen Prozessen erobern/ »conquéire une place parmi les procédés artitiques)faisant de ce médium technique, « la reproduction technique », de son « process » l’essence même de son art.
    • Thème : Il s’agit d’une représentation de la vie urbaine américaine dans l’entre-deux-guerres.

    II) Contexte historique et économique et artistique ?

    • 1)Contexte historico-économique : Quelques dates et événements.1880 – 1920 : urbanisation et perte des valeurs rurales traditionnelles.
      1880 : Électrification des grandes villes américaines (Inventeur : Thomas Edison). Tout comme le gaz à Paris, l’électricité change le visage de la ville.
      1920 – 1932 : Interdiction.
      24 octobre 1929 : Jeudi noir : krach boursier de Wall Street.
      1929 – 1933 : Grande Dépression.
      1933 : Élection de F.D. Roosevelt – La nouvelle donne.
    • Contexte culturel : quelques dates et événements.1927 : ce tableau est contemporain de la naissance du parlant : à cette époque, on assiste à cette rupture, ce passage entre deux mondes – celui du cinéma muet, triomphe d’un langage antique, et l’universel du corps comme geste, théâtralité mise en scène à celui nouveau du cinéma parlant. La Compagnie Warner présente ses premiers films sonores, Don Juan 1926 et surtout Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland œuvre fondatrice à la même époque que la toile du peintre en 1927 (Celle-ci s’accompagne de l’invention du vitaphone). Ce personnage féminin et toutes ses peintures si muettes proches des décors de cinéma ne parlent-ils pas de cette transition cinématographique, ce profond changement dans le régime de l’image et du son, du déclin de ce langage expressif désormais impropre dans sa forme excessive comme sa voix (pour l’actrice grave et étrangère) à séduire les nouvelles attentes du public ? Nous assistons, ici, à ce passage entre deux temps, deux mondes, métamorphose à celle du paysage New yorkais. Cette jeune femme, avec son chapeau des années 20, ne serait-elle pas la figure spectrale et fantomatique de cette héroïne du vieux style  qui, comme l’actrice iconique Pola Negria sombra dans l’oubli, l’infortune et la dépression. Après la fin du cinéma qui la consacra (ruinée par la crise de 29, une fausse couche, les déboires de son couple avec un mari flambeur), se trouve désormais, dans l’espace moderne, désœuvrée. » Ce corps a-t-il une présence, posté dans la précarité du présent, entre un avant et un après. L’attente même, le désespoir sont des « attitudes du corps »que le peintre a su sublimer.
    • 2) Afficher l'image d'origineLes inspirations d'Edward Hopper - Jo Hopper, le Théâtre et le Cinéma |  Article sur ArtWizard

    (Yvonne printemps).

    La Toile blanche d'Edward Hopper

    Relire Hopper

    • Que dit-on de lui?

    «Hopper …ce peintre-poète du terroir urbain middle class… » Robert Hughes.

    « Hopper interroge l’américan way of life et ses transformations… ».

    « C’est le peintre de la nuit et de la lumière solaire et du crépuscule. »

    Hopper peint l’homme dans la ville, « cette photosynthèse de l’être ».« Un être qui se tourne vers la lumière (…) la lumière est ainsi un signe en plus, un appel, dans presque tous ces tableaux en cela certes métaphysiques ». Yves Bonnefoy, « Edward Hopper : la photosynthèse de l’être. »

    « Son art ignore les modes ; sa sincérité et son originalité seront toujours les gages de sa nouveauté »,« Charles Burchfield, Américain », in « Notes et articles »

    • Que dit Hopper de son travail?

    De sa propre vie:

    Si je voulais vraiment être architecte, mais l’architecture m’a toujours intéressée. Un moment je voulais être architecte naval, car j’aime les bateaux. Mais je suis devenu peintre à la place.(« If I really wanted to be an architect, but architecture has always interested me. For a moment I wanted to be a naval architect, because I like boats. But I became a painter instead. »E.HOPPER, Notes sur la peinture », in « Notes et articles ».

    Sur sa peinture: ses objectifs (la peinture est comme les impressionistes conçue comme projection, « expression » d’une intériorité à partir d’une perception  ( ressenties, sensation,) celle  confronté à l’ordre autonome du réel.

    « Mon but en peinture, explique Hopper n’a cessé, à partir des émotions que m’inspire la nature, de projeter sur la toile ma perception la plus intime face à un sujet qui façonne sa représentation. ».( « My goal in painting, explains Hopper, has never ceased, from the emotions that nature inspires in me, to project on the canvas my most intimate perception of a subject that shapes its representation. »« Notes sur la peinture », in « Notes et articles »E.Hopper.

    « Le grand art est l’expression d’une vie intérieure de l’artiste et cette vie intérieure se traduira par sa vision personnelle du monde. »Source: https://quote-citation.com/fr/topic/citations-de-edward-hopper

    « Ça parle de moi… Le moi-intérieur est un océan immense et fluctuant.« E. Hopper (« It’s about me…The inner self is an immense and fluctuating ocean.« E. Hopper) La peinture est le lieu d’expression de cette « corde vibratoire », transformer ce voile, le  miroir d’une intériorité océanique et mouvante. A l’image de l’homme, toutes ses figures introspectives avide d’une nappe de ciel océanique (de la grâce?) ne sont-il pas à l’image d’un être ballotté sur les flots entre les hauts et les bas de toute vie? .« La vie est une lumière dans le vent. » enseignait un Proverbe japonais.

    • Ses tématiques: Ce ne sont pas simplement des vues de ville, mais la question de l’être urbain, la question de l’être en tant qu’être dans la mégalopole moderne (Questions contemporaines autour de l’humanisme/anti-humanisme et de ma métaphysique.

    « le circuit de l’être m’intéresse beaucoup, j’essaie de le peindre .» E.Hopper

    « L’érotisme est lié à la distance que la femme réussit à mettre en elle et l’homme , créant un rapport de dépendance psychologique. Cette même dépendance psychologique génère la tension qui est le ressort alimentant le désir. »Edward Hopper

    • Une pratique exploratoire des questions plastiques: le choix de la lumière comme sujet pricipal dans son oeuvre, comment saisir « ses actions » sur le paysage, l’architecture et l’être, trouver ce que Gothe nommait la juste clarté, c’est une juste répartition d’ombre et de lumière ». Essayer de la peindre, c’est un défit auquel Monet avait avait consacré sa vie. Dans ses peintures comme au cinéma une lumière semble venir de l’image.(Une religiosité sécularisée)?

    « la lumière m’intéresse beaucoup, j’essaie de la peindre » (“light interests me a lot, I try to paint it”) E.Hopper« Notes sur la peinture », in « Notes et articles. »

    « I may not be very human — what I wanted to do was paint sunlight on the side of a house. »(Je ne suis peut-être pas très humain — ce que je voulais faire était peindre la lumière du soleil sur le côté d’une maison. »)

    « Il y a une sorte d’exultation au sujet du soleil sur la partie supérieure d’une maison. »

    • Sur sa réception, son interprétation:

    « Il y a dans la peinture quelque chose d’essentiel, quelque chose de plus qui ne s’explique pas. » E.Hopper. Notes sur la peinture » (“There is something essential in painting, something more that cannot be explained. »in « Notes et articles ».E.Hopper

    Des croquis à l’oeuvre:(Livre à consulter)

    J’embrasse le commun

    C’est le peintre de l’ordinaire. Dans la lignée d’un Emerson jusqu’à S.Cavell de « l’inquiétante étrangeté ordinaire ». Rendre visible ce qui paradoxalement est visible et que l’on ne voit pas.(Foucault) cité par Sandra Laugier dans sa conférence sur Philosophie et vie quotidienne.

    « Je ne recherche pas ce qui est grandiose, éloigné, romantique… J’embrasse le commun, j’explore et je suis l’enseignant du familier, de l’ordinaire » Emerson, « Société et solitude ».

    La toile si cinématographique chez Hopper, deviendrait-elle l’égale de l’écran, lieu de projection, (ce que le philosophe américain nomme comme le lieu de « la projection du monde », titre d’un de ces ouvrages.

    https://www.canal-u.tv/video/universite_de_bordeaux/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

    Philosophie et vie quotidienne – Université de Bordeaux – SAM – Vidéo …

    https://www.canal-u.tv/…/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

    4 sept. 2006.Le philosophe américain Stanley Cavell se réapproprie quelques années plus … Spécialiste de Cavell et de la …

    Non, Hopper veut retranscrire ce qu’il sentait, voyait ou éprouvait ; c’est-à-dire « la transcription la plus fidèle possible » de son ressenti. Sa peinture s’éloigne du formalisme à la mode dans les avant-gardes artistiques du début du siècle. Son naturalisme n’est pas riche, foisonnant de détails à la Zola, mais décanté de façon quasi-constructiviste, pour ne conserver que les structures. Picasso avec sa peinture « Les demoiselle d’Avignon » fragmente l’espace devenu dynamique, en multipliant les points de vue tandis qu’un J.Pollock avec ses dripping et all over, transforme la toile en une arène abstraite et expressionniste ? Un plan haptique ; un écran, en lieu de projection totale du moi. E.Hopper ancre sa peinture dans le vécu, il rejette l’abstraction, incapable, selon lui, de rendre compte de l’expérience humaine. Comment traduire sur la toile son expérience intérieure à travers l’ordinaire, circuit de l’être urbain: l’un artiste impressionné par la lumière et les sensations lumineuses sur les plans d’une rue. Il la conserve, la traduit dans l’espace euclidien et dans la perspective , qui dessine des agencements spatiaux.

    « La réalité est comme une énigme ». Comment montrer que le réel est mystère, l’ordinaire énigme?

    Qu’est-ce que la réalité ? Ce qui existerait indépendamment du sujet et qui n’est pas le produit de la pensée. Ce jeu des phénomènes que perçoit concrètement le peintre et qu’il tente de traduire avec son langage sur la toile ? La réalité avec ses signes demande à être déchiffrée.

    UNE PEINTURE MADE IN U.S.A.

    Hopper préfère cultiver une peinture proprement nationale, une peinture américaine en cherchant à définir son style. De retour en Amérique, sa peinture d’inspiration française ne se vendait pas. Son style américain rencontrera par contre beaucoup plus de succès. Ce choix, est-il purement opportuniste ? La topographie, secréterait-elle un type d’art tout comme Mme de Staël distinguait à travers le climat entre littérature du nord et littérature du su d ? « le nord est romantique et le Midi classique.« Qu’est-ce qu’une peinture américaine, une peinture nationale à l‘A.D.N américaine tout comme dans la façon de penser on discriminerai philosophie anglo-saxonne et continentale.L‘espace de la toile ne sera pas vécu de la même façon avec celui vécu de la topographie américaine.

    « Maintenant ,ou dans un futur proche, l’art américain devrait se sevrer de sa mère française » .E.Hopper. Notes sur la peinture », in « Notes et articles »

    Malgré son influence française,ses séjours et son apprentissage parisien)– il tente de trouver une peinture à l’image de l’Amérique. (?) Luministes, réalistes ou impressionnistes, les peintres américains par le passé ont souvent regardé et retraduit les paysages de l’Amérique avec le regard du peintre européen. J.S.Sargent, par exemple, reprend la palette de Velàsquez, Thomas Eakins le réalisme détaillé et pompier d’un Gérôme, Théodore Robinson les impressions picturales d’un Monet. Avec l’Armory Show en 1913, le continent américain se raccrochait au wagon moderniste de l’avant-garde formaliste européenne. Tout comme à partir d’Emerson l’Amérique a besoin de se fonder intellectuellement, l’Amérique a besoin de se fonder artistiquement.(Se créer une filiation à tout le moins une origine américaine.)

    Duchamp, en 1917, choisit le Ready made -un urinoir comme œuvre d’art – car l’objet technique, manufacturé du plombier ou le pont métallique sont des images symboles de cette modernité Américaine ( son modernisme utilitaire).Afficher l'image d'origine

    Warhol lui choisira le moyen mécanique de la sérigraphie, une image tout en surface et pop (publicitaire), la plus à même de traduire l’Amérique capitaliste et marchande, celle des masses média de « l’industrie culturelle » démocratique et libérale. Les expressionnistes abstraits optent pour de vastes formats à l’image des grands espaces.

    Que choisit Hopper? la tradition de l’illustration?

    Hopper préfère suivant la tradition américaine, faire de la peinture, il est « anti-moderniste« . Il se veut le représentant de « la scène américaine », même s’il réclame le statut d’électron libre, refusant de sacrifier son indépendance  pour devenir le maître des courants de l’époque. Il sera sans héritier. Cependant , on tentera de trouver des filiations malgré lui en le rapprochant de l’esthétique de « l’Ash Can School », « l’école des poubelles » avec sa représentation volontairement prosaïque et sociale du réel. Robert Henri, qui fut l’enseignant d’Hopper, professait un art documentaire proche du journalisme.

    Hopper s’intéresse à l’ordinaire, à l’anodin. Il extrait une certaine poésie du trivial, du banal, de la quotidienneté. Il pratique « un réalisme subjectif ». Le peintre est le témoin attentif des mutations, évolutions que connaît cette société urbanisée. Dans nombre de ses peintures, on découvre une certaine nostalgie d’une Amérique passée ? Ses toiles traduisent par de savantes compositions ce conflit latent entre deux mondes, deux temps, celui d’une nature authentique transformée avec l’avènement de l’âge industriel. Dans nombre de ses œuvres, les personnages semblables à des automates sont esseulés, mélancoliques…figés, dans l’attente muette d’un entre-deux. L’homme se place dans cette déchirure entre deux mondes.

    « Il distille une atmosphère d’un pessimisme tranquille ».

    Pas de pathos tragique chez Hopper. le peintre met à distance le spectateur, le plaçant dans la position contemplative et interrogative. Sa peinture n’est pas sensuelle, haptique. Sa touche est relativement mate, chaque élément semble peint dans le même bois. Certains critiques lui reprochent son manque de variété.

    « Hopper est-il vraiment un grand peintre ? » question titre du Figaro.Adrien Goetz. 25/10/2012.

    « Il faudrait inventer une catégorie d’art spéciale pour le genre de choses que fait Hopper. Il n’est pas peintre au plein sens du terme. Sa manière est pauvre (…) de seconde main (…) Hopper se trouve tout simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait, très probablement, pas un artiste à ce point supérieur »Cité in « Edward Hopper et la modernité », de Didier Semin

    «Hopper se trouve simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait probablement pas un artiste à ce point supérieur.» Clément Greenberg Sortant d’une exposition en 1946, il critique sévèrement celui en qui il voit un peintre qui ne sait faire que de la «photographie littéraire ».Cité par Didier Semin. Interview confrontation avec Hecto Obalk dans  l’émission ce soir ou jamais présenté par F.Tadei.

    « Quand je le regarde en photo ,en vidéo ça va , mais quand je suis dans une expo, c’est une catastrophe. » H.Obalk.

    4) contexte technique et scientifique.

    • 7 janvier 1927: le premier service de téléphonie par câble transatlantique entre Londres et New York est ouvert au public. La technique permet d’entrer dans la sphère d’un monde « globalisé ». Aujourd’hui, de la rue à la maison, du travail, au cybercafé, les médias et ordinateurs sont les outils du nouveau flâneur virtuel. La ville est désormais un énorme rhizome connecté. MAIS COMMUNIQUONS-NOUS MIEUX AVEC CETTE TECHNIQUE MODERNE, LE TÉLÉPHONE ?« Un siècle après son invention par Graham Bell, le téléphone a traversé l’Atlantique par câbles, liant ainsi l’Amérique au Vieux Continent.« La première conversation téléphonique outre-atlantique a lieu entre W.S. Gifford, président de l’American Telephone and Telegraph de New York (AT&T) et sir Evelyn P. Murphy, secrétaire d’État aux Postes du gouvernement britannique à Londres.
      7 avril 1927 : la compagnie Bell Téléphone transmet des images et des sons de Washington à New York. La télévision n’est pas loin. Présente dans chaque foyer elle deviendra l’objet privilégié du divertissement pascalien, l’enfermement de l ‘homme urbain.« Le médium est le message » dira M. Mac Luhan ? Il influe beaucoup plus que le message lui-même. Nous vivons aujourd’hui dans une culture dominée par l’image, »la société du spectacle » (Guy Debord) et du spectaculaire. La « vidéosphère » a succédé à la « graphosphère » constate le médiologue Régis Debray.  l ‘artiste américain pressent-il ce changement civilisationnel? La leçon de sa peinture, nétait-elle pas de nous inciter à regarder le réel et tous ces parangons médiatiques ?
    • 20-21 mai 1927 : Charles Lindbergh traverse l’océan Atlantique en solitaire à bord du Spirit of Saint-Louis.
    • 28 juin 1927 : un équipage américain relie San Francisco et Honolulu sans escale sur un « Fokker F VII 3 m » : 3 890 km en 25 heures et 49 minutes.PÉRIODE DES INVENTIONS ET EXPLOITS TECHNIQUES DE CIRCULATION, LES MOYENS DE RÉUNIR LES HOMMES ÉLOIGNES SE MULTIPLIENT ET POURTANT L’ETAT D’ÂME DU CITADIN ET SA SENSATION D’ISOLEMENT/ DIFFICULTÉ COMMUNICATIONNELLE EST BIEN PRÉSENTE.Nous sommes en 1927, dans une période de prospérité américaine, deux ans avant le grand Krak boursier de 1929 et la grande dépression. C’est le début de la société de consommation et le temps du plein développement de l’industrialisation : (Le taylorisme (1), le Fordisme (2) caractéristique des temps modernes. Cf. La représentation humoristique faites par Charlie Chaplin dans son film « Les temps modernes. »(1936)

    de 1936.

    L’‘automat inventé en Allemagne à la fin du 19e siècle est à l’image de cette société mécaniste et industrielle. La création du restaurant self-service sans présence humaine place l’individu face au système d’automatisation (3) de tous les services, la standardisation de tous les produits. Nous assistons à la fin d’un monde, celui d’une Amérique agraire (agricole et artisanale) pour une société du progrès, adaptée aux nouvelles exigences urbaine et capitalistiques.(Cf. : la scène burlesque de Chaplin dans les temps modernes). L’invention d’une machine à manger automatique devait permettre à l’ouvrier de se restaurer encore plus rapidement sur son lieu de production. On l’inclut comme un maillon productif de la machine, que l’on tente en vain dans les temps modernes d’intégrer… Mais le mouton demeure noir, le corps demeure encore en résistance face à l’aliénation. Le trublion, marginal légendaire ne se laisse pas incorporé à la structure destructive contrairement à ce qu’exprime Simone Weil dans son expérience de l’usine. Le danger est d’être saisi par cette force aliénante jusqu’à l’impossibilité de toute résistance. Cette situation, traitée par l’absurde, était significative de ce nouveau temps moderne, où le temps des corps devait-être totalement optimisé, rentabilisé dans le système. L’homme n’était qu’un rouage fonctionnel et assujetti dans l’énorme machinerie de production.

    Là où les humoristes traitent de thème de la modernité mécanique sous l’angle de la caricature et du grotesque, Hopper adopte un point de vue plus distant. l’Amérique est la terre promise de la liberté individuelle et du libéralisme à la Adam Smith, l’espace d’une ultramodernité qui a pour part d’ombre la régression dans une nouvelle primitivité. Le monde moderne est désormais topos archaïques du besoin, de la survie…Comment vivre en milieu hostile? Avec « la raison instrumentale » tout devient l’ objet d’une taylorisation à outrance. Les loisirs, la culture, l’art entrent dans le champ de la »KULTUR INDUSTRI » comme le déplora H.Arendt et  Adorno. Nous sommes  dans  le prêt-à-porter,  prêt-à manger, prêt à penser, prêt à représenter, prêt à peindre  de la marchandisation globale.

    La peinture d’ Hopper une oeuvre parfaite pour l’industrie culturelle?

    Elle est devenue  icône, carte postale, fond d’écran, poster, son  succès en fait l’une des énièmes images reproductibles de notre catalogue muséal imaginaire. Etait-elle réellement au départ si picturale? Elle semble être le parfait produit pour les masses médias avides d’images et d’archétype reproductibles et visible à l’aire de la reproduction technique.

    Hopper est-il un artiste flâneur? Ces personnages n’ont pas l’étoffe du flâneur, ils sont ses êtres ordinaires ancrés dans leur quotidien, des hommes sans qualités, humains trop humains.

    Gorg  Simmel rappelle dans ses ouvrages l’association entre ville et monnaie. La ville est construite comme un véritable spectacle capitaliste de l’échange marchand. Le flâneur baudelairien au début de la modernité en serait le héros. Il tente d’instaurer comme l’explique W.Benjamin un rapport créatif avec la ville. Celle-ci devient lieu d’expérimentation de perceptions variées. la marchandise , l’intérêt, le commerce dicte les logiques de déplacement, les pratiques urbaines et relations interpersonnelles. Contre cet utilitarisme du flux, le flâneur entre en résistance. Il voit la ville en poète, en artiste; il utilise, intellectualise cet espace. Les personnages de Hopper ne flânent pas. Ils ne semblent pas établir dans l’épaisseur du quotidien de rapport vraiment créatif avec la cité.Non il semble projeté dans la ville comme projeté dans le quotidien dont il effectue les taches ordinaires qu’il suspend l’espace d’un instant Là où l’artiste peintre tente de traduire les logiques du réel qu’il perçoit, eux semblent le subir, repliés en eux- même dans ce que le philosophe Hegel nomme « la conscience malheureuse », le moi  » aliéné », « réifié », malade du monde et de lui-même.

    « La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau, comme l’eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule.Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ».Beaudelaire à propos du flaneur.

    Cette citadine Hopperiènne n’est pas la flâneuse baudelairienne amoureuse de la foule, serait-elle plutôt la passante, cette idôle éblouissante ? -« Un éclair… puis la nuit ! Fugitive beauté » -Non cette « Fugitive beauté » est  désormais attablée? Est- elle encore cette « grande magicienne de l’apparence »? incarne t-elle encore le fantasme du désir, cette réalité née du seule rêve ? non.Afficher l'image d'origine

    Dans les tableaux de Hopper la foule est absente, les rues et les places sont presque vides, nudité renaissante des premières cités idéales. Nous sommes loin de  » la rue assourdissante « qui  hurlait chez le poète parisien. Hopper, comme ses personnages, n’est pas le flâneur baudelairien. Il n’entretient pas comme le peintre de la vie moderne un rapport dialectique intense avec le collectif. Ce n’est pas  Constantin Guy,  qui dans le kaléidoscope de la rue tente de saisir sur le vif les sensations variées des beautés modernes. Les croquis de ce peintre baudelairien ne sont plus que des retranscriptions de ses « promenade de souvenirs « . Appareil enregistreur, véritable appareil photographique vivant, ce peintre des villes est  avide de tout voir  et conserve tout  en traces dessinées- Reporter , il tente de capter  sous forme fragmentaire ce monde du déplacement perpétuelle. Le monde  avec ce  nouveau peintre devenait une collection d’ instantanés, une lutte constante  une résistance contre l’entropie »une quête  dans le présent d’une forme d’éternité. Hopper n’a pas la frénésie de la captation sur le vif. Il observe les bâtiments et la scène qui se joue devant lui mais à une certaine distance. Il se fait parfois voyeur en surplombant la ville depuis le métro, travelling cinématographique mais, il ne fusionne pas avec « cette matière vivante » et  urbaine comme le ferait le Dandy qui désire lui être vu.  Hopper se balade , arpente,  scrute New York, sa ville,  plutôt comme un paysage. Il regarde la ville mais aussi la contemple, il invite comme certains de ces personnages spectateurs  à contempler la nature comme un spectacle une  projection, un objet esthétique, une“forme spirituelle” (Simmel). La vision se poursuit très souvent hors champ. Le spectateur recherche le paysage solaire, la connexion avec l’infini? Le peintre  apprécie la vie à un rythme plus lent, il digère ces impressions, son développement se fera plus tard. Son atelier sera son labo (photo), sa pellicule , c’est sa mémoire. Du réel ,il n’en gardera que la forme épurée, lumineuse, la vue la plus propice celle qui se sera décantée dans son esprit et qu’il recompose . Il extrait la quintessence de la vie quotidienne pour dégager ce que Baudelaire nommait « l’éternel », des hiéroglyphe cinématographiques de l’éternité.

    « Sa peinture est très cérébrale…il passe de longues heures devant sa toile….il peut réfléchir toute une année pour trouver le bon sujet…. c’est un grand peintre figuratif mais aussi abstrait, il les conçoit mentalement » D. Ottinger. Sa peinture  est méditative, le fruit d’une longue méditation.

    Hopper n’est pas un  touriste. Dans la ville le touriste consommateur recherche les clichés remarquables déjà institués, nulle vraie découverte s’offre à lui ; il conçoit la ville comme un parcours déjà balisé par l’image, l’image des autres. Sa photo et son regard s’ajusteront avec l’image du dépliant. le spectateur des tableau de Hopper doit réfléchir sur sa façon d’appréhender le réel .Comment dans ce paysage urbain, cette vie quotidienne  peut-on encore conserver une expérience esthétique, faire des choses  des «formes vivantes».

    La question de » l’automat »

    • *1)Taylorisme: Système d’organisation du travail établi par F.W.Taylor fondé sur la séparation entre fonction de conception et fonction d’exécution dans l’entreprise et sur la recherche de la plus grande productivité au travail . L’ouvrier n’est plus qu’un exécutant, un maillon de la chaîne soumis à la pression du rendement, un être robotique dans cette automatisation du travail. la vie quotidienne est aussi automatisée.
      *2)Fordisme: il associe la production de masse, le travail à la chaîne et la standardisation des produits.
    • *3 Automatique:qui fonctionne sans intervention humaine, par des moyens mécaniques et non manuels. Écriture automatique (sans contrôle rationnel.)

    Automate:grec automatos: qui se meut par lui-même. Personne dénuée de réflexion ou d’initiative.
    ? Jouet, objet figurant un être vivant dont il simule les mouvements grâce à un mécanisme. HOMO MECANICUS :
    Très souvent un automate imite le comportement d’un être vivant, homme ou animal, il peut alors être un jouet. L’automate s’inscrit dans une pratiques cérémonielles et magiques : masques articulés, statuettes articulées. Mais dans  » le monde désenchanté » de la modernité, qu’en est-il de la magie? l’homme citadin n’est plus qu’un automat, un mécanisme de cette machine à vivre qu’est la ville,comme le logis deviendra dans la pensée de certains architectes visionnaires et modernistes –  » la machine à habiter » (Le Corbusier). La cité moderne et idéale devient fonctionnaliste-machine à vivre, à organiser les « flux « du vivant.(Deleuze).

    En Egypte antique : les âmes des morts, dans leurs pérégrinations, pouvaient, selon la croyance  habiter ces figurines construites qui reproduisent les mouvements quotidiens. Mais ici cette citadine qui sous les mots de HOPPER prend l’apparence d’un automate est-elle encore habitée? a-t-elle une âme? ou justement devient-elle un automate humanoïde qui  a perdue son âme? Euphonia, l’automate parlante de Faber était supposée dialoguer avec les spectateurs et l’automate turc du baron von Kempelen jouait aux échecs – actionné peut-être par un nain caché dans le dispositif . La femme des grandes villes moderne américaine a t-elle encore cette possibilité de la parole, du dialogue. Elle est refermée sur elle même, condamnée selon M.Heidegger au simple »bavardage », absence de véritable parole. « l’urbain agence le retrait de l’individu dans son corps et dans ce corps qui l’expose ». Le geste automatique ne fait pas intervenir la pensée consciente .La mécanisation de la ville cultive et entretien chez chaque individu le réflexe pavlovien . Que devient le citoyen dans cette ville mécanique quand il devient un élément atomisé de la masse ?

    La signification d’automat est double. Comme si en choisissant cette polysémie du titre ,  il montrait l’analogie entre le lieu et l’homme.

    « La machine, en comparaison de l’outil manuel, est une puissance impersonnelle » affirme Marc Fumaroli.

    Nous sommes dans un AUTOMAT. COMMENT SAVONS NOUS QUE NOUS SOMMES DANS CE TYPE DE RESTAURANT CHEZ HOPPER? SEUL LE TITRE nous informe: « AUTOMAT » . Pourquoi ne le représente t-‘il pas?  l’image n’est pas véritablement moderne .L’automatisme est supposé hors champ, non représenté. Hopper joue t-‘il sur le contraste entre le titre et l’ ancien monde présent à l’image, le décalage entre le mot et l’image,  .Deux époques se juxtaposent ,une maison du XIXèm et une voie de chemin de fer.

    Sur les nombreuses photographies d’époque, c’est justement la machine automatique qui est le lieu de focalisation des regards  avides de nouveautés .la photographie souvent de nature publicitaire fait découvrir dans les magazines ce  nouveau symboles de la vie américaine ,cette  « mythologie »moderne .  Roland Barthes  aurait pu l’inventorier dans son catalogue des mythes . le Fast food , le Burger, le distributeur automatique sont des topos emblématique de cette nouvelle mentalité urbaine.« Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société expliquait R.Barthes en  1957 (p 216), c’est le cas de l’automat.

    les carte postales  diffusées à l’époque nous invitent à aller chez Horn & Hardart dans ce nouveau lieu pittoresque New Yorkais  de la 6èm avenue à Time Square. Il fait partie des lieux touristiques du moment.

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    Automat Photo (c) National Geographic

    The Automat, est photographié  en 1936 par Bernice Abbott. Témoin lors de son retour en 1929 à New York du constat baudelairien sur les changements rapides de la cité. « La ville change plus vite que le cœur d’un mortel » constatait amèrement le poète en regardant Paris et la modernité (dans son poème « Le cygne ») . Elle décide avec la photographie comme Atget pour Paris d’immortaliser avant sa disparition la grosse pomme. Son projet « Changing New York »de 1935 à 1939, WPA Projet archive ce passage entre deux mondes. Hopper lui aussi en est conscient.

    • Fifth Avenue Houses, Nos. 4, 6, 8 , 1936

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    Berenice Abbott, Automat, 977 Eighth Avenue, New York, 1936 (675.1984).A l’intérieur d’un  restaurant, le « Horn & Hardart Automat » à Columbus Circle, 977 Eighth Avenue between West 57th and 58th Streets; un homme devant  un distributeur automatique de nourriture choisit une tarte. Anonyme, de dos au spectateur ,la photographe le montre en face de la machine.Afficher l'image d'origine

    Biographie :hopper-003.jpghopper-selfportrait.jpg

    « Timide comme un écolier anglais. Un visage long et émacié, une mâchoire puissante (…) le plus doué d’entre nous (…) mais pas encore un artiste. Pas assez libre pour ça. »
    Guy Pène du Bois parlant de son ami vers 1903-1904.

    « …homme de peu de mots, et sujet aux humeurs dépressives. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY

    « On sait peu de chose sur sa vie privée et sans doute éclaire-t-elle peu son oeuvre »

    « Francophile….Il se réfère à la peinture française »Didier Ottinger.

    Que retenir ? »

    L’homme est à l’image de sa peinture, tranquille. -Naissance à Nyack au nord de New York dans une famille de commerçant/Il a une éducation puritaine et artistique/ initiation à la culture française par son père (francophilie)./ Il Fait des études d’illustrations et gagnera sa vie au départ comme dessinateur publicitaire (comme Andy Warhol) . « Il illustre la circulation des biens de consommation, la civilisation consumériste.). Hopper a travaillé longtemps comme illustrateur, et cette pratique commerciale impliquait sûrement l’usage de la photographie. / Il Effectue « le grand tour », en Europe entre 1906 et 1910, 3 séjours parisiens qui le maqueront /Il se familiarise avec les grands-maîtres de la peinture française et montre un vif intérêt pour les impressionnistes et leur travail sur la lumière, la captation de l’instant. Il réfute les révolutions fauvistes/cubistes sur la couleur, la forme. Ce n’est pas un moderniste.

    En 1920 , il rencontre le succès et la prospérité. Il a 43 ans et peut se consacrer entièrement à son art. Quand il peint cet « automat« , c’est un homme de 50 ans qui est au pinceau.

    « Selon le marchand d’art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée. (Le figaro,2012, »Edward Hopper, peintre inspiré par sa surdité. »

    «Hopper était assis sur un banc dans un coin gris, je me suis assis près de lui et nous avons discuté. Il n’aimait pas être dans les lieux publics. Il me l’a dit et j’ai compris aussitôt pourquoi. J’ai découvert son sévère problème d’audition, une révélation qui m’a fait lire différemment sa peinture. Cette surdité partielle m’a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, qui ne se parlent jamais. C’est une hypothèse plus sensée que la mésentente conjugale avec sa femme, Jo, toujours mise en avant».

    Hopper considère citant Renoir ou Goethe que peindre s’est voir la nature à travers un tempérament, traduire sa vision subjective du monde.

     IV) Description :

    Ce tableau représente une femme seule, impassible, perdue dans ses pensées. Elle est assise devant une table située dans un self-service entre la porte d’entrée et un escalier qui descend vers le sous-sol… La chaise devant sa table est vide. La femme est vêtue chaudement ; ce doit être l’automne ou l’hiver. Elle boit un thé. Seul un de ses gants est défait. Une deuxième tasse évoque probablement la dégustation d’un gâteau pris au distributeur. Autour d’elle, il n’y a aucune présence humaine. Au premier plan, coupé par le cadrage, on aperçoit un autre morceau de chaise. La femme semble totalement excentrée, assise dans ce lieu de passage, cet espace inconfortable et transitoire. Elle est éloignée du cœur chaleureux, convivial du lieu. Peut-être, est-il présent dans le hors champ où nous sommes ? . Derrière cet « Oiseau de nuit », se trouve une glace où dans un habile jeu de miroir, se reflète les globes de lumières artificielles du bar. À travers la vitrine, on n’aperçoit pas l’obscurité de la ville, l’espace est clos sur lui-même. Aucun indice d’une quelconque animation dans la rue. La lumière d’un blanc terne, livide et froid, éclaire la jeune dame.

    « La femme seul personnage humain du tableau, une femme est assise à une table. Son regard est fixé sur sa tasse de café. Elle porte un chapeau et un manteau en fourrure, qui semblent, un peu comme elle, «fatigués». En effet, les deux vêtements ne vont pas ensemble et le chapeau tombe des deux côtés de sa tête. Il n’y a pas d’autres présence qu’elle, pas d’amis ni d’autres clients, ni même de serveur, étant donné qu’elle se trouve dans un «automat», ces restaurants qui donnent automatiquement entrées, desserts et boisson par le biais de la machine...

    Le décor :Le restaurant est ici entièrement vide, à l’exception de la femme ; et pourtant, le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face du modèle. Il rappelle encore une fois qu’elle est seule. La coupe de fruit, qui tranche de par ses couleurs vives, semble être la seule trace de vie de toute la pièce.La femme a gardé son manteau, son chapeau et ses gants, ce qui pourrait signifier d’une part, que le petit radiateur sur le côté ne suffit pas à la réchauffer, et d’autre part que nous sommes en hiver. Le froid qui se dégage du tableau rend la femme encore plus vulnérable. A l’instar de nombreuses peintures de Hopper, aucune porte n’est visible. La femme semble coincée dans sa douleur. Seule une grande baie vitrée est visible, ce qui ressemble aussi beaucoup à d’autres tableaux de Hopper, comme Noctambules. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître l’immense étendue noire de la nuit en se faisant refléter toutes les lampes de l’automat. »

    V Description plastique

    « Il dote l’architecture, (l’espace ) d’une identité psychologique ».

    « Il y a  dans ces tableaux  quelque chose qui l’ empêche de peindre le mouvement…C’est une incapacité féconde. »Didier Semin

    La géométrie et la représentation spatiale traduisent fortement cette sensation d’isolement ressentie par le spectateur. L’espace de ce restaurant rapide est clos, désertique et vide, contrairement aux photographies qui nous le font découvrir animé dans les publicités. Est-ce l’heure tardive ?  . La femme ne semble pas réellement habiter ce lieu. Tout y est statique, sans âme, figé , quasi suspendu. Dans cet espace moderne, y a-t-il un génius loci ? La scène peinte n’a rien à voir avec le bal « du moulin de la galette » d’Auguste Renoir, avec  ses miroitements de lumières sur la foule dansante, ce plein air festif et jovial d’une après-midi à Paris. Le bar, le café, le bistrot traditionnellement dans la ville peuplée de rues agitées sont le symbole de la convivialité, du plaisir et de la sociabilité. Il est un point de chute très frenchy. Les bars dès la fin du XIXe font partis des nouveaux loisirs urbains que diverses classes sociales vont fréquenter. C’est le lieu de réencastrement (re-embedding), espace public de rencontre. Ce sont « des dispositifs particuliers propices à l’échange », des « machines relationnelles ». Qu’en est -il dans l’automate ? L’automate fait partie des nouveaux lieux que la classe moyenne américaine fréquente. Rien à voir avec le bistrot parisien. Ici, le self-service américain est partiellement décrit comme un lieu d’inhumanité. Déjà, Degas et Manet posaient un regard réaliste et similaire sur le bistrot parisien. Il n’était pas seulement institution de loisir, mais topos du désabusement, de l’alcoolisme à la fin du XIXe. C’était l’endroit où se posait l’être à la dérive. Cf. le tableau l’Absinthe, où l’endroit est dépeint sous les traits de l’ennui, de l’incommunicabilité, de la crise du couple. Hopper quarante ans plus tard montre avec le regard d’un Degas, aussi la complainte du progrès comme « un monde renversé », la « grande ville » est celui du renversement des valeurs.L’automat ce n’est pas non plus le bar français des avant-gardes de Montmartre puis  Montparnasse ces lieux d’échanges intellectuels et artistiques si fécond au début de siècle. Dans la grosse pomme, l’automate n’est qu’un lieu fonctionnel de la restauration. Le bar stimulera l’artiste cubistes puis surréalistes permettra le libre jeu de la publicité et de la discussion des idées et opinions. Et l’automate ? Espace transitoire au service du capitalisme, et de la consommation, il ne peut être l’espace où germe la contestation.
    L’automate, ce n’est pas, non plus, le bistrot à la Française, ce bistrot des années 30 avec sa faune bigarrée et interlope des années folles si pressées d’oublier les désastres du début du siècle. Le bistrot immortalisé par les photos de Brassai dans les années 30… est pour ce Hongrois arrivé en France, le lieu le plus authentiquement français, le charme du Paris populaire et romantique. Dans Le Paris nocturne, ces lieux sont ceux de la liberté et de la transgression.

    Degas/Hopper : deux tableaux, deux représentations de la femme moderne avec son regard vague, son vague à l’âme

    .Nouvelle Athenes Photo 1

    Bal du Moulin de la Galette,Auguste Renoir./La nouvelle Athène, le bar des impressionnistes ou le café Gerbois.Le bar à la mode est occupé par les artistes bohèmes.

    « Je suis devant une absinthe, Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles. »témoignage  d’Ellen Andrée  modèle de ce tableau dans ses Mémoires :

    .L’AbsintheDegas_Absinthe_psy1, 1875-1876, Afficher l'image d'origineprune_manet

    92 × 68 cm, Paris,Musée d’Orsaycf. « leblogdelapalettedecouleur.

    La même Ellen Andrée actrice est peinte en 1878 par Manet

    Forain La buveuse d'absinthe14_Jean_Beraud_Les buveurs_1908Caillebotte Dans un CafeForain La lettre et l'absinthe vers 1885

    La buveuse d’absinthe,Forain, Lithographie, 1885, Musée d’art de Providence//Femmes à la terrasse d’un café – 1877//les bistros de Jean BéraudLes buveurs , 1908 //Étude d’« Un bar aux Folies Bergère », vers 1881, d’Édouard Manet. (Photo Collection particulière). Le miroir derrière le modèle est un dispositif scénique permettant la représentation du hors -champ de la serveuse. On découvre l’animation du café.
    Dans un café,Gustave Caillebotte,1880,Musée des beaux -arts de Rouen..La lettre et l’absinthe,Forain, vers 1885, pastel, Collection privée

    William james glackens, café lafayette

    Fichier:William james glackens cafe lafayette.jpgempty imageWilliam Glackens (1870-1938)A Aff A0n N Pu Claaaaa El F Tk Su Qm Cc

    BRASSAÏ et Photographie des bars

    Le tourbillon de la Belle-époque  est photographié par Brassaï, il tente de capter le charme parisien.« Il dérive de rue en rue, il tourne dans les rues de réverbères en réverbères, d’ateliers de peintre en bordels, et l’inattendu surgit, les choses et les êtres que l’on n’avait pas su voir sont là présents, vivants. »Appareil photo à la main, il parcourt les rues et les bars de Paris principalement la nuit.

    « C’est poussé par le désir de traduire en image tout ce qui m’émerveillait dans ce Paris nocturne que je devins photographe »Brassaï

    « Dès l’instant où j’ai réalisé que l’appareil photo était capable d’immortaliser toutes les beautés du Paris nocturne dont j’étais tombé passionnément amoureux lors des pérégrinations de ma vie de bohème,  faire des photos n’était plus pour moi qu’un plaisir ».Brassaï

    BRASSAÏ, Couple d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, vers 1932 © Estate Brassaï
    Le bistrot français symbole du Paris populaire et des rencontres amoureuse des années 30, photographié par « l’oeil de Paris » mais aussi le Paris de la nuit,inconnu et extravagant.Il photographie les couples au plus près, le rapprochement des corps dans ce lieu de rencontre.

    Brassaï – Couple dans un bar parisien,1932

    Brassaï-« Bijou » au bar de la lune-1932

    “Bijou” of the Montmartre cabarets, 1933.

     Brassai1 Brassaï - "Bijou" au Bar de la-Lune, Montmartre-1932Brassai3

     Brassaï – Bal de la montagne Ste Geneviève 1932.

    Piet Mondriaan abstract painting Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930Piet Mondrian?s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927Composition with Blue, Yellow, and Red by Mondrian in the Boston Museum of Fine Arts, June 2010

    P.M .Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930/Piet Mondrian’s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927.

    Composition with Blue, Yellow, and Red 1927 Piet Mondrian.Dimensions: Overall (Unframed): 40 x 50.5 cm (15 3/4 x 19 7/8 in.).

    Chez Mondrian, autour des années 1930, il y a dans sa peinture abstraite néo-plastique une construction géométrique orthogonale jouant sur les Angles droits. Il conceptualise à travers les lignes et quelques couleurs, les structures d’un monde nouveau qui se concrétisera ensuite par l’architecture et les projets urbains (le style international). La structure de ces tableaux rappelle la planification urbanistique, la forme de cette nouvelle architecture fonctionnaliste, la construction des espaces urbains de Hopper.

    Le début du siècle est marqué par la course à la verticalité. La ville devient une cité qui tient debout pour reprendre le terme de Fernand Léger. Hopper représente la ville rattachée au sol. Nul intérêt pour ces nouveaux gratte-ciel dans son œuvre. A. Finkelkraut explique bien comment à travers cette nouvelle architecture moderne extérieure au sol et au site comment l’homme a quitté le lieu, le Genius loci (l’esprit du lieu). Peut-être Hopper est-il conscient de cette décontextualisation, de ce déracinement dans l’homme et les édifices eux même. Le philosophe fait le lien entre cette nouvelle ville et architecture mondialiste substituable. » Si le lieu est substituable, l’homme aussi, nous sommes dans l’interchangeabilité des êtres » explique le philosophe.

    The New York telephone buildingThe Paramount Building

    This view of midtown Manhattan looking southeast from Central Park was taken in May 1925.

    • Park Avenue’s first large skyscrapers, such as the 45 story Ritz tower (below) were completed in 1925
    • L’immeuble Haughwout à armature de fonte (cast-iron building), Greene Street, New York, 1857.
    • Daniel Burnham, Flatiron Building, 1902, New York, style Beaux-Arts
    • Cass Gilbert, Woolworth Building, 1913, New York, style néogothique
    • The Paramount Building, in 1926.
    • July 1927. The construction of the Morgan building can be seen in the centre, alongside the new Standard Oil building.
    • Chrysler  Building New York, 1929-30.

    le monde Hopperien avec sa géométrisation de l’espace pictural autour du fait architectural,  est symptomatique d’ un monde désormais construit au compas .Il  questionne le monde utopique ou dystopique de cette modernité qui se construit  sous ses yeux d’arpenteur . Il est le « peintre de la vie archi-moderne. »

    « Il me faut généralement plusieurs jours avant que d’identifier un sujet qui m’attire suffisamment, et je passe de longs moments à m’interroger sur le format de la toile qui lui conviendra, qui sera le plus en accord avec l’expression visuelle à laquelle je souhaite parvenir » E.Hopper

    Le tableau chez cet artiste est toujours soigneusement composé et jamais le fruit du hasard. Un tableau demande du temps avant de prendre forme ; il est le résultat de nombreuses esquisses préparatoires, le fruit d’un long mûrissement. Le peintre ne réalise que deux toiles par an. Ses cadrages photographiques à l’instar d’un Degas donnent souvent l’impression d’instantanéité photographique, de captation sur le vif, mais ses images ont l’immobilité factice des décors cinématographique. Tout comme le médium photographique influencera la pratique picturale des peintres du XIXe, le cinéma inspira l’atmosphère et la composition de l’image hopperienne.

    La partie gauche du tableau laisse un large espace vacant à angle droit, celui de l’entrée – Des lignes géométriques horizontales balayent l’espace, conduisent notre regard vers un escalier à la droite du tableau. La figure est condamnée à occuper cet entre-deux, un espace d’attente, entre le ciel obscur et sans étoile et ce sous-sol en hors-champ. Cette focalisation sur la vacuité de l’entrée de l’automate, suggère-t-elle que l’être moderne est condamné à attendre ce qui ne viendra pas ? L’amour, le salut… Sommes-nous devant une Eve moderne sans son Adam, avec ses fruits de la tentation en vitrine ou une Madone seule sans son archange ? » Si Dieu, est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué !« (Gais savoir: est-il encore possible d’espérer ? Le peintre nous guide depuis l’entrée vers le personnage. Fermée à tout contact par sa circularité, elle nous renvoie directement à l’espace de départ.

    Afficher l'image d'origineedward-hopper-automat-1927 deux rangeesAfficher l'image d'origineKasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915, huile sur toileAfficher l'image d'origineCf. artifexinopere.com.

    Monochrome Noir«

    «  L’art nous apprend à voir les choses et non à simplement les conceptualiser ou les utiliser. » E. Cassirer, Essai sur l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1975, chapitre 9, pp.239-240.

    La Circularité de la table renforce cette claustration. La femme fait dos à l’extérieur. Elle n’attend donc rien du dehors. La perspective linéaire qu’esquisse les deux rangées de globes et le coin appuyé de la pièce conduit notre regard vers cet écran noir, opaque, monochrome et sombre qui plane au-dessus du modèle. Le miroir de la vitrine nous renvoie à notre espace de simple spectateur. À la Renaissance, la construction en perspective-philosophie de l’espace et de la relation entre le sujet et le monde (E. Panofsky) guidait souvent par son point de fuite, le spectateur vers une fenêtre, un infini qu’elle questionnait. La perspective, dans la cité idéale de Paolo Francesca, conduisait cet hypothétique et abstrait spectateur vers la porte entre ouverte d’une architecture ou la porte d’un arc qui ouvre sur une autre porte. Le tableau renvoyait à un au-delà du tableau qui n’était plus celui de la transcendance.

    Erwin Panofsky - La Perspective comme forme symbolique - Et autres essais.

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    La perspective comme forme symbolique fut créée en même temps que la représentation de la cité de la place (Alberti). Elle incarnait la reconnaissance de cet espace politique et marchand. Cet univers noir vers lequel nous guide cette construction représente-t-il le vide, le néant, un espace du non-être, sans Dieu ni magie ?( Dans la peinture byzantine les « fonds abstrait et infini « traités sans profondeur ni inscription, étaient très souvent dorés et réservés pour signifié l’espace transcendant et surnaturel, à l’ère moderne, il est totalement objectivé. Pour cette Marie moderne, une annonciation est-elle encore possible dans ce monde de la pure immanence cartésienne où l’homme se fait le démiurge maître et possesseur de la nature »(Descartes.). En tant que spectateur, l’accès à l’humain nous sera refusé, nous sommes condamnés à contempler cet espace monochrome. Devons nous l’observer comme l’icône suprématistes du carré noir sur fond blanc? Sommes-nous de le même état contemplatif que ce spectateur face aux œuvres de la Rothko Chapelles de Houston 1965-1967, une contemplation religieusement ?

    Dans les peintures de Hopper, les nombreux fonds rappellent l’écran de cinéma-le blanc d’un mur, le noir d’une vitre, la lumière d’une fenêtre sur le mur, une fenêtre ouverte sur le spectacle quotidien. L’homme urbain se fait spectateur du paysage urbain devenu tableau dans le cadre de la fenêtre. Sous la lumière du soleil, la ville ou la nature se fait spectacle et l’urbain spectateur. Les espaces sont très souvent construits comme des boîtes ouvertes vers l’extérieur par des fenêtres écrans, elles sont comparables au dispositif de la salle de cinéma, de la caméra obscura ou de l’appareil photographique :

    « Si exister, c’est être là dans le monde, […] alors il faut reconnaître que le monde du film n’est pas le lieu et le temps de l’existence présente du spectateur. (p. 65). « Stanley Cavell

    « le cinéma est une image mouvante du scepticisme » Stanley Cavell

    « le cinéma nous renvoie en même temps à l’expérience que nous faisons d’être convaincus de la réalité de ce que nous voyons tout en sachant qu’il ne s’agit que de cinéma » (p. 71)

    S. Cavell, The World Viewed. Reflections on the Ontology of Film, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1979 (1971) ; trad. fr. C. Fournier, La projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, Paris : Belin, 1999.

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    Des penseurs ont déjà réfléchi sur la solitude.

    « Si la solitude est fière, la société est vulgaire »

    L’homme a besoin du vêtement de la société, sinon on a l’impression de quelque chose de nu, de pauvre, d’un membre qui serait comme déplacé et dépouillé. Il doit être enveloppé d’arts et d’institutions, tout comme de vêtements corporels. De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégerez… Le défaut capital des natures froides et arides, c’est le manque d’énergie vitale. … L’énergie vitale constitue le pouvoir du présent, et ses hauts faits sont comme la structure…Le remède consiste à fortifier chacune de ces dispositions par l’autre… La conversation ne nous corrompra pas si nous venons dans le monde avec notre propre manière d’être et de parler, et l’énergie de la santé pour choisir ce qui est nôtre et rejeter ce qui ne l’est pas. La société nous est nécessaire ; mais que ce soit la société, et non le fait d’échanger des nouvelles, ou de manger au même plat. Être en société, est-ce s’asseoir sur une de vos chaises ? Je ne vais point chez mes parents les plus intimes, parce que je ne désire pas être seul. La société existe par affinités chimiques, et point autrement…Chaque conversation est une expérience magnétique…La solitude est impraticable, et la société fatale. Il nous faut tenir notre tête dans l’une, et nos mains dans l’autre. Nous y arriverons si, en gardant l’indépendance, nous ne perdons pas notre sympathie…

    Ralph Waldo Emerson Société et solitude .Traduction par Marie Dugard.
    Armand Collin, 1911 (pp. 3-14).
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    « Je boude la société, j’embrasse la solitude. »
    Ralph Waldo Emerson ; De l’amitié (1841) ».
    L’orgueil a perdu les anges.
    Ralph Waldo Emerson ; The sphinx (1841)

    L’essayiste, philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson écrit Société et Solitude.Il y résume toute sa vision du monde.la solitude comme thème occupe la première partie de l’ouvrage.La solitude pour  lui est  nécessaire dans le travail de création mais  ne peut être l’unique facteur.la relation avec autrui et les relations intersubjectives sont indispensables.

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    Rapprochement que fait Olivier Rey entre le tableau de Hopper Two on the Aisle  datant de 1927 ,Huile sur toile, 102×122 cm, Toledo Museum of Art (Ohio) et l’annonciation.

    « Certains parallèles sont susceptibles d’être établis. La femme seule, à droite du tableau de Hopper, est assise comme l’est Marie chez Angelico ; elle porte, comme elle, une robe rouge et un manteau bleu – couleurs reprises dans les frontières qui séparent l’espace où elle se tient de la salle : bleu du rebord de la baignoire, rouge de la moquette du couloir et de la tenture supérieure qui, de plus, reprend sous forme inversée la forme des arcatures qui surplombent la Vierge chez Angelico. Par ailleurs, cette femme seule lit, comme Marie lisait quand l’archange est apparu. La baignoire de théâtre où elle se trouve placée la sépare de la salle de la même façon que l’architecture à colonnes, chez Angelico, sépare Marie de l’espace extérieur – ici parterre d’herbe et de fleurs, là parterre de théâtre. Les deux personnages isolés en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme dans l’Annonciation du Prado (que Hopper avait pu contempler lors de son passage à Madrid, en 1910), 

    Annonciation, Fra Angelico, fresque, 157 x 187 cm, 1440-1441 – Florence, Couvent de Saint Marc,

    FRA ANGELICO, Annonciation, 1433-34 Tempera sur panneau, 175×180 cm, Musée diocésain de Cortone.

    FRA ANGELICO, Annonciation, avant 1435 Tempera sur panneau, 154×194 cm, Musée du Prado, Madrid.

    « Oui, ce sont là des Annonciations sans théologie ni promesse, mais non sans un reste d’espérance. » Yves BONNEFOY

    « la peinture [est] une opération centrale qui contribue à définir notre accès à l’Être.»Maurice MERLEAU-PONTY, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 2006, p. 30- 31.

    La composition de l’image reprend le dispositif spatial de l’annonciation comme de Fra Angelico, elle est sobre, austère. Mais rien ne s’annonce dans cette attente d’une société désormais sans archange, ni religion. Cet espace social Émile Dürkheim dans son étude sociologique sur le suicide en 1897 le décrit comme un « monde abandonné aux hommes seuls « . Le sociologue évoque la perte des « instances d’intégration » et « de régulation », l’effacement des valeurs  (morales, religieuses, et civiques.) désormais, nous sommes entrés dans un univers aux repères aléatoires, les limites sont devenues floues. Cette citadine souffrirait t’elle d’anomie.« (Du grec anomía, du préfixe ?a- « absence de »/ nómos « loi, ordre, structure » ). » Ressent-elle ce sentiment d’aliénation, d’irrésolution ? Dieu, autrefois, présent dans la vie sociale, structurait les relations humaines. On assiste au constat du « désenchantement du monde » diagnostique que fera le sociologue allemand Max Weber. Le monde est de plus en plus rationalisé. L’espace urbain est de plus en plus fonctionnaliste, toute magie semble avoir disparue. Y aura-t-il un salut pour l’homme moderne dans un monde urbain et technologique ? Elule explique « qu’il est vain de déblatérer contre le capitalisme ; ce n’est pas lui qui crée le monde, c’est la machine » L’homme est, selon lui, aliéné par la technique car il la sacralise.  » Il y a transfert du sacré dans la technique ». La ville devient, elle aussi, une machine à vivre ensemble. Une machinerie impersonnelle à habiter ? Un topos du logement dans l’habitat.

    Pour l’homme urbain dans ce monde de l’accélération essence du monde moderne selon le sociologue et philosophe Harmut Rosa, l’invention de l’automate, du fast-food, du speed-dating, du haut débit de l’Internet, permettrai un mode de restauration plus adapté à la vie urbaine et une source de progrès. « Pendant presque 40 ans, Hopper dans ses peintures choisit de représenter l’immobilité dans une société qui bouge. Ferait -il l’éloge de la lenteur acte de résistance passive contre ces changements destructeurs, cette pathologie de la modernité qu’évoque Harmut Rosa ? Nous n’avons plus de prise sur le monde. Ne souffrons-nous pas d’une pénurie de temps ? « L’accélération a « pétrifié » le temps.  » Le temps urbain n’est pas celui de la campagne qui vit avec harmonie au rythme de la nature. L’homme est désormais celui du flux et de la flexibilité, de la constante métamorphose, une » course effrénée à l’abîme »? Questionne le philosophe comme le peintre. Le « noyau de la modernisation » s’est en définitive « retourné contre le projet de la modernité ». Chez Hopper, la lumière solaire rythme le spectacle de la vie urbaine comme si l’homme urbain tentait de se mettre au diapason de l’univers, de la nature, nature cosmique. L’homme devient une plante, un organisme en quête de nature. Lire « La, photosynthèse de l’être ». Yves Bonnefoy.

    Chez Hopper le temps«  semble avoir gardé sa densité, sa part d’éternité. Le modernisme a tout craint ne laisse que le provisoire. La vrai modernité n’était elle pas pour l’artiste de « tirer l’éternel du transitoire.*« « La modernité, c’est le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable « Baudelaire,  Le Peintre de la vie moderne en 1863.

    « Si tout d’abord ce sont les innovations techniques qui ont permis le développement de nouvelles possibilités qui augmentaient le rythme de vie (par exemple, les transports), désormais l’accélération dans les trois domaines semble s’auto-alimenter, et ainsi, c’est l’accélération du rythme de vie qui peut devenir le moteur de nouvelles innovations techniques : nous ne supportons plus la lenteur, quelque soit le domaine concerné . »

    La ville est par excellence le lieu du mouvement, de la vitesse comme aimeront le capter les peintres futuristes. RUSSOLO représente le déplacement rapide d’une auto dans la ville :l‘accélération technique. Chez Hopper, les rues sont vides d’autos, aucun véhicule mobile.)
    3 dimensions selon Harmut Rosa de l’accélération sociale.
    Le « rythme de vie » s’accélère. Avec la modernité (notion reprise à Simmel).
    L’innovation technique permet la création constante du nouveau, le nouveau pour le nouveau. Les choses sont marquées par l’obsolescence et l’ephémérité.

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    « Il fallait connaître la loi de la gravitation pour construire des avions qui puissent justement la combattre efficacement ». P.Bourdieu

    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAccélération. Une critique sociale du temps (Beschleunigung. Die Veränderung des Zeitstrukturen in der Moderne) d’Hartmut Rosa. Traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte, « Théorie critique », 476 p.,
    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

    « Nous avons le sentiment de manquer de temps, tout en étant équipés de toujours plus d’appareils qui effectuent des tâches à notre place. « 

    La fuite en avant de la modernité
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/15/la-fuite-en-avant-de-la-modernite_1333903_3260.html#aDpwuSisB78gi0MW.99

    LA CITADINE DE HOPPER UNE FIGURE ALLEGORIQUE DE LA MELANCOLIE?

    Heidegger écrit « Sein  un Zeit », Être et Tempsen 1926.

    « la mélancolie est le germe de la lucidité dans la catastrophe de la modernité.« René Schérer, Guy Hocquenghem, L’Âme atomique, 1986, Albin Michel, p. 64, réédition aux éditions du Sandre.

    « Quelques mots reviennent sans cesse, lorsqu’il s’agit de décrire cette atmosphère : silence, vacuité, solitude, immobilité, inquiétante étrangeté du réel. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue » Olivier REY.

    « L’homme est à l’égal de l’univers l’énigme de l’infini et de l’éternité, et le grain de sable l’est à l’égal de l’homme »Pascal.

    « Malheur à qui n’a pas de chez soi »F.Nietzsche

    « Paris est une solitude peuplée » Franç0is Mauriac. New York est une solitude peuplée.

    « C’est dans les villes les plus peuplées qu’on peut trouver la plus grande solitude » Jean Racine.

    « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »Montaigne.

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    Aucun serveur ne viendra rompre ce moment de grande solitude. La proximité des habitants de la grande ville constate le philosophe Georg Simmel, dans son ouvrage « Les grandes villes et la vie de l’esprit »(1903) s’accompagne de distance psychologique, d’une »dépersonnalisation ». Contrairement à la campagne beaucoup plus fondée sur des relations sociales de type affectives, en ville, les relations sont fondées sur la rationalité ce qui engendre un « processus de désocialisation » du citadin. Les métropoles sont le règne de l’anonymat, de l’homme dans la foule, étranger aux autres et à lui-même. « La ville plonge l’homme dans l’abondance de matière humaine … Qui consomme notre possibilité relationnelle ? Elle fait de l’homme un quidam privé de repères. Cette femme devait trouver dans le bar, le restaurant, ces « machines relationnelles », ce dispositif particulier de la rencontre, un lieu d’ancrage, de pause, pour « son psychisme  » loin de « l’intensification de la vie nerveuse » qu’est la rue (Gorg Simmel) . Mais, ici, ce n’est plus ce Génius loci (un lieu signifiant qui aide l’homme à habiter). Cette femme habite t’elle le lieu, s’identifie-t-elle avec lui ?L’architecture doit être le lieu du rassemblement, de la convivialité, de l’échange, du partage, du goût, mais il est celui de la relation automatique avec la machine.

    Le self-service comme le selfie condamne chacun de nous par le média de l’automatisme mécanique à se séparer du vrai contact humain. À la même époque, Martin Heidegger critiquera la technique et questionnera la difficulté pour l’homme moderne « d’habiter le monde », un monde peuplé d’outils sur lesquels il doit agir, et qui rendre notre « ouverture à l’être » problématique. Le citadin moderne comme cette femme perdrait le sens de son propre être : nous serions dans « la facticité –(l’homme est un Dasein, jeté dans le monde sans qu’il n’ait choisi d’y être.) – la « déréliction » abandonnée, isolée. L’homme moderne est privé de tout secours. Cette vision pessimiste, est-elle partagée par Hopper ? Cette femme heidgerrienne et hopperienne ne serait -elle qu’en « transit », de passage, la figure du déracinement et de la contingence, apatride, atomisée dans un espace in hospitalier. « Le monde, serait une porte ouverte sur mille déserts muets et glacés ». L’homme sait qu’il est enfin seul dans l’immensité. »  expliquait Jacques Monod.

    La peinture d’Hopper illustre la couverture du Time Magazin pour illustrer le mal du siècle : « le spleen », la dépression, le stress, l’anxiété cette maladie moderne du citadin.

    .. Les 7 lampes, représentent-elles, les 7 jours de la semaine, une répétition continue du même, sorte de fatalité mécanique de la banalité du quotidien de l’homme en ville ? M. Heidegger expliquait que le quotidien nous enfonce dans un horizon limité. L’espace de la vitre noir et obscur, cette vaste nuit avec ses astres artificiels au-dessus de cette figure, évoque-t-il le « Nihilisme cosmique » auquel est confronté l’homme moderne, cette solitude (Einjamkeit) acosmique. Cette citadine, aurait-elle ce que Durkheim nomme « le mal de l’infini ».
    Dans New York Movies, aussi, le personnage féminin à l’identité inconnue est excentré dans le coin de la pièce près de la porte dans une position mélancolique et d’attente. Ennui, lassitude, elle ne jouit pas du divertissement nouveau (?). En marge du point de fuite, elle est éloignée de la foule qui de notre côté regarde l’écran de cinéma. Isolez, incarne t-elle la Blonde comme les stars américaines, ces figures de rêve du cinéma à la plastique parfaite comme Maryline à la vie intérieure si tragique.

    Déf : perspective : technique de la représentation en deux dimensions sur une surface plane des objets en 3D contenues dans un espace 3D, tels qu’ils apparaissent vus à une certaine distance et dans une position donnée par un spectateur unique. L’homme moderne de la renaissance était le centre d’un monde où tout se construisait à partir de son regard. La perspective, forme symbolique et politique, est née avec la représentation urbaine de la place, de l’agora, lieu, théâtre démocratique de l’échange marchand et du politique. Ici la perspective conduit vers le fond, un au-delà de l’image carré noir nihiliste de Malevitch ( ?). Dans ce monde capitalisme et individualiste, libérale, quand est-il de cet espace de liberté, d’échange entre citoyens de  « cet espace public (J. Habermas) ? Les nombreuses architectures solitaires, lieux de solitudes chez Hopper ne sont-ils pas le signe d’un nouveau totalitarisme ? Le rationalisme « la raison instrumentale » échec de la raison des lumières que critiqueront Horkeimer et Adorno après la guerre, dans la dialectique de la Raison. Cet usage de la raison ne mènera t-elle pas l’homme à la barbarie 10 ans plus tard ? L’homme dominateur de la nature, s’est fait dominateur de l’homme sur l’homme.

    « prose aplatie » Ponge Francis

    Une peinture aplatie ou en profondeur?

    « La tension entre la profondeur suggérée par la géométrie, et la planéité suggérée par le traitement de surfaces, rend malaisé au spectateur d’« entrer » dans le tableau. À cela s’ajoute que la perspective géométrique, affirmée comme elle l’est, est tenue pour rigoureuse, alors qu’une analyse précise révèle que tel n’est pas le cas. La difficulté du spectateur à se situer par rapport à ce qu’il voit, et à y participer trouve encore accentuée » Cité par olivier Rey.Jean Gillies, « The Timeless Space of Edward Hopper », Art Journal, vol. 31, n° 4, 1972, p. 404-412.

    Qu’en est-il chez Hopper de cette position traditionnelle du spectateur ? Ce dernier, est-il séparé de la scène soumis à la seule contemplation, nié comme dans la tradition picturale,ou  trouve t’il  sa place, intégré dans le tableau comme dans  la théâtralisation d’un Manet ou  la présence du spectateur est constitutive de l’oeuvre. Face à leur lecture, les personnages sont-il réellement absorbés dans leur lecture comme le philosophe de Chardin ? Les personnages dans la tradition picturale d’un Diderot, sont-ils en méditation, entre silence et oubli de soi ?

    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineQui a représenté son père lisant le journal ?Qui a représenté sa mère lisant le Figaro ?Qui a peint Les nouvelles du matin ?

    Edward Hopper : Room in New York, 1932. Crédits photo : © Sheldon Museum of Art

    Dans la peinture « Room in New York » de 1932, l’homme assis dans son fauteuil parcours un article de journal, absorbé par la lecture des événements relatés du réel historié, tandis qu’une femme, une E.Bovary pianote quelques notes musicales, pour passer peut-être ce temps du quotidien devenu trop long. Chacun à sa façon tente d’occuper ce temps devenu trop dense et épais. Le couple ne communique plus chacun positionné dans son espace personnel ; l’un est penché l’autre fait dos à l’autre :

    La femme est telle dans ce tableau de Hopper comparable à cet élément de mobilier, ce fauteuil qui porte la même couleur qu’elle, tout comme chez D. Hockney l’épouse potiche est dépeinte de façon humoristique par l’artiste anglais posée, là, frontale comparable à ce pot de fleurs sur la commode. Nous sommes loin de la mère du peintre lisant le Figaro.

    Afficher l'image d'origine  Afficher l'image d'origine

    « Un philosophe occupé de sa lecture » , Chardin , Salon de 1753″//Gerhard Richter, Betty, 1988, Huile sur toile, 102 x 60 cm Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum
    Cf. notion « d’absorbement«  , »d’anti-théâtralité » étudiée par Michael Fried – « La place du spectateur – Esthétique et origines de la peinture moderne », Ed : Gallimard, 1990.
    La perspective nous place comme le peintre, debout en face de la figure absorbée, dans la tradition du dispositif théâtral et émotif de la peinture Renaissante.(Cet espace était conçu à partir d’un spectateur abstrait et unique.

    Cette vision euclidienne  le XXe l’ aura brisé). Quand est-il de ce monde, de cette représentation en 1927, rendu obsolète  par la physique,  les mathématiques , le modernisme, et la photographie ( la vision-non euclidienne d’un spectateur mobile dans l’espace) .

    Il crée une peinture qui est « essentiellement de la photographie (…) littéraire au sens où la meilleur photographie est littéraire »[24].Peinture photographique documentaire?

    Une peinture  » photomatique » phantomatique?Le regard n’est -il pas devenu automatique avec l’invention de la photo, du cinéma dans cette société de l’image ?Nous sommes en face d’un automate. Un être Choséifié (Georg Lukács), un objet-humanoïde dans un espace humain réifié. Sommes-nous face à cette image dans une relation comparable à celles des machines impersonnelles de ce lieu, un spectateur automate ? Non, l’artiste nous incite à réfléchir, le temps de cette pose dans le continuum accéléré. Il incite à se mettre à distance avec la pensée automatique. Dans ce temps suspendu , il nous invite à créer de façon active un dialogue avec l’œuvre qui se fait énigme, réflexion sur le temps, la modernité. Qu’est devenu la relation entre spectateur et le tableau à l’heure de » la reproductibilité technique » et de » la perte de l’aura » ? (Benjamin).

    Qu’est devenu la femme dans cette société moderne ? Un jouet , un appât comparable à ces fruits disposés en vitrine, un objet de désir pour célibataire ? La femme est de dos. L’ambiguïté ne sera pas possible avec une femme légère attendant le client. L’homme, n’est -il pas devenu une simple chose dans cette société marchande ou selon Simmel dans la grande ville les relations sont construites à partir de l’intérêt « (la Ville comme monnaie) ? Ne présage-t-il pas des futurs dangers d’exploitation, d’extermination, à travers une anodine scène civilisée d’une femme prenant le thé ?

    La forme elliptique de la table esquisse autour du personnage un espace circulaire qui renforce ce retour vers-soi introspectif. ; cette bulle dont nous sommes exclues. La femme ici est une courbe pulpeuse comparable à ces fruits dans la coupe, une sensualité qui ne se laisse approchée.
    Le peintre se fait metteur en scène, en histoire…dans cet arrêt sur image, la peinture se fait -elle photogramme ?Ce lieu-tableau est il comparable au sentiment que ressent le personnage, l’artiste ? Est-il un véritable refuge ?La lumière : est zénithale, blafarde peut-être celle de néon n’a rien à voir avec la chaleur d’un éclairage tamisé et romantique. Vive, contrastée et glauque, elle écrase le personnage et donne aux teintes un caractère glacial et des ombres crues, violentes. La référence au cinéma de l’époque au film noir est évidente. L’usage chromatique, constitué en grands aplats tend vers des tons froids ? Rien dans cette toile ne serait réchauffé le lieu. Le chauffage semble bien dérisoire pour réchauffer la femme qui a gardée son manteau d’hiver.

    V) Interprétation :

    « Ce qu’on voit, ne loge jamais dans ce qu’on dit » Michel Foucault.
    « Vous me demandez de faire quelque chose qui est aussi difficile que de peindre : expliquer la peinture avec des mots ». E. Hopper

    « Le silence de l’œuvre répond au silence de l’artiste. Silence, on tourne !».
    « Lorsque des êtres humains figurent sur la toile, ils sont figés, paralysés pour l’éternité, l’humain…est absent à lui-même, absent aux autres… Vous devenez un voyeur et cela vous dérange. Vous, mais pas eux ! ».

    « l’œuvre de Hopper est toujours une expérience de l’être »

    Afficher l'image d'origineSunlight in a Cafeteria, 1958

    Dans cette scène nocturne, le peintre évoque à travers cette scène anodine d’une jeune femme attablée dans un bar, la vie dans la société américaine, l’isolement des êtres qui la peuplent. Le thème de la solitude, de l’isolement en soi dans l’espace urbain est un véritable leitmotiv dans son œuvre, confrontant la figure humaine à la géométrie froide de la ville. Hopper peint des images de la ville ou de la campagne, des espaces extérieurs et intérieurs aux formes très épurées, théâtrale qui condamne femmes et hommes à la tristesse sans espoirs, « tristesse de la chaire ».
    Cet être semble absorbé, absent au monde et aux autres, perdues dans ses pensées. Représente-t-elle la condition absurde de l’homme moderne, celui de l’homo urbanus? Ou celle de la femme ? Une représentation allégorique de l’aliénation.Le mot aliénation vient du latin alienus :« autre », « étranger », ce terme caractérise la dépossession de l’individu, une perte, l’inauthenticité de l’existence vécue : cette femme représente t’elle « Un esprit aliéné ou étranger à lui-même » , qui ne se sent pas chez lui dans le monde de l’effectivité.(Hegel). « Un personnage abîmé dans l’infini ?

    Cette femme semble complètement indifférente à tout ce qui l’entoure. L’aliénation déjà présente dans le milieu du travail , consécutive  de la division du travail mécanisé se poursuit dans l’espace publique de la ville. l‘aliénation est « l’état de l’individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de chose auquel il participe, mais qui le domine. » Dans cette société ultra-individualiste, le sens de la communion, de la sociabilité primitives semblent avoir disparue  L’homme , »cogito »,un « animal politique.« ne peut être heureux. Sans Dieu, sans sacralité, n’est-il pas condamné au spleen baudelairien ?(dépression). Le spectateur qui contemple la scène ne peut être mis qu’en face de sa propre solitude, ce qui lui fait défaut ? Heidegger montrera bien que cette société n’est plus celle de la Parole, mais du bavardage, celui de la circulation des banalités. Le penseur visionnaire Hopper nous parle de cette modernité en crise. « En éclaireur, visionnaire, son œuvre recèle une richesse insoupçonnée pour réorienter (sortir ?) d’une modernité à l’agonie.« 

    « Devant ce personnage, le mystère demeure, les questions restent sans réponse. Quelle histoire l’œuvre nous raconte-t-elle ? Pourquoi est-elle à ce point de transit ? Pourquoi une femme est-elle seule à cette heure ? Est-elle suspendue à son désir dans ce lieu de satisfaction mécanisée du besoin? »On ne désir dans un ensemble » qui coule dans un agencement «  »c’est construire un agencement », « une région » »on désir un paysage » un « contexte organisé », « autour de la chose sinon il est un désir insatisfait. »Le rendez-vous est-il un agencement. »Pourqu’un environnement se passe, il faut une différence de potentielle »

    Seule certitude, ce sentiment de solitude savamment construit par la composition picturale : cette peinture de genre illustre de manière symptomatique notre société d’hyperconsommation technique à venir (satisfaction des besoins automatisés) et cette inflation communicative (difficulté à faire communauté.)

    Le titre du tableau « automat » est donc ouvert aux deux significations possibles : il peut faire référence à l’endroit où se déroule la scène, mais il peut aussi faire permettre un rapprochement signifiant avec toutes les occurrences du terme  (Entre la femme et l’automatisme somatique, psychique et social/automatisme du geste du peintre, automatisme du regard … Nous savons depuis les études de Pierre Janet à Henri Wallon tous les ressorts de ce concept en psychologie, mais également depuis Descartes cette analyse du corps comme mécanique des passions. Qu’en est-il du désir et de la mécanique amoureuse ? et de la mécanique picturale (entre dispositif esthétique et stratégie des affects)
    « l‘automatisme ». H.Walon développe l’idée d’un  » automatisme artificiel, « un moyen dont dispose l’organisme pour gérer son rapport avec le milieu par la mise en forme précise de son activité de relation ». Toute la société fonctionne sur cette nécessité de la « plasticité « cette tension entre ce que Foucault nommera les structure de disciplination des corps (pouvoir instituant), il y a la loi de l’espace, la loi de l’espèce, la loi du tableau, la loi amoureuse (courtoisie), la loi du genre, celle du Logos (phalogocentrique) et toutes « ses forces destituantes« (Agamben), celle que permet à l’exemple de  la passante Baudelairienne qui « vous soulève », la rencontre amoureuse source d’espérance, de promesse  et de rêve (le regard qui se lève) et qui « vous soulève » mutuellement.Qu’en est-il du hasard de la rencontre, « Érotique-voilée » et « Magique-circonstancielle », étincelle  » coup de foudre « potentiel entre les deux conducteurs Nadja est exaltée et troublée, électrisée et déchirée.. »L’Amour fou, la notion de «hasard objectif10». La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout11le gant de bronze « pourquoi m’as-tu pris mes yeux » (22 octobre 1926) Ferme les yeux là deux minutes et pense. Qui vois-tu ? » (7 décembre 1926). ’Amour fou retrace la rencontre d’André Breton et de Jacqueline Lamba. « Entretien sur l’amour » ?[3][3]Il s’agit d’un texte intitulé « Erfharung » (« Expérience »).….

    le corps humain comme une machine autonome.ntretien sur l’amour » (1913)L’idée de bonheur que nous portons en nous est imprégnée par la couleur du temps qui nous est échu pour notre vie à nous. Un bonheur susceptible d’être l’objet de notre envie n’existera que dans un air qui aura été respiré par nous ; il n’existera qu’en compagnie de gens qui auraient pu nous adresser la parole à nous ; il n’existera enfin que grâce à des femmes dont les faveurs nous auront pu combler, nous. L’idée de bonheur enferme celle du salut, inéluctablement. Il en va de même pour l’idée du « passé ». L’image du salut en est la clé. N’est-ce pas la voix de nos amis que hante parfois un écho des voix de ceux qui nous ont précédés sur terre ? Et la beauté des femmes d’un autre âge, est-elle sans ressembler à celle de nos amies ? […] Il y a un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celles dont nous faisons partie nous-mêmes. Nous avons été attendus sur terre. Car il est dévolu à nous comme à chaque équipe humaine qui nous précéda, une parcelle du pouvoir messianique. Le passé la réclame, a droit sur elle.?[20]

     

    ise-meyer-les-yeux-decoupes-septembre-1927
    . Comme le peintre des circonstances dont parle Baudelaire, l’homme doit pouvoir s’adapter aux circonstances perpétuellement changeantes du réel. Mais qu’en est-il quand la rupture anthropologique se fait de façon si brutale, quand celle-ci mobilise avec la perte de « l’expérience » une vigilance de tous les instants? l »Automatisme surréaliste «L’automatisme psychique pur», comme pratique artistique sera aussi une façon de permettre de se libérer d’une forme de conscience normée, une méthode d’art dans laquelle l’artiste tentera de supprime le contrôle conscient sur le processus de fabrication à la même époque. libérérant l’homme contre une psyché réprimée , elle rend possible l’accès pour l’être à son subconscient.

    « cette Ariane auprès de laquelle pour la première fois et pour ne jamais plus l’oublier, je compris ce dont je ne connus que plus tard le nom : l’amour ». Dans un autre passage, l’auteur fait mention de l’« Éveil du sexe », du commencement de sa vie adulte : « C’est dans une de ces rues que plus tard je parcourus la nuit dans des errances qui n’en finissaient pas, que me surprit, lorsque ce fut l’époque, l’éveil du désir sexuel, et dans les plus étranges circonstances ».

    Peter Szondi : « C’est pour garder cette première image, qu’il ne faut pas perdre, parce qu’elle renferme l’avenir, que le don de se perdre devient l’objet du souhait. » ?[22][22]Dans sa brillante étude intitulée « Espoir dans le passé. À… Le désir amoureux est donc le principe où se situe la possibilité d’établir un système d’affinités transcendantales dans le monde des « choses qui ne sont plus ». C’est pour cela que, lisant le fragment intitulé « La fièvre », seule « la voix de la bien-aimée » est capable de réveiller les images de l’enfance dans « le cœur de l’homme ».

    46L’expérience qui déclenche l’éveil du passé dans Enfance berlinoise vers mil neuf cent n’est pas seulement d’ordre visuel, mais aussi d’ordre tactile. Dans le fragment intitulé « Le garde-manger », l’on peut lire es différentes formes d’amour. Ils en distinguent trois, à savoir, l’amour des époux (le mariage), l’amour des amis (l’amitié), et l’amour des parents (la maternité et la paternité). Agathon déclare : « Est-ce que l’amour est peut-être déjà un divers (ein Mannigfaltiges), et est-ce que notre pauvre langue se contente d’avoir un seul mot (mit einem Wort) pour désigner une pluralité (Vierlerlei) ? ». L’importance du « divers », en tant que matière destinée à une opération de synthèse, est centrale dans ce dialogue, car le « divers », constitué par les formes d’amour, vise à trouver un fondement de synthèse autre que l’entendement ou la sensibilité.« Mariage, amitié, maternité — toutes (ces formes) peuvent rester pures seulement là où il y a de l’amour — cependant ces formes ne sont pas elles-mêmes l’amour. » ?[25Dès lors, Agathon introduit dans le système graduel de l’amour le principe de la « jalousie » (Eifersucht). Il se demande ensuite s’il existe « un droit d’envier » (ein Recht zu neiden) « la présence et la propriété de l’être aimé » (die Gegenwart, den Besitz des Geliebten Wesens), question à laquelle le personnage de Vincent répond que « l’amour étant toujours un désir (Begehren) », il devrait donc s’associer nécessairement au rêve de posséder la présence de l’être aimé, d’avoir sa « proximité corporelle » (die Sehnsucht nach der körperlichen Nähe). Ensuite le personnage de Sophia interpelle ainsi ses interlocuteurs :

    e terme « désir » (Sehnsucht) signifie l’intensité d’une attente ardente et passionnée. Le caractère temporel de cette attente est celui d’une apparition éphémère advenant dans l’ultime « mot-image-vision » (Wort-Blick-Augen). Il s’agit d’une temporalité d’attente pure, instaurée par le dernier « au revoir » (das letzte Lebewohl). La question centrale qui se poserait ici serait celle d’identifier un fondement qui durerait dans une temporalité nouvelle et déconcertante, attachée à la présence fugace de l’être aimé.

    54Il est possible de constater que, dans la rédaction d’Enfance, Benjamin ne visait au fond que la possibilité de saisir la temporalité propre aux choses du passé. Autrement dit, le but de l’ouvrage était de saisir la temporalité concernant cette ultime trace de l’objet disparu, de même qu’en 1913, le philosophe définissait « la chose désirée autrefois n’étant plus désirée » (früher Begehrtes nicht mehr begehrt) par celui qui retrace les lignes de son passé. Benjamin écrivit dans Chronique berlinoise : « Ce qui pesait si effroyablement sur vous, c’était non pas ce qui vous attendait, pas plus à vrai dire que les adieux (d

    bschied) à ce qui était, mais ce qui persistait, ce qui durait » :

    55

    AGATHON : Cela pourrait être la raison pour laquelle il n’y a pas d’amour dans un dialogue. Là où j’aime, je m’imagine seulement moi-même et l’être aimé (Wo ich liebe, ich denke ich nur mich und das geliebte Wesen). Dans un dialogue, je dois pouvoir penser le monde.
    VINCENT : Dit au lieu de : où j’aime — où j’exprime mon amour, je suis d’accord avec toi. L’amour est quelque chose d’immanent, tu aimes une seule fois — et toujours — (du liebst einmal und immer).
    AGATHON : Qu’est-ce que tu veux dire par cela : « Toujours » ? Que l’amour serait éternel ? Ou bien qu’il ne serait pas possible d’aimer quelqu’un que j’aime toujours et à chaque instant ?
    SOPHIA : Tous les deux me semblent vrais. Amour est un continuum (Liebe ist ein Kontinuum). Je ne dois pas toujours penser à l’être aimé. Mais quand je pense à lui — je pense toujours en amour (Doch wenn ich ihn denke — so immer in Liebe). Et l’amour est éternel. Qu’est-ce qui existe de suffisamment fort pour faire éclater cet être (dieses Sein zu sprengen) ? ?[27]Le système des degrés de l’amour intercepté par la haine, aurait conféré à Benjamin, très tôt dans sa philosophie, une première esquisse désignant la possibilité d’une intégration extrême d’éléments qui sont en eux-mêmes uniques mais qui ont été pris par le flux irréversible d’une temporalisation éternelle. Cela parce que l’amour est une expérience ayant lieu dans la vie d’une personne « une seule fois et pour toujours » (einmal und immer). Le principe de l’amour témoigne de la possibilité de reproduire ce qui a été unique, auratique. Cette intégration extrême trouvera ensuite son modèle opératoire dans la synthèse chromatique, propre à l’imagination.C’est ainsi que l’idée d’un « être étant capable de faire éclater » (dieses Sein zu sprengen) le continuum temporel sera dès lors fondamentalement programmatique pour l’ensemble de la philosophie benjaminienne, et ce jusqu’à son interruption soudaine en 1940. Pour nous l’importance de pouvoir identifier sa première apparition lors de cet entretien daté de 1913, réside dans le fait que le concept de l’amour ainsi traité par le premier Benjamin, laisse déjà se profiler l’idée d’« origine » (Ur-sprung) qui fut aussi centrale dans le livre sur le Trauerspiel daté de 1925, et dans les thèses sur la philosophie de l’histoire datées de 1940, et publiées posthumes. Lisons donc la thèse n° XVII dans Sur le concephttps://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2008-1-page-79.htm

    Le peintre nous amène à nous demander comment la femme est arrivée dans ce lieu ? Le fait qu’elle n’ait enlevé qu’un seul gant laisse supposer qu’elle est pressée ou qu’elle vient d’arriver, mais suppose t’elle derrière ce geste une autre symbolique ? « Le langage des gants »:C’est un motif que l’on trouve dans la peinture renaissante, comme signe de prestige voir d’érotisme puissant et fétichiste  » La femme au gant »de Carolus Duran jusqu’au cinéma avec la célèbre chorégraphie de la croqueuse de diament dans « Les hommes préfèrent les blondes ».Dans la peinture du Titien, L’homme au gant, le personnage prenant la pose face au peintre a retiré un gant, tout comme Antea la figure féminine du Parmesan, dont la main dénudée, à la posture maniérée vient prendre la chaîne entre ses doigts.

    : une assiette vide est posée devant elle : peut-être a-t-elle déjà prise une tarte au distributeur ou attend t’elle dans ce vide d’un partage non encore satisfait : la tasse, ce geste suspendu, nous laisse penser qu’elle est là depuis un temps certain, impatience de l’attente. (?)

    Qui est cette femme ? Qui est le modèle ?
    Nous apprenons que c’est l’épouse de Hopper , Josephine, dite « Jo »,comme toujours qui lui a servie, ici , de modèle.Elle était sa muse et son « souffre-douleur «  »sadisme ordinaire, voire de violence physique. »..Très jalouse, elle ne pouvait être que le modèle du peintre. « Timide, solitaire et taiseux », Elle du s’effacer en tant que créatrice pour constribuer et assister la carrière de son époux. « Jo a sacrifié bien plus que quelques heures de son temps pour lui servir de modèle »

    .Même, si la jalousie la violence est la construction d’un monde de jalousie et de violence, le tableau en est-il le reflet ?

    Jo et Edward Hopper en 1927..Jo et Edward Hopper en 1927.

    La création d’une oeuvre comme dans un couple repose t’elle sur une attente, une entente?

    La biographie, la révélation de la vie relationelle de l’artiste, la mise à jour du non-dit à travers le écrits de Josephine, qu’elle a tenu pendant la majeur partie de sa vie  révèlant une relation troublée, rythmée de disputes, et parfois même de violences physiques réciproques serait-elle un éclairage vraiment éclairant pour mieux servir les attendues de l’oeuvre?. Connaître après coup, après la disparition des acteurs de la scène, les révélations post-mortem sous la forme d’un documentaire en 2020,ou d’écrit permettra d’élucider ce mystère des personnages que l’on ne sait pas expliquer. Connaître ce couple paradoxal » et conflictuel pourrait nous permettre de mieux percevoir, interpréter cette désincarnation des êtres, l’expression d’une vacance, d’une indécision constante, cette solitude si forte dans chaque au point de dd’avoir le sentiment d’un état d’éternel latence, de spectralité, un entre-deux silencieux (les personnages ne semble pas pouvoir parler, ni s’exprimer). Ces figure n’ on rien à ce dire au de-delà de l’insifiance? « Edward et Jo Hopper, un si violent silence », la muse et souffre-douleur du peintre ». Titre d’un articleE.dward et Jo Hopper, un si violent silence, écrit et réalisé par Catherine Aventurier, coécrit par Alexia Gaillard (Fr., 2020, 55 min)

    https://www.barnebys.fr/blog/jo-la-femme-derriere-la-carriere-dedward-hopper

    Dans Automate, Comme « Jo » était plus âgée que le modèle attendu, Hopper du en changer les traits : pouvoir qu’à l’artiste sur l’imaginaire du temps représenté ? Ce tableau n’est pas un instantané photographique à la Brassaï qui se déplaçant à la foule interlope des cafés parisiens capte un moment, une rencontre observée pour faire de cette vue singulière »un objet de luxe ».« J’aime le naturel: c’est que la personne vous regarde franchement. Le regard est ce qui est le plus important dans un visage. Il y a une espèce de solennité, de solitude quand on regarde un objectif. C’est presque de la sculpture. Et Hopper? Tout art, n’est-il qu’une construction fictionnelle qui nous parle du réel chez Hopper ?

    Nous donne-t-il une représentation de la femme moderne, telles ces femmes de Degas et Manet ? Le thème de la femme et la ville intéresse les artistes. « La femme à l’Absinthe » ou  » la femme à la prune » dépeignent la femme désœuvrée dans cette époque du désenchantement, elles sont comme hantés par des spêctres derridien, elles viennent hanter le tableau, comme un signe tangible d’une permanence de la condition féminine et amoureuse.(inoperosità) c’est le désoeuvrement.
    Et le spectateur ?
    À travers sa peinture, Hopper crée il chez l’autre de l’empathie pour cette femme, seule, là, le soir, perdue dans ses pensées. Si l’œuvre est la surface de projection, d’identification nous proposant un un espace libre, in-space d’inscription du spectateur qu’initait déjà E.Manet. Elle est également selon. G. Didi Huberman, un espace qui nous regarde. « Lèvera-t-elle les yeux à notre présence ? » ou nous laissera t’elle à notre altérité. Si pour Derrida “Autrui est secret parce qu’il est autre. Comme l’œuvre elle-même conservera-t-elle son secret (la beauté et l’expérience esthétique comme mystère, comme désir
    On peut d’ailleurs noter le choix du peintre, de ne rien laisser paraître de la nuit new-yorkaise : pourtant, les rues de cette grande cité sont toujours éclairées et lumineuses.

    Edward Hopper au milieu des objets | Strass de la philosophie

    strassdelaphilosophie.blogspot.com/…/edward-hopper-dans-lobjet.html

    22 nov. 2012 – Cette photosynthèse de l’être, comme le dit d’une très belle manière, encore, Yves Bonnefoy : « un être qui se tourne vers la lumière 

    Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue – Hal-SHS

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs…/Rey_Hopper-Annonciation.pd…

    de O Rey – ?2013

    1 févr. 2014 – 1 « Edward Hopper : la photosynthèse de l’Être », in Dessin, Couleur et ….. Comme l’écrit Yves Bonnefoy, la raison d’être de ces œuvres « est.

    The New York telephone buildingThe Paramount Building

    This view of midtown Manhattan looking southeast from Central Park was taken in May 1925.

    • Park Avenue’s first large skyscrapers, such as the 45 story Ritz tower (below) were completed in 1925
    • L’immeuble Haughwout à armature de fonte (cast-iron building), Greene Street, New York, 1857.
    • Daniel Burnham, Flatiron Building, 1902, New York, style Beaux-Arts
    • Cass Gilbert, Woolworth Building, 1913, New York, style néogothique
    • The Paramount Building, in 1926.
    • July 1927. The construction of the Morgan building can be seen in the centre, alongside the new Standard Oil building.
    • Chrysler  Building New York, 1929-30.

    le monde Hopperien avec sa géométrisation de l’espace pictural autour du fait architectural,  est symptomatique d’ un monde désormais construit au compas .Il  questionne le monde utopique ou dystopique de cette modernité qui se construit  sous ses yeux d’arpenteur . Il est le « peintre de la vie archi-moderne. »

    « Il me faut généralement plusieurs jours avant que d’identifier un sujet qui m’attire suffisamment, et je passe de longs moments à m’interroger sur le format de la toile qui lui conviendra, qui sera le plus en accord avec l’expression visuelle à laquelle je souhaite parvenir » E.Hopper

    Le tableau chez cet artiste est toujours soigneusement composé et jamais le fruit du hasard. Un tableau demande du temps avant de prendre forme ; il est le résultat de nombreuses esquisses préparatoires, le fruit d’un long mûrissement. Le peintre ne réalise que deux toiles par an. Ses cadrages photographiques à l’instar d’un Degas donnent souvent l’impression d’instantanéité photographique, de captation sur le vif, mais ses images ont l’immobilité factice des décors cinématographique. Tout comme le médium photographique influencera la pratique picturale des peintres du XIXe, le cinéma inspira l’atmosphère et la composition de l’image hopperienne.

    La partie gauche du tableau laisse un large espace vacant à angle droit, celui de l’entrée – Des lignes géométriques horizontales balayent l’espace, conduisent notre regard vers un escalier à la droite du tableau. La figure est condamnée à occuper cet entre-deux, un espace d’attente, entre le ciel obscur et sans étoile et ce sous-sol en hors-champ. Cette focalisation sur la vacuité de l’entrée de l’automat, suggère-t-il que l’être moderne est condamné à attendre ce qui ne viendra pas ? L’amour, le salut… Sommes-nous devant une Eve moderne sans son Adam, avec ses fruits de la tentation en vitrine ou une Madone seule sans son archange ? » Si Dieu, est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué !« (Gais sa voir: est-il encore possible d’espérer? Le peintre nous guide depuis l’entrée vers le personnage. Fermée à tout contact par sa circularité, elle nous renvoie directement à l’espace de départ.

    Afficher l'image d'origineedward-hopper-automat-1927 deux rangeesAfficher l'image d'origineKasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915, huile sur toileAfficher l'image d'origineCf. artifexinopere.com.

    Monochrome Noir«

    «  L’art nous apprend à voir les choses et non à simplement les conceptualiser ou les utiliser. » E. Cassirer, Essai sur l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1975, chapitre 9, pp.239-240.

    La Circularité de la table renforce cette claustration. La femme fait dos à l’extérieur. Elle n’attend donc rien du dehors.La perspective linéaire qu’esquisse les deux rangées de globes et le coin appuyé de la pièce conduit notre regard vers cet écran noir, opaque, monochrome et sombre qui plane au dessus du modèle. Le miroir de la vitrine nous renvoie à notre espace de simple spectateur. A la Renaissance, la construction en perspective-philosophie de l’espace et de la relation entre le sujet et le monde (E. Panofsky ) Guidait souvent par son point de fuite, le spectateur vers une fenêtre, un infini qu’elle questionnait. La perspective, dans la cité idéale de Paolo Francesca, conduisait cet hypothétique et abstrait spectateur vers la porte entre ouverte d’une architecture ou la porte d’un arc qui ouvre sur une autre porte. Le tableau renvoyait à un au-delà du tableau qui n’était plus celui de la transcendance.

    Erwin Panofsky - La Perspective comme forme symbolique - Et autres essais.

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    La perspective comme forme symbolique fut créé en même temps que la représentation de la cité de la place  (Alberti). Elle incarnait la reconnaissance de cet espace politique et marchand. Cet univers noir vers lequel nous guide cette construction représente t-il  le  vide, le néant, un espace du non -être,  sans dieu ni magie ?( Dans la peinture byzantine les « fonds abstrait et infini « traités sans profondeur ni inscription, étaient très souvent dorés et réservés pour signifié l’espace transcendant et surnaturel, à l’ère moderne, il est totalement objectivé. Pour cette Marie moderne, une annonciation est-elle encore possible dans ce monde de la pure immanence cartésienne où l’homme se fait le démiurge maître et possesseur de la nature »(Descartes.). En tant que spectateur, l’accès à l’humain nous sera refusé, nous sommes condamnés à contempler cet espace monochrome. Devons nous l’observer comme l’icône suprémactistes du carré noir sur fond blanc? Sommes-nous de le même état contemplatif que ce spectateur face aux œuvres de la Rothko Chapelles de Houston 1965-1967, une contemplation religieusement .?

    Dans les peintures de Hopper, les nombreux fonds rappellent l’écran de cinéma-le blanc d’un mur, le noir d’une vitre, la lumière d’une fenêtre sur le mur, une fenêtre ouverte sur le spectacle quotidien. L’homme urbain se fait spectateur du paysage urbain devenu tableau dans le cadre de la fenêtre. Sous la lumière du soleil, la ville ou la nature se fait spectacle et l’urbain spectateur. Les espaces sont très souvent construits comme des boîtes ouvertes vers l’extérieur par des fenêtres écrans, elles sont comparables au dispositif de la salle de cinéma, de la caméra obscura ou de l’appareil photographique :Résultat de recherche d'images pour "hopper peinture"

    « Si exister, c’est être là dans le monde, […] alors il faut reconnaître que le monde du film n’est pas le lieu et le temps de l’existence présente du spectateur. (p. 65). « Stanley Cavell

    « le cinéma est une image mouvante du scepticisme » Stanley Cavell

    « le cinéma nous renvoie en même temps à l’expérience que nous faisons d’être convaincus de la réalité de ce que nous voyons tout en sachant qu’il ne s’agit que de cinéma » (p. 71)

    S. Cavell, The World Viewed. Reflections on the Ontology of Film, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1979 (1971) ; trad. fr. C. Fournier, La projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, Paris : Belin, 1999.

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    Des penseurs ont déjà réfléchi sur la solitude.

    « Si la solitude est fière, la société est vulgaire »

    L’homme a besoin du vêtement de la société, sinon on a l’impression de quelque chose de nu, de pauvre, d’un membre qui serait comme déplacé et dépouillé. Il doit être enveloppé d’arts et d’institutions, tout comme de vêtements corporels. De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégerez… Le défaut capital des natures froides et arides, c’est le manque d’énergie vitale. … L’énergie vitale constitue le pouvoir du présent, et ses hauts faits sont comme la structure…Le remède consiste à fortifier chacune de ces dispositions par l’autre… La conversation ne nous corrompra pas si nous venons dans le monde avec notre propre manière d’être et de parler, et l’énergie de la santé pour choisir ce qui est nôtre et rejeter ce qui ne l’est pas. La société nous est nécessaire ; mais que ce soit la société, et non le fait d’échanger des nouvelles, ou de manger au même plat. Être en société, est-ce s’asseoir sur une de vos chaises ? Je ne vais point chez mes parents les plus intimes, parce que je ne désire pas être seul. La société existe par affinités chimiques, et point autrement…Chaque conversation est une expérience magnétique…La solitude est impraticable, et la société fatale. Il nous faut tenir notre tête dans l’une, et nos mains dans l’autre. Nous y arriverons si, en gardant l’indépendance, nous ne perdons pas notre sympathie…

    Ralph Waldo Emerson Société et solitude .Traduction par Marie Dugard.
    Armand Collin, 1911 (pp. 3-14).
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    « Je boude la société, j’embrasse la solitude. »
    Ralph Waldo Emerson ; De l’amitié (1841) ».
    L’orgueil a perdu les anges.
    Ralph Waldo Emerson ; The sphinx (1841)

    L’essayiste, philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson écrit Société et Solitude.Il y résume toute sa vision du monde.la solitude comme thème occupe la première partie de l’ouvrage.La solitude pour  lui est  nécessaire dans le travail de création mais  ne peut être l’unique facteur.la relation avec autrui et les relations intersubjectives sont indispensables.

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    Rapprochement que fait Olivier Rey entre le tableau de Hopper Two on the Aisle  datant de 1927 ,Huile sur toile, 102×122 cm, Toledo Museum of Art (Ohio) et l’annonciation.

    « Certains parallèles sont susceptibles d’être établis. La femme seule, à droite du tableau de Hopper, est assise comme l’est Marie chez Angelico ; elle porte, comme elle, une robe rouge et un manteau bleu – couleurs reprises dans les frontières qui séparent l’espace où elle se tient de la salle : bleu du rebord de la baignoire, rouge de la moquette du couloir et de la tenture supérieure qui, de plus, reprend sous forme inversée la forme des arcatures qui surplombent la Vierge chez Angelico. Par ailleurs, cette femme seule lit, comme Marie lisait quand l’archange est apparu. La baignoire de théâtre où elle se trouve placée la sépare de la salle de la même façon que l’architecture à colonnes, chez Angelico, sépare Marie de l’espace extérieur – ici parterre d’herbe et de fleurs, là parterre de théâtre. Les deux personnages isolés en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme dans l’Annonciation du Prado (que Hopper avait pu contempler lors de son passage à Madrid, en 1910), 

    Annonciation, Fra Angelico, fresque, 157 x 187 cm, 1440-1441 – Florence, Couvent de Saint Marc,

    FRA ANGELICO, Annonciation, 1433-34 Tempera sur panneau, 175×180 cm, Musée diocésain de Cortone.

    FRA ANGELICO, Annonciation, avant 1435 Tempera sur panneau, 154×194 cm, Musée du Prado, Madrid.

    « Oui, ce sont là des Annonciations sans théologie ni promesse, mais non sans un reste d’espérance. » Yves BONNEFOY

    « la peinture [est] une opération centrale qui contribue à définir notre accès à l’Être.»Maurice MERLEAU-PONTY, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 2006, p. 30- 31.

    La composition de l’image reprend le dispositif spatial de l’annonciation comme de Fra Angelico, elle est sobre, austère. Mais rien ne s’annonce dans cette attente d’une société désormais sans archange, ni religion. Cet espace social Emile Durkheim dans son étude sociologique sur le suicide en 1897 le décrit comme un « monde abandonné aux hommes seuls « . Le sociologue évoque la perte des « instances d’intégration » et « de régulation », l’effacement des valeurs  (morales, religieuses, et civiques.) Désormais, nous sommes entrés dans un univers aux repères aléatoires, les limites sont devenues floues. Cette citadine souffrirait t’elle d’anomie.« (Du grec anomía, du préfixe ? a- « absence de » et ????? / nómos « loi, ordre, structure »). » Ressentelle  ce sentiment  d‘aliénation, d’irrésolution. Dieu, autrefois, présent dans la vie sociale, structurait les relations humaines. On assiste au constat du « désenchantement du monde » diagnostique que fera le sociologue allemand Max Weber. Le monde est de plus en plus rationalisé. L’espace urbain est de plus en plus fonctionnaliste, toute magie semble avoir disparue. Y aura-t-il un salut pour l’homme moderne dans un monde urbain et technologique ? Elule explique « qu’il est vain de déblatérer contre le capitalisme ; ce n’est pas lui qui crée le monde, c’est la machine » L’homme est, selon lui, aliéné par la technique car il la sacralise.  » Il y a transfert du sacré dans la technique ». La ville devient, elle aussi, une machine à vivre ensemble. Une  machinerie impersonnelle à habiter ? Un topos du logement dans l’habitat.

    Pour l’homme urbain dans ce monde de l’accélération essence du monde moderne selon le sociologue et philosophe Harmut Rosa, l’invention de l’automat, du fast-food, du speed-dating, du haut débit de l’Internet, permettrai un mode de restauration plus adapté à la vie urbaine et une source de progrès.« Pendant presque 40 ans, Hopper dans ses peintures choisit de représenter l’immobilité dans une société qui bouge. Ferait -il l’éloge de la lenteur acte de résistance passive contre ces changements destructeurs, cette pathologie de la modernité qu’évoque Harmut Rosa ? Nous n’avons plus de prise sur le monde. Ne souffrons-nous pas d’une pénurie de temps ? « L’accélération a « pétrifié » le temps.  » Le temps urbain n’est pas celui de la campagne qui vit avec harmonie au rythme de la nature. L’homme est désormais celui du flux et de la flexibilité, de la constante métamorphose, une » course effrénée à l’abîme »? Questionne le philosophe comme le peintre. Le « noyau de la modernisation » s’est en définitive « retourné contre le projet de la modernité ». Chez Hopper, la lumière solaire rythme le spectacle de la vie urbaine comme si l’homme urbain tentait de se mettre au diapason de l’univers, de la nature, nature cosmique. L’homme devient une plante, un organisme en quête de nature. Lire « La, photosynthèse de l’être ». Yves Bonnefoy.

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    Chez Hopper le temps«  semble avoir gardé sa densité, sa part d’éternité. Le modernisme a tout craint ne laisse que le provisoire. La vrai modernité n’était elle pas pour l’artiste de « tirer l’éternel du transitoire.*« « La modernité, c’est le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable « Baudelaire,  Le Peintre de la vie moderne en 1863.

    « Si tout d’abord ce sont les innovations techniques qui ont permis le développement de nouvelles possibilités qui augmentaient le rythme de vie (par exemple, les transports), désormais l’accélération dans les trois domaines semble s’auto-alimenter, et ainsi, c’est l’accélération du rythme de vie qui peut devenir le moteur de nouvelles innovations techniques : nous ne supportons plus la lenteur, quelque soit le domaine concerné . »

    La ville est par excellence le lieu du mouvement, de la vitesse comme aimeront le capter les peintres futuristes. (RUSSOLO  représente le déplacement rapide  d’une auto dans  la ville:l’accélération technique. Chez Hopper les rues sont vides d’autos, aucun véhicule mobile.)

    3 dimensions selon Harmut Rosa de l’accélération sociale.

    le « rythme de vie »s’accélère. avec la modernité (notion reprise à Simmel).

    L’innovation technique permet la création constante du nouveau, le nouveau pour le nouveau.Les choses sont marquées par l’obsolescence et l’ephémérité.

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    « Il fallait connaître la loi de la gravitation pour construire des avions qui puissent justement la combattre efficacement ». P.Bourdieu

    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAccélération. Une critique sociale du temps (Beschleunigung. Die Veränderung des Zeitstrukturen in der Moderne) d’Hartmut Rosa. Traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte, « Théorie critique », 476 p.,
    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

    « Nous avons le sentiment de manquer de temps, tout en étant équipés de toujours plus d’appareils qui effectuent des tâches à notre place. « 

    La fuite en avant de la modernité
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/15/la-fuite-en-avant-de-la-modernite_1333903_3260.html#aDpwuSisB78gi0MW.99

    LA CITADINE DE HOPPER UNE FIGURE ALLEGORIQUE DE LA MELANCOLIE?

    Heidegger écrit « Sein  un Zeit », Être et Tempsen 1926.

    « la mélancolie est le germe de la lucidité dans la catastrophe de la modernité.« René Schérer, Guy Hocquenghem, L’Âme atomique, 1986, Albin Michel, p. 64, réédition aux éditions du Sandre.

    « Quelques mots reviennent sans cesse, lorsqu’il s’agit de décrire cette atmosphère : silence, vacuité, solitude, immobilité, inquiétante étrangeté du réel. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY.

    « L’homme est à l’égal de l’univers l’énigme de l’infini et de l’éternité, et le grain de sable l’est à l’égal de l’homme »Pascal.

    « Malheur à qui n’a pas de chez soi »F.Nietzsche

    « Paris est une solitude peuplée » Franç0is Mauriac. New York est une solitude peuplée.

    « C’est dans les villes les plus peuplées qu’on peut trouver la plus grande solitude » Jean Racine.

    « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »Montaigne.

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    Aucun serveur ne viendra rompre ce moment de grande solitude. La proximité des habitants de la grande ville constate le philosophe Georg Simmel, dans son ouvrage « Les grandes villes et la vie de l’esprit »(1903) s’accompagne de distance psychologique, d’une »dépersonnalisation ». Contrairement à la campagne beaucoup plus fondée sur des relations sociales de type affectives, en ville, les relations sont fondées sur la rationalité ce qui engendre un « processus de désocialisation » du citadin. Les métropoles sont le règne de l’anonymat, de l’homme dans la foule, étranger aux autres et à lui-même.  « La ville plonge l’homme dans l’abondance de matière humaine … Qui consomme notre possibilité relationnelle ? Elle fait de l’homme un quidam privé de repères. Cette femme devait trouver dans le bar, le restaurant, ces « machines relationnelles », ce dispositif particulier de la rencontre, un lieu d’ancrage, de pause, pour « son psychisme  » loin de « l’intensification de la vie nerveuse » qu’est la rue (Gorg Simmel) . Mais, ici, ce n’est plus ce Génius loci (un lieu signifiant qui aide l’homme à habiter). Cette femme habite t’elle le lieu, s’identifie t-elle avec lui ?

    L’architecture doit être le lieu du rassemblement , de la convivialité, de l’échange , du partage, du goût, mais il est celui de la relation automatique avec la machine.

    Le self-service comme le selfie condamne chacun de nous par le média de l’automatisme mécanique à se séparer du vrai contact humain. À la même époque, Martin Heidegger critiquera la technique et questionnera la difficulté pour l’homme moderne « d’habiter le monde », un monde peuplé d’outils sur lesquels il doit agir, et qui rendre notre « ouverture à l’être » problématique. Le citadin moderne comme cette femme perdrait le sens de son propre être : nous serions dans « la facticité –(l’homme est un Dasein, jeté dans le monde sans qu’il n’ait choisi d’y être.) – la « déréliction » abandonnée, isolée. L’homme moderne est privé de tout secours. Cette vision pessimiste, est-elle partagée par Hopper ? Cette femme heidgerrienne et hopperienne ne serait -elle qu’en « transit », de passage, la figure du déracinement et de la contingence, apatride, atomisée dans un espace in hospitalier. « Le monde, serait une porte ouverte sur mille déserts muets et glacés ». L’homme sait qu’il est enfin seul dans l’immensité. »  Expliquait Jacques Monod.

    La peinture d’Hopper illustre la couverture du Time Magazin pour illustrer le mal du siècle : « le spleen », la dépression, le stress, l’anxiété cette maladie moderne du citadin.

    .. Les 7 lampes, représentent-elles, les 7 jours de la semaine, une répétition continue du même, sorte de fatalité mécanique de la banalité du quotidien de l’homme en ville ? M. Heidegger expliquait que le quotidien nous enfonce dans un horizon limité. L’espace de la vitre noir et obscur, cette vaste nuit avec ses astres artificiels au-dessus de cette figure, évoque-t-il le « Nihilisme cosmique » auquel est confronté l’homme moderne, cette solitude (Einjamkeit) acosmique. Cette citadine, aurait-elle ce que Durkheim nomme « le mal de l’infini ».
    Dans New York Movies, aussi, le personnage féminin à l’identité inconnue est excentré dans le coin de la pièce près de la porte dans une position mélancolique et d’attente. Ennui, lassitude, elle ne jouit pas du divertissement nouveau (?). En marge du point de fuite, elle est éloignée de la foule qui de notre côté regarde l’écran de cinéma. Isolez, incarne t-elle la Blonde comme les stars américaines, ces figures de rêve du cinéma à la plastique parfaite comme Maryline à la vie intérieure si tragique.

    Déf : perspective : technique de la représentation en deux dimensions sur une surface plane des objets en 3D contenues dans un espace 3D, tels qu’ils apparaissent vus à une certaine distance et dans une position donnée par un spectateur unique. L’homme moderne de la renaissance était le centre d’un monde où tout se construisait à partir de son regard. La perspective, forme symbolique et politique, est née avec la représentation urbaine de la place, de l’agora, lieu, théâtre démocratique de l’échange marchand et du politique. Ici la perspective conduit vers le fond, un au-delà de l’image carré noir nihiliste de Malevitch ( ?). Dans ce monde capitalisme et individualiste, libérale, quand est-il de cet espace de liberté, d’échange entre citoyens de  « cet espace public (J. Habermas) ? Les nombreuses architectures solitaires, lieux de solitudes chez Hopper ne sont-ils pas le signe d’un nouveau totalitarisme ? Le rationalisme « la raison instrumentale » échec de la raison des lumières que critiqueront Horkeimer et Adorno après la guerre, dans la dialectique de la Raison. Cet usage de la raison ne mènera t-elle pas l’homme à la barbarie 10 ans plus tard ? L’homme dominateur de la nature, s’est fait dominateur de l’homme sur l’homme.

    « prose aplatie » Ponge Francis

    Une peinture aplatie ou en profondeur?

    « La tension entre la profondeur suggérée par la géométrie, et la planéité suggérée par le traitement de surfaces, rend malaisé au spectateur d’« entrer » dans le tableau. À cela s’ajoute que la perspective géométrique, affirmée comme elle l’est, est tenue pour rigoureuse, alors qu’une analyse précise révèle que tel n’est pas le cas. La difficulté du spectateur à se situer par rapport à ce qu’il voit, et à y participer trouve encore accentuée » Cité par olivier Rey.Jean Gillies, « The Timeless Space of Edward Hopper », Art Journal, vol. 31, n° 4, 1972, p. 404-412.

    Qu’en est-il chez Hopper de cette position traditionnelle du spectateur ? Ce dernier, est-il séparé de la scène soumis à la seule contemplation, nié comme dans la tradition picturale,ou  trouve t’il  sa place, intégré dans le tableau comme dans  la théâtralisation d’un Manet ou  la présence du spectateur est constitutive de l’oeuvre. Face à leur lecture, les personnages sont-il réellement absorbés dans leur lecture comme le philosophe de Chardin ? Les personnages dans la tradition picturale d’un Diderot, sont-ils en méditation, entre silence et oubli de soi ?

    Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineQui a représenté son père lisant le journal ?Qui a représenté sa mère lisant le Figaro ?Qui a peint Les nouvelles du matin ?

    Edward Hopper : Room in New York, 1932. Crédits photo : © Sheldon Museum of Art

    Dans la peinture « Room in New York » de 1932, l’homme assis dans son fauteuil parcours un article de journal, absorbé par la lecture des événements relatés du réel historié, tandis qu’une femme, une E.Bovary pianote quelques notes musicales, pour passer peut-être ce temps du quotidien devenu trop long. Chacun à sa façon tente d’occuper ce temps devenu trop dense et épais. Le couple ne communique plus chacun positionné dans son espace personnel ; l’un est penché l’autre fait dos à l’autre :

    La femme est telle dans ce tableau de Hopper comparable à cet élément de mobilier, ce fauteuil qui porte la même couleur qu’elle, tout comme chez D. Hockney l’épouse potiche est dépeinte de façon humoristique par l’artiste anglais posée, là, frontale comparable à ce pot de fleurs sur la commode. Nous sommes loin de la mère du peintre lisant le Figaro.

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    « Un philosophe occupé de sa lecture » , Chardin , Salon de 1753″//Gerhard Richter, Betty, 1988, Huile sur toile, 102 x 60 cm Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum
    Cf. notion « d’absorbement«  , »d’anti-théâtralité » étudiée par Michael Fried – « La place du spectateur – Esthétique et origines de la peinture moderne », Ed : Gallimard, 1990.
    La perspective nous place comme le peintre, debout en face de la figure absorbée, dans la tradition du dispositif théâtral et émotif de la peinture Renaissante.(Cet espace était conçu à partir d’un spectateur abstrait et unique.

    Cette vision euclidienne  le XXe l’ aura brisé). Quand est-il de ce monde, de cette représentation en 1927, rendu obsolète  par la physique,  les mathématiques , le modernisme, et la photographie ( la vision-non euclidienne d’un spectateur mobile dans l’espace) .

    Il crée une peinture qui est « essentiellement de la photographie (…) littéraire au sens où la meilleur photographie est littéraire »[24].Peinture photographique documentaire?

    Une peinture  » photomatique » phantomatique?Le regard n’est -il pas devenu automatique avec l’invention de la photo, du cinéma dans cette société de l’image ?Nous sommes en face d’un automate. Un être Choséifié (Georg Lukács), un objet-humanoïde dans un espace humain réifié. Sommes-nous face à cette image dans une relation comparable à celles des machines impersonnelles de ce lieu, un spectateur automate ? Non, l’artiste nous incite à réfléchir, le temps de cette pose dans le continuum accéléré. Il incite à se mettre à distance avec la pensée automatique. Dans ce temps suspendu , il nous invite à créer de façon active un dialogue avec l’œuvre qui se fait énigme, réflexion sur le temps, la modernité. Qu’est devenu la relation entre spectateur et le tableau à l’heure de » la reproductibilité technique » et de » la perte de l’aura » ? (Benjamin).

    Qu’est devenu la femme dans cette société moderne ? Un jouet , un appât comparable à ces fruits disposés en vitrine, un objet de désir pour célibataire ? La femme est de dos. L’ambiguïté ne sera pas possible avec une femme légère attendant le client. L’homme, n’est -il pas devenu une simple chose dans cette société marchande ou selon Simmel dans la grande ville les relations sont construites à partir de l’intérêt « (la Ville comme monnaie) ? Ne présage-t-il pas des futurs dangers d’exploitation, d’extermination, à travers une anodine scène civilisée d’une femme prenant le thé ?

    La forme elliptique de la table esquisse autour du personnage un espace circulaire qui renforce ce retour vers-soi introspectif. ; cette bulle dont nous sommes exclues. La femme ici est une courbe pulpeuse comparable à ces fruits dans la coupe, une sensualité qui ne se laisse approchée.
    Le peintre se fait metteur en scène, en histoire…dans cet arrêt sur image, la peinture se fait -elle photogramme ?Ce lieu-tableau est il comparable au sentiment que ressent le personnage, l’artiste ? Est-il un véritable refuge ?La lumière : est zénithale, blafarde peut-être celle de néon n’a rien à voir avec la chaleur d’un éclairage tamisé et romantique. Vive, contrastée et glauque, elle écrase le personnage et donne aux teintes un caractère glacial et des ombres crues, violentes. La référence au cinéma de l’époque au film noir est évidente. L’usage chromatique, constitué en grands aplats tend vers des tons froids ? Rien dans cette toile ne serait réchauffé le lieu. Le chauffage semble bien dérisoire pour réchauffer la femme qui a gardée son manteau d’hiver.

    V) Interprétation :

    « Ce qu’on voit, ne loge jamais dans ce qu’on dit » Michel Foucault.
    « Vous me demandez de faire quelque chose qui est aussi difficile que de peindre : expliquer la peinture avec des mots ». E. Hopper

    « Le silence de l’œuvre répond au silence de l’artiste. Silence, on tourne !».
    « Lorsque des êtres humains figurent sur la toile, ils sont figés, paralysés pour l’éternité, l’humain…est absent à lui-même, absent aux autres… Vous devenez un voyeur et cela vous dérange. Vous, mais pas eux ! ».

    « l’œuvre de Hopper est toujours une expérience de l’être »

    Afficher l'image d'origineSunlight in a Cafeteria, 1958

    Dans cette scène nocturne, le peintre évoque à travers cette scène anodine d’une jeune femme attablée dans un bar, la vie dans la société américaine, l’isolement des êtres qui la peuplent. Le thème de la solitude, de l’isolement en soi dans l’espace urbain est un véritable leitmotiv dans son œuvre, confrontant la figure humaine à la géométrie froide de la ville. Hopper peint des images de la ville ou de la campagne, des espaces extérieurs et intérieurs aux formes très épurées, théâtrale qui condamne femmes et hommes à la tristesse sans espoirs, « tristesse de la chaire ».
    Cet être semble absorbé, absent au monde et aux autres, perdues dans ses pensées. Représente-t-elle la condition absurde de l’homme moderne, celui de l’homo urbanus? Ou celle de la femme ? Une représentation allégorique de l’aliénation.Le mot aliénation vient du latin alienus :« autre », « étranger », ce terme caractérise la dépossession de l’individu, une perte, l’inauthenticité de l’existence vécue : cette femme représente t’elle « Un esprit aliéné ou étranger à lui-même » , qui ne se sent pas chez lui dans le monde de l’effectivité.(Hegel). « Un personnage abîmé dans l’infini ?

    Cette femme semble complètement indifférente à tout ce qui l’entoure. L’aliénation déjà présente dans le milieu du travail , consécutive  de la division du travail mécanisé se poursuit dans l’espace publique de la ville. l‘aliénation est « l’état de l’individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de chose auquel il participe, mais qui le domine. » Dans cette société ultra-individualiste, le sens de la communion, de la sociabilité primitives semblent avoir disparue  L’homme , »cogito »,un « animal politique.« ne peut être heureux. Sans Dieu, sans sacralité, n’est-il pas condamné au spleen baudelairien ?(dépression). Le spectateur qui contemple la scène ne peut être mis qu’en face de sa propre solitude, ce qui lui fait défaut ? Heidegger montrera bien que cette société n’est plus celle de la Parole, mais du bavardage, celui de la circulation des banalités. Le penseur visionnaire Hopper nous parle de cette modernité en crise. « En éclaireur, visionnaire, son œuvre recèle une richesse insoupçonnée pour réorienter (sortir ?) d’une modernité à l’agonie.« 

    « Devant ce personnage, le mystère demeure, les questions restent sans réponse. Quelle histoire l’œuvre nous raconte-t-elle ? Pourquoi est-elle à ce point de transit ? Pourquoi une femme est-elle seule à cette heure ? Est-elle suspendue à son désir dans ce lieu de satisfaction mécanisée du besoin? »On ne désir dans un ensemble » qui coule dans un agencement «  »c’est construire un agencement », « une région » »on désir un paysage » un « contexte organisé », « autour de la chose sinon il est un désir insatisfait. »Le rendez-vous est-il un agencement. »Pourqu’un environnement se passe, il faut une différence de potentielle »

    Seule certitude, ce sentiment de solitude savamment construit par la composition picturale : cette peinture de genre illustre de manière symptomatique notre société d’hyperconsommation technique à venir (satisfaction des besoins automatisés) et cette inflation communicative (difficulté à faire communauté.)

    Le titre du tableau « automat » est donc ouvert aux deux significations possibles : il peut faire référence à l’endroit où se déroule la scène, mais il peut aussi faire permettre un rapprochement signifiant avec toutes les occurrences du terme  (Entre la femme et l’automatisme somatique, psychique et social/automatisme du geste du peintre, automatisme du regard … Nous savons depuis les études de Pierre Janet à Henri Wallon tous les ressorts de ce concept en psychologie, mais également depuis Descartes cette analyse du corps comme mécanique des passions. Qu’en est-il du désir et de la mécanique amoureuse ? et de la mécanique picturale (entre dispositif esthétique et stratégie des affects)
    « l‘automatisme ». H.Walon développe l’idée d’un  » automatisme artificiel, « un moyen dont dispose l’organisme pour gérer son rapport avec le milieu par la mise en forme précise de son activité de relation ». Toute la société fonctionne sur cette nécessité de la « plasticité « cette tension entre ce que Foucault nommera les structure de disciplination des corps (pouvoir instituant), il y a la loi de l’espace, la loi de l’espèce, la loi du tableau, la loi amoureuse (courtoisie), la loi du genre, celle du Logos (phalogocentrique) et toutes « ses forces destituantes« (Agamben), celle que permet à l’exemple de  la passante Baudelairienne qui « vous soulève », la rencontre amoureuse source d’espérance, de promesse  et de rêve (le regard qui se lève) et qui « vous soulève » mutuellement.Qu’en est-il du hasard de la rencontre, « Érotique-voilée » et « Magique-circonstancielle », étincelle  » coup de foudre « potentiel entre les deux conducteurs Nadja est exaltée et troublée, électrisée et déchirée.. »L’Amour fou, la notion de «hasard objectif10». La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout11le gant de bronze « pourquoi m’as-tu pris mes yeux » (22 octobre 1926) Ferme les yeux là deux minutes et pense. Qui vois-tu ? » (7 décembre 1926). ’Amour fou retrace la rencontre d’André Breton et de Jacqueline Lamba. « Entretien sur l’amour » ?[3][3]Il s’agit d’un texte intitulé « Erfharung » (« Expérience »).….

    le corps humain comme une machine autonome.ntretien sur l’amour » (1913)L’idée de bonheur que nous portons en nous est imprégnée par la couleur du temps qui nous est échu pour notre vie à nous. Un bonheur susceptible d’être l’objet de notre envie n’existera que dans un air qui aura été respiré par nous ; il n’existera qu’en compagnie de gens qui auraient pu nous adresser la parole à nous ; il n’existera enfin que grâce à des femmes dont les faveurs nous auront pu combler, nous. L’idée de bonheur enferme celle du salut, inéluctablement. Il en va de même pour l’idée du « passé ». L’image du salut en est la clé. N’est-ce pas la voix de nos amis que hante parfois un écho des voix de ceux qui nous ont précédés sur terre ? Et la beauté des femmes d’un autre âge, est-elle sans ressembler à celle de nos amies ? […] Il y a un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celles dont nous faisons partie nous-mêmes. Nous avons été attendus sur terre. Car il est dévolu à nous comme à chaque équipe humaine qui nous précéda, une parcelle du pouvoir messianique. Le passé la réclame, a droit sur elle.?[20]

     

    ise-meyer-les-yeux-decoupes-septembre-1927
    . Comme le peintre des circonstances dont parle Baudelaire, l’homme doit pouvoir s’adapter aux circonstances perpétuellement changeantes du réel. Mais qu’en est-il quand la rupture anthropologique se fait de façon si brutale, quand celle-ci mobilise avec la perte de « l’expérience » une vigilance de tous les instants? l »Automatisme surréaliste «L’automatisme psychique pur», comme pratique artistique sera aussi une façon de permettre de se libérer d’une forme de conscience normée, une méthode d’art dans laquelle l’artiste tentera de supprime le contrôle conscient sur le processus de fabrication à la même époque. libérérant l’homme contre une psyché réprimée , elle rend possible l’accès pour l’être à son subconscient.

    « cette Ariane auprès de laquelle pour la première fois et pour ne jamais plus l’oublier, je compris ce dont je ne connus que plus tard le nom : l’amour ». Dans un autre passage, l’auteur fait mention de l’« Éveil du sexe », du commencement de sa vie adulte : « C’est dans une de ces rues que plus tard je parcourus la nuit dans des errances qui n’en finissaient pas, que me surprit, lorsque ce fut l’époque, l’éveil du désir sexuel, et dans les plus étranges circonstances ».

    Peter Szondi : « C’est pour garder cette première image, qu’il ne faut pas perdre, parce qu’elle renferme l’avenir, que le don de se perdre devient l’objet du souhait. » ?[22][22]Dans sa brillante étude intitulée « Espoir dans le passé. À… Le désir amoureux est donc le principe où se situe la possibilité d’établir un système d’affinités transcendantales dans le monde des « choses qui ne sont plus ». C’est pour cela que, lisant le fragment intitulé « La fièvre », seule « la voix de la bien-aimée » est capable de réveiller les images de l’enfance dans « le cœur de l’homme ».

    46L’expérience qui déclenche l’éveil du passé dans Enfance berlinoise vers mil neuf cent n’est pas seulement d’ordre visuel, mais aussi d’ordre tactile. Dans le fragment intitulé « Le garde-manger », l’on peut lire es différentes formes d’amour. Ils en distinguent trois, à savoir, l’amour des époux (le mariage), l’amour des amis (l’amitié), et l’amour des parents (la maternité et la paternité). Agathon déclare : « Est-ce que l’amour est peut-être déjà un divers (ein Mannigfaltiges), et est-ce que notre pauvre langue se contente d’avoir un seul mot (mit einem Wort) pour désigner une pluralité (Vierlerlei) ? ». L’importance du « divers », en tant que matière destinée à une opération de synthèse, est centrale dans ce dialogue, car le « divers », constitué par les formes d’amour, vise à trouver un fondement de synthèse autre que l’entendement ou la sensibilité.« Mariage, amitié, maternité — toutes (ces formes) peuvent rester pures seulement là où il y a de l’amour — cependant ces formes ne sont pas elles-mêmes l’amour. » ?[25Dès lors, Agathon introduit dans le système graduel de l’amour le principe de la « jalousie » (Eifersucht). Il se demande ensuite s’il existe « un droit d’envier » (ein Recht zu neiden) « la présence et la propriété de l’être aimé » (die Gegenwart, den Besitz des Geliebten Wesens), question à laquelle le personnage de Vincent répond que « l’amour étant toujours un désir (Begehren) », il devrait donc s’associer nécessairement au rêve de posséder la présence de l’être aimé, d’avoir sa « proximité corporelle » (die Sehnsucht nach der körperlichen Nähe). Ensuite le personnage de Sophia interpelle ainsi ses interlocuteurs :

    e terme « désir » (Sehnsucht) signifie l’intensité d’une attente ardente et passionnée. Le caractère temporel de cette attente est celui d’une apparition éphémère advenant dans l’ultime « mot-image-vision » (Wort-Blick-Augen). Il s’agit d’une temporalité d’attente pure, instaurée par le dernier « au revoir » (das letzte Lebewohl). La question centrale qui se poserait ici serait celle d’identifier un fondement qui durerait dans une temporalité nouvelle et déconcertante, attachée à la présence fugace de l’être aimé.

    54Il est possible de constater que, dans la rédaction d’Enfance, Benjamin ne visait au fond que la possibilité de saisir la temporalité propre aux choses du passé. Autrement dit, le but de l’ouvrage était de saisir la temporalité concernant cette ultime trace de l’objet disparu, de même qu’en 1913, le philosophe définissait « la chose désirée autrefois n’étant plus désirée » (früher Begehrtes nicht mehr begehrt) par celui qui retrace les lignes de son passé. Benjamin écrivit dans Chronique berlinoise : « Ce qui pesait si effroyablement sur vous, c’était non pas ce qui vous attendait, pas plus à vrai dire que les adieux (d

    bschied) à ce qui était, mais ce qui persistait, ce qui durait » :

    55

    AGATHON : Cela pourrait être la raison pour laquelle il n’y a pas d’amour dans un dialogue. Là où j’aime, je m’imagine seulement moi-même et l’être aimé (Wo ich liebe, ich denke ich nur mich und das geliebte Wesen). Dans un dialogue, je dois pouvoir penser le monde.
    VINCENT : Dit au lieu de : où j’aime — où j’exprime mon amour, je suis d’accord avec toi. L’amour est quelque chose d’immanent, tu aimes une seule fois — et toujours — (du liebst einmal und immer).
    AGATHON : Qu’est-ce que tu veux dire par cela : « Toujours » ? Que l’amour serait éternel ? Ou bien qu’il ne serait pas possible d’aimer quelqu’un que j’aime toujours et à chaque instant ?
    SOPHIA : Tous les deux me semblent vrais. Amour est un continuum (Liebe ist ein Kontinuum). Je ne dois pas toujours penser à l’être aimé. Mais quand je pense à lui — je pense toujours en amour (Doch wenn ich ihn denke — so immer in Liebe). Et l’amour est éternel. Qu’est-ce qui existe de suffisamment fort pour faire éclater cet être (dieses Sein zu sprengen) ? ?[27]Le système des degrés de l’amour intercepté par la haine, aurait conféré à Benjamin, très tôt dans sa philosophie, une première esquisse désignant la possibilité d’une intégration extrême d’éléments qui sont en eux-mêmes uniques mais qui ont été pris par le flux irréversible d’une temporalisation éternelle. Cela parce que l’amour est une expérience ayant lieu dans la vie d’une personne « une seule fois et pour toujours » (einmal und immer). Le principe de l’amour témoigne de la possibilité de reproduire ce qui a été unique, auratique. Cette intégration extrême trouvera ensuite son modèle opératoire dans la synthèse chromatique, propre à l’imagination.C’est ainsi que l’idée d’un « être étant capable de faire éclater » (dieses Sein zu sprengen) le continuum temporel sera dès lors fondamentalement programmatique pour l’ensemble de la philosophie benjaminienne, et ce jusqu’à son interruption soudaine en 1940. Pour nous l’importance de pouvoir identifier sa première apparition lors de cet entretien daté de 1913, réside dans le fait que le concept de l’amour ainsi traité par le premier Benjamin, laisse déjà se profiler l’idée d’« origine » (Ur-sprung) qui fut aussi centrale dans le livre sur le Trauerspiel daté de 1925, et dans les thèses sur la philosophie de l’histoire datées de 1940, et publiées posthumes. Lisons donc la thèse n° XVII dans Sur le concephttps://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2008-1-page-79.htm

    Le peintre nous amène à nous demander comment la femme est arrivée dans ce lieu ? Le fait qu’elle n’ait enlevé qu’un seul gant laisse supposer qu’elle est pressée ou qu’elle vient d’arriver, mais suppose t’elle derrière ce geste une autre symbolique ? « Le langage des gants »:C’est un motif que l’on trouve dans la peinture renaissante, comme signe de prestige voir d’érotisme puissant et fétichiste  » La femme au gant »de Carolus Duran jusqu’au cinéma avec la célèbre chorégraphie de la croqueuse de diament dans « Les hommes préfèrent les blondes ».Dans la peinture du Titien, L’homme au gant, le personnage prenant la pose face au peintre a retiré un gant, tout comme Antea la figure féminine du Parmesan, dont la main dénudée, à la posture maniérée vient prendre la chaîne entre ses doigts.

    : une assiette vide est posée devant elle : peut-être a-t-elle déjà prise une tarte au distributeur ou attend t’elle dans ce vide d’un partage non encore satisfait : la tasse, ce geste suspendu, nous laisse penser qu’elle est là depuis un temps certain, impatience de l’attente. (?)

    Qui est cette femme ? Qui est le modèle ?
    Nous apprenons que c’est l’épouse de Hopper , Josephine, dite « Jo »,comme toujours qui lui a servie, ici , de modèle.Elle était sa muse et son « souffre-douleur «  »sadisme ordinaire, voire de violence physique. »..Très jalouse, elle ne pouvait être que le modèle du peintre. « Timide, solitaire et taiseux », Elle du s’effacer en tant que créatrice pour constribuer et assister la carrière de son époux. « Jo a sacrifié bien plus que quelques heures de son temps pour lui servir de modèle »

    .Même, si la jalousie la violence est la construction d’un monde de jalousie et de violence, le tableau en est-il le reflet ?

    Jo et Edward Hopper en 1927..Jo et Edward Hopper en 1927.

    La création d’une oeuvre comme dans un couple repose t’elle sur une attente, une entente?

    La biographie, la révélation de la vie relationelle de l’artiste, la mise à jour du non-dit à travers le écrits de Josephine, qu’elle a tenu pendant la majeur partie de sa vie  révèlant une relation troublée, rythmée de disputes, et parfois même de violences physiques réciproques serait-elle un éclairage vraiment éclairant pour mieux servir les attendues de l’oeuvre?. Connaître après coup, après la disparition des acteurs de la scène, les révélations post-mortem sous la forme d’un documentaire en 2020,ou d’écrit permettra d’élucider ce mystère des personnages que l’on ne sait pas expliquer. Connaître ce couple paradoxal » et conflictuel pourrait nous permettre de mieux percevoir, interpréter cette désincarnation des êtres, l’expression d’une vacance, d’une indécision constante, cette solitude si forte dans chaque au point de dd’avoir le sentiment d’un état d’éternel latence, de spectralité, un entre-deux silencieux (les personnages ne semble pas pouvoir parler, ni s’exprimer). Ces figure n’ on rien à ce dire au de-delà de l’insifiance? « Edward et Jo Hopper, un si violent silence », la muse et souffre-douleur du peintre ». Titre d’un articleE.dward et Jo Hopper, un si violent silence, écrit et réalisé par Catherine Aventurier, coécrit par Alexia Gaillard (Fr., 2020, 55 min)

    https://www.barnebys.fr/blog/jo-la-femme-derriere-la-carriere-dedward-hopper

    Dans Automate, Comme « Jo » était plus âgée que le modèle attendu, Hopper du en changer les traits : pouvoir qu’à l’artiste sur l’imaginaire du temps représenté ? Ce tableau n’est pas un instantané photographique à la Brassaï qui se déplaçant à la foule interlope des cafés parisiens capte un moment, une rencontre observée pour faire de cette vue singulière »un objet de luxe ».« J’aime le naturel: c’est que la personne vous regarde franchement. Le regard est ce qui est le plus important dans un visage. Il y a une espèce de solennité, de solitude quand on regarde un objectif. C’est presque de la sculpture. Et Hopper? Tout art, n’est-il qu’une construction fictionnelle qui nous parle du réel chez Hopper ?

    Nous donne-t-il une représentation de la femme moderne, telles ces femmes de Degas et Manet ? Le thème de la femme et la ville intéresse les artistes. « La femme à l’Absinthe » ou  » la femme à la prune » dépeignent la femme désœuvrée dans cette époque du désenchantement, elles sont comme hantés par des spêctres derridien, elles viennent hanter le tableau, comme un signe tangible d’une permanence de la condition féminine et amoureuse.(inoperosità) c’est le désoeuvrement.
    Et le spectateur ?
    À travers sa peinture, Hopper crée il chez l’autre de l’empathie pour cette femme, seule, là, le soir, perdue dans ses pensées. Si l’œuvre est la surface de projection, d’identification nous proposant un un espace libre, in-space d’inscription du spectateur qu’initait déjà E.Manet. Elle est également selon. G. Didi Huberman, un espace qui nous regarde. « Lèvera-t-elle les yeux à notre présence ? » ou nous laissera t’elle à notre altérité. Si pour Derrida “Autrui est secret parce qu’il est autre. Comme l’œuvre elle-même conservera-t-elle son secret (la beauté et l’expérience esthétique comme mystère, comme désir
    On peut d’ailleurs noter le choix du peintre, de ne rien laisser paraître de la nuit new-yorkaise : pourtant, les rues de cette grande cité sont toujours éclairées et lumineuses.

    Edward Hopper au milieu des objets | Strass de la philosophie

    strassdelaphilosophie.blogspot.com/…/edward-hopper-dans-lobjet.html

    22 nov. 2012 – Cette photosynthèse de l’être, comme le dit d’une très belle manière, encore, Yves Bonnefoy : « un être qui se tourne vers la lumière 

    Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue – Hal-SHS

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs…/Rey_Hopper-Annonciation.pd…

    de O Rey – ?2013

    1 févr. 2014 – 1 « Edward Hopper : la photosynthèse de l’Être », in Dessin, Couleur et ….. Comme l’écrit Yves Bonnefoy, la raison d’être de ces œuvres « est.

  • La géométrie de Paris

Fichier:View of the Seine and the Monument to Henri IV Albert Marquet (1906).jpgPeinture montrant de façon simplifiée un fleuve avec quais, pont, petits personnages et large parvis devant une cathédralePeinture dans les bleus représentant en léger surplomb un pont en oblique sur un fleuve, avec taches noires figurant passants et véhicules, immeubles estompés au fond et soleil cerclé de rougePeinture montrant dans un contraste entre blanc et couleurs sombres une carriole sur un pont, des arbres et divers bâtiments au loin

View of the Seine and the Monument to Henri IV (1906)

Notre-Dame sous la neige (1905, huile sur toile, 65 × 82 cm, musée des beaux-arts de Lausanne).

La Seine au Pont-Neuf, effet de brouillard (v. 1906, huile sur toile, 65 × 81 cm, musée des Beaux-Arts de Nancy)

Le quai du Louvre et le Pont-Neuf à Paris (1906, huile sur toile, 60 × 71 cm, musée de l’Ermitage)

« Un jeune américain à Paris » Claude-Henri Rocquet

  • Comme ses camarades peintre, un séjour initiatique à Paris s’imposera comme une évidence pour E. Hopper dans sa formation de peintre âgé tout juste de 24 ans. « Rares furent les peintres américains qui échappèrent à l’influence artistique de Paris  » explique dans le catalogue illustré de l’exposition de 2006 consacré à ce thème : ‘Les Américains à Paris : 1860-1900 « . « Au XIXe siècle, Paris était au centre du monde des arts et constituait, en particulier après 1860, un pôle d’attraction certain pour les étudiants et les artistes américains. » Domicilé rue de Lille et non dans le mythique Montmartre ou le Montparnasse animé, selon C.H.Rocquet, il ne fréquente pas » les atéliers ou les écoles, les lieux traditionnellemt fréquantés par les artistes de la belle époque, « Il aime Paris, ses gris, ses nuances, ses demi-teintes, l’harmonie de ces façades, l’ordre qui y règne, sa propreté, la douceur de l’air, la délicatesse des ciels, cette douceur de la lumière jusque sous les arches…Il peint.Il Peint la seine, les quais, les péniches, les bateaux lavoirs,les bateaux-mouches, le louvre par temps d’orage, le pont des arts…
  • Influence de la peinture Nabis? »de l’aplat, de simplification des formes architectural, son goût pour la délimiter les masses appliquées aux espaces a peut être sa base dans la conception picturale des Nabis  ce mouvement synthétiste et moderniste, prophétisant une  peinture pure, autonome et abstraite : Édouard Vuillard, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Paul Sérusier.
  • Influence ou plutôt confluence certaine avec le cinéma, dont l’horizontalité des formats, les décors et les cadrages, tous comme la photographie influa sur la peinture de Degas, semble avoir de vraies affinités électives et mutuellement inspirantes.L’œuvre d’Edward Hopper (1882-1967) et l’art cinématographique n’ont cessé, selon Nicolas Cvetko, de se nourrir mutuellement. Dans certaines toiles le spectateur de cinéma est présent, ou l’ouvreuse, toujours comme un spectacle hors champ. »On sait aussi désormais explique Nicolas Cvetko.,que les films, les films noirs en particulier, ont pu déterminer certains de ses motifs et avoir une incidence sur ses choix de composition. Ce jeu d’influences est aussi permanent que réciproque. »E.Hopper , »AUTOMAT », 1927: Etude H.D.A sur la ville. – Histoire des arts  ,Ni l'un ni l'autre

Cf:La quadrature du film : citation de Nighthawks (Edward Hopper, 1942) dans Les Frissons de l’angoisse (Profondo rosso, Dario Argento, 1975) Nicolas Cvetko. ou « Edward Hopper : film criminel et peinture. Jean Foubert https://doi.org/10.4000/transatlantica.5966

Le catalogue: Américains à Paris 1860-1900
  • Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Nude walking through a doorwayEdward Hopper. Woman walking 1906Edward Hopper. Woman walking 1906
  • Le Style : « Ses peintures sont figuratives mais abstraites ». C’est une PEINTURE FIGURATIVE aux structures très fortes  et  « abstratisantes ».Hopper est un peintre réaliste et figuratif, mais il use du réalisme avec bizarrerie. Hopper propose plutôt un réalisme spéculatif, voire énigmatique. Sa peinture est métaphysique. Il simplifie et épure la toile de tous les détails inutiles. Hopper « oblitérait » énormément dans son atelier, éliminant impitoyablement de son travail tout ce qui ne faisait pas partie de ce qui concernait le plus [sa] vision. » explique Olivier Rey.E.H est considéré comme un représentant du naturalisme dans la tradition de la peinture et littérature du XIXe siècle (1860-1880). Recherche du document vrai, de la vérité en art, ce mouvement littéraire et artistique fondait sa pratique sur une observation scrupuleuse du réel. Peut-on parler d’une totale captation objective du réel ? Non, il semble l’épurer afin de libérer l’espace des détails pour laisser triompher l’impacte de la lumière crépusculaire sur les surfaces nues de l’architecture.Son style est sévère, laconique, voire puritain. Il rend sa peinture puriste par la simplification des détails, la recherche d’une construction géométrique, et le jeu de grandes surfaces colorées aux aplats de couleurs froides.) E. Hopper contrairement au modernisme parisien qui s’ingénie à révolutionner la peinture en remettant en cause les dogmes classiques de la représentation : fauvisme (autonomie de la couleur), cubisme (révolution de l’espace et de la forme), abstraction (abandon de la /figuration) demeure un classique. il devient moderne par son classicisme :f il veut faire du poussin sur nature? « Imaginez Poussin refait entièrement sur nature, voilà le classique que j’entends.« 
  • Comme de nombreux peintres américains, Hopper a d’abord formé comme illustrateur. C’est une pratique personnel que nombre de peintres américains conjugueront avec leur propre pratique de peintre. William James Glackens sera illustrateur pour le New York Herald et le New York World, peintre, illustrateur et graveur, habile dessinateur, travaillera pour le Philadelphia Inquirer.
  • Au-delà très un ressource pécuniaire avec la presse, elle favorise de plain-pied un art pictural en phase avec l’actualité et la diffusion de l’oeuvre d’art et des images à l’ère de la « Mechanisierte Reproduktion ».Pour Walter Benjamin qui questionnera cette nouvelle fabrication de l’image.Une peinture comme celle du peintre américain, reproduite aujourd’hui de façon massive, donne en écho, raison à ce que le philosophe diagnostiquait « mettre ses produits sur le marché » et la « transformation de l’oeuvre traditionnelle en images. »Comme la lithographie, « l’art graphique devient capable , dit-il ,d’accompagner le quotidien en l’illustant. »Andy Warhol, peintre américain, sera le parfait exemple de ce que prévoyait W.benjamin:(einen Platz unter künstlerischen Prozessen erobern/ »conquéire une place parmi les procédés artitiques)faisant de ce médium technique, « la reproduction technique », de son « process » l’essence même de son art.
  • Thème : Il s’agit d’une représentation de la vie urbaine américaine dans l’entre-deux-guerres.

II) Contexte historique et économique et artistique ?

  • 1)Contexte historico-économique : Quelques dates et événements.1880 – 1920 : urbanisation et perte des valeurs rurales traditionnelles.
    1880 : Électrification des grandes villes américaines (Inventeur : Thomas Edison). Tout comme le gaz à Paris, l’électricité change le visage de la ville.
    1920 – 1932 : Interdiction.
     24 octobre 1929 : Jeudi noir : krach boursier de Wall Street.
    1929 – 1933 : Grande Dépression.
    1933 : Élection de F.D. Roosevelt – La nouvelle donne.
  • Contexte culturel : du cinéma muet au cinéma parlant
  • 1927 :ce tableau est contemporain de la naissance du parlant : à cette époque, on assiste à cette rupture, ce passage entre deux mondes – celui du cinéma muet, triomphe d’un langage antique  l’universel du corps comme geste, à travers la théâtralité, la pantomine et la mise en scène à celui nouveau du cinéma parlant. Hopper et sa femme Jo était amateur de théâtre, il constitue comme le cinéma un thème du peintre, souvent le regard positionné du côté du publique, le rideau fermé, précédent sa levée.(Thématique de l’attente).
  • Edward Hopper, Two on the Aisle, 1927, Toledo Museum of Art, New York, NY, USA.
  • Edward Hopper, The Sheridan Theatre, 1937, The Newark Museum of Art, Newark, NJ, USA.
  • Edward Hopper, Intermission, 1963, San Francisco Museum of Modern Art, San Francisco. CA, USA.
  • Edward Hopper, First Row Orchestra, 1951, Hirshhorn Modern Art Museum, Washington, DC, USA
  • .Edward Hopper, Two Comedians, 1965, private collection. 
  • La Compagnie Warner présente ses premiers films sonores, Don Juan 1926 et surtout Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland, œuvre fondatrice ,à la même époque que la toile du peintre en 1927 (Celle-ci s’accompagne de l’invention du vitaphone). Ce personnage féminin et toutes ses peintures si muettes, proches des décors de cinéma, ne parlent-ils pas de cette transition cinématographique, ce profond changement dans le régime de l’image et du son, du déclin de ce langage expressif, désormais impropre dans sa forme excessive comme dans sa voie (Pour P.Negri celle-ci est trop grave et étrangère,ou pour Vilma Bánky qui parle anglais avec un fort accent hongrois. L.Brooks devait pour sa part perdre son accent du Kansas. Leur reconversion est donc un vrai problème pour répondreaux nouvelles attentes des studios et du public américain . Nous assistons, ici, à ce passage entre deux temps, deux mondes, une métamorphose comparable à celle du paysage New yorkais. Cette jeune femme, avec son chapeau cloche à bords rabattus et son manteau, style très à la mode en europe et en amérique en 1927, ne serait-elle pas la figure spectrale et fantomatique de certaines héroïnes du vieux style qui comme les actristes iconiques Louise brooks, Vilma Bánky ou Pola Negri ne trouvent plus leur place sur la scène hollyhoodienne. Nous découvrons une étrange ressemblance physique avec Louise Brooks, cette femme au goûts saphiques et à l’aura scandaleuse . Qu’est-devenu l’image de la vamp et rebelle des film muets d’ Howard Hawk, ici la femme aux yeux vides, ne semble pas avoir son feu. Est-elle devenue comme Vilma Bánky dans le film de Georges Fitzmaurice, de 1925, The Dark Angel ?
    Pola Negri sombra dans l’oubli, l’infortune et la dépression avec la venue du nouveau cinéma. Après la fin du cinéma qui la consacra (ruinée par la crise de 29, une fausse-couche, les déboires de son couple avec un mari flambeur), se trouve désormais, dans l’espace moderne, désœuvrée. » Ce corps, a-t-il une présence, posté dans la précarité du présent, entre un avant et un après. L’attente même, le désespoir sont des « attitudes du corps »que le peintre a su sublimer.
  • undefined
  • L’actrice américaine Louise Brooks, en 1927.(Wikipédia)
  • L’actrice Vilma Bánky portant un chapeau cloche, 1927.
  • 2) Afficher l'image d'originePhoto 1/2Elle boit… automatiquement… - - Abyme - Au Café - Jeux de miroirs Forain  Hopper - abyme - artifexinopere
  • Description de cette image, également commentée ci-après Mary Louise Brooks
  • (Yvonne printemps).
  • Les inspirations d'Edward Hopper - Jo Hopper, le Théâtre et le Cinéma |  Article sur ArtWizard

ttps://artwizard.eu/fr/the-inspirations-of-edward-hopper—-jo-hopper,-the-theater-and-the-movies-ar-107

UN THEATRE SILENCIEUX, L’ART D’EDWARD HOPPER de WELLS WALTER

La Toile blanche d'Edward Hopper

Relire Hopper

  • Que dit-on de lui?

«Hopper …ce peintre-poète du terroir urbain middle class… » Robert Hughes.

« Hopper interroge l’américan way of life et ses transformations… ».

Hopper « considérait l’art comme une réflexion sur sa propre psyché » viewed art as a reflexion on his own psyche ») Levin, 2007: 277

« C’est le peintre de la nuit et de la lumière solaire et du crépuscule. »

Hopper peint l’homme dans la ville, « cette photosynthèse de l’être ».« Un être qui se tourne vers la lumière (…) la lumière est ainsi un signe en plus, un appel, dans presque tous ces tableaux en cela certes métaphysiques ». Yves Bonnefoy, « Edward Hopper : la photosynthèse de l’être. »

« Son art ignore les modes ; sa sincérité et son originalité seront toujours les gages de sa nouveauté »,« Charles Burchfield, Américain », in « Notes et articles »

(Sampietro, 2010 : 95).
« Hopper avait de l’art une conception austère et entièrement étrangère à toute exaltation
pour le triomphe de la « modernité » et à toute « dénonciation » à caractère politique
contre les maux de l’époque (…) Hopper n’a jamais été un chroniqueur ou un
propagandiste (….) C’est de l’art pur, en ce sens qu’ils ne sont asservis à aucune
fonction. »

  • Que dit Hopper de son travail?

De sa propre vie:

« Si je voulais vraiment être architecte, mais l’architecture m’a toujours intéressée. Un moment je voulais être architecte naval, car j’aime les bateaux. Mais je suis devenu peintre à la place.(« If I really wanted to be an architect, but architecture has always interested me. For a moment I wanted to be a naval architect, because I like boats. But I became a painter instead. »E.HOPPER, Notes sur la peinture », in « Notes et articles ».

Sur sa peinture: ses objectifs (la peinture est comme les impressionnistes conçue comme projection, « expression » d’une intériorité à partir d’une perception  ( ressenties, sensation,) celle  confronté à l’ordre autonome du réel.

Quand un journaliste demande à Hopper ce qu’ilcherche, il répond : « je me cherche » ( I am after me )(cité par Lévy, 2010)

EDWARD HOPPER COMME CONTEMPTEUR DE LA VILLE : UN MALENTENDU? Joëlle SALOMON CAVIN

« Mon but en peinture, explique Hopper n’a cessé, à partir des émotions que m’inspire la nature, de projeter sur la toile ma perception la plus intime face à un sujet qui façonne sa représentation. ».( « My goal in painting, explains Hopper, has never ceased, from the emotions that nature inspires in me, to project on the canvas my most intimate perception of a subject that shapes its representation. »« Notes sur la peinture », in « Notes et articles »E.Hopper.

« Le grand art est l’expression d’une vie intérieure de l’artiste et cette vie intérieure se traduira par sa vision personnelle du monde. »Source: https://quote-citation.com/fr/topic/citations-de-edward-hopper« Ça parle de moi… Le moi-intérieur est un océan immense et fluctuant.« E. Hopper (« It’s about me…The inner self is an immense and fluctuating ocean.« E. Hopper) La peinture est le lieu d’expression de cette « corde vibratoire », transformer ce voile, le  miroir d’une intériorité océanique et mouvante. A l’image de l’homme, toutes ses figures introspectives avide d’une nappe de ciel océanique (de la grâce?) ne sont-il pas à l’image d’un être ballotté sur les flots entre les hauts et les bas de toute vie? .« La vie est une lumière dans le vent. » enseignait un Proverbe japonais.

  • Ses thématiques: Ce ne sont pas simplement des vues de ville, mais la question de l’être urbain, la question de l’être en tant qu’être dans la mégalopole moderne (Questions contemporaines autour de l’humanisme/anti-humanisme et de ma métaphysique.« le circuit de l’être m’intéresse beaucoup, j’essaie de le peindre .» E.Hopper

« L’érotisme est lié à la distance que la femme réussit à mettre en elle et l’homme , créant un rapport de dépendance psychologique. Cette même dépendance psychologique génère la tension qui est le ressort alimentant le désir. »Edward Hopper

  • Une pratique exploratoire des questions plastiques: le choix de la lumière comme sujet principal dans son oeuvre, comment saisir « ses actions » sur le paysage, l’architecture et l’être, trouver ce que Gothe nommait la juste clarté, c’est une juste répartition d’ombre et de lumière ». Essayer de la peindre, c’est un défit auquel Monet avait avait consacré sa vie. Dans ses peintures comme au cinéma une lumière semble venir de l’image.(Une religiosité sécularisée)?

« la lumière m’intéresse beaucoup, j’essaie de la peindre » (“light interests me a lot, I try to paint it”) E.Hopper« Notes sur la peinture », in « Notes et articles. »

« I may not be very human — what I wanted to do was paint sunlight on the side of a house. »(Je ne suis peut-être pas très humain — ce que je voulais faire était peindre la lumière du soleil sur le côté d’une maison. »)

« Il y a une sorte d’exultation au sujet du soleil sur la partie supérieure d’une maison. »«Aucune invention habile ne peut remplacer l’élément essentiel de l’imagination.»

Edward Hopper

Sur sa réception, son interprétation:

« Avant tout, il est important de rappeler que Hopper n’offre pratiquement aucune clé de lecture sur sa manière de concevoir la ville dans ses travaux. Cet artiste, timide et introverti, qui a connu une extrême célébrité de son vivant, n’a accordé que très peu d’interviews, n’a fait que de très rares commentaires sur son propre travail et n’a pratiquement rien révélé de sa représentation de la ville. »EDWARD HOPPER COMME CONTEMPTEUR DE LA VILLE : UN MALENTENDU? Joëlle SALOMON CAVIN

« He preferred to speak throught visual images » (Levin, 2007:
282).

« Il y a dans la peinture quelque chose d’essentiel, quelque chose de plus qui ne s’explique pas. » E.Hopper. Notes sur la peinture » (“There is something essential in painting, something more that cannot be explained. »in « Notes et articles ».E.Hopper

Des croquis à l’oeuvre:(Livre à consulter)

« J’embrasse le commun »:une aspiration au vulgaire

C’est le peintre de l’ordinaire. Dans la lignée d’un Emerson jusqu’à S.Cavell de « l’inquiétante étrangeté ordinaire »(uncanniness). Rendre visible l’obscurité, ce qui paradoxalement est visible et que l’on ne voit pas.Inventer l’homme ordinaire.

(Foucault) cité par Sandra Laugier dans sa conférence sur Philosophie et vie quotidienne.

« Je ne recherche pas ce qui est grandiose, éloigné, romantique… J’embrasse le commun, j’explore et je suis l’enseignant du familier, de l’ordinaire »

« Je ne demande pas le grand, le lointain, le romantique ; que se passe-t-il en Italie ou en Arabie ? qu’est-ce que l’art grec, ou le ménestrel provençal ; J’embrasse le commun, j’explore et m’assieds aux pieds du familier, du bas. Donnez-moi un aperçu d’aujourd’hui, et vous aurez peut-être les mondes antique et futur. »

Emerson, « Société et solitude ».

La toile si cinématographique chez Hopper, deviendrait-elle l’égale de l’écran, lieu de projection, (ce que le philosophe américain nomme comme le lieu de « la projection du monde », titre d’un de ces ouvrages.

https://www.canal-u.tv/video/universite_de_bordeaux/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

Philosophie et vie quotidienne – Université de Bordeaux – SAM – Vidéo …

https://www.canal-u.tv/…/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

4 sept. 2006.Le philosophe américain Stanley Cavell se réapproprie quelques années plus … Spécialiste de Cavell et de la

Non, Hopper veut retranscrire ce qu’il sentait, voyait ou éprouvait ; c’est-à-dire « la transcription la plus fidèle possible » de son ressenti. Sa peinture s’éloigne du formalisme à la mode dans les avant-gardes artistiques du début du siècle. Son naturalisme n’est pas riche, foisonnant de détails à la Zola, mais décanté de façon quasi-constructiviste, pour ne conserver que les structures. Picasso avec sa peinture « Les demoiselle d’Avignon » fragmente l’espace devenu dynamique, en multipliant les points de vue tandis qu’un J.Pollock avec ses dripping et all over, transforme la toile en une arène abstraite et expressionniste ? Un plan haptique ; un écran, en lieu de projection totale du moi. E.Hopper ancre sa peinture dans le vécu, il rejette l’abstraction, incapable, selon lui, de rendre compte de l’expérience humaine. Comment traduire sur la toile son expérience intérieure à travers l’ordinaire, circuit de l’être urbain: l’un artiste impressionné par la lumière et les sensations lumineuses sur les plans d’une rue. Il la conserve, la traduit dans l’espace euclidien et dans la perspective , qui dessine des agencements spatiaux.

« La réalité est comme une énigme ». Comment montrer que le réel est mystère, l’ordinaire énigme?

Qu’est-ce que la réalité ? Ce qui existerait indépendamment du sujet et qui n’est pas le produit de la pensée. Ce jeu des phénomènes que perçoit concrètement le peintre et qu’il tente de traduire avec son langage sur la toile ? La réalité avec ses signes demande à être déchiffrée.

UNE PEINTURE MADE IN U.S.A.

Hopper préfère cultiver une peinture proprement nationale, une peinture américaine en cherchant à définir son style. De retour en Amérique, sa peinture d’inspiration française ne se vendait pas. Son style américain rencontrera par contre beaucoup plus de succès. Ce choix, est-il purement opportuniste ? La topographie, secréterait-elle un type d’art tout comme Mme de Staël distinguait à travers le climat entre littérature du nord et littérature du su d ? « le nord est romantique et le Midi classique.« Qu’est-ce qu’une peinture américaine, une peinture nationale à l‘A.D.N américaine tout comme dans la façon de penser on discriminerai philosophie anglo-saxonne et continentale.L‘espace de la toile ne sera pas vécu de la même façon avec celui vécu de la topographie américaine.

« Maintenant ,ou dans un futur proche, l’art américain devrait se sevrer de sa mère française » .E.Hopper. Notes sur la peinture », in « Notes et articles »

Malgré son influence française,ses séjours et son apprentissage parisien)– il tente de trouver une peinture à l’image de l’Amérique. (?) Luministes, réalistes ou impressionnistes, les peintres américains par le passé ont souvent regardé et retraduit les paysages de l’Amérique avec le regard du peintre européen. J.S.Sargent, par exemple, reprend la palette de Velàsquez, Thomas Eakins le réalisme détaillé et pompier d’un Gérôme, Théodore Robinson les impressions picturales d’un Monet. Avec l’Armory Show en 1913, le continent américain se raccrochait au wagon moderniste de l’avant-garde formaliste européenne. Tout comme à partir d’Emerson l’Amérique a besoin de se fonder intellectuellement, l’Amérique a besoin de se fonder artistiquement.(Se créer une filiation à tout le moins une origine américaine.)

Duchamp, en 1917, choisit le Ready made -un urinoir comme œuvre d’art – car l’objet technique, manufacturé du plombier ou le pont métallique sont des images symboles de cette modernité Américaine ( son modernisme utilitaire).Afficher l'image d'origine

Warhol lui choisira le moyen mécanique de la sérigraphie, une image tout en surface et pop (publicitaire), la plus à même de traduire l’Amérique capitaliste et marchande, celle des masses média de « l’industrie culturelle » démocratique et libérale. Les expressionnistes abstraits optent pour de vastes formats à l’image des grands espaces.

Que choisit Hopper? la tradition de l’illustration?

Hopper préfère suivant la tradition américaine, faire de la peinture, il est « anti-moderniste« . Il se veut le représentant de « la scène américaine », même s’il réclame le statut d’électron libre, refusant de sacrifier son indépendance  pour devenir le maître des courants de l’époque. Il sera sans héritier. Cependant , on tentera de trouver des filiations malgré lui en le rapprochant de l’esthétique de « l’Ash Can School », « l’école des poubelles » avec sa représentation volontairement prosaïque et sociale du réel. Robert Henri, qui fut l’enseignant d’Hopper, professait un art documentaire proche du journalisme.

Hopper s’intéresse à l’ordinaire, à l’anodin. Il extrait une certaine poésie du trivial, du banal, de la quotidienneté. Il pratique « un réalisme subjectif ». Le peintre est le témoin attentif des mutations, évolutions que connaît cette société urbanisée. Dans nombre de ses peintures, on découvre une certaine nostalgie d’une Amérique passée ? Ses toiles traduisent par de savantes compositions ce conflit latent entre deux mondes, deux temps, celui d’une nature authentique transformée avec l’avènement de l’âge industriel. Dans nombre de ses œuvres, les personnages semblables à des automates sont esseulés, mélancoliques…figés, dans l’attente muette d’un entre-deux. L’homme se place dans cette déchirure entre deux mondes.

« Il distille une atmosphère d’un pessimisme tranquille ».

Pas de pathos tragique chez Hopper. le peintre met à distance le spectateur, le plaçant dans la position contemplative et interrogative. Sa peinture n’est pas sensuelle, haptique. Sa touche est relativement mate, chaque élément semble peint dans le même bois. Certains critiques lui reprochent son manque de variété.

« Hopper est-il vraiment un grand peintre ? » question titre du Figaro.Adrien Goetz. 25/10/2012.

« Il faudrait inventer une catégorie d’art spéciale pour le genre de choses que fait Hopper. Il n’est pas peintre au plein sens du terme. Sa manière est pauvre (…) de seconde main (…) Hopper se trouve tout simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait, très probablement, pas un artiste à ce point supérieur »Cité in « Edward Hopper et la modernité », de Didier Semin

«Hopper se trouve simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait probablement pas un artiste à ce point supérieur.» Clément Greenberg Sortant d’une exposition en 1946, il critique sévèrement celui en qui il voit un peintre qui ne sait faire que de la «photographie littéraire ».Cité par Didier Semin. Interview confrontation avec Hecto Obalk dans  l’émission ce soir ou jamais présenté par F.Tadei.

« Quand je le regarde en photo ,en vidéo ça va , mais quand je suis dans une expo, c’est une catastrophe. » H.Obalk.

4) contexte technique et scientifique.

  • 7 janvier 1927: le premier service de téléphonie par câble transatlantique entre Londres et New York est ouvert au public. La technique permet d’entrer dans la sphère d’un monde « globalisé ». Aujourd’hui, de la rue à la maison, du travail, au cybercafé, les médias et ordinateurs sont les outils du nouveau flâneur virtuel. La ville est désormais un énorme rhizome connecté. MAIS COMMUNIQUONS-NOUS MIEUX AVEC CETTE TECHNIQUE MODERNE, LE TÉLÉPHONE ?« Un siècle après son invention par Graham Bell, le téléphone a traversé l’Atlantique par câbles, liant ainsi l’Amérique au Vieux Continent.« La première conversation téléphonique outre-atlantique a lieu entre W.S. Gifford, président de l’American Telephone and Telegraph de New York (AT&T) et sir Evelyn P. Murphy, secrétaire d’État aux Postes du gouvernement britannique à Londres.
    7 avril 1927 : la compagnie Bell Téléphone transmet des images et des sons de Washington à New York. La télévision n’est pas loin. Présente dans chaque foyer elle deviendra l’objet privilégié du divertissement pascalien, l’enfermement de l ‘homme urbain.« Le médium est le message » dira M. Mac Luhan ? Il influe beaucoup plus que le message lui-même. Nous vivons aujourd’hui dans une culture dominée par l’image, »la société du spectacle » (Guy Debord) et du spectaculaire. La « vidéosphère » a succédé à la « graphosphère » constate le médiologue Régis Debray.  l ‘artiste américain pressent-il ce changement civilisationnel? La leçon de sa peinture, nétait-elle pas de nous inciter à regarder le réel et tous ces parangons médiatiques ?
  • 20-21 mai 1927 : Charles Lindbergh traverse l’océan Atlantique en solitaire à bord du Spirit of Saint-Louis.
  • 28 juin 1927 : un équipage américain relie San Francisco et Honolulu sans escale sur un « Fokker F VII 3 m » : 3 890 km en 25 heures et 49 minutes.PÉRIODE DES INVENTIONS ET EXPLOITS TECHNIQUES DE CIRCULATION, LES MOYENS DE RÉUNIR LES HOMMES ÉLOIGNES SE MULTIPLIENT ET POURTANT L’ETAT D’ÂME DU CITADIN ET SA SENSATION D’ISOLEMENT/ DIFFICULTÉ COMMUNICATIONNELLE EST BIEN PRÉSENTE.Nous sommes en 1927, dans une période de prospérité américaine, deux ans avant le grand Krak boursier de 1929 et la grande dépression. C’est le début de la société de consommation et le temps du plein développement de l’industrialisation : (Le taylorisme (1), le Fordisme (2) caractéristique des temps modernes. Cf. La représentation humoristique faites par Charlie Chaplin dans son film « Les temps modernes. »(1936)

de 1936.

L’‘automat inventé en Allemagne à la fin du 19e siècle est à l’image de cette société mécaniste et industrielle. La création du restaurant self-service sans présence humaine place l’individu face au système d’automatisation (3) de tous les services, la standardisation de tous les produits. Nous assistons à la fin d’un monde, celui d’une Amérique agraire (agricole et artisanale) pour une société du progrès, adaptée aux nouvelles exigences urbaine et capitalistiques.(Cf. : la scène burlesque de Chaplin dans les temps modernes). L’invention d’une machine à manger automatique devait permettre à l’ouvrier de se restaurer encore plus rapidement sur son lieu de production. On l’inclut comme un maillon productif de la machine, que l’on tente en vain dans les temps modernes d’intégrer… Mais le mouton demeure noir, le corps demeure encore en résistance face à l’aliénation. Le trublion, marginal légendaire ne se laisse pas incorporé à la structure destructive contrairement à ce qu’exprime Simone Weil dans son expérience de l’usine. Le danger est d’être saisi par cette force aliénante jusqu’à l’impossibilité de toute résistance. Cette situation, traitée par l’absurde, était significative de ce nouveau temps moderne, où le temps des corps devait-être totalement optimisé, rentabilisé dans le système. L’homme n’était qu’un rouage fonctionnel et assujetti dans l’énorme machinerie de production.

Là où les humoristes traitent de thème de la modernité mécanique sous l’angle de la caricature et du grotesque, Hopper adopte un point de vue plus distant. l’Amérique est la terre promise de la liberté individuelle et du libéralisme à la Adam Smith, l’espace d’une ultramodernité qui a pour part d’ombre la régression dans une nouvelle primitivité. Le monde moderne est désormais topos archaïques du besoin, de la survie…Comment vivre en milieu hostile? Avec « la raison instrumentale » tout devient l’ objet d’une taylorisation à outrance. Les loisirs, la culture, l’art entrent dans le champ de la »KULTUR INDUSTRI » comme le déplora H.Arendt et  Adorno. Nous sommes  dans  le prêt-à-porter,  prêt-à manger, prêt à penser, prêt à représenter, prêt à peindre  de la marchandisation globale.

La peinture d’ Hopper une oeuvre parfaite pour l’industrie culturelle?

Elle est devenue  icône, carte postale, fond d’écran, poster, son  succès en fait l’une des énièmes images reproductibles de notre catalogue muséal imaginaire. Etait-elle réellement au départ si picturale? Elle semble être le parfait produit pour les masses médias avides d’images et d’archétype reproductibles et visible à l’aire de la reproduction technique.

Hopper est-il un artiste flâneur? Ces personnages n’ont pas l’étoffe du flâneur, ils sont ses êtres ordinaires ancrés dans leur quotidien, des hommes sans qualités, humains trop humains.

Gorg  Simmel rappelle dans ses ouvrages l’association entre ville et monnaie. La ville est construite comme un véritable spectacle capitaliste de l’échange marchand. Le flâneur baudelairien au début de la modernité en serait le héros. Il tente d’instaurer comme l’explique W.Benjamin un rapport créatif avec la ville. Celle-ci devient lieu d’expérimentation de perceptions variées. la marchandise , l’intérêt, le commerce dicte les logiques de déplacement, les pratiques urbaines et relations interpersonnelles. Contre cet utilitarisme du flux, le flâneur entre en résistance. Il voit la ville en poète, en artiste; il utilise, intellectualise cet espace. Les personnages de Hopper ne flânent pas. Ils ne semblent pas établir dans l’épaisseur du quotidien de rapport vraiment créatif avec la cité.Non il semble projeté dans la ville comme projeté dans le quotidien dont il effectue les taches ordinaires qu’il suspend l’espace d’un instant Là où l’artiste peintre tente de traduire les logiques du réel qu’il perçoit, eux semblent le subir, repliés en eux- même dans ce que le philosophe Hegel nomme « la conscience malheureuse », le moi  » aliéné », « réifié », malade du monde et de lui-même.

« La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau, comme l’eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule.Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ».Beaudelaire à propos du flaneur.

Cette citadine Hopperiènne n’est pas la flâneuse baudelairienne amoureuse de la foule, serait-elle plutôt la passante, cette idôle éblouissante ? -« Un éclair… puis la nuit ! Fugitive beauté » -Non cette « Fugitive beauté » est  désormais attablée? Est- elle encore cette « grande magicienne de l’apparence »? incarne t-elle encore le fantasme du désir, cette réalité née du seule rêve ? non.Afficher l'image d'origine

Dans les tableaux de Hopper la foule est absente, les rues et les places sont presque vides, nudité renaissante des premières cités idéales. Nous sommes loin de  » la rue assourdissante « qui  hurlait chez le poète parisien. Hopper, comme ses personnages, n’est pas le flâneur baudelairien. Il n’entretient pas comme le peintre de la vie moderne un rapport dialectique intense avec le collectif. Ce n’est pas  Constantin Guy,  qui dans le kaléidoscope de la rue tente de saisir sur le vif les sensations variées des beautés modernes. Les croquis de ce peintre baudelairien ne sont plus que des retranscriptions de ses « promenade de souvenirs « . Appareil enregistreur, véritable appareil photographique vivant, ce peintre des villes est  avide de tout voir  et conserve tout  en traces dessinées- Reporter , il tente de capter  sous forme fragmentaire ce monde du déplacement perpétuelle. Le monde  avec ce  nouveau peintre devenait une collection d’ instantanés, une lutte constante  une résistance contre l’entropie »une quête  dans le présent d’une forme d’éternité. Hopper n’a pas la frénésie de la captation sur le vif. Il observe les bâtiments et la scène qui se joue devant lui mais à une certaine distance. Il se fait parfois voyeur en surplombant la ville depuis le métro, travelling cinématographique mais, il ne fusionne pas avec « cette matière vivante » et  urbaine comme le ferait le Dandy qui désire lui être vu.  Hopper se balade , arpente,  scrute New York, sa ville,  plutôt comme un paysage. Il regarde la ville mais aussi la contemple, il invite comme certains de ces personnages spectateurs  à contempler la nature comme un spectacle une  projection, un objet esthétique, une“forme spirituelle” (Simmel). La vision se poursuit très souvent hors champ. Le spectateur recherche le paysage solaire, la connexion avec l’infini? Le peintre  apprécie la vie à un rythme plus lent, il digère ces impressions, son développement se fera plus tard. Son atelier sera son labo (photo), sa pellicule , c’est sa mémoire. Du réel ,il n’en gardera que la forme épurée, lumineuse, la vue la plus propice celle qui se sera décantée dans son esprit et qu’il recompose . Il extrait la quintessence de la vie quotidienne pour dégager ce que Baudelaire nommait « l’éternel », des hiéroglyphe cinématographiques de l’éternité.

« Sa peinture est très cérébrale…il passe de longues heures devant sa toile….il peut réfléchir toute une année pour trouver le bon sujet…. c’est un grand peintre figuratif mais aussi abstrait, il les conçoit mentalement » D. Ottinger. Sa peinture  est méditative, le fruit d’une longue méditation.

Hopper n’est pas un  touriste. Dans la ville le touriste consommateur recherche les clichés remarquables déjà institués, nulle vraie découverte s’offre à lui ; il conçoit la ville comme un parcours déjà balisé par l’image, l’image des autres. Sa photo et son regard s’ajusteront avec l’image du dépliant. le spectateur des tableau de Hopper doit réfléchir sur sa façon d’appréhender le réel .Comment dans ce paysage urbain, cette vie quotidienne  peut-on encore conserver une expérience esthétique, faire des choses  des «formes vivantes».

La question de » l’automat »

  • *1)Taylorisme: Système d’organisation du travail établi par F.W.Taylor fondé sur la séparation entre fonction de conception et fonction d’exécution dans l’entreprise et sur la recherche de la plus grande productivité au travail . L’ouvrier n’est plus qu’un exécutant, un maillon de la chaîne soumis à la pression du rendement, un être robotique dans cette automatisation du travail. la vie quotidienne est aussi automatisée.
    *2)Fordisme: il associe la production de masse, le travail à la chaîne et la standardisation des produits.
  • *3 Automatique:qui fonctionne sans intervention humaine, par des moyens mécaniques et non manuels. Écriture automatique (sans contrôle rationnel.)

Automate:grec automatos: qui se meut par lui-même. Personne dénuée de réflexion ou d’initiative.
? Jouet, objet figurant un être vivant dont il simule les mouvements grâce à un mécanisme. HOMO MECANICUS :
Très souvent un automate imite le comportement d’un être vivant, homme ou animal, il peut alors être un jouet. L’automate s’inscrit dans une pratiques cérémonielles et magiques : masques articulés, statuettes articulées. Mais dans  » le monde désenchanté » de la modernité, qu’en est-il de la magie? l’homme citadin n’est plus qu’un automat, un mécanisme de cette machine à vivre qu’est la ville,comme le logis deviendra dans la pensée de certains architectes visionnaires et modernistes –  » la machine à habiter » (Le Corbusier). La cité moderne et idéale devient fonctionnaliste-machine à vivre, à organiser les « flux « du vivant.(Deleuze).

En Egypte antique : les âmes des morts, dans leurs pérégrinations, pouvaient, selon la croyance  habiter ces figurines construites qui reproduisent les mouvements quotidiens. Mais ici cette citadine qui sous les mots de HOPPER prend l’apparence d’un automate est-elle encore habitée? a-t-elle une âme? ou justement devient-elle un automate humanoïde qui  a perdue son âme? Euphonia, l’automate parlante de Faber était supposée dialoguer avec les spectateurs et l’automate turc du baron von Kempelen jouait aux échecs – actionné peut-être par un nain caché dans le dispositif . La femme des grandes villes moderne américaine a t-elle encore cette possibilité de la parole, du dialogue. Elle est refermée sur elle même, condamnée selon M.Heidegger au simple »bavardage », absence de véritable parole. « l’urbain agence le retrait de l’individu dans son corps et dans ce corps qui l’expose ». Le geste automatique ne fait pas intervenir la pensée consciente .La mécanisation de la ville cultive et entretien chez chaque individu le réflexe pavlovien . Que devient le citoyen dans cette ville mécanique quand il devient un élément atomisé de la masse ?

La signification d’automat est double. Comme si en choisissant cette polysémie du titre ,  il montrait l’analogie entre le lieu et l’homme.

« La machine, en comparaison de l’outil manuel, est une puissance impersonnelle » affirme Marc Fumaroli.

Nous sommes dans un AUTOMAT. COMMENT SAVONS NOUS QUE NOUS SOMMES DANS CE TYPE DE RESTAURANT CHEZ HOPPER? SEUL LE TITRE nous informe: « AUTOMAT » . Pourquoi ne le représente t-‘il pas?  l’image n’est pas véritablement moderne .L’automatisme est supposé hors champ, non représenté. Hopper joue t-‘il sur le contraste entre le titre et l’ ancien monde présent à l’image, le décalage entre le mot et l’image,  .Deux époques se juxtaposent ,une maison du XIXèm et une voie de chemin de fer.

Sur les nombreuses photographies d’époque, c’est justement la machine automatique qui est le lieu de focalisation des regards  avides de nouveautés .la photographie souvent de nature publicitaire fait découvrir dans les magazines ce  nouveau symboles de la vie américaine ,cette  « mythologie »moderne .  Roland Barthes  aurait pu l’inventorier dans son catalogue des mythes . le Fast food , le Burger, le distributeur automatique sont des topos emblématique de cette nouvelle mentalité urbaine.« Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société expliquait R.Barthes en  1957 (p 216), c’est le cas de l’automat.

les carte postales  diffusées à l’époque nous invitent à aller chez Horn & Hardart dans ce nouveau lieu pittoresque New Yorkais  de la 6èm avenue à Time Square. Il fait partie des lieux touristiques du moment.

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Automat Photo (c) National Geographic

The Automat, est photographié  en 1936 par Bernice Abbott. Témoin lors de son retour en 1929 à New York du constat baudelairien sur les changements rapides de la cité. « La ville change plus vite que le cœur d’un mortel » constatait amèrement le poète en regardant Paris et la modernité (dans son poème « Le cygne ») . Elle décide avec la photographie comme Atget pour Paris d’immortaliser avant sa disparition la grosse pomme. Son projet « Changing New York »de 1935 à 1939, WPA Projet archive ce passage entre deux mondes. Hopper lui aussi en est conscient.

  • Fifth Avenue Houses, Nos. 4, 6, 8 , 1936

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Berenice Abbott, Automat, 977 Eighth Avenue, New York, 1936 (675.1984).A l’intérieur d’un  restaurant, le « Horn & Hardart Automat » à Columbus Circle, 977 Eighth Avenue between West 57th and 58th Streets; un homme devant  un distributeur automatique de nourriture choisit une tarte. Anonyme, de dos au spectateur ,la photographe le montre en face de la machine.Afficher l'image d'origine

Biographie :hopper-003.jpghopper-selfportrait.jpg

« Timide comme un écolier anglais. Un visage long et émacié, une mâchoire puissante (…) le plus doué d’entre nous (…) mais pas encore un artiste. Pas assez libre pour ça. »
Guy Pène du Bois parlant de son ami vers 1903-1904.

« …homme de peu de mots, et sujet aux humeurs dépressives. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY

« On sait peu de chose sur sa vie privée et sans doute éclaire-t-elle peu son oeuvre »

« Francophile….Il se réfère à la peinture française »Didier Ottinger.

Que retenir ? »

L’homme est à l’image de sa peinture, tranquille. -Naissance à Nyack au nord de New York dans une famille de commerçant/Il a une éducation puritaine et artistique/ initiation à la culture française par son père (francophilie)./ Il Fait des études d’illustrations et gagnera sa vie au départ comme dessinateur publicitaire (comme Andy Warhol) . « Il illustre la circulation des biens de consommation, la civilisation consumériste.). Hopper a travaillé longtemps comme illustrateur, et cette pratique commerciale impliquait sûrement l’usage de la photographie. / Il Effectue « le grand tour », en Europe entre 1906 et 1910, 3 séjours parisiens qui le maqueront /Il se familiarise avec les grands-maîtres de la peinture française et montre un vif intérêt pour les impressionnistes et leur travail sur la lumière, la captation de l’instant. Il réfute les révolutions fauvistes/cubistes sur la couleur, la forme. Ce n’est pas un moderniste.

En 1920 , il rencontre le succès et la prospérité. Il a 43 ans et peut se consacrer entièrement à son art. Quand il peint cet « automat« , c’est un homme de 50 ans qui est au pinceau.

« Selon le marchand d’art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée. (Le figaro,2012, »Edward Hopper, peintre inspiré par sa surdité. »

«Hopper était assis sur un banc dans un coin gris, je me suis assis près de lui et nous avons discuté. Il n’aimait pas être dans les lieux publics. Il me l’a dit et j’ai compris aussitôt pourquoi. J’ai découvert son sévère problème d’audition, une révélation qui m’a fait lire différemment sa peinture. Cette surdité partielle m’a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, qui ne se parlent jamais. C’est une hypothèse plus sensée que la mésentente conjugale avec sa femme, Jo, toujours mise en avant».

Hopper considère citant Renoir ou Goethe que peindre s’est voir la nature à travers un tempérament, traduire sa vision subjective du monde.

 IV) Description :

Ce tableau représente une femme seule, impassible, perdue dans ses pensées. Elle est assise devant une table située dans un self-service entre la porte d’entrée et un escalier qui descend vers le sous-sol… La chaise devant sa table est vide. La femme est vêtue chaudement ; ce doit être l’automne ou l’hiver. Elle boit un thé. Seul un de ses gants est défait. Une deuxième tasse évoque probablement la dégustation d’un gâteau pris au distributeur. Autour d’elle, il n’y a aucune présence humaine. Au premier plan, coupé par le cadrage, on aperçoit un autre morceau de chaise. La femme semble totalement excentrée, assise dans ce lieu de passage, cet espace inconfortable et transitoire. Elle est éloignée du cœur chaleureux, convivial du lieu. Peut-être, est-il présent dans le hors champ où nous sommes ? . Derrière cet « Oiseau de nuit », se trouve une glace où dans un habile jeu de miroir, se reflète les globes de lumières artificielles du bar. À travers la vitrine, on n’aperçoit pas l’obscurité de la ville, l’espace est clos sur lui-même. Aucun indice d’une quelconque animation dans la rue. La lumière d’un blanc terne, livide et froid, éclaire la jeune dame.

« La femme seul personnage humain du tableau, une femme est assise à une table. Son regard est fixé sur sa tasse de café. Elle porte un chapeau et un manteau en fourrure, qui semblent, un peu comme elle, «fatigués». En effet, les deux vêtements ne vont pas ensemble et le chapeau tombe des deux côtés de sa tête. Il n’y a pas d’autres présence qu’elle, pas d’amis ni d’autres clients, ni même de serveur, étant donné qu’elle se trouve dans un «automat», ces restaurants qui donnent automatiquement entrées, desserts et boisson par le biais de la machine...

Le décor :Le restaurant est ici entièrement vide, à l’exception de la femme ; et pourtant, le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face du modèle. Il rappelle encore une fois qu’elle est seule. La coupe de fruit, qui tranche de par ses couleurs vives, semble être la seule trace de vie de toute la pièce.La femme a gardé son manteau, son chapeau et ses gants, ce qui pourrait signifier d’une part, que le petit radiateur sur le côté ne suffit pas à la réchauffer, et d’autre part que nous sommes en hiver. Le froid qui se dégage du tableau rend la femme encore plus vulnérable. A l’instar de nombreuses peintures de Hopper, aucune porte n’est visible. La femme semble coincée dans sa douleur. Seule une grande baie vitrée est visible, ce qui ressemble aussi beaucoup à d’autres tableaux de Hopper, comme Noctambules. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître l’immense étendue noire de la nuit en se faisant refléter toutes les lampes de l’automat. »

V Description plastique

« Il dote l’architecture, (l’espace ) d’une identité psychologique ».

« Il y a  dans ces tableaux  quelque chose qui l’ empêche de peindre le mouvement…C’est une incapacité féconde. »Didier Semin

La géométrie et la représentation spatiale traduisent fortement cette sensation d’isolement ressentie par le spectateur. L’espace de ce restaurant rapide est clos, désertique et vide, contrairement aux photographies qui nous le font découvrir animé dans les publicités. Est-ce l’heure tardive ?  . La femme ne semble pas réellement habiter ce lieu. Tout y est statique, sans âme, figé , quasi suspendu. Dans cet espace moderne, y a-t-il un génius loci ? La scène peinte n’a rien à voir avec le bal « du moulin de la galette » d’Auguste Renoir, avec  ses miroitements de lumières sur la foule dansante, ce plein air festif et jovial d’une après-midi à Paris. Le bar, le café, le bistrot traditionnellement dans la ville peuplée de rues agitées sont le symbole de la convivialité, du plaisir et de la sociabilité. Il est un point de chute très frenchy. Les bars dès la fin du XIXe font partis des nouveaux loisirs urbains que diverses classes sociales vont fréquenter. C’est le lieu de réencastrement (re-embedding), espace public de rencontre. Ce sont « des dispositifs particuliers propices à l’échange », des « machines relationnelles ». Qu’en est -il dans l’automate ? L’automate fait partie des nouveaux lieux que la classe moyenne américaine fréquente. Rien à voir avec le bistrot parisien. Ici, le self-service américain est partiellement décrit comme un lieu d’inhumanité. Déjà, Degas et Manet posaient un regard réaliste et similaire sur le bistrot parisien. Il n’était pas seulement institution de loisir, mais topos du désabusement, de l’alcoolisme à la fin du XIXe. C’était l’endroit où se posait l’être à la dérive. Cf. le tableau l’Absinthe, où l’endroit est dépeint sous les traits de l’ennui, de l’incommunicabilité, de la crise du couple. Hopper quarante ans plus tard montre avec le regard d’un Degas, aussi la complainte du progrès comme « un monde renversé », la « grande ville » est celui du renversement des valeurs.L’automat ce n’est pas non plus le bar français des avant-gardes de Montmartre puis  Montparnasse ces lieux d’échanges intellectuels et artistiques si fécond au début de siècle. Dans la grosse pomme, l’automate n’est qu’un lieu fonctionnel de la restauration. Le bar stimulera l’artiste cubistes puis surréalistes permettra le libre jeu de la publicité et de la discussion des idées et opinions. Et l’automate ? Espace transitoire au service du capitalisme, et de la consommation, il ne peut être l’espace où germe la contestation.
L’automate, ce n’est pas, non plus, le bistrot à la Française, ce bistrot des années 30 avec sa faune bigarrée et interlope des années folles si pressées d’oublier les désastres du début du siècle. Le bistrot immortalisé par les photos de Brassai dans les années 30… est pour ce Hongrois arrivé en France, le lieu le plus authentiquement français, le charme du Paris populaire et romantique. Dans Le Paris nocturne, ces lieux sont ceux de la liberté et de la transgression.

Degas/Hopper : deux tableaux, deux représentations de la femme moderne avec son regard vague, son vague à l’âme

.Nouvelle Athenes Photo 1

Bal du Moulin de la Galette,Auguste Renoir./La nouvelle Athène, le bar des impressionnistes ou le café Gerbois.Le bar à la mode est occupé par les artistes bohèmes.

« Je suis devant une absinthe, Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles. »témoignage  d’Ellen Andrée  modèle de ce tableau dans ses Mémoires :

.L’AbsintheDegas_Absinthe_psy1, 1875-1876, Afficher l'image d'origineprune_manet

92 × 68 cm, Paris,Musée d’Orsaycf. « leblogdelapalettedecouleur.

La même Ellen Andrée actrice est peinte en 1878 par Manet

Forain La buveuse d'absinthe14_Jean_Beraud_Les buveurs_1908Caillebotte Dans un CafeForain La lettre et l'absinthe vers 1885

La buveuse d’absinthe,Forain, Lithographie, 1885, Musée d’art de Providence//Femmes à la terrasse d’un café – 1877//les bistros de Jean BéraudLes buveurs , 1908 //Étude d’« Un bar aux Folies Bergère », vers 1881, d’Édouard Manet. (Photo Collection particulière). Le miroir derrière le modèle est un dispositif scénique permettant la représentation du hors -champ de la serveuse. On découvre l’animation du café.
Dans un café,Gustave Caillebotte,1880,Musée des beaux -arts de Rouen..La lettre et l’absinthe,Forain, vers 1885, pastel, Collection privée

William james glackens, café lafayette

Fichier:William james glackens cafe lafayette.jpgempty imageWilliam Glackens (1870-1938)A Aff A0n N Pu Claaaaa El F Tk Su Qm Cc

BRASSAÏ et Photographie des bars

Le tourbillon de la Belle-époque  est photographié par Brassaï, il tente de capter le charme parisien.« Il dérive de rue en rue, il tourne dans les rues de réverbères en réverbères, d’ateliers de peintre en bordels, et l’inattendu surgit, les choses et les êtres que l’on n’avait pas su voir sont là présents, vivants. »Appareil photo à la main, il parcourt les rues et les bars de Paris principalement la nuit.

« C’est poussé par le désir de traduire en image tout ce qui m’émerveillait dans ce Paris nocturne que je devins photographe »Brassaï

« Dès l’instant où j’ai réalisé que l’appareil photo était capable d’immortaliser toutes les beautés du Paris nocturne dont j’étais tombé passionnément amoureux lors des pérégrinations de ma vie de bohème,  faire des photos n’était plus pour moi qu’un plaisir ».Brassaï

BRASSAÏ, Couple d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, vers 1932 © Estate Brassaï
Le bistrot français symbole du Paris populaire et des rencontres amoureuse des années 30, photographié par « l’oeil de Paris » mais aussi le Paris de la nuit,inconnu et extravagant.Il photographie les couples au plus près, le rapprochement des corps dans ce lieu de rencontre.

Brassaï – Couple dans un bar parisien,1932

Brassaï-« Bijou » au bar de la lune-1932

“Bijou” of the Montmartre cabarets, 1933.

 Brassai1 Brassaï - "Bijou" au Bar de la-Lune, Montmartre-1932Brassai3

 Brassaï – Bal de la montagne Ste Geneviève 1932.

Piet Mondriaan abstract painting Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930Piet Mondrian?s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927Composition with Blue, Yellow, and Red by Mondrian in the Boston Museum of Fine Arts, June 2010

P.M .Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930/Piet Mondrian’s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927.

Composition with Blue, Yellow, and Red 1927 Piet Mondrian.Dimensions: Overall (Unframed): 40 x 50.5 cm (15 3/4 x 19 7/8 in.).

« L’homme a besoin d’images« . Yves Bonnefoy.

“Le rythme ressemble au temps, à la fois un et changeant, il ressemble à l’architecture, c’est-à-dire à notre univers qui est une construction.”
Yves Bonnefoy De Yves Bonnefoy / Colloque – 1984

« Le temps étiré, l’inquiétude, la solitude…Ils sont spéciaux ces personnages, comme désincarnés, il y a jamais de regard… » Pascal ClarK

  • Titre: Automat.
  • Date: 1927
  • Auteur: Edward Hopper.
  • Technique : huile sur toile.
  • Dimensions: 41,7 cm X 91,7 cm.
  • Lieu d’exposition :Collections permanentes du Des Moines Art Center ; Acheté avec des fonds de la Edmundson Art Foundation, Inc. 1958.2 .État de l’Iowa.(Cf.https://desmoinesartcenter.org/)
  • Contexte d’exposition:  Le tableau a été exposé pour la première fois, le jour de la Saint-Valentin , en 1927, lors de l’ouverture de la deuxième exposition personnelle de Hopper, à la Frank K.M. Rehn Galleries de New York. Cette galerie d’art courue des conservateurs de musée et collectionneurs (Duncan Phillips, John Gellatly, John T. Spaulding, Albert McVitty, E. W. Root et C. Vanderbilt Barton) sis 693 Fifth Avenue,  était spécialisée dans la représentation des peintres américains tels que Robert Henri, George Luks, John Singer Sargent.,Peggy Bacon, George Bellows…
  • Le tableau est vendu en avril 1927 pour $1,200. »
  • Genre :C’est une scène de genre.
  • Influences: L »artiste peint de nombreuses scènes urbaines et de la vie quotidienne. Ce genre, mineur dans la peinture classique, connaît à l’instar de la peinture de paysage, un grand succès au XIXe siècle avec l’avènement de la peinture moderne européenne et américaine. Les artistes désireux de sortir des canons idéalistes, beaucoup trop désincarnés, et du formalisme académique  « descendent dans la rue » pour interroger, sonder  « l’épaisseur matérielle du réel », traduire son poids et sa matérialité tangible même la plus vile – pensons à la vision du peintre flâneur baudelairien avide du circonstanciel, à Gustave Courbet et sa peinture socialiste, son oeil engagé si attentif « aux yeux d’un pitoyable gueux ou d’une fille du trottoir, » au travail humble d’un casseur de pierres plutôt qu’à une cathédrale- Pensons outre-atlantique, évidemment, au réalisme américain, à sa figure emblématique, fondateur de l’« Ash Can School »(Ashcan School )Robert Henri (1865-1929). Ce professeur des beaux-arts si inspirant et stimulant:(
  • « a great prophet of your age »
  • « Spock with hypnotic effect »
  • « contagious entousiasm »-)
  • pour toute la jeune génération.Il apportait à leur connaissance, la connaissance des nouvelles avant-gardes françaises et une une longue tradition de la grande peinture européenne (Hals, Rembrandt, Velazquez) .Robert Henri « encouraged his students selon Erika Doss , to liberate themselves from Both stylistic and social contraints » . Il les incitait à affirmer leur propre indépendance et à  liberté leur créative.Robert Henri, Snow in New York, 1902Les étudiants devaient sortir de l’atelier comme le fire les impressionnistes et se confronter à la « révélation of réal life (« réal-life expérience »). Il peint de nombreuses scènes urbaines des « sujets oridinaires et communs comme cette toile « Snow in New York, 1902 exécutée dans une touche très enlevée. il reprend les effets astmosphériques de la neige dans une rue. Pour Forbes Watson, » Henri was an inspired teacher with an extraordinary gift for verbal communication, with the personality and prophetic fire that transformed pupils into idolators. »Il avait a « magnetic power »(Introduction de « The Art Spirit: Robert Henri »). Comme son école il influencera particulièrement le jeune Hopper, même si ce dernier s’en défend, à travers son réalisme sans phare proposant une beauté nouvelle.(On peut se replonger dans son article « indiviuality and freedom in art » de 1909 ou son ouvrage « The art spirit » de 1923 qui réunit ses notes et lettres.Son sujet était selon  son auteur « beauty—or happiness, and man’s approach to it is various.« R. H.June, 1923 ( L’esprit de l’art, que l’on peut visionner ci-dessous). »
  • https://youtu.be/oD_C_yk0Zi0
  • Pensons à William James Glackens, également, un des représentants de ce réalisme factuel. Ce « réalistes de New York » portera un intérêt particulier pour les motifs de Middle Class « américaine.(Il reprendra, après un voyage en France, en 1895, et un long séjour d’un an dans la capitale, dans ses toiles les motifs citadins : »everyday scenes, the street show, scenes from cabaret, from Bar, from the American city »dans un style très proche de Forain, Renoir ou de Manet). Pensons à John French Sloan et son intérêt, comme Dos Passos, pour la classe ouvrière et les migrants dans la grande ville. On découvre, chose rare, la ville depuis les toits, « la ville au-dessus de la ville », autant de nouvelles scènes d’humanité où le peintre révèle, à travers un nouveau point de vue, depuis les hauteurs de la ville, ces nouveaux espaces de la vie dans le tissu changeant de la métropole : (toilettes féminines, lancer de pigeons… Loisirs). Le  réalisme de Hopper consiste à représenter la société américaine, la vie des Américains de la classe moyenne (middle class) des années 1920-40, sans idéalisation et sans fard. On pourrait rechercher des paternités chez les réalistes européens et américains qui le précèdent.
  •  133496 050 B271 Ee56John Sloan, A Roof in ChelseaJohn Sloan : peintre de l'Ashcan SchoolJOhn Sloan, Un toit à Chelsea, New York, v. 1941/51, sous-peinture à la détrempe avec glaçure à l’huile et finition à la cire sur panneau de composition, 21 1/8 x 26 1/16 pouces. Hood Museum of Art,
  • Dartmouth College, acheté par le biais du fonds Julia L. Whittier. P.946.12.2.

    Sunday Women, Drying Their Hair (1912)

    Sun and Wind on the Roof (1915)

     Réplique De Peinture | les pigeons de John Sloan (1871-1951, United States) | ArtsDot.comles pigeons. Reproductions De Peintures | Le travail d une femme, 1912 de John Sloan (1871-1951, United States) | WahooArt.comLe travail d’une femme »

  • pigeons.

    George Luks,City Scene

    undefinedNew York City Scape (circa 1910)
    charcoal on paper, 16.5 x 22.375

    Cecil Bell, Reginald Marsh et Louis Ribak

  • Autre influence qui ce certainement à la source de la peinture américaine de la fin du XIXe siècle, c’est le mouvement impressionnisme et sa captation lumineuse, sa traduction fluide des impressions ressenties, La conception de la toile comme réceptacle d’un morceau de réalité vu à travers un œil et un tempérament, nourrirons certaines aussi le goût d’Hopper pour la couleur et la lumière.Son travail de l’aplat, de simplification des formes architectural, son goût pour la délimiter les masses appliquées aux espaces a peut être sa base dans la conception picturale des Nabis  ce mouvement synthétiste et moderniste, prophétisant une  peinture pure, autonome et abstraite : Édouard Vuillard, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Paul Sérusier.
  • Comme ses camarades peintre, un séjour initiatique à Paris s’imposera comme une évidence pour E. Hopper dans sa formation. « Rares furent les peintres américains qui échappèrent à l’influence artistique de Paris  » explique dans le catalogue illustré de l’exposition de 2006 consacré à ce thème : ‘Les Américains à Paris : 1860-1900 « . « Au XIXe siècle, Paris était au centre du monde des arts et constituait, en particulier après 1860, un pôle d’attraction certain pour les étudiants et les artistes américains.
  • Influence de la peinture Nabis?
  • Influence ou plutôt confluence avec le cinéma, dont l’horizontalité des formats, les décors et les cadrages, tous comme la photographie influa sur la peinture de Degas, semble avoir de vraies affinités électives et mutuellement inspirantes.L’œuvre d’Edward Hopper (1882-1967) et l’art cinématographique n’ont cessé, selon Nicolas Cvetko, de se nourrir mutuellement. Dans certaines toiles le spectateur de cinéma est présent, ou l’ouvreuse, toujours comme un spectacle hors champ. »On sait aussi désormais explique Nicolas Cvetko.,que les films, les films noirs en particulier, ont pu déterminer certains de ses motifs et avoir une incidence sur ses choix de composition. Ce jeu d’influences est aussi permanent que réciproque. »E.Hopper , »AUTOMAT », 1927: Etude H.D.A sur la ville. – Histoire des arts  ,Ni l'un ni l'autre

Cf:La quadrature du film : citation de Nighthawks (Edward Hopper, 1942) dans Les Frissons de l’angoisse (Profondo rosso, Dario Argento, 1975) Nicolas Cvetko. ou « Edward Hopper : film criminel et peinture.Jean Foubert https://doi.org/10.4000/transatlantica.5966

Le catalogue: Américains à Paris 1860-1900
  • Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. House tops 1921Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Solitary figure in theater 1902Edward Hopper. Nude walking through a doorwayEdward Hopper. Woman walking 1906Edward Hopper. Woman walking 1906
  • Le Style : « Ses peintures sont figuratives mais abstraites ».C’est une PEINTURE FIGURATIVE aux structures très fortes  et  « abstratisantes ».Hopper est un peintre réaliste et figuratif, mais il use du réalisme avec bizarrerie. Hopper propose plutôt un réalisme spéculatif, voire énigmatique. Sa peinture est métaphysique. Il simplifie et épure la toile de tous les détails inutiles. Hopper « oblitérait » énormément dans son atelier, éliminant impitoyablement de son travail tout ce qui ne faisait pas partie de ce qui concernait le plus [sa] vision. » explique Olivier Rey.E.H est considéré comme un représentant du naturalisme dans la tradition de la peinture et littérature du XIXe siècle (1860-1880). Recherche du document vrai, de la vérité en art, ce mouvement littéraire et artistique fondait sa pratique sur une observation scrupuleuse du réel. Peut-on parler d’une totale captation objective du réel ? Non, il semble l’épurer afin de libérer l’espace des détails pour laisser triompher l’impacte de la lumière crépusculaire sur les surfaces nues de l’architecture.Son style est sévère, laconique, voire puritain. Il rend sa peinture puriste par la simplification des détails, la recherche d’une construction géométrique, et le jeu de grandes surfaces colorées aux aplats de couleurs froides.) E. Hopper contrairement au modernisme parisien qui s’ingénie à révolutionner la peinture en remettant en cause les dogmes classiques de la représentation : fauvisme (autonomie de la couleur), cubisme (révolution de l’espace et de la forme), abstraction (abandon de la /figuration) demeure un classique. il devient moderne par son classicisme :f il veut faire du poussin sur nature? « Imaginez Poussin refait entièrement sur nature, voilà le classique que j’entends.« 
  • Comme de nombreux peintres américains, Hopper a d’abord formé comme illustrateur. C’est une pratique personnel que nombre de peintres américains conjugueront avec leur propre pratique de peintre. William James Glackens sera illustrateur pour le New York Herald et le New York World, peintre, illustrateur et graveur, habile dessinateur, travaillera pour le Philadelphia Inquirer.
  • Au-delà très un ressource pécuniaire avec la presse, elle favorise de plain-pied un art pictural en phase avec l’actualité et la diffusion de l’oeuvre d’art et des images à l’ère de la « Mechanisierte Reproduktion ».Pour Walter Benjamin qui questionnera cette nouvelle fabrication de l’image.Une peinture comme celle du peintre américain, reproduite aujourd’hui de façon massive, donne en écho, raison à ce que le philosophe diagnostiquait « mettre ses produits sur le marché » et la « transformation de l’oeuvre traditionnelle en images. »Comme la lithographie, « l’art graphique devient capable , dit-il ,d’accompagner le quotidien en l’illustant. »Andy Warhol, peintre américain, sera le parfait exemple de ce que prévoyait W.benjamin:(einen Platz unter künstlerischen Prozessen erobern/ »conquéire une place parmi les procédés artitiques)faisant de ce médium technique, « la reproduction technique », de son « process » l’essence même de son art.
  • Thème : Il s’agit d’une représentation de la vie urbaine américaine dans l’entre-deux-guerres.

II) Contexte historique et économique et artistique ?

  • 1)Contexte historico-économique : Quelques dates et événements.1880 – 1920 : urbanisation et perte des valeurs rurales traditionnelles.
    1880 : Électrification des grandes villes américaines (Inventeur : Thomas Edison). Tout comme le gaz à Paris, l’électricité change le visage de la ville.
    1920 – 1932 : Interdiction.
    24 octobre 1929 : Jeudi noir : krach boursier de Wall Street.
    1929 – 1933 : Grande Dépression.
    1933 : Élection de F.D. Roosevelt – La nouvelle donne.
  • Contexte culturel : quelques dates et événements.1927 : ce tableau est contemporain de la naissance du parlant : à cette époque, on assiste à cette rupture, ce passage entre deux mondes – celui du cinéma muet, triomphe d’un langage antique, et l’universel du corps comme geste, théâtralité mise en scène à celui nouveau du cinéma parlant. La Compagnie Warner présente ses premiers films sonores, Don Juan 1926 et surtout Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland œuvre fondatrice à la même époque que la toile du peintre en 1927 (Celle-ci s’accompagne de l’invention du vitaphone). Ce personnage féminin et toutes ses peintures si muettes proches des décors de cinéma ne parlent-ils pas de cette transition cinématographique, ce profond changement dans le régime de l’image et du son, du déclin de ce langage expressif désormais impropre dans sa forme excessive comme sa voix (pour l’actrice grave et étrangère) à séduire les nouvelles attentes du public ? Nous assistons, ici, à ce passage entre deux temps, deux mondes, métamorphose à celle du paysage New yorkais. Cette jeune femme, avec son chapeau des années 20, ne serait-elle pas la figure spectrale et fantomatique de cette héroïne du vieux style  qui, comme l’actrice iconique Pola Negria sombra dans l’oubli, l’infortune et la dépression. Après la fin du cinéma qui la consacra (ruinée par la crise de 29, une fausse couche, les déboires de son couple avec un mari flambeur), se trouve désormais, dans l’espace moderne, désœuvrée. » Ce corps a-t-il une présence, posté dans la précarité du présent, entre un avant et un après. L’attente même, le désespoir sont des « attitudes du corps »que le peintre a su sublimer.
  • 2) Afficher l'image d'origineLes inspirations d'Edward Hopper - Jo Hopper, le Théâtre et le Cinéma |  Article sur ArtWizard

(Yvonne printemps).

La Toile blanche d'Edward Hopper

Relire Hopper

  • Que dit-on de lui?

«Hopper …ce peintre-poète du terroir urbain middle class… » Robert Hughes.

« Hopper interroge l’américan way of life et ses transformations… ».

« C’est le peintre de la nuit et de la lumière solaire et du crépuscule. »

Hopper peint l’homme dans la ville, « cette photosynthèse de l’être ».« Un être qui se tourne vers la lumière (…) la lumière est ainsi un signe en plus, un appel, dans presque tous ces tableaux en cela certes métaphysiques ». Yves Bonnefoy, « Edward Hopper : la photosynthèse de l’être. »

« Son art ignore les modes ; sa sincérité et son originalité seront toujours les gages de sa nouveauté »,« Charles Burchfield, Américain », in « Notes et articles »

  • Que dit Hopper de son travail?

De sa propre vie:

Si je voulais vraiment être architecte, mais l’architecture m’a toujours intéressée. Un moment je voulais être architecte naval, car j’aime les bateaux. Mais je suis devenu peintre à la place.(« If I really wanted to be an architect, but architecture has always interested me. For a moment I wanted to be a naval architect, because I like boats. But I became a painter instead. »E.HOPPER, Notes sur la peinture », in « Notes et articles ».

Sur sa peinture: ses objectifs (la peinture est comme les impressionistes conçue comme projection, « expression » d’une intériorité à partir d’une perception  ( ressenties, sensation,) celle  confronté à l’ordre autonome du réel.

« Mon but en peinture, explique Hopper n’a cessé, à partir des émotions que m’inspire la nature, de projeter sur la toile ma perception la plus intime face à un sujet qui façonne sa représentation. ».( « My goal in painting, explains Hopper, has never ceased, from the emotions that nature inspires in me, to project on the canvas my most intimate perception of a subject that shapes its representation. »« Notes sur la peinture », in « Notes et articles »E.Hopper.

« Le grand art est l’expression d’une vie intérieure de l’artiste et cette vie intérieure se traduira par sa vision personnelle du monde. »Source: https://quote-citation.com/fr/topic/citations-de-edward-hopper

« Ça parle de moi… Le moi-intérieur est un océan immense et fluctuant.« E. Hopper (« It’s about me…The inner self is an immense and fluctuating ocean.« E. Hopper) La peinture est le lieu d’expression de cette « corde vibratoire », transformer ce voile, le  miroir d’une intériorité océanique et mouvante. A l’image de l’homme, toutes ses figures introspectives avide d’une nappe de ciel océanique (de la grâce?) ne sont-il pas à l’image d’un être ballotté sur les flots entre les hauts et les bas de toute vie? .« La vie est une lumière dans le vent. » enseignait un Proverbe japonais.

  • Ses tématiques: Ce ne sont pas simplement des vues de ville, mais la question de l’être urbain, la question de l’être en tant qu’être dans la mégalopole moderne (Questions contemporaines autour de l’humanisme/anti-humanisme et de ma métaphysique.

« le circuit de l’être m’intéresse beaucoup, j’essaie de le peindre .» E.Hopper

« L’érotisme est lié à la distance que la femme réussit à mettre en elle et l’homme , créant un rapport de dépendance psychologique. Cette même dépendance psychologique génère la tension qui est le ressort alimentant le désir. »Edward Hopper

  • Une pratique exploratoire des questions plastiques: le choix de la lumière comme sujet pricipal dans son oeuvre, comment saisir « ses actions » sur le paysage, l’architecture et l’être, trouver ce que Gothe nommait la juste clarté, c’est une juste répartition d’ombre et de lumière ». Essayer de la peindre, c’est un défit auquel Monet avait avait consacré sa vie. Dans ses peintures comme au cinéma une lumière semble venir de l’image.(Une religiosité sécularisée)?

« la lumière m’intéresse beaucoup, j’essaie de la peindre » (“light interests me a lot, I try to paint it”) E.Hopper« Notes sur la peinture », in « Notes et articles. »

« I may not be very human — what I wanted to do was paint sunlight on the side of a house. »(Je ne suis peut-être pas très humain — ce que je voulais faire était peindre la lumière du soleil sur le côté d’une maison. »)

« Il y a une sorte d’exultation au sujet du soleil sur la partie supérieure d’une maison. »

  • Sur sa réception, son interprétation:

« Il y a dans la peinture quelque chose d’essentiel, quelque chose de plus qui ne s’explique pas. » E.Hopper. Notes sur la peinture » (“There is something essential in painting, something more that cannot be explained. »in « Notes et articles ».E.Hopper

Des croquis à l’oeuvre:(Livre à consulter)

J’embrasse le commun

C’est le peintre de l’ordinaire. Dans la lignée d’un Emerson jusqu’à S.Cavell de « l’inquiétante étrangeté ordinaire ». Rendre visible ce qui paradoxalement est visible et que l’on ne voit pas.(Foucault) cité par Sandra Laugier dans sa conférence sur Philosophie et vie quotidienne.

« Je ne recherche pas ce qui est grandiose, éloigné, romantique… J’embrasse le commun, j’explore et je suis l’enseignant du familier, de l’ordinaire » Emerson, « Société et solitude ».

La toile si cinématographique chez Hopper, deviendrait-elle l’égale de l’écran, lieu de projection, (ce que le philosophe américain nomme comme le lieu de « la projection du monde », titre d’un de ces ouvrages.

https://www.canal-u.tv/video/universite_de_bordeaux/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

Philosophie et vie quotidienne – Université de Bordeaux – SAM – Vidéo …

https://www.canal-u.tv/…/philosophie_et_vie_quotidienne.4316

4 sept. 2006.Le philosophe américain Stanley Cavell se réapproprie quelques années plus … Spécialiste de Cavell et de la …

Non, Hopper veut retranscrire ce qu’il sentait, voyait ou éprouvait ; c’est-à-dire « la transcription la plus fidèle possible » de son ressenti. Sa peinture s’éloigne du formalisme à la mode dans les avant-gardes artistiques du début du siècle. Son naturalisme n’est pas riche, foisonnant de détails à la Zola, mais décanté de façon quasi-constructiviste, pour ne conserver que les structures. Picasso avec sa peinture « Les demoiselle d’Avignon » fragmente l’espace devenu dynamique, en multipliant les points de vue tandis qu’un J.Pollock avec ses dripping et all over, transforme la toile en une arène abstraite et expressionniste ? Un plan haptique ; un écran, en lieu de projection totale du moi. E.Hopper ancre sa peinture dans le vécu, il rejette l’abstraction, incapable, selon lui, de rendre compte de l’expérience humaine. Comment traduire sur la toile son expérience intérieure à travers l’ordinaire, circuit de l’être urbain: l’un artiste impressionné par la lumière et les sensations lumineuses sur les plans d’une rue. Il la conserve, la traduit dans l’espace euclidien et dans la perspective , qui dessine des agencements spatiaux.

« La réalité est comme une énigme ». Comment montrer que le réel est mystère, l’ordinaire énigme?

Qu’est-ce que la réalité ? Ce qui existerait indépendamment du sujet et qui n’est pas le produit de la pensée. Ce jeu des phénomènes que perçoit concrètement le peintre et qu’il tente de traduire avec son langage sur la toile ? La réalité avec ses signes demande à être déchiffrée.

UNE PEINTURE MADE IN U.S.A.

Hopper préfère cultiver une peinture proprement nationale, une peinture américaine en cherchant à définir son style. De retour en Amérique, sa peinture d’inspiration française ne se vendait pas. Son style américain rencontrera par contre beaucoup plus de succès. Ce choix, est-il purement opportuniste ? La topographie, secréterait-elle un type d’art tout comme Mme de Staël distinguait à travers le climat entre littérature du nord et littérature du su d ? « le nord est romantique et le Midi classique.« Qu’est-ce qu’une peinture américaine, une peinture nationale à l‘A.D.N américaine tout comme dans la façon de penser on discriminerai philosophie anglo-saxonne et continentale.L‘espace de la toile ne sera pas vécu de la même façon avec celui vécu de la topographie américaine.

« Maintenant ,ou dans un futur proche, l’art américain devrait se sevrer de sa mère française » .E.Hopper. Notes sur la peinture », in « Notes et articles »

Malgré son influence française,ses séjours et son apprentissage parisien)– il tente de trouver une peinture à l’image de l’Amérique. (?) Luministes, réalistes ou impressionnistes, les peintres américains par le passé ont souvent regardé et retraduit les paysages de l’Amérique avec le regard du peintre européen. J.S.Sargent, par exemple, reprend la palette de Velàsquez, Thomas Eakins le réalisme détaillé et pompier d’un Gérôme, Théodore Robinson les impressions picturales d’un Monet. Avec l’Armory Show en 1913, le continent américain se raccrochait au wagon moderniste de l’avant-garde formaliste européenne. Tout comme à partir d’Emerson l’Amérique a besoin de se fonder intellectuellement, l’Amérique a besoin de se fonder artistiquement.(Se créer une filiation à tout le moins une origine américaine.)

Duchamp, en 1917, choisit le Ready made -un urinoir comme œuvre d’art – car l’objet technique, manufacturé du plombier ou le pont métallique sont des images symboles de cette modernité Américaine ( son modernisme utilitaire).Afficher l'image d'origine

Warhol lui choisira le moyen mécanique de la sérigraphie, une image tout en surface et pop (publicitaire), la plus à même de traduire l’Amérique capitaliste et marchande, celle des masses média de « l’industrie culturelle » démocratique et libérale. Les expressionnistes abstraits optent pour de vastes formats à l’image des grands espaces.

Que choisit Hopper? la tradition de l’illustration?

Hopper préfère suivant la tradition américaine, faire de la peinture, il est « anti-moderniste« . Il se veut le représentant de « la scène américaine », même s’il réclame le statut d’électron libre, refusant de sacrifier son indépendance  pour devenir le maître des courants de l’époque. Il sera sans héritier. Cependant , on tentera de trouver des filiations malgré lui en le rapprochant de l’esthétique de « l’Ash Can School », « l’école des poubelles » avec sa représentation volontairement prosaïque et sociale du réel. Robert Henri, qui fut l’enseignant d’Hopper, professait un art documentaire proche du journalisme.

Hopper s’intéresse à l’ordinaire, à l’anodin. Il extrait une certaine poésie du trivial, du banal, de la quotidienneté. Il pratique « un réalisme subjectif ». Le peintre est le témoin attentif des mutations, évolutions que connaît cette société urbanisée. Dans nombre de ses peintures, on découvre une certaine nostalgie d’une Amérique passée ? Ses toiles traduisent par de savantes compositions ce conflit latent entre deux mondes, deux temps, celui d’une nature authentique transformée avec l’avènement de l’âge industriel. Dans nombre de ses œuvres, les personnages semblables à des automates sont esseulés, mélancoliques…figés, dans l’attente muette d’un entre-deux. L’homme se place dans cette déchirure entre deux mondes.

« Il distille une atmosphère d’un pessimisme tranquille ».

Pas de pathos tragique chez Hopper. le peintre met à distance le spectateur, le plaçant dans la position contemplative et interrogative. Sa peinture n’est pas sensuelle, haptique. Sa touche est relativement mate, chaque élément semble peint dans le même bois. Certains critiques lui reprochent son manque de variété.

« Hopper est-il vraiment un grand peintre ? » question titre du Figaro.Adrien Goetz. 25/10/2012.

« Il faudrait inventer une catégorie d’art spéciale pour le genre de choses que fait Hopper. Il n’est pas peintre au plein sens du terme. Sa manière est pauvre (…) de seconde main (…) Hopper se trouve tout simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait, très probablement, pas un artiste à ce point supérieur »Cité in « Edward Hopper et la modernité », de Didier Semin

«Hopper se trouve simplement être un mauvais peintre. Mais s’il était un meilleur peintre, il ne serait probablement pas un artiste à ce point supérieur.» Clément Greenberg Sortant d’une exposition en 1946, il critique sévèrement celui en qui il voit un peintre qui ne sait faire que de la «photographie littéraire ».Cité par Didier Semin. Interview confrontation avec Hecto Obalk dans  l’émission ce soir ou jamais présenté par F.Tadei.

« Quand je le regarde en photo ,en vidéo ça va , mais quand je suis dans une expo, c’est une catastrophe. » H.Obalk.

4) contexte technique et scientifique.

  • 7 janvier 1927: le premier service de téléphonie par câble transatlantique entre Londres et New York est ouvert au public. La technique permet d’entrer dans la sphère d’un monde « globalisé ». Aujourd’hui, de la rue à la maison, du travail, au cybercafé, les médias et ordinateurs sont les outils du nouveau flâneur virtuel. La ville est désormais un énorme rhizome connecté. MAIS COMMUNIQUONS-NOUS MIEUX AVEC CETTE TECHNIQUE MODERNE, LE TÉLÉPHONE ?« Un siècle après son invention par Graham Bell, le téléphone a traversé l’Atlantique par câbles, liant ainsi l’Amérique au Vieux Continent.« La première conversation téléphonique outre-atlantique a lieu entre W.S. Gifford, président de l’American Telephone and Telegraph de New York (AT&T) et sir Evelyn P. Murphy, secrétaire d’État aux Postes du gouvernement britannique à Londres.
    7 avril 1927 : la compagnie Bell Téléphone transmet des images et des sons de Washington à New York. La télévision n’est pas loin. Présente dans chaque foyer elle deviendra l’objet privilégié du divertissement pascalien, l’enfermement de l ‘homme urbain.« Le médium est le message » dira M. Mac Luhan ? Il influe beaucoup plus que le message lui-même. Nous vivons aujourd’hui dans une culture dominée par l’image, »la société du spectacle » (Guy Debord) et du spectaculaire. La « vidéosphère » a succédé à la « graphosphère » constate le médiologue Régis Debray.  l ‘artiste américain pressent-il ce changement civilisationnel? La leçon de sa peinture, nétait-elle pas de nous inciter à regarder le réel et tous ces parangons médiatiques ?
  • 20-21 mai 1927 : Charles Lindbergh traverse l’océan Atlantique en solitaire à bord du Spirit of Saint-Louis.
  • 28 juin 1927 : un équipage américain relie San Francisco et Honolulu sans escale sur un « Fokker F VII 3 m » : 3 890 km en 25 heures et 49 minutes.PÉRIODE DES INVENTIONS ET EXPLOITS TECHNIQUES DE CIRCULATION, LES MOYENS DE RÉUNIR LES HOMMES ÉLOIGNES SE MULTIPLIENT ET POURTANT L’ETAT D’ÂME DU CITADIN ET SA SENSATION D’ISOLEMENT/ DIFFICULTÉ COMMUNICATIONNELLE EST BIEN PRÉSENTE.Nous sommes en 1927, dans une période de prospérité américaine, deux ans avant le grand Krak boursier de 1929 et la grande dépression. C’est le début de la société de consommation et le temps du plein développement de l’industrialisation : (Le taylorisme (1), le Fordisme (2) caractéristique des temps modernes. Cf. La représentation humoristique faites par Charlie Chaplin dans son film « Les temps modernes. »(1936)

de 1936.

L’‘automat inventé en Allemagne à la fin du 19e siècle est à l’image de cette société mécaniste et industrielle. La création du restaurant self-service sans présence humaine place l’individu face au système d’automatisation (3) de tous les services, la standardisation de tous les produits. Nous assistons à la fin d’un monde, celui d’une Amérique agraire (agricole et artisanale) pour une société du progrès, adaptée aux nouvelles exigences urbaine et capitalistiques.(Cf. : la scène burlesque de Chaplin dans les temps modernes). L’invention d’une machine à manger automatique devait permettre à l’ouvrier de se restaurer encore plus rapidement sur son lieu de production. On l’inclut comme un maillon productif de la machine, que l’on tente en vain dans les temps modernes d’intégrer… Mais le mouton demeure noir, le corps demeure encore en résistance face à l’aliénation. Le trublion, marginal légendaire ne se laisse pas incorporé à la structure destructive contrairement à ce qu’exprime Simone Weil dans son expérience de l’usine. Le danger est d’être saisi par cette force aliénante jusqu’à l’impossibilité de toute résistance. Cette situation, traitée par l’absurde, était significative de ce nouveau temps moderne, où le temps des corps devait-être totalement optimisé, rentabilisé dans le système. L’homme n’était qu’un rouage fonctionnel et assujetti dans l’énorme machinerie de production.

Là où les humoristes traitent de thème de la modernité mécanique sous l’angle de la caricature et du grotesque, Hopper adopte un point de vue plus distant. l’Amérique est la terre promise de la liberté individuelle et du libéralisme à la Adam Smith, l’espace d’une ultramodernité qui a pour part d’ombre la régression dans une nouvelle primitivité. Le monde moderne est désormais topos archaïques du besoin, de la survie…Comment vivre en milieu hostile? Avec « la raison instrumentale » tout devient l’ objet d’une taylorisation à outrance. Les loisirs, la culture, l’art entrent dans le champ de la »KULTUR INDUSTRI » comme le déplora H.Arendt et  Adorno. Nous sommes  dans  le prêt-à-porter,  prêt-à manger, prêt à penser, prêt à représenter, prêt à peindre  de la marchandisation globale.

La peinture d’ Hopper une oeuvre parfaite pour l’industrie culturelle?

Elle est devenue  icône, carte postale, fond d’écran, poster, son  succès en fait l’une des énièmes images reproductibles de notre catalogue muséal imaginaire. Etait-elle réellement au départ si picturale? Elle semble être le parfait produit pour les masses médias avides d’images et d’archétype reproductibles et visible à l’aire de la reproduction technique.

Hopper est-il un artiste flâneur? Ces personnages n’ont pas l’étoffe du flâneur, ils sont ses êtres ordinaires ancrés dans leur quotidien, des hommes sans qualités, humains trop humains.

Gorg  Simmel rappelle dans ses ouvrages l’association entre ville et monnaie. La ville est construite comme un véritable spectacle capitaliste de l’échange marchand. Le flâneur baudelairien au début de la modernité en serait le héros. Il tente d’instaurer comme l’explique W.Benjamin un rapport créatif avec la ville. Celle-ci devient lieu d’expérimentation de perceptions variées. la marchandise , l’intérêt, le commerce dicte les logiques de déplacement, les pratiques urbaines et relations interpersonnelles. Contre cet utilitarisme du flux, le flâneur entre en résistance. Il voit la ville en poète, en artiste; il utilise, intellectualise cet espace. Les personnages de Hopper ne flânent pas. Ils ne semblent pas établir dans l’épaisseur du quotidien de rapport vraiment créatif avec la cité.Non il semble projeté dans la ville comme projeté dans le quotidien dont il effectue les taches ordinaires qu’il suspend l’espace d’un instant Là où l’artiste peintre tente de traduire les logiques du réel qu’il perçoit, eux semblent le subir, repliés en eux- même dans ce que le philosophe Hegel nomme « la conscience malheureuse », le moi  » aliéné », « réifié », malade du monde et de lui-même.

« La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau, comme l’eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule.Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ».Beaudelaire à propos du flaneur.

Cette citadine Hopperiènne n’est pas la flâneuse baudelairienne amoureuse de la foule, serait-elle plutôt la passante, cette idôle éblouissante ? -« Un éclair… puis la nuit ! Fugitive beauté » -Non cette « Fugitive beauté » est  désormais attablée? Est- elle encore cette « grande magicienne de l’apparence »? incarne t-elle encore le fantasme du désir, cette réalité née du seule rêve ? non.Afficher l'image d'origine

Dans les tableaux de Hopper la foule est absente, les rues et les places sont presque vides, nudité renaissante des premières cités idéales. Nous sommes loin de  » la rue assourdissante « qui  hurlait chez le poète parisien. Hopper, comme ses personnages, n’est pas le flâneur baudelairien. Il n’entretient pas comme le peintre de la vie moderne un rapport dialectique intense avec le collectif. Ce n’est pas  Constantin Guy,  qui dans le kaléidoscope de la rue tente de saisir sur le vif les sensations variées des beautés modernes. Les croquis de ce peintre baudelairien ne sont plus que des retranscriptions de ses « promenade de souvenirs « . Appareil enregistreur, véritable appareil photographique vivant, ce peintre des villes est  avide de tout voir  et conserve tout  en traces dessinées- Reporter , il tente de capter  sous forme fragmentaire ce monde du déplacement perpétuelle. Le monde  avec ce  nouveau peintre devenait une collection d’ instantanés, une lutte constante  une résistance contre l’entropie »une quête  dans le présent d’une forme d’éternité. Hopper n’a pas la frénésie de la captation sur le vif. Il observe les bâtiments et la scène qui se joue devant lui mais à une certaine distance. Il se fait parfois voyeur en surplombant la ville depuis le métro, travelling cinématographique mais, il ne fusionne pas avec « cette matière vivante » et  urbaine comme le ferait le Dandy qui désire lui être vu.  Hopper se balade , arpente,  scrute New York, sa ville,  plutôt comme un paysage. Il regarde la ville mais aussi la contemple, il invite comme certains de ces personnages spectateurs  à contempler la nature comme un spectacle une  projection, un objet esthétique, une“forme spirituelle” (Simmel). La vision se poursuit très souvent hors champ. Le spectateur recherche le paysage solaire, la connexion avec l’infini? Le peintre  apprécie la vie à un rythme plus lent, il digère ces impressions, son développement se fera plus tard. Son atelier sera son labo (photo), sa pellicule , c’est sa mémoire. Du réel ,il n’en gardera que la forme épurée, lumineuse, la vue la plus propice celle qui se sera décantée dans son esprit et qu’il recompose . Il extrait la quintessence de la vie quotidienne pour dégager ce que Baudelaire nommait « l’éternel », des hiéroglyphe cinématographiques de l’éternité.

« Sa peinture est très cérébrale…il passe de longues heures devant sa toile….il peut réfléchir toute une année pour trouver le bon sujet…. c’est un grand peintre figuratif mais aussi abstrait, il les conçoit mentalement » D. Ottinger. Sa peinture  est méditative, le fruit d’une longue méditation.

Hopper n’est pas un  touriste. Dans la ville le touriste consommateur recherche les clichés remarquables déjà institués, nulle vraie découverte s’offre à lui ; il conçoit la ville comme un parcours déjà balisé par l’image, l’image des autres. Sa photo et son regard s’ajusteront avec l’image du dépliant. le spectateur des tableau de Hopper doit réfléchir sur sa façon d’appréhender le réel .Comment dans ce paysage urbain, cette vie quotidienne  peut-on encore conserver une expérience esthétique, faire des choses  des «formes vivantes».

La question de » l’automat »

  • *1)Taylorisme: Système d’organisation du travail établi par F.W.Taylor fondé sur la séparation entre fonction de conception et fonction d’exécution dans l’entreprise et sur la recherche de la plus grande productivité au travail . L’ouvrier n’est plus qu’un exécutant, un maillon de la chaîne soumis à la pression du rendement, un être robotique dans cette automatisation du travail. la vie quotidienne est aussi automatisée.
    *2)Fordisme: il associe la production de masse, le travail à la chaîne et la standardisation des produits.
  • *3 Automatique:qui fonctionne sans intervention humaine, par des moyens mécaniques et non manuels. Écriture automatique (sans contrôle rationnel.)

Automate:grec automatos: qui se meut par lui-même. Personne dénuée de réflexion ou d’initiative.
? Jouet, objet figurant un être vivant dont il simule les mouvements grâce à un mécanisme. HOMO MECANICUS :
Très souvent un automate imite le comportement d’un être vivant, homme ou animal, il peut alors être un jouet. L’automate s’inscrit dans une pratiques cérémonielles et magiques : masques articulés, statuettes articulées. Mais dans  » le monde désenchanté » de la modernité, qu’en est-il de la magie? l’homme citadin n’est plus qu’un automat, un mécanisme de cette machine à vivre qu’est la ville,comme le logis deviendra dans la pensée de certains architectes visionnaires et modernistes –  » la machine à habiter » (Le Corbusier). La cité moderne et idéale devient fonctionnaliste-machine à vivre, à organiser les « flux « du vivant.(Deleuze).

En Egypte antique : les âmes des morts, dans leurs pérégrinations, pouvaient, selon la croyance  habiter ces figurines construites qui reproduisent les mouvements quotidiens. Mais ici cette citadine qui sous les mots de HOPPER prend l’apparence d’un automate est-elle encore habitée? a-t-elle une âme? ou justement devient-elle un automate humanoïde qui  a perdue son âme? Euphonia, l’automate parlante de Faber était supposée dialoguer avec les spectateurs et l’automate turc du baron von Kempelen jouait aux échecs – actionné peut-être par un nain caché dans le dispositif . La femme des grandes villes moderne américaine a t-elle encore cette possibilité de la parole, du dialogue. Elle est refermée sur elle même, condamnée selon M.Heidegger au simple »bavardage », absence de véritable parole. « l’urbain agence le retrait de l’individu dans son corps et dans ce corps qui l’expose ». Le geste automatique ne fait pas intervenir la pensée consciente .La mécanisation de la ville cultive et entretien chez chaque individu le réflexe pavlovien . Que devient le citoyen dans cette ville mécanique quand il devient un élément atomisé de la masse ?

La signification d’automat est double. Comme si en choisissant cette polysémie du titre ,  il montrait l’analogie entre le lieu et l’homme.

« La machine, en comparaison de l’outil manuel, est une puissance impersonnelle » affirme Marc Fumaroli.

Nous sommes dans un AUTOMAT. COMMENT SAVONS NOUS QUE NOUS SOMMES DANS CE TYPE DE RESTAURANT CHEZ HOPPER? SEUL LE TITRE nous informe: « AUTOMAT » . Pourquoi ne le représente t-‘il pas?  l’image n’est pas véritablement moderne .L’automatisme est supposé hors champ, non représenté. Hopper joue t-‘il sur le contraste entre le titre et l’ ancien monde présent à l’image, le décalage entre le mot et l’image,  .Deux époques se juxtaposent ,une maison du XIXèm et une voie de chemin de fer.

Sur les nombreuses photographies d’époque, c’est justement la machine automatique qui est le lieu de focalisation des regards  avides de nouveautés .la photographie souvent de nature publicitaire fait découvrir dans les magazines ce  nouveau symboles de la vie américaine ,cette  « mythologie »moderne .  Roland Barthes  aurait pu l’inventorier dans son catalogue des mythes . le Fast food , le Burger, le distributeur automatique sont des topos emblématique de cette nouvelle mentalité urbaine.« Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société expliquait R.Barthes en  1957 (p 216), c’est le cas de l’automat.

les carte postales  diffusées à l’époque nous invitent à aller chez Horn & Hardart dans ce nouveau lieu pittoresque New Yorkais  de la 6èm avenue à Time Square. Il fait partie des lieux touristiques du moment.

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Automat Photo (c) National Geographic

The Automat, est photographié  en 1936 par Bernice Abbott. Témoin lors de son retour en 1929 à New York du constat baudelairien sur les changements rapides de la cité. « La ville change plus vite que le cœur d’un mortel » constatait amèrement le poète en regardant Paris et la modernité (dans son poème « Le cygne ») . Elle décide avec la photographie comme Atget pour Paris d’immortaliser avant sa disparition la grosse pomme. Son projet « Changing New York »de 1935 à 1939, WPA Projet archive ce passage entre deux mondes. Hopper lui aussi en est conscient.

  • Fifth Avenue Houses, Nos. 4, 6, 8 , 1936

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Berenice Abbott, Automat, 977 Eighth Avenue, New York, 1936 (675.1984).A l’intérieur d’un  restaurant, le « Horn & Hardart Automat » à Columbus Circle, 977 Eighth Avenue between West 57th and 58th Streets; un homme devant  un distributeur automatique de nourriture choisit une tarte. Anonyme, de dos au spectateur ,la photographe le montre en face de la machine.Afficher l'image d'origine

Biographie :hopper-003.jpghopper-selfportrait.jpg

« Timide comme un écolier anglais. Un visage long et émacié, une mâchoire puissante (…) le plus doué d’entre nous (…) mais pas encore un artiste. Pas assez libre pour ça. »
Guy Pène du Bois parlant de son ami vers 1903-1904.

« …homme de peu de mots, et sujet aux humeurs dépressives. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY

« On sait peu de chose sur sa vie privée et sans doute éclaire-t-elle peu son oeuvre »

« Francophile….Il se réfère à la peinture française »Didier Ottinger.

Que retenir ? »

L’homme est à l’image de sa peinture, tranquille. -Naissance à Nyack au nord de New York dans une famille de commerçant/Il a une éducation puritaine et artistique/ initiation à la culture française par son père (francophilie)./ Il Fait des études d’illustrations et gagnera sa vie au départ comme dessinateur publicitaire (comme Andy Warhol) . « Il illustre la circulation des biens de consommation, la civilisation consumériste.). Hopper a travaillé longtemps comme illustrateur, et cette pratique commerciale impliquait sûrement l’usage de la photographie. / Il Effectue « le grand tour », en Europe entre 1906 et 1910, 3 séjours parisiens qui le maqueront /Il se familiarise avec les grands-maîtres de la peinture française et montre un vif intérêt pour les impressionnistes et leur travail sur la lumière, la captation de l’instant. Il réfute les révolutions fauvistes/cubistes sur la couleur, la forme. Ce n’est pas un moderniste.

En 1920 , il rencontre le succès et la prospérité. Il a 43 ans et peut se consacrer entièrement à son art. Quand il peint cet « automat« , c’est un homme de 50 ans qui est au pinceau.

« Selon le marchand d’art américain Bernard Danenberg, le grand peintre américain a puisé dans son handicap pour peindre la solitude dans la ville, dans le couple autiste, dans la nature immobile et ensoleillée. (Le figaro,2012, »Edward Hopper, peintre inspiré par sa surdité. »

«Hopper était assis sur un banc dans un coin gris, je me suis assis près de lui et nous avons discuté. Il n’aimait pas être dans les lieux publics. Il me l’a dit et j’ai compris aussitôt pourquoi. J’ai découvert son sévère problème d’audition, une révélation qui m’a fait lire différemment sa peinture. Cette surdité partielle m’a depuis toujours paru sous-tendre le choix de ses sujets, les individus qui ne se regardent jamais, qui ne se parlent jamais. C’est une hypothèse plus sensée que la mésentente conjugale avec sa femme, Jo, toujours mise en avant».

Hopper considère citant Renoir ou Goethe que peindre s’est voir la nature à travers un tempérament, traduire sa vision subjective du monde.

 IV) Description :

Ce tableau représente une femme seule, impassible, perdue dans ses pensées. Elle est assise devant une table située dans un self-service entre la porte d’entrée et un escalier qui descend vers le sous-sol… La chaise devant sa table est vide. La femme est vêtue chaudement ; ce doit être l’automne ou l’hiver. Elle boit un thé. Seul un de ses gants est défait. Une deuxième tasse évoque probablement la dégustation d’un gâteau pris au distributeur. Autour d’elle, il n’y a aucune présence humaine. Au premier plan, coupé par le cadrage, on aperçoit un autre morceau de chaise. La femme semble totalement excentrée, assise dans ce lieu de passage, cet espace inconfortable et transitoire. Elle est éloignée du cœur chaleureux, convivial du lieu. Peut-être, est-il présent dans le hors champ où nous sommes ? . Derrière cet « Oiseau de nuit », se trouve une glace où dans un habile jeu de miroir, se reflète les globes de lumières artificielles du bar. À travers la vitrine, on n’aperçoit pas l’obscurité de la ville, l’espace est clos sur lui-même. Aucun indice d’une quelconque animation dans la rue. La lumière d’un blanc terne, livide et froid, éclaire la jeune dame.

« La femme seul personnage humain du tableau, une femme est assise à une table. Son regard est fixé sur sa tasse de café. Elle porte un chapeau et un manteau en fourrure, qui semblent, un peu comme elle, «fatigués». En effet, les deux vêtements ne vont pas ensemble et le chapeau tombe des deux côtés de sa tête. Il n’y a pas d’autres présence qu’elle, pas d’amis ni d’autres clients, ni même de serveur, étant donné qu’elle se trouve dans un «automat», ces restaurants qui donnent automatiquement entrées, desserts et boisson par le biais de la machine...

Le décor :Le restaurant est ici entièrement vide, à l’exception de la femme ; et pourtant, le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face du modèle. Il rappelle encore une fois qu’elle est seule. La coupe de fruit, qui tranche de par ses couleurs vives, semble être la seule trace de vie de toute la pièce.La femme a gardé son manteau, son chapeau et ses gants, ce qui pourrait signifier d’une part, que le petit radiateur sur le côté ne suffit pas à la réchauffer, et d’autre part que nous sommes en hiver. Le froid qui se dégage du tableau rend la femme encore plus vulnérable. A l’instar de nombreuses peintures de Hopper, aucune porte n’est visible. La femme semble coincée dans sa douleur. Seule une grande baie vitrée est visible, ce qui ressemble aussi beaucoup à d’autres tableaux de Hopper, comme Noctambules. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître l’immense étendue noire de la nuit en se faisant refléter toutes les lampes de l’automat. »

V Description plastique

« Il dote l’architecture, (l’espace ) d’une identité psychologique ».

« Il y a  dans ces tableaux  quelque chose qui l’ empêche de peindre le mouvement…C’est une incapacité féconde. »Didier Semin

La géométrie et la représentation spatiale traduisent fortement cette sensation d’isolement ressentie par le spectateur. L’espace de ce restaurant rapide est clos, désertique et vide, contrairement aux photographies qui nous le font découvrir animé dans les publicités. Est-ce l’heure tardive ?  . La femme ne semble pas réellement habiter ce lieu. Tout y est statique, sans âme, figé , quasi suspendu. Dans cet espace moderne, y a-t-il un génius loci ? La scène peinte n’a rien à voir avec le bal « du moulin de la galette » d’Auguste Renoir, avec  ses miroitements de lumières sur la foule dansante, ce plein air festif et jovial d’une après-midi à Paris. Le bar, le café, le bistrot traditionnellement dans la ville peuplée de rues agitées sont le symbole de la convivialité, du plaisir et de la sociabilité. Il est un point de chute très frenchy. Les bars dès la fin du XIXe font partis des nouveaux loisirs urbains que diverses classes sociales vont fréquenter. C’est le lieu de réencastrement (re-embedding), espace public de rencontre. Ce sont « des dispositifs particuliers propices à l’échange », des « machines relationnelles ». Qu’en est -il dans l’automate ? L’automate fait partie des nouveaux lieux que la classe moyenne américaine fréquente. Rien à voir avec le bistrot parisien. Ici, le self-service américain est partiellement décrit comme un lieu d’inhumanité. Déjà, Degas et Manet posaient un regard réaliste et similaire sur le bistrot parisien. Il n’était pas seulement institution de loisir, mais topos du désabusement, de l’alcoolisme à la fin du XIXe. C’était l’endroit où se posait l’être à la dérive. Cf. le tableau l’Absinthe, où l’endroit est dépeint sous les traits de l’ennui, de l’incommunicabilité, de la crise du couple. Hopper quarante ans plus tard montre avec le regard d’un Degas, aussi la complainte du progrès comme « un monde renversé », la « grande ville » est celui du renversement des valeurs.L’automat ce n’est pas non plus le bar français des avant-gardes de Montmartre puis  Montparnasse ces lieux d’échanges intellectuels et artistiques si fécond au début de siècle. Dans la grosse pomme, l’automate n’est qu’un lieu fonctionnel de la restauration. Le bar stimulera l’artiste cubistes puis surréalistes permettra le libre jeu de la publicité et de la discussion des idées et opinions. Et l’automate ? Espace transitoire au service du capitalisme, et de la consommation, il ne peut être l’espace où germe la contestation.
L’automate, ce n’est pas, non plus, le bistrot à la Française, ce bistrot des années 30 avec sa faune bigarrée et interlope des années folles si pressées d’oublier les désastres du début du siècle. Le bistrot immortalisé par les photos de Brassai dans les années 30… est pour ce Hongrois arrivé en France, le lieu le plus authentiquement français, le charme du Paris populaire et romantique. Dans Le Paris nocturne, ces lieux sont ceux de la liberté et de la transgression.

Degas/Hopper : deux tableaux, deux représentations de la femme moderne avec son regard vague, son vague à l’âme

.Nouvelle Athenes Photo 1

Bal du Moulin de la Galette,Auguste Renoir./La nouvelle Athène, le bar des impressionnistes ou le café Gerbois.Le bar à la mode est occupé par les artistes bohèmes.

« Je suis devant une absinthe, Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles. »témoignage  d’Ellen Andrée  modèle de ce tableau dans ses Mémoires :

.L’AbsintheDegas_Absinthe_psy1, 1875-1876, Afficher l'image d'origineprune_manet

92 × 68 cm, Paris,Musée d’Orsaycf. « leblogdelapalettedecouleur.

La même Ellen Andrée actrice est peinte en 1878 par Manet

Forain La buveuse d'absinthe14_Jean_Beraud_Les buveurs_1908Caillebotte Dans un CafeForain La lettre et l'absinthe vers 1885

La buveuse d’absinthe,Forain, Lithographie, 1885, Musée d’art de Providence//Femmes à la terrasse d’un café – 1877//les bistros de Jean BéraudLes buveurs , 1908 //Étude d’« Un bar aux Folies Bergère », vers 1881, d’Édouard Manet. (Photo Collection particulière). Le miroir derrière le modèle est un dispositif scénique permettant la représentation du hors -champ de la serveuse. On découvre l’animation du café.
Dans un café,Gustave Caillebotte,1880,Musée des beaux -arts de Rouen..La lettre et l’absinthe,Forain, vers 1885, pastel, Collection privée

William james glackens, café lafayette

Fichier:William james glackens cafe lafayette.jpgempty imageWilliam Glackens (1870-1938)A Aff A0n N Pu Claaaaa El F Tk Su Qm Cc

BRASSAÏ et Photographie des bars

Le tourbillon de la Belle-époque  est photographié par Brassaï, il tente de capter le charme parisien.« Il dérive de rue en rue, il tourne dans les rues de réverbères en réverbères, d’ateliers de peintre en bordels, et l’inattendu surgit, les choses et les êtres que l’on n’avait pas su voir sont là présents, vivants. »Appareil photo à la main, il parcourt les rues et les bars de Paris principalement la nuit.

« C’est poussé par le désir de traduire en image tout ce qui m’émerveillait dans ce Paris nocturne que je devins photographe »Brassaï

« Dès l’instant où j’ai réalisé que l’appareil photo était capable d’immortaliser toutes les beautés du Paris nocturne dont j’étais tombé passionnément amoureux lors des pérégrinations de ma vie de bohème,  faire des photos n’était plus pour moi qu’un plaisir ».Brassaï

BRASSAÏ, Couple d’amoureux dans un bistrot, rue Saint-Denis, vers 1932 © Estate Brassaï
Le bistrot français symbole du Paris populaire et des rencontres amoureuse des années 30, photographié par « l’oeil de Paris » mais aussi le Paris de la nuit,inconnu et extravagant.Il photographie les couples au plus près, le rapprochement des corps dans ce lieu de rencontre.

Brassaï – Couple dans un bar parisien,1932

Brassaï-« Bijou » au bar de la lune-1932

“Bijou” of the Montmartre cabarets, 1933.

 Brassai1 Brassaï - "Bijou" au Bar de la-Lune, Montmartre-1932Brassai3

 Brassaï – Bal de la montagne Ste Geneviève 1932.

Piet Mondriaan abstract painting Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930Piet Mondrian?s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927Composition with Blue, Yellow, and Red by Mondrian in the Boston Museum of Fine Arts, June 2010

P.M .Composition II in Red, Blue, and Yellow, 1930/Piet Mondrian’s Composition with Red, Yellow and Blue from 1927.

Composition with Blue, Yellow, and Red 1927 Piet Mondrian.Dimensions: Overall (Unframed): 40 x 50.5 cm (15 3/4 x 19 7/8 in.).

Chez Mondrian, autour des années 1930, il y a dans sa peinture abstraite néo-plastique une construction géométrique orthogonale jouant sur les Angles droits. Il conceptualise à travers les lignes et quelques couleurs, les structures d’un monde nouveau qui se concrétisera ensuite par l’architecture et les projets urbains (le style international). La structure de ces tableaux rappelle la planification urbanistique, la forme de cette nouvelle architecture fonctionnaliste, la construction des espaces urbains de Hopper.

Le début du siècle est marqué par la course à la verticalité. La ville devient une cité qui tient debout pour reprendre le terme de Fernand Léger. Hopper représente la ville rattachée au sol. Nul intérêt pour ces nouveaux gratte-ciel dans son œuvre. A. Finkelkraut explique bien comment à travers cette nouvelle architecture moderne extérieure au sol et au site comment l’homme a quitté le lieu, le Genius loci (l’esprit du lieu). Peut-être Hopper est-il conscient de cette décontextualisation, de ce déracinement dans l’homme et les édifices eux même. Le philosophe fait le lien entre cette nouvelle ville et architecture mondialiste substituable. » Si le lieu est substituable, l’homme aussi, nous sommes dans l’interchangeabilité des êtres » explique le philosophe.

The New York telephone buildingThe Paramount Building

This view of midtown Manhattan looking southeast from Central Park was taken in May 1925.

  • Park Avenue’s first large skyscrapers, such as the 45 story Ritz tower (below) were completed in 1925
  • L’immeuble Haughwout à armature de fonte (cast-iron building), Greene Street, New York, 1857.
  • Daniel Burnham, Flatiron Building, 1902, New York, style Beaux-Arts
  • Cass Gilbert, Woolworth Building, 1913, New York, style néogothique
  • The Paramount Building, in 1926.
  • July 1927. The construction of the Morgan building can be seen in the centre, alongside the new Standard Oil building.
  • Chrysler  Building New York, 1929-30.

le monde Hopperien avec sa géométrisation de l’espace pictural autour du fait architectural,  est symptomatique d’ un monde désormais construit au compas .Il  questionne le monde utopique ou dystopique de cette modernité qui se construit  sous ses yeux d’arpenteur . Il est le « peintre de la vie archi-moderne. »

« Il me faut généralement plusieurs jours avant que d’identifier un sujet qui m’attire suffisamment, et je passe de longs moments à m’interroger sur le format de la toile qui lui conviendra, qui sera le plus en accord avec l’expression visuelle à laquelle je souhaite parvenir » E.Hopper

Le tableau chez cet artiste est toujours soigneusement composé et jamais le fruit du hasard. Un tableau demande du temps avant de prendre forme ; il est le résultat de nombreuses esquisses préparatoires, le fruit d’un long mûrissement. Le peintre ne réalise que deux toiles par an. Ses cadrages photographiques à l’instar d’un Degas donnent souvent l’impression d’instantanéité photographique, de captation sur le vif, mais ses images ont l’immobilité factice des décors cinématographique. Tout comme le médium photographique influencera la pratique picturale des peintres du XIXe, le cinéma inspira l’atmosphère et la composition de l’image hopperienne.

La partie gauche du tableau laisse un large espace vacant à angle droit, celui de l’entrée – Des lignes géométriques horizontales balayent l’espace, conduisent notre regard vers un escalier à la droite du tableau. La figure est condamnée à occuper cet entre-deux, un espace d’attente, entre le ciel obscur et sans étoile et ce sous-sol en hors-champ. Cette focalisation sur la vacuité de l’entrée de l’automate, suggère-t-elle que l’être moderne est condamné à attendre ce qui ne viendra pas ? L’amour, le salut… Sommes-nous devant une Eve moderne sans son Adam, avec ses fruits de la tentation en vitrine ou une Madone seule sans son archange ? » Si Dieu, est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué !« (Gais savoir: est-il encore possible d’espérer ? Le peintre nous guide depuis l’entrée vers le personnage. Fermée à tout contact par sa circularité, elle nous renvoie directement à l’espace de départ.

Afficher l'image d'origineedward-hopper-automat-1927 deux rangeesAfficher l'image d'origineKasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915, huile sur toileAfficher l'image d'origineCf. artifexinopere.com.

Monochrome Noir«

«  L’art nous apprend à voir les choses et non à simplement les conceptualiser ou les utiliser. » E. Cassirer, Essai sur l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1975, chapitre 9, pp.239-240.

La Circularité de la table renforce cette claustration. La femme fait dos à l’extérieur. Elle n’attend donc rien du dehors. La perspective linéaire qu’esquisse les deux rangées de globes et le coin appuyé de la pièce conduit notre regard vers cet écran noir, opaque, monochrome et sombre qui plane au-dessus du modèle. Le miroir de la vitrine nous renvoie à notre espace de simple spectateur. À la Renaissance, la construction en perspective-philosophie de l’espace et de la relation entre le sujet et le monde (E. Panofsky) guidait souvent par son point de fuite, le spectateur vers une fenêtre, un infini qu’elle questionnait. La perspective, dans la cité idéale de Paolo Francesca, conduisait cet hypothétique et abstrait spectateur vers la porte entre ouverte d’une architecture ou la porte d’un arc qui ouvre sur une autre porte. Le tableau renvoyait à un au-delà du tableau qui n’était plus celui de la transcendance.

Erwin Panofsky - La Perspective comme forme symbolique - Et autres essais.

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La perspective comme forme symbolique fut créée en même temps que la représentation de la cité de la place (Alberti). Elle incarnait la reconnaissance de cet espace politique et marchand. Cet univers noir vers lequel nous guide cette construction représente-t-il le vide, le néant, un espace du non-être, sans Dieu ni magie ?( Dans la peinture byzantine les « fonds abstrait et infini « traités sans profondeur ni inscription, étaient très souvent dorés et réservés pour signifié l’espace transcendant et surnaturel, à l’ère moderne, il est totalement objectivé. Pour cette Marie moderne, une annonciation est-elle encore possible dans ce monde de la pure immanence cartésienne où l’homme se fait le démiurge maître et possesseur de la nature »(Descartes.). En tant que spectateur, l’accès à l’humain nous sera refusé, nous sommes condamnés à contempler cet espace monochrome. Devons nous l’observer comme l’icône suprématistes du carré noir sur fond blanc? Sommes-nous de le même état contemplatif que ce spectateur face aux œuvres de la Rothko Chapelles de Houston 1965-1967, une contemplation religieusement ?

Dans les peintures de Hopper, les nombreux fonds rappellent l’écran de cinéma-le blanc d’un mur, le noir d’une vitre, la lumière d’une fenêtre sur le mur, une fenêtre ouverte sur le spectacle quotidien. L’homme urbain se fait spectateur du paysage urbain devenu tableau dans le cadre de la fenêtre. Sous la lumière du soleil, la ville ou la nature se fait spectacle et l’urbain spectateur. Les espaces sont très souvent construits comme des boîtes ouvertes vers l’extérieur par des fenêtres écrans, elles sont comparables au dispositif de la salle de cinéma, de la caméra obscura ou de l’appareil photographique :

« Si exister, c’est être là dans le monde, […] alors il faut reconnaître que le monde du film n’est pas le lieu et le temps de l’existence présente du spectateur. (p. 65). « Stanley Cavell

« le cinéma est une image mouvante du scepticisme » Stanley Cavell

« le cinéma nous renvoie en même temps à l’expérience que nous faisons d’être convaincus de la réalité de ce que nous voyons tout en sachant qu’il ne s’agit que de cinéma » (p. 71)

S. Cavell, The World Viewed. Reflections on the Ontology of Film, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1979 (1971) ; trad. fr. C. Fournier, La projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, Paris : Belin, 1999.

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Des penseurs ont déjà réfléchi sur la solitude.

« Si la solitude est fière, la société est vulgaire »

L’homme a besoin du vêtement de la société, sinon on a l’impression de quelque chose de nu, de pauvre, d’un membre qui serait comme déplacé et dépouillé. Il doit être enveloppé d’arts et d’institutions, tout comme de vêtements corporels. De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégerez… Le défaut capital des natures froides et arides, c’est le manque d’énergie vitale. … L’énergie vitale constitue le pouvoir du présent, et ses hauts faits sont comme la structure…Le remède consiste à fortifier chacune de ces dispositions par l’autre… La conversation ne nous corrompra pas si nous venons dans le monde avec notre propre manière d’être et de parler, et l’énergie de la santé pour choisir ce qui est nôtre et rejeter ce qui ne l’est pas. La société nous est nécessaire ; mais que ce soit la société, et non le fait d’échanger des nouvelles, ou de manger au même plat. Être en société, est-ce s’asseoir sur une de vos chaises ? Je ne vais point chez mes parents les plus intimes, parce que je ne désire pas être seul. La société existe par affinités chimiques, et point autrement…Chaque conversation est une expérience magnétique…La solitude est impraticable, et la société fatale. Il nous faut tenir notre tête dans l’une, et nos mains dans l’autre. Nous y arriverons si, en gardant l’indépendance, nous ne perdons pas notre sympathie…

Ralph Waldo Emerson Société et solitude .Traduction par Marie Dugard.
Armand Collin, 1911 (pp. 3-14).
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« Je boude la société, j’embrasse la solitude. »
Ralph Waldo Emerson ; De l’amitié (1841) ».
L’orgueil a perdu les anges.
Ralph Waldo Emerson ; The sphinx (1841)

L’essayiste, philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson écrit Société et Solitude.Il y résume toute sa vision du monde.la solitude comme thème occupe la première partie de l’ouvrage.La solitude pour  lui est  nécessaire dans le travail de création mais  ne peut être l’unique facteur.la relation avec autrui et les relations intersubjectives sont indispensables.

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Rapprochement que fait Olivier Rey entre le tableau de Hopper Two on the Aisle  datant de 1927 ,Huile sur toile, 102×122 cm, Toledo Museum of Art (Ohio) et l’annonciation.

« Certains parallèles sont susceptibles d’être établis. La femme seule, à droite du tableau de Hopper, est assise comme l’est Marie chez Angelico ; elle porte, comme elle, une robe rouge et un manteau bleu – couleurs reprises dans les frontières qui séparent l’espace où elle se tient de la salle : bleu du rebord de la baignoire, rouge de la moquette du couloir et de la tenture supérieure qui, de plus, reprend sous forme inversée la forme des arcatures qui surplombent la Vierge chez Angelico. Par ailleurs, cette femme seule lit, comme Marie lisait quand l’archange est apparu. La baignoire de théâtre où elle se trouve placée la sépare de la salle de la même façon que l’architecture à colonnes, chez Angelico, sépare Marie de l’espace extérieur – ici parterre d’herbe et de fleurs, là parterre de théâtre. Les deux personnages isolés en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme dans l’Annonciation du Prado (que Hopper avait pu contempler lors de son passage à Madrid, en 1910), 

Annonciation, Fra Angelico, fresque, 157 x 187 cm, 1440-1441 – Florence, Couvent de Saint Marc,

FRA ANGELICO, Annonciation, 1433-34 Tempera sur panneau, 175×180 cm, Musée diocésain de Cortone.

FRA ANGELICO, Annonciation, avant 1435 Tempera sur panneau, 154×194 cm, Musée du Prado, Madrid.

« Oui, ce sont là des Annonciations sans théologie ni promesse, mais non sans un reste d’espérance. » Yves BONNEFOY

« la peinture [est] une opération centrale qui contribue à définir notre accès à l’Être.»Maurice MERLEAU-PONTY, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 2006, p. 30- 31.

La composition de l’image reprend le dispositif spatial de l’annonciation comme de Fra Angelico, elle est sobre, austère. Mais rien ne s’annonce dans cette attente d’une société désormais sans archange, ni religion. Cet espace social Émile Dürkheim dans son étude sociologique sur le suicide en 1897 le décrit comme un « monde abandonné aux hommes seuls « . Le sociologue évoque la perte des « instances d’intégration » et « de régulation », l’effacement des valeurs  (morales, religieuses, et civiques.) désormais, nous sommes entrés dans un univers aux repères aléatoires, les limites sont devenues floues. Cette citadine souffrirait t’elle d’anomie.« (Du grec anomía, du préfixe ?a- « absence de »/ nómos « loi, ordre, structure » ). » Ressent-elle ce sentiment d’aliénation, d’irrésolution ? Dieu, autrefois, présent dans la vie sociale, structurait les relations humaines. On assiste au constat du « désenchantement du monde » diagnostique que fera le sociologue allemand Max Weber. Le monde est de plus en plus rationalisé. L’espace urbain est de plus en plus fonctionnaliste, toute magie semble avoir disparue. Y aura-t-il un salut pour l’homme moderne dans un monde urbain et technologique ? Elule explique « qu’il est vain de déblatérer contre le capitalisme ; ce n’est pas lui qui crée le monde, c’est la machine » L’homme est, selon lui, aliéné par la technique car il la sacralise.  » Il y a transfert du sacré dans la technique ». La ville devient, elle aussi, une machine à vivre ensemble. Une machinerie impersonnelle à habiter ? Un topos du logement dans l’habitat.

Pour l’homme urbain dans ce monde de l’accélération essence du monde moderne selon le sociologue et philosophe Harmut Rosa, l’invention de l’automate, du fast-food, du speed-dating, du haut débit de l’Internet, permettrai un mode de restauration plus adapté à la vie urbaine et une source de progrès. « Pendant presque 40 ans, Hopper dans ses peintures choisit de représenter l’immobilité dans une société qui bouge. Ferait -il l’éloge de la lenteur acte de résistance passive contre ces changements destructeurs, cette pathologie de la modernité qu’évoque Harmut Rosa ? Nous n’avons plus de prise sur le monde. Ne souffrons-nous pas d’une pénurie de temps ? « L’accélération a « pétrifié » le temps.  » Le temps urbain n’est pas celui de la campagne qui vit avec harmonie au rythme de la nature. L’homme est désormais celui du flux et de la flexibilité, de la constante métamorphose, une » course effrénée à l’abîme »? Questionne le philosophe comme le peintre. Le « noyau de la modernisation » s’est en définitive « retourné contre le projet de la modernité ». Chez Hopper, la lumière solaire rythme le spectacle de la vie urbaine comme si l’homme urbain tentait de se mettre au diapason de l’univers, de la nature, nature cosmique. L’homme devient une plante, un organisme en quête de nature. Lire « La, photosynthèse de l’être ». Yves Bonnefoy.

Chez Hopper le temps«  semble avoir gardé sa densité, sa part d’éternité. Le modernisme a tout craint ne laisse que le provisoire. La vrai modernité n’était elle pas pour l’artiste de « tirer l’éternel du transitoire.*« « La modernité, c’est le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable « Baudelaire,  Le Peintre de la vie moderne en 1863.

« Si tout d’abord ce sont les innovations techniques qui ont permis le développement de nouvelles possibilités qui augmentaient le rythme de vie (par exemple, les transports), désormais l’accélération dans les trois domaines semble s’auto-alimenter, et ainsi, c’est l’accélération du rythme de vie qui peut devenir le moteur de nouvelles innovations techniques : nous ne supportons plus la lenteur, quelque soit le domaine concerné . »

La ville est par excellence le lieu du mouvement, de la vitesse comme aimeront le capter les peintres futuristes. RUSSOLO représente le déplacement rapide d’une auto dans la ville :l‘accélération technique. Chez Hopper, les rues sont vides d’autos, aucun véhicule mobile.)
3 dimensions selon Harmut Rosa de l’accélération sociale.
Le « rythme de vie » s’accélère. Avec la modernité (notion reprise à Simmel).
L’innovation technique permet la création constante du nouveau, le nouveau pour le nouveau. Les choses sont marquées par l’obsolescence et l’ephémérité.

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« Il fallait connaître la loi de la gravitation pour construire des avions qui puissent justement la combattre efficacement ». P.Bourdieu

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAccélération. Une critique sociale du temps (Beschleunigung. Die Veränderung des Zeitstrukturen in der Moderne) d’Hartmut Rosa. Traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte, « Théorie critique », 476 p.,
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« Nous avons le sentiment de manquer de temps, tout en étant équipés de toujours plus d’appareils qui effectuent des tâches à notre place. « 

La fuite en avant de la modernité
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/15/la-fuite-en-avant-de-la-modernite_1333903_3260.html#aDpwuSisB78gi0MW.99

LA CITADINE DE HOPPER UNE FIGURE ALLEGORIQUE DE LA MELANCOLIE?

Heidegger écrit « Sein  un Zeit », Être et Tempsen 1926.

« la mélancolie est le germe de la lucidité dans la catastrophe de la modernité.« René Schérer, Guy Hocquenghem, L’Âme atomique, 1986, Albin Michel, p. 64, réédition aux éditions du Sandre.

« Quelques mots reviennent sans cesse, lorsqu’il s’agit de décrire cette atmosphère : silence, vacuité, solitude, immobilité, inquiétante étrangeté du réel. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue » Olivier REY.

« L’homme est à l’égal de l’univers l’énigme de l’infini et de l’éternité, et le grain de sable l’est à l’égal de l’homme »Pascal.

« Malheur à qui n’a pas de chez soi »F.Nietzsche

« Paris est une solitude peuplée » Franç0is Mauriac. New York est une solitude peuplée.

« C’est dans les villes les plus peuplées qu’on peut trouver la plus grande solitude » Jean Racine.

« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »Montaigne.

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Aucun serveur ne viendra rompre ce moment de grande solitude. La proximité des habitants de la grande ville constate le philosophe Georg Simmel, dans son ouvrage « Les grandes villes et la vie de l’esprit »(1903) s’accompagne de distance psychologique, d’une »dépersonnalisation ». Contrairement à la campagne beaucoup plus fondée sur des relations sociales de type affectives, en ville, les relations sont fondées sur la rationalité ce qui engendre un « processus de désocialisation » du citadin. Les métropoles sont le règne de l’anonymat, de l’homme dans la foule, étranger aux autres et à lui-même. « La ville plonge l’homme dans l’abondance de matière humaine … Qui consomme notre possibilité relationnelle ? Elle fait de l’homme un quidam privé de repères. Cette femme devait trouver dans le bar, le restaurant, ces « machines relationnelles », ce dispositif particulier de la rencontre, un lieu d’ancrage, de pause, pour « son psychisme  » loin de « l’intensification de la vie nerveuse » qu’est la rue (Gorg Simmel) . Mais, ici, ce n’est plus ce Génius loci (un lieu signifiant qui aide l’homme à habiter). Cette femme habite t’elle le lieu, s’identifie-t-elle avec lui ?L’architecture doit être le lieu du rassemblement, de la convivialité, de l’échange, du partage, du goût, mais il est celui de la relation automatique avec la machine.

Le self-service comme le selfie condamne chacun de nous par le média de l’automatisme mécanique à se séparer du vrai contact humain. À la même époque, Martin Heidegger critiquera la technique et questionnera la difficulté pour l’homme moderne « d’habiter le monde », un monde peuplé d’outils sur lesquels il doit agir, et qui rendre notre « ouverture à l’être » problématique. Le citadin moderne comme cette femme perdrait le sens de son propre être : nous serions dans « la facticité –(l’homme est un Dasein, jeté dans le monde sans qu’il n’ait choisi d’y être.) – la « déréliction » abandonnée, isolée. L’homme moderne est privé de tout secours. Cette vision pessimiste, est-elle partagée par Hopper ? Cette femme heidgerrienne et hopperienne ne serait -elle qu’en « transit », de passage, la figure du déracinement et de la contingence, apatride, atomisée dans un espace in hospitalier. « Le monde, serait une porte ouverte sur mille déserts muets et glacés ». L’homme sait qu’il est enfin seul dans l’immensité. »  expliquait Jacques Monod.

La peinture d’Hopper illustre la couverture du Time Magazin pour illustrer le mal du siècle : « le spleen », la dépression, le stress, l’anxiété cette maladie moderne du citadin.

.. Les 7 lampes, représentent-elles, les 7 jours de la semaine, une répétition continue du même, sorte de fatalité mécanique de la banalité du quotidien de l’homme en ville ? M. Heidegger expliquait que le quotidien nous enfonce dans un horizon limité. L’espace de la vitre noir et obscur, cette vaste nuit avec ses astres artificiels au-dessus de cette figure, évoque-t-il le « Nihilisme cosmique » auquel est confronté l’homme moderne, cette solitude (Einjamkeit) acosmique. Cette citadine, aurait-elle ce que Durkheim nomme « le mal de l’infini ».
Dans New York Movies, aussi, le personnage féminin à l’identité inconnue est excentré dans le coin de la pièce près de la porte dans une position mélancolique et d’attente. Ennui, lassitude, elle ne jouit pas du divertissement nouveau (?). En marge du point de fuite, elle est éloignée de la foule qui de notre côté regarde l’écran de cinéma. Isolez, incarne t-elle la Blonde comme les stars américaines, ces figures de rêve du cinéma à la plastique parfaite comme Maryline à la vie intérieure si tragique.

Déf : perspective : technique de la représentation en deux dimensions sur une surface plane des objets en 3D contenues dans un espace 3D, tels qu’ils apparaissent vus à une certaine distance et dans une position donnée par un spectateur unique. L’homme moderne de la renaissance était le centre d’un monde où tout se construisait à partir de son regard. La perspective, forme symbolique et politique, est née avec la représentation urbaine de la place, de l’agora, lieu, théâtre démocratique de l’échange marchand et du politique. Ici la perspective conduit vers le fond, un au-delà de l’image carré noir nihiliste de Malevitch ( ?). Dans ce monde capitalisme et individualiste, libérale, quand est-il de cet espace de liberté, d’échange entre citoyens de  « cet espace public (J. Habermas) ? Les nombreuses architectures solitaires, lieux de solitudes chez Hopper ne sont-ils pas le signe d’un nouveau totalitarisme ? Le rationalisme « la raison instrumentale » échec de la raison des lumières que critiqueront Horkeimer et Adorno après la guerre, dans la dialectique de la Raison. Cet usage de la raison ne mènera t-elle pas l’homme à la barbarie 10 ans plus tard ? L’homme dominateur de la nature, s’est fait dominateur de l’homme sur l’homme.

« prose aplatie » Ponge Francis

Une peinture aplatie ou en profondeur?

« La tension entre la profondeur suggérée par la géométrie, et la planéité suggérée par le traitement de surfaces, rend malaisé au spectateur d’« entrer » dans le tableau. À cela s’ajoute que la perspective géométrique, affirmée comme elle l’est, est tenue pour rigoureuse, alors qu’une analyse précise révèle que tel n’est pas le cas. La difficulté du spectateur à se situer par rapport à ce qu’il voit, et à y participer trouve encore accentuée » Cité par olivier Rey.Jean Gillies, « The Timeless Space of Edward Hopper », Art Journal, vol. 31, n° 4, 1972, p. 404-412.

Qu’en est-il chez Hopper de cette position traditionnelle du spectateur ? Ce dernier, est-il séparé de la scène soumis à la seule contemplation, nié comme dans la tradition picturale,ou  trouve t’il  sa place, intégré dans le tableau comme dans  la théâtralisation d’un Manet ou  la présence du spectateur est constitutive de l’oeuvre. Face à leur lecture, les personnages sont-il réellement absorbés dans leur lecture comme le philosophe de Chardin ? Les personnages dans la tradition picturale d’un Diderot, sont-ils en méditation, entre silence et oubli de soi ?

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineQui a représenté son père lisant le journal ?Qui a représenté sa mère lisant le Figaro ?Qui a peint Les nouvelles du matin ?

Edward Hopper : Room in New York, 1932. Crédits photo : © Sheldon Museum of Art

Dans la peinture « Room in New York » de 1932, l’homme assis dans son fauteuil parcours un article de journal, absorbé par la lecture des événements relatés du réel historié, tandis qu’une femme, une E.Bovary pianote quelques notes musicales, pour passer peut-être ce temps du quotidien devenu trop long. Chacun à sa façon tente d’occuper ce temps devenu trop dense et épais. Le couple ne communique plus chacun positionné dans son espace personnel ; l’un est penché l’autre fait dos à l’autre :

La femme est telle dans ce tableau de Hopper comparable à cet élément de mobilier, ce fauteuil qui porte la même couleur qu’elle, tout comme chez D. Hockney l’épouse potiche est dépeinte de façon humoristique par l’artiste anglais posée, là, frontale comparable à ce pot de fleurs sur la commode. Nous sommes loin de la mère du peintre lisant le Figaro.

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« Un philosophe occupé de sa lecture » , Chardin , Salon de 1753″//Gerhard Richter, Betty, 1988, Huile sur toile, 102 x 60 cm Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum
Cf. notion « d’absorbement«  , »d’anti-théâtralité » étudiée par Michael Fried – « La place du spectateur – Esthétique et origines de la peinture moderne », Ed : Gallimard, 1990.
La perspective nous place comme le peintre, debout en face de la figure absorbée, dans la tradition du dispositif théâtral et émotif de la peinture Renaissante.(Cet espace était conçu à partir d’un spectateur abstrait et unique.

Cette vision euclidienne  le XXe l’ aura brisé). Quand est-il de ce monde, de cette représentation en 1927, rendu obsolète  par la physique,  les mathématiques , le modernisme, et la photographie ( la vision-non euclidienne d’un spectateur mobile dans l’espace) .

Il crée une peinture qui est « essentiellement de la photographie (…) littéraire au sens où la meilleur photographie est littéraire »[24].Peinture photographique documentaire?

Une peinture  » photomatique » phantomatique?Le regard n’est -il pas devenu automatique avec l’invention de la photo, du cinéma dans cette société de l’image ?Nous sommes en face d’un automate. Un être Choséifié (Georg Lukács), un objet-humanoïde dans un espace humain réifié. Sommes-nous face à cette image dans une relation comparable à celles des machines impersonnelles de ce lieu, un spectateur automate ? Non, l’artiste nous incite à réfléchir, le temps de cette pose dans le continuum accéléré. Il incite à se mettre à distance avec la pensée automatique. Dans ce temps suspendu , il nous invite à créer de façon active un dialogue avec l’œuvre qui se fait énigme, réflexion sur le temps, la modernité. Qu’est devenu la relation entre spectateur et le tableau à l’heure de » la reproductibilité technique » et de » la perte de l’aura » ? (Benjamin).

Qu’est devenu la femme dans cette société moderne ? Un jouet , un appât comparable à ces fruits disposés en vitrine, un objet de désir pour célibataire ? La femme est de dos. L’ambiguïté ne sera pas possible avec une femme légère attendant le client. L’homme, n’est -il pas devenu une simple chose dans cette société marchande ou selon Simmel dans la grande ville les relations sont construites à partir de l’intérêt « (la Ville comme monnaie) ? Ne présage-t-il pas des futurs dangers d’exploitation, d’extermination, à travers une anodine scène civilisée d’une femme prenant le thé ?

La forme elliptique de la table esquisse autour du personnage un espace circulaire qui renforce ce retour vers-soi introspectif. ; cette bulle dont nous sommes exclues. La femme ici est une courbe pulpeuse comparable à ces fruits dans la coupe, une sensualité qui ne se laisse approchée.
Le peintre se fait metteur en scène, en histoire…dans cet arrêt sur image, la peinture se fait -elle photogramme ?Ce lieu-tableau est il comparable au sentiment que ressent le personnage, l’artiste ? Est-il un véritable refuge ?La lumière : est zénithale, blafarde peut-être celle de néon n’a rien à voir avec la chaleur d’un éclairage tamisé et romantique. Vive, contrastée et glauque, elle écrase le personnage et donne aux teintes un caractère glacial et des ombres crues, violentes. La référence au cinéma de l’époque au film noir est évidente. L’usage chromatique, constitué en grands aplats tend vers des tons froids ? Rien dans cette toile ne serait réchauffé le lieu. Le chauffage semble bien dérisoire pour réchauffer la femme qui a gardée son manteau d’hiver.

V) Interprétation :

« Ce qu’on voit, ne loge jamais dans ce qu’on dit » Michel Foucault.
« Vous me demandez de faire quelque chose qui est aussi difficile que de peindre : expliquer la peinture avec des mots ». E. Hopper

« Le silence de l’œuvre répond au silence de l’artiste. Silence, on tourne !».
« Lorsque des êtres humains figurent sur la toile, ils sont figés, paralysés pour l’éternité, l’humain…est absent à lui-même, absent aux autres… Vous devenez un voyeur et cela vous dérange. Vous, mais pas eux ! ».

« l’œuvre de Hopper est toujours une expérience de l’être »

Afficher l'image d'origineSunlight in a Cafeteria, 1958

Dans cette scène nocturne, le peintre évoque à travers cette scène anodine d’une jeune femme attablée dans un bar, la vie dans la société américaine, l’isolement des êtres qui la peuplent. Le thème de la solitude, de l’isolement en soi dans l’espace urbain est un véritable leitmotiv dans son œuvre, confrontant la figure humaine à la géométrie froide de la ville. Hopper peint des images de la ville ou de la campagne, des espaces extérieurs et intérieurs aux formes très épurées, théâtrale qui condamne femmes et hommes à la tristesse sans espoirs, « tristesse de la chaire ».
Cet être semble absorbé, absent au monde et aux autres, perdues dans ses pensées. Représente-t-elle la condition absurde de l’homme moderne, celui de l’homo urbanus? Ou celle de la femme ? Une représentation allégorique de l’aliénation.Le mot aliénation vient du latin alienus :« autre », « étranger », ce terme caractérise la dépossession de l’individu, une perte, l’inauthenticité de l’existence vécue : cette femme représente t’elle « Un esprit aliéné ou étranger à lui-même » , qui ne se sent pas chez lui dans le monde de l’effectivité.(Hegel). « Un personnage abîmé dans l’infini ?

Cette femme semble complètement indifférente à tout ce qui l’entoure. L’aliénation déjà présente dans le milieu du travail , consécutive  de la division du travail mécanisé se poursuit dans l’espace publique de la ville. l‘aliénation est « l’état de l’individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de chose auquel il participe, mais qui le domine. » Dans cette société ultra-individualiste, le sens de la communion, de la sociabilité primitives semblent avoir disparue  L’homme , »cogito »,un « animal politique.« ne peut être heureux. Sans Dieu, sans sacralité, n’est-il pas condamné au spleen baudelairien ?(dépression). Le spectateur qui contemple la scène ne peut être mis qu’en face de sa propre solitude, ce qui lui fait défaut ? Heidegger montrera bien que cette société n’est plus celle de la Parole, mais du bavardage, celui de la circulation des banalités. Le penseur visionnaire Hopper nous parle de cette modernité en crise. « En éclaireur, visionnaire, son œuvre recèle une richesse insoupçonnée pour réorienter (sortir ?) d’une modernité à l’agonie.« 

« Devant ce personnage, le mystère demeure, les questions restent sans réponse. Quelle histoire l’œuvre nous raconte-t-elle ? Pourquoi est-elle à ce point de transit ? Pourquoi une femme est-elle seule à cette heure ? Est-elle suspendue à son désir dans ce lieu de satisfaction mécanisée du besoin? »On ne désir dans un ensemble » qui coule dans un agencement «  »c’est construire un agencement », « une région » »on désir un paysage » un « contexte organisé », « autour de la chose sinon il est un désir insatisfait. »Le rendez-vous est-il un agencement. »Pourqu’un environnement se passe, il faut une différence de potentielle »

Seule certitude, ce sentiment de solitude savamment construit par la composition picturale : cette peinture de genre illustre de manière symptomatique notre société d’hyperconsommation technique à venir (satisfaction des besoins automatisés) et cette inflation communicative (difficulté à faire communauté.)

Le titre du tableau « automat » est donc ouvert aux deux significations possibles : il peut faire référence à l’endroit où se déroule la scène, mais il peut aussi faire permettre un rapprochement signifiant avec toutes les occurrences du terme  (Entre la femme et l’automatisme somatique, psychique et social/automatisme du geste du peintre, automatisme du regard … Nous savons depuis les études de Pierre Janet à Henri Wallon tous les ressorts de ce concept en psychologie, mais également depuis Descartes cette analyse du corps comme mécanique des passions. Qu’en est-il du désir et de la mécanique amoureuse ? et de la mécanique picturale (entre dispositif esthétique et stratégie des affects)
« l‘automatisme ». H.Walon développe l’idée d’un  » automatisme artificiel, « un moyen dont dispose l’organisme pour gérer son rapport avec le milieu par la mise en forme précise de son activité de relation ». Toute la société fonctionne sur cette nécessité de la « plasticité « cette tension entre ce que Foucault nommera les structure de disciplination des corps (pouvoir instituant), il y a la loi de l’espace, la loi de l’espèce, la loi du tableau, la loi amoureuse (courtoisie), la loi du genre, celle du Logos (phalogocentrique) et toutes « ses forces destituantes« (Agamben), celle que permet à l’exemple de  la passante Baudelairienne qui « vous soulève », la rencontre amoureuse source d’espérance, de promesse  et de rêve (le regard qui se lève) et qui « vous soulève » mutuellement.Qu’en est-il du hasard de la rencontre, « Érotique-voilée » et « Magique-circonstancielle », étincelle  » coup de foudre « potentiel entre les deux conducteurs Nadja est exaltée et troublée, électrisée et déchirée.. »L’Amour fou, la notion de «hasard objectif10». La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout11le gant de bronze « pourquoi m’as-tu pris mes yeux » (22 octobre 1926) Ferme les yeux là deux minutes et pense. Qui vois-tu ? » (7 décembre 1926). ’Amour fou retrace la rencontre d’André Breton et de Jacqueline Lamba. « Entretien sur l’amour » ?[3][3]Il s’agit d’un texte intitulé « Erfharung » (« Expérience »).….

le corps humain comme une machine autonome.ntretien sur l’amour » (1913)L’idée de bonheur que nous portons en nous est imprégnée par la couleur du temps qui nous est échu pour notre vie à nous. Un bonheur susceptible d’être l’objet de notre envie n’existera que dans un air qui aura été respiré par nous ; il n’existera qu’en compagnie de gens qui auraient pu nous adresser la parole à nous ; il n’existera enfin que grâce à des femmes dont les faveurs nous auront pu combler, nous. L’idée de bonheur enferme celle du salut, inéluctablement. Il en va de même pour l’idée du « passé ». L’image du salut en est la clé. N’est-ce pas la voix de nos amis que hante parfois un écho des voix de ceux qui nous ont précédés sur terre ? Et la beauté des femmes d’un autre âge, est-elle sans ressembler à celle de nos amies ? […] Il y a un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celles dont nous faisons partie nous-mêmes. Nous avons été attendus sur terre. Car il est dévolu à nous comme à chaque équipe humaine qui nous précéda, une parcelle du pouvoir messianique. Le passé la réclame, a droit sur elle.?[20]

 

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. Comme le peintre des circonstances dont parle Baudelaire, l’homme doit pouvoir s’adapter aux circonstances perpétuellement changeantes du réel. Mais qu’en est-il quand la rupture anthropologique se fait de façon si brutale, quand celle-ci mobilise avec la perte de « l’expérience » une vigilance de tous les instants? l »Automatisme surréaliste «L’automatisme psychique pur», comme pratique artistique sera aussi une façon de permettre de se libérer d’une forme de conscience normée, une méthode d’art dans laquelle l’artiste tentera de supprime le contrôle conscient sur le processus de fabrication à la même époque. libérérant l’homme contre une psyché réprimée , elle rend possible l’accès pour l’être à son subconscient.

« cette Ariane auprès de laquelle pour la première fois et pour ne jamais plus l’oublier, je compris ce dont je ne connus que plus tard le nom : l’amour ». Dans un autre passage, l’auteur fait mention de l’« Éveil du sexe », du commencement de sa vie adulte : « C’est dans une de ces rues que plus tard je parcourus la nuit dans des errances qui n’en finissaient pas, que me surprit, lorsque ce fut l’époque, l’éveil du désir sexuel, et dans les plus étranges circonstances ».

Peter Szondi : « C’est pour garder cette première image, qu’il ne faut pas perdre, parce qu’elle renferme l’avenir, que le don de se perdre devient l’objet du souhait. » ?[22][22]Dans sa brillante étude intitulée « Espoir dans le passé. À… Le désir amoureux est donc le principe où se situe la possibilité d’établir un système d’affinités transcendantales dans le monde des « choses qui ne sont plus ». C’est pour cela que, lisant le fragment intitulé « La fièvre », seule « la voix de la bien-aimée » est capable de réveiller les images de l’enfance dans « le cœur de l’homme ».

46L’expérience qui déclenche l’éveil du passé dans Enfance berlinoise vers mil neuf cent n’est pas seulement d’ordre visuel, mais aussi d’ordre tactile. Dans le fragment intitulé « Le garde-manger », l’on peut lire es différentes formes d’amour. Ils en distinguent trois, à savoir, l’amour des époux (le mariage), l’amour des amis (l’amitié), et l’amour des parents (la maternité et la paternité). Agathon déclare : « Est-ce que l’amour est peut-être déjà un divers (ein Mannigfaltiges), et est-ce que notre pauvre langue se contente d’avoir un seul mot (mit einem Wort) pour désigner une pluralité (Vierlerlei) ? ». L’importance du « divers », en tant que matière destinée à une opération de synthèse, est centrale dans ce dialogue, car le « divers », constitué par les formes d’amour, vise à trouver un fondement de synthèse autre que l’entendement ou la sensibilité.« Mariage, amitié, maternité — toutes (ces formes) peuvent rester pures seulement là où il y a de l’amour — cependant ces formes ne sont pas elles-mêmes l’amour. » ?[25Dès lors, Agathon introduit dans le système graduel de l’amour le principe de la « jalousie » (Eifersucht). Il se demande ensuite s’il existe « un droit d’envier » (ein Recht zu neiden) « la présence et la propriété de l’être aimé » (die Gegenwart, den Besitz des Geliebten Wesens), question à laquelle le personnage de Vincent répond que « l’amour étant toujours un désir (Begehren) », il devrait donc s’associer nécessairement au rêve de posséder la présence de l’être aimé, d’avoir sa « proximité corporelle » (die Sehnsucht nach der körperlichen Nähe). Ensuite le personnage de Sophia interpelle ainsi ses interlocuteurs :

e terme « désir » (Sehnsucht) signifie l’intensité d’une attente ardente et passionnée. Le caractère temporel de cette attente est celui d’une apparition éphémère advenant dans l’ultime « mot-image-vision » (Wort-Blick-Augen). Il s’agit d’une temporalité d’attente pure, instaurée par le dernier « au revoir » (das letzte Lebewohl). La question centrale qui se poserait ici serait celle d’identifier un fondement qui durerait dans une temporalité nouvelle et déconcertante, attachée à la présence fugace de l’être aimé.

54Il est possible de constater que, dans la rédaction d’Enfance, Benjamin ne visait au fond que la possibilité de saisir la temporalité propre aux choses du passé. Autrement dit, le but de l’ouvrage était de saisir la temporalité concernant cette ultime trace de l’objet disparu, de même qu’en 1913, le philosophe définissait « la chose désirée autrefois n’étant plus désirée » (früher Begehrtes nicht mehr begehrt) par celui qui retrace les lignes de son passé. Benjamin écrivit dans Chronique berlinoise : « Ce qui pesait si effroyablement sur vous, c’était non pas ce qui vous attendait, pas plus à vrai dire que les adieux (d

bschied) à ce qui était, mais ce qui persistait, ce qui durait » :

55

AGATHON : Cela pourrait être la raison pour laquelle il n’y a pas d’amour dans un dialogue. Là où j’aime, je m’imagine seulement moi-même et l’être aimé (Wo ich liebe, ich denke ich nur mich und das geliebte Wesen). Dans un dialogue, je dois pouvoir penser le monde.
VINCENT : Dit au lieu de : où j’aime — où j’exprime mon amour, je suis d’accord avec toi. L’amour est quelque chose d’immanent, tu aimes une seule fois — et toujours — (du liebst einmal und immer).
AGATHON : Qu’est-ce que tu veux dire par cela : « Toujours » ? Que l’amour serait éternel ? Ou bien qu’il ne serait pas possible d’aimer quelqu’un que j’aime toujours et à chaque instant ?
SOPHIA : Tous les deux me semblent vrais. Amour est un continuum (Liebe ist ein Kontinuum). Je ne dois pas toujours penser à l’être aimé. Mais quand je pense à lui — je pense toujours en amour (Doch wenn ich ihn denke — so immer in Liebe). Et l’amour est éternel. Qu’est-ce qui existe de suffisamment fort pour faire éclater cet être (dieses Sein zu sprengen) ? ?[27]Le système des degrés de l’amour intercepté par la haine, aurait conféré à Benjamin, très tôt dans sa philosophie, une première esquisse désignant la possibilité d’une intégration extrême d’éléments qui sont en eux-mêmes uniques mais qui ont été pris par le flux irréversible d’une temporalisation éternelle. Cela parce que l’amour est une expérience ayant lieu dans la vie d’une personne « une seule fois et pour toujours » (einmal und immer). Le principe de l’amour témoigne de la possibilité de reproduire ce qui a été unique, auratique. Cette intégration extrême trouvera ensuite son modèle opératoire dans la synthèse chromatique, propre à l’imagination.C’est ainsi que l’idée d’un « être étant capable de faire éclater » (dieses Sein zu sprengen) le continuum temporel sera dès lors fondamentalement programmatique pour l’ensemble de la philosophie benjaminienne, et ce jusqu’à son interruption soudaine en 1940. Pour nous l’importance de pouvoir identifier sa première apparition lors de cet entretien daté de 1913, réside dans le fait que le concept de l’amour ainsi traité par le premier Benjamin, laisse déjà se profiler l’idée d’« origine » (Ur-sprung) qui fut aussi centrale dans le livre sur le Trauerspiel daté de 1925, et dans les thèses sur la philosophie de l’histoire datées de 1940, et publiées posthumes. Lisons donc la thèse n° XVII dans Sur le concephttps://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2008-1-page-79.htm

Le peintre nous amène à nous demander comment la femme est arrivée dans ce lieu ? Le fait qu’elle n’ait enlevé qu’un seul gant laisse supposer qu’elle est pressée ou qu’elle vient d’arriver, mais suppose t’elle derrière ce geste une autre symbolique ? « Le langage des gants »:C’est un motif que l’on trouve dans la peinture renaissante, comme signe de prestige voir d’érotisme puissant et fétichiste  » La femme au gant »de Carolus Duran jusqu’au cinéma avec la célèbre chorégraphie de la croqueuse de diament dans « Les hommes préfèrent les blondes ».Dans la peinture du Titien, L’homme au gant, le personnage prenant la pose face au peintre a retiré un gant, tout comme Antea la figure féminine du Parmesan, dont la main dénudée, à la posture maniérée vient prendre la chaîne entre ses doigts.

: une assiette vide est posée devant elle : peut-être a-t-elle déjà prise une tarte au distributeur ou attend t’elle dans ce vide d’un partage non encore satisfait : la tasse, ce geste suspendu, nous laisse penser qu’elle est là depuis un temps certain, impatience de l’attente. (?)

Qui est cette femme ? Qui est le modèle ?
Nous apprenons que c’est l’épouse de Hopper , Josephine, dite « Jo »,comme toujours qui lui a servie, ici , de modèle.Elle était sa muse et son « souffre-douleur «  »sadisme ordinaire, voire de violence physique. »..Très jalouse, elle ne pouvait être que le modèle du peintre. « Timide, solitaire et taiseux », Elle du s’effacer en tant que créatrice pour constribuer et assister la carrière de son époux. « Jo a sacrifié bien plus que quelques heures de son temps pour lui servir de modèle »

.Même, si la jalousie la violence est la construction d’un monde de jalousie et de violence, le tableau en est-il le reflet ?

Jo et Edward Hopper en 1927..Jo et Edward Hopper en 1927.

La création d’une oeuvre comme dans un couple repose t’elle sur une attente, une entente?

La biographie, la révélation de la vie relationelle de l’artiste, la mise à jour du non-dit à travers le écrits de Josephine, qu’elle a tenu pendant la majeur partie de sa vie  révèlant une relation troublée, rythmée de disputes, et parfois même de violences physiques réciproques serait-elle un éclairage vraiment éclairant pour mieux servir les attendues de l’oeuvre?. Connaître après coup, après la disparition des acteurs de la scène, les révélations post-mortem sous la forme d’un documentaire en 2020,ou d’écrit permettra d’élucider ce mystère des personnages que l’on ne sait pas expliquer. Connaître ce couple paradoxal » et conflictuel pourrait nous permettre de mieux percevoir, interpréter cette désincarnation des êtres, l’expression d’une vacance, d’une indécision constante, cette solitude si forte dans chaque au point de dd’avoir le sentiment d’un état d’éternel latence, de spectralité, un entre-deux silencieux (les personnages ne semble pas pouvoir parler, ni s’exprimer). Ces figure n’ on rien à ce dire au de-delà de l’insifiance? « Edward et Jo Hopper, un si violent silence », la muse et souffre-douleur du peintre ». Titre d’un articleE.dward et Jo Hopper, un si violent silence, écrit et réalisé par Catherine Aventurier, coécrit par Alexia Gaillard (Fr., 2020, 55 min)

https://www.barnebys.fr/blog/jo-la-femme-derriere-la-carriere-dedward-hopper

Dans Automate, Comme « Jo » était plus âgée que le modèle attendu, Hopper du en changer les traits : pouvoir qu’à l’artiste sur l’imaginaire du temps représenté ? Ce tableau n’est pas un instantané photographique à la Brassaï qui se déplaçant à la foule interlope des cafés parisiens capte un moment, une rencontre observée pour faire de cette vue singulière »un objet de luxe ».« J’aime le naturel: c’est que la personne vous regarde franchement. Le regard est ce qui est le plus important dans un visage. Il y a une espèce de solennité, de solitude quand on regarde un objectif. C’est presque de la sculpture. Et Hopper? Tout art, n’est-il qu’une construction fictionnelle qui nous parle du réel chez Hopper ?

Nous donne-t-il une représentation de la femme moderne, telles ces femmes de Degas et Manet ? Le thème de la femme et la ville intéresse les artistes. « La femme à l’Absinthe » ou  » la femme à la prune » dépeignent la femme désœuvrée dans cette époque du désenchantement, elles sont comme hantés par des spêctres derridien, elles viennent hanter le tableau, comme un signe tangible d’une permanence de la condition féminine et amoureuse.(inoperosità) c’est le désoeuvrement.
Et le spectateur ?
À travers sa peinture, Hopper crée il chez l’autre de l’empathie pour cette femme, seule, là, le soir, perdue dans ses pensées. Si l’œuvre est la surface de projection, d’identification nous proposant un un espace libre, in-space d’inscription du spectateur qu’initait déjà E.Manet. Elle est également selon. G. Didi Huberman, un espace qui nous regarde. « Lèvera-t-elle les yeux à notre présence ? » ou nous laissera t’elle à notre altérité. Si pour Derrida “Autrui est secret parce qu’il est autre. Comme l’œuvre elle-même conservera-t-elle son secret (la beauté et l’expérience esthétique comme mystère, comme désir
On peut d’ailleurs noter le choix du peintre, de ne rien laisser paraître de la nuit new-yorkaise : pourtant, les rues de cette grande cité sont toujours éclairées et lumineuses.

Edward Hopper au milieu des objets | Strass de la philosophie

strassdelaphilosophie.blogspot.com/…/edward-hopper-dans-lobjet.html

22 nov. 2012 – Cette photosynthèse de l’être, comme le dit d’une très belle manière, encore, Yves Bonnefoy : « un être qui se tourne vers la lumière 

Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue – Hal-SHS

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs…/Rey_Hopper-Annonciation.pd…

de O Rey – ?2013

1 févr. 2014 – 1 « Edward Hopper : la photosynthèse de l’Être », in Dessin, Couleur et ….. Comme l’écrit Yves Bonnefoy, la raison d’être de ces œuvres « est.

The New York telephone buildingThe Paramount Building

This view of midtown Manhattan looking southeast from Central Park was taken in May 1925.

  • Park Avenue’s first large skyscrapers, such as the 45 story Ritz tower (below) were completed in 1925
  • L’immeuble Haughwout à armature de fonte (cast-iron building), Greene Street, New York, 1857.
  • Daniel Burnham, Flatiron Building, 1902, New York, style Beaux-Arts
  • Cass Gilbert, Woolworth Building, 1913, New York, style néogothique
  • The Paramount Building, in 1926.
  • July 1927. The construction of the Morgan building can be seen in the centre, alongside the new Standard Oil building.
  • Chrysler  Building New York, 1929-30.

le monde Hopperien avec sa géométrisation de l’espace pictural autour du fait architectural,  est symptomatique d’ un monde désormais construit au compas .Il  questionne le monde utopique ou dystopique de cette modernité qui se construit  sous ses yeux d’arpenteur . Il est le « peintre de la vie archi-moderne. »

« Il me faut généralement plusieurs jours avant que d’identifier un sujet qui m’attire suffisamment, et je passe de longs moments à m’interroger sur le format de la toile qui lui conviendra, qui sera le plus en accord avec l’expression visuelle à laquelle je souhaite parvenir » E.Hopper

Le tableau chez cet artiste est toujours soigneusement composé et jamais le fruit du hasard. Un tableau demande du temps avant de prendre forme ; il est le résultat de nombreuses esquisses préparatoires, le fruit d’un long mûrissement. Le peintre ne réalise que deux toiles par an. Ses cadrages photographiques à l’instar d’un Degas donnent souvent l’impression d’instantanéité photographique, de captation sur le vif, mais ses images ont l’immobilité factice des décors cinématographique. Tout comme le médium photographique influencera la pratique picturale des peintres du XIXe, le cinéma inspira l’atmosphère et la composition de l’image hopperienne.

La partie gauche du tableau laisse un large espace vacant à angle droit, celui de l’entrée – Des lignes géométriques horizontales balayent l’espace, conduisent notre regard vers un escalier à la droite du tableau. La figure est condamnée à occuper cet entre-deux, un espace d’attente, entre le ciel obscur et sans étoile et ce sous-sol en hors-champ. Cette focalisation sur la vacuité de l’entrée de l’automat, suggère-t-il que l’être moderne est condamné à attendre ce qui ne viendra pas ? L’amour, le salut… Sommes-nous devant une Eve moderne sans son Adam, avec ses fruits de la tentation en vitrine ou une Madone seule sans son archange ? » Si Dieu, est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué !« (Gais sa voir: est-il encore possible d’espérer? Le peintre nous guide depuis l’entrée vers le personnage. Fermée à tout contact par sa circularité, elle nous renvoie directement à l’espace de départ.

Afficher l'image d'origineedward-hopper-automat-1927 deux rangeesAfficher l'image d'origineKasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915, huile sur toileAfficher l'image d'origineCf. artifexinopere.com.

Monochrome Noir«

«  L’art nous apprend à voir les choses et non à simplement les conceptualiser ou les utiliser. » E. Cassirer, Essai sur l’homme, Paris, Éditions de Minuit, 1975, chapitre 9, pp.239-240.

La Circularité de la table renforce cette claustration. La femme fait dos à l’extérieur. Elle n’attend donc rien du dehors.La perspective linéaire qu’esquisse les deux rangées de globes et le coin appuyé de la pièce conduit notre regard vers cet écran noir, opaque, monochrome et sombre qui plane au dessus du modèle. Le miroir de la vitrine nous renvoie à notre espace de simple spectateur. A la Renaissance, la construction en perspective-philosophie de l’espace et de la relation entre le sujet et le monde (E. Panofsky ) Guidait souvent par son point de fuite, le spectateur vers une fenêtre, un infini qu’elle questionnait. La perspective, dans la cité idéale de Paolo Francesca, conduisait cet hypothétique et abstrait spectateur vers la porte entre ouverte d’une architecture ou la porte d’un arc qui ouvre sur une autre porte. Le tableau renvoyait à un au-delà du tableau qui n’était plus celui de la transcendance.

Erwin Panofsky - La Perspective comme forme symbolique - Et autres essais.

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La perspective comme forme symbolique fut créé en même temps que la représentation de la cité de la place  (Alberti). Elle incarnait la reconnaissance de cet espace politique et marchand. Cet univers noir vers lequel nous guide cette construction représente t-il  le  vide, le néant, un espace du non -être,  sans dieu ni magie ?( Dans la peinture byzantine les « fonds abstrait et infini « traités sans profondeur ni inscription, étaient très souvent dorés et réservés pour signifié l’espace transcendant et surnaturel, à l’ère moderne, il est totalement objectivé. Pour cette Marie moderne, une annonciation est-elle encore possible dans ce monde de la pure immanence cartésienne où l’homme se fait le démiurge maître et possesseur de la nature »(Descartes.). En tant que spectateur, l’accès à l’humain nous sera refusé, nous sommes condamnés à contempler cet espace monochrome. Devons nous l’observer comme l’icône suprémactistes du carré noir sur fond blanc? Sommes-nous de le même état contemplatif que ce spectateur face aux œuvres de la Rothko Chapelles de Houston 1965-1967, une contemplation religieusement .?

Dans les peintures de Hopper, les nombreux fonds rappellent l’écran de cinéma-le blanc d’un mur, le noir d’une vitre, la lumière d’une fenêtre sur le mur, une fenêtre ouverte sur le spectacle quotidien. L’homme urbain se fait spectateur du paysage urbain devenu tableau dans le cadre de la fenêtre. Sous la lumière du soleil, la ville ou la nature se fait spectacle et l’urbain spectateur. Les espaces sont très souvent construits comme des boîtes ouvertes vers l’extérieur par des fenêtres écrans, elles sont comparables au dispositif de la salle de cinéma, de la caméra obscura ou de l’appareil photographique :Résultat de recherche d'images pour "hopper peinture"

« Si exister, c’est être là dans le monde, […] alors il faut reconnaître que le monde du film n’est pas le lieu et le temps de l’existence présente du spectateur. (p. 65). « Stanley Cavell

« le cinéma est une image mouvante du scepticisme » Stanley Cavell

« le cinéma nous renvoie en même temps à l’expérience que nous faisons d’être convaincus de la réalité de ce que nous voyons tout en sachant qu’il ne s’agit que de cinéma » (p. 71)

S. Cavell, The World Viewed. Reflections on the Ontology of Film, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1979 (1971) ; trad. fr. C. Fournier, La projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, Paris : Belin, 1999.

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Des penseurs ont déjà réfléchi sur la solitude.

 

« Si la solitude est fière, la société est vulgaire »

L’homme a besoin du vêtement de la société, sinon on a l’impression de quelque chose de nu, de pauvre, d’un membre qui serait comme déplacé et dépouillé. Il doit être enveloppé d’arts et d’institutions, tout comme de vêtements corporels. De temps à autre, un homme de nature rare peut vivre seul, et doit le faire ; mais enfermez la majorité des hommes, et vous les désagrégerez… Le défaut capital des natures froides et arides, c’est le manque d’énergie vitale. … L’énergie vitale constitue le pouvoir du présent, et ses hauts faits sont comme la structure…Le remède consiste à fortifier chacune de ces dispositions par l’autre… La conversation ne nous corrompra pas si nous venons dans le monde avec notre propre manière d’être et de parler, et l’énergie de la santé pour choisir ce qui est nôtre et rejeter ce qui ne l’est pas. La société nous est nécessaire ; mais que ce soit la société, et non le fait d’échanger des nouvelles, ou de manger au même plat. Être en société, est-ce s’asseoir sur une de vos chaises ? Je ne vais point chez mes parents les plus intimes, parce que je ne désire pas être seul. La société existe par affinités chimiques, et point autrement…Chaque conversation est une expérience magnétique…La solitude est impraticable, et la société fatale. Il nous faut tenir notre tête dans l’une, et nos mains dans l’autre. Nous y arriverons si, en gardant l’indépendance, nous ne perdons pas notre sympathie…

Ralph Waldo Emerson Société et solitude .Traduction par Marie Dugard.
Armand Collin, 1911 (pp. 3-14).
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« Je boude la société, j’embrasse la solitude. »
Ralph Waldo Emerson ; De l’amitié (1841) ».
L’orgueil a perdu les anges.
Ralph Waldo Emerson ; The sphinx (1841)

L’essayiste, philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson écrit Société et Solitude.Il y résume toute sa vision du monde.la solitude comme thème occupe la première partie de l’ouvrage.La solitude pour  lui est  nécessaire dans le travail de création mais  ne peut être l’unique facteur.la relation avec autrui et les relations intersubjectives sont indispensables.

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Rapprochement que fait Olivier Rey entre le tableau de Hopper Two on the Aisle  datant de 1927 ,Huile sur toile, 102×122 cm, Toledo Museum of Art (Ohio) et l’annonciation.

« Certains parallèles sont susceptibles d’être établis. La femme seule, à droite du tableau de Hopper, est assise comme l’est Marie chez Angelico ; elle porte, comme elle, une robe rouge et un manteau bleu – couleurs reprises dans les frontières qui séparent l’espace où elle se tient de la salle : bleu du rebord de la baignoire, rouge de la moquette du couloir et de la tenture supérieure qui, de plus, reprend sous forme inversée la forme des arcatures qui surplombent la Vierge chez Angelico. Par ailleurs, cette femme seule lit, comme Marie lisait quand l’archange est apparu. La baignoire de théâtre où elle se trouve placée la sépare de la salle de la même façon que l’architecture à colonnes, chez Angelico, sépare Marie de l’espace extérieur – ici parterre d’herbe et de fleurs, là parterre de théâtre. Les deux personnages isolés en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme en train de s’installer, font quant à eux pendant aux figures d’Adam et Ève qui en haut à gauche, dans les Annonciations d’Angelico, sont chassés de l’Éden. Dans la fosse d’orchestre vide, comme dans le rideau baissé du théâtre (d’une couleur qui n’est pas rappeler celle du ciel dans le coin supérieur gauche des peintures d’Angelico), on peut voir un signe de cet exil. Il est vrai que les musiciens arriveront, que le rideau se lèvera et que le spectacle aura bien lieu : mais nous sommes dans un théâtre, un lieu de divertissement où l’humanité déchue va se nourrir, le temps d’une représentation, d’illusions, de succédanés (les deux personnages se déshabillent partiellement, comme nostalgique du temps où l’homme et la femme pouvaient aller nus, et la femme s’apprête à s’asseoir sur son manteau, vert comme l’herbe du jardin perdu). Par rapport à la peinture d’Angelico, tout élément surnaturel est effacé : la figure de Dieu le Père a disparu, de même que la colombe du Saint-Esprit et Gabriel. Pourtant, comme dans l’Annonciation du Prado (que Hopper avait pu contempler lors de son passage à Madrid, en 1910), 

Annonciation, Fra Angelico, fresque, 157 x 187 cm, 1440-1441 – Florence, Couvent de Saint Marc,

FRA ANGELICO, Annonciation, 1433-34 Tempera sur panneau, 175×180 cm, Musée diocésain de Cortone.

FRA ANGELICO, Annonciation, avant 1435 Tempera sur panneau, 154×194 cm, Musée du Prado, Madrid.

« Oui, ce sont là des Annonciations sans théologie ni promesse, mais non sans un reste d’espérance. » Yves BONNEFOY

« la peinture [est] une opération centrale qui contribue à définir notre accès à l’Être.»Maurice MERLEAU-PONTY, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 2006, p. 30- 31.

La composition de l’image reprend le dispositif spatial de l’annonciation comme de Fra Angelico, elle est sobre, austère. Mais rien ne s’annonce dans cette attente d’une société désormais sans archange, ni religion. Cet espace social Emile Durkheim dans son étude sociologique sur le suicide en 1897 le décrit comme un « monde abandonné aux hommes seuls « . Le sociologue évoque la perte des « instances d’intégration » et « de régulation », l’effacement des valeurs  (morales, religieuses, et civiques.) Désormais, nous sommes entrés dans un univers aux repères aléatoires, les limites sont devenues floues. Cette citadine souffrirait t’elle d’anomie.« (Du grec anomía, du préfixe ? a- « absence de » et ????? / nómos « loi, ordre, structure »). » Ressentelle  ce sentiment  d‘aliénation, d’irrésolution. Dieu, autrefois, présent dans la vie sociale, structurait les relations humaines. On assiste au constat du « désenchantement du monde » diagnostique que fera le sociologue allemand Max Weber. Le monde est de plus en plus rationalisé. L’espace urbain est de plus en plus fonctionnaliste, toute magie semble avoir disparue. Y aura-t-il un salut pour l’homme moderne dans un monde urbain et technologique ? Elule explique « qu’il est vain de déblatérer contre le capitalisme ; ce n’est pas lui qui crée le monde, c’est la machine » L’homme est, selon lui, aliéné par la technique car il la sacralise.  » Il y a transfert du sacré dans la technique ». La ville devient, elle aussi, une machine à vivre ensemble. Une  machinerie impersonnelle à habiter ? Un topos du logement dans l’habitat.

Pour l’homme urbain dans ce monde de l’accélération essence du monde moderne selon le sociologue et philosophe Harmut Rosa, l’invention de l’automat, du fast-food, du speed-dating, du haut débit de l’Internet, permettrai un mode de restauration plus adapté à la vie urbaine et une source de progrès.« Pendant presque 40 ans, Hopper dans ses peintures choisit de représenter l’immobilité dans une société qui bouge. Ferait -il l’éloge de la lenteur acte de résistance passive contre ces changements destructeurs, cette pathologie de la modernité qu’évoque Harmut Rosa ? Nous n’avons plus de prise sur le monde. Ne souffrons-nous pas d’une pénurie de temps ? « L’accélération a « pétrifié » le temps.  » Le temps urbain n’est pas celui de la campagne qui vit avec harmonie au rythme de la nature. L’homme est désormais celui du flux et de la flexibilité, de la constante métamorphose, une » course effrénée à l’abîme »? Questionne le philosophe comme le peintre. Le « noyau de la modernisation » s’est en définitive « retourné contre le projet de la modernité ». Chez Hopper, la lumière solaire rythme le spectacle de la vie urbaine comme si l’homme urbain tentait de se mettre au diapason de l’univers, de la nature, nature cosmique. L’homme devient une plante, un organisme en quête de nature. Lire « La, photosynthèse de l’être ». Yves Bonnefoy.

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Chez Hopper le temps«  semble avoir gardé sa densité, sa part d’éternité. Le modernisme a tout craint ne laisse que le provisoire. La vrai modernité n’était elle pas pour l’artiste de « tirer l’éternel du transitoire.*« « La modernité, c’est le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable « Baudelaire,  Le Peintre de la vie moderne en 1863.

« Si tout d’abord ce sont les innovations techniques qui ont permis le développement de nouvelles possibilités qui augmentaient le rythme de vie (par exemple, les transports), désormais l’accélération dans les trois domaines semble s’auto-alimenter, et ainsi, c’est l’accélération du rythme de vie qui peut devenir le moteur de nouvelles innovations techniques : nous ne supportons plus la lenteur, quelque soit le domaine concerné . »

La ville est par excellence le lieu du mouvement, de la vitesse comme aimeront le capter les peintres futuristes. (RUSSOLO  représente le déplacement rapide  d’une auto dans  la ville:l’accélération technique. Chez Hopper les rues sont vides d’autos, aucun véhicule mobile.)

3 dimensions selon Harmut Rosa de l’accélération sociale.

le « rythme de vie »s’accélère. avec la modernité (notion reprise à Simmel).

L’innovation technique permet la création constante du nouveau, le nouveau pour le nouveau.Les choses sont marquées par l’obsolescence et l’ephémérité.

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« Il fallait connaître la loi de la gravitation pour construire des avions qui puissent justement la combattre efficacement ». P.Bourdieu

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAccélération. Une critique sociale du temps (Beschleunigung. Die Veränderung des Zeitstrukturen in der Moderne) d’Hartmut Rosa. Traduit de l’allemand par Didier Renault, La Découverte, « Théorie critique », 476 p.,
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« Nous avons le sentiment de manquer de temps, tout en étant équipés de toujours plus d’appareils qui effectuent des tâches à notre place. « 

La fuite en avant de la modernité
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/15/la-fuite-en-avant-de-la-modernite_1333903_3260.html#aDpwuSisB78gi0MW.99

LA CITADINE DE HOPPER UNE FIGURE ALLEGORIQUE DE LA MELANCOLIE?

Heidegger écrit « Sein  un Zeit », Être et Tempsen 1926.

« la mélancolie est le germe de la lucidité dans la catastrophe de la modernité.« René Schérer, Guy Hocquenghem, L’Âme atomique, 1986, Albin Michel, p. 64, réédition aux éditions du Sandre.

« Quelques mots reviennent sans cesse, lorsqu’il s’agit de décrire cette atmosphère : silence, vacuité, solitude, immobilité, inquiétante étrangeté du réel. »Revue Conférence, n°36, printemps 2013, p. 311-357. Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue Olivier REY.

« L’homme est à l’égal de l’univers l’énigme de l’infini et de l’éternité, et le grain de sable l’est à l’égal de l’homme »Pascal.

« Malheur à qui n’a pas de chez soi »F.Nietzsche

« Paris est une solitude peuplée » Franç0is Mauriac. New York est une solitude peuplée.

« C’est dans les villes les plus peuplées qu’on peut trouver la plus grande solitude » Jean Racine.

« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »Montaigne.

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Aucun serveur ne viendra rompre ce moment de grande solitude. La proximité des habitants de la grande ville constate le philosophe Georg Simmel, dans son ouvrage « Les grandes villes et la vie de l’esprit »(1903) s’accompagne de distance psychologique, d’une »dépersonnalisation ». Contrairement à la campagne beaucoup plus fondée sur des relations sociales de type affectives, en ville, les relations sont fondées sur la rationalité ce qui engendre un « processus de désocialisation » du citadin. Les métropoles sont le règne de l’anonymat, de l’homme dans la foule, étranger aux autres et à lui-même.  « La ville plonge l’homme dans l’abondance de matière humaine … Qui consomme notre possibilité relationnelle ? Elle fait de l’homme un quidam privé de repères. Cette femme devait trouver dans le bar, le restaurant, ces « machines relationnelles », ce dispositif particulier de la rencontre, un lieu d’ancrage, de pause, pour « son psychisme  » loin de « l’intensification de la vie nerveuse » qu’est la rue (Gorg Simmel) . Mais, ici, ce n’est plus ce Génius loci (un lieu signifiant qui aide l’homme à habiter). Cette femme habite t’elle le lieu, s’identifie t-elle avec lui ?

L’architecture doit être le lieu du rassemblement , de la convivialité, de l’échange , du partage, du goût, mais il est celui de la relation automatique avec la machine.

Le self-service comme le selfie condamne chacun de nous par le média de l’automatisme mécanique à se séparer du vrai contact humain. À la même époque, Martin Heidegger critiquera la technique et questionnera la difficulté pour l’homme moderne « d’habiter le monde », un monde peuplé d’outils sur lesquels il doit agir, et qui rendre notre « ouverture à l’être » problématique. Le citadin moderne comme cette femme perdrait le sens de son propre être : nous serions dans « la facticité –(l’homme est un Dasein, jeté dans le monde sans qu’il n’ait choisi d’y être.) – la « déréliction » abandonnée, isolée. L’homme moderne est privé de tout secours. Cette vision pessimiste, est-elle partagée par Hopper ? Cette femme heidgerrienne et hopperienne ne serait -elle qu’en « transit », de passage, la figure du déracinement et de la contingence, apatride, atomisée dans un espace in hospitalier. « Le monde, serait une porte ouverte sur mille déserts muets et glacés ». L’homme sait qu’il est enfin seul dans l’immensité. »  Expliquait Jacques Monod.

La peinture d’Hopper illustre la couverture du Time Magazin pour illustrer le mal du siècle : « le spleen », la dépression, le stress, l’anxiété cette maladie moderne du citadin.

.. Les 7 lampes, représentent-elles, les 7 jours de la semaine, une répétition continue du même, sorte de fatalité mécanique de la banalité du quotidien de l’homme en ville ? M. Heidegger expliquait que le quotidien nous enfonce dans un horizon limité. L’espace de la vitre noir et obscur, cette vaste nuit avec ses astres artificiels au-dessus de cette figure, évoque-t-il le « Nihilisme cosmique » auquel est confronté l’homme moderne, cette solitude (Einjamkeit) acosmique. Cette citadine, aurait-elle ce que Durkheim nomme « le mal de l’infini ».
Dans New York Movies, aussi, le personnage féminin à l’identité inconnue est excentré dans le coin de la pièce près de la porte dans une position mélancolique et d’attente. Ennui, lassitude, elle ne jouit pas du divertissement nouveau (?). En marge du point de fuite, elle est éloignée de la foule qui de notre côté regarde l’écran de cinéma. Isolez, incarne t-elle la Blonde comme les stars américaines, ces figures de rêve du cinéma à la plastique parfaite comme Maryline à la vie intérieure si tragique.

Déf : perspective : technique de la représentation en deux dimensions sur une surface plane des objets en 3D contenues dans un espace 3D, tels qu’ils apparaissent vus à une certaine distance et dans une position donnée par un spectateur unique. L’homme moderne de la renaissance était le centre d’un monde où tout se construisait à partir de son regard. La perspective, forme symbolique et politique, est née avec la représentation urbaine de la place, de l’agora, lieu, théâtre démocratique de l’échange marchand et du politique. Ici la perspective conduit vers le fond, un au-delà de l’image carré noir nihiliste de Malevitch ( ?). Dans ce monde capitalisme et individualiste, libérale, quand est-il de cet espace de liberté, d’échange entre citoyens de  « cet espace public (J. Habermas) ? Les nombreuses architectures solitaires, lieux de solitudes chez Hopper ne sont-ils pas le signe d’un nouveau totalitarisme ? Le rationalisme « la raison instrumentale » échec de la raison des lumières que critiqueront Horkeimer et Adorno après la guerre, dans la dialectique de la Raison. Cet usage de la raison ne mènera t-elle pas l’homme à la barbarie 10 ans plus tard ? L’homme dominateur de la nature, s’est fait dominateur de l’homme sur l’homme.

« prose aplatie » Ponge Francis

Une peinture aplatie ou en profondeur?

« La tension entre la profondeur suggérée par la géométrie, et la planéité suggérée par le traitement de surfaces, rend malaisé au spectateur d’« entrer » dans le tableau. À cela s’ajoute que la perspective géométrique, affirmée comme elle l’est, est tenue pour rigoureuse, alors qu’une analyse précise révèle que tel n’est pas le cas. La difficulté du spectateur à se situer par rapport à ce qu’il voit, et à y participer trouve encore accentuée » Cité par olivier Rey.Jean Gillies, « The Timeless Space of Edward Hopper », Art Journal, vol. 31, n° 4, 1972, p. 404-412.

Qu’en est-il chez Hopper de cette position traditionnelle du spectateur ? Ce dernier, est-il séparé de la scène soumis à la seule contemplation, nié comme dans la tradition picturale,ou  trouve t’il  sa place, intégré dans le tableau comme dans  la théâtralisation d’un Manet ou  la présence du spectateur est constitutive de l’oeuvre. Face à leur lecture, les personnages sont-il réellement absorbés dans leur lecture comme le philosophe de Chardin ? Les personnages dans la tradition picturale d’un Diderot, sont-ils en méditation, entre silence et oubli de soi ?

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineQui a représenté son père lisant le journal ?Qui a représenté sa mère lisant le Figaro ?Qui a peint Les nouvelles du matin ?

Edward Hopper : Room in New York, 1932. Crédits photo : © Sheldon Museum of Art

Dans la peinture « Room in New York » de 1932, l’homme assis dans son fauteuil parcours un article de journal, absorbé par la lecture des événements relatés du réel historié, tandis qu’une femme, une E.Bovary pianote quelques notes musicales, pour passer peut-être ce temps du quotidien devenu trop long. Chacun à sa façon tente d’occuper ce temps devenu trop dense et épais. Le couple ne communique plus chacun positionné dans son espace personnel ; l’un est penché l’autre fait dos à l’autre :

La femme est telle dans ce tableau de Hopper comparable à cet élément de mobilier, ce fauteuil qui porte la même couleur qu’elle, tout comme chez D. Hockney l’épouse potiche est dépeinte de façon humoristique par l’artiste anglais posée, là, frontale comparable à ce pot de fleurs sur la commode. Nous sommes loin de la mère du peintre lisant le Figaro.

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« Un philosophe occupé de sa lecture » , Chardin , Salon de 1753″//Gerhard Richter, Betty, 1988, Huile sur toile, 102 x 60 cm Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum
Cf. notion « d’absorbement«  , »d’anti-théâtralité » étudiée par Michael Fried – « La place du spectateur – Esthétique et origines de la peinture moderne », Ed : Gallimard, 1990.
La perspective nous place comme le peintre, debout en face de la figure absorbée, dans la tradition du dispositif théâtral et émotif de la peinture Renaissante.(Cet espace était conçu à partir d’un spectateur abstrait et unique.

Cette vision euclidienne  le XXe l’ aura brisé). Quand est-il de ce monde, de cette représentation en 1927, rendu obsolète  par la physique,  les mathématiques , le modernisme, et la photographie ( la vision-non euclidienne d’un spectateur mobile dans l’espace) .

Il crée une peinture qui est « essentiellement de la photographie (…) littéraire au sens où la meilleur photographie est littéraire »[24].Peinture photographique documentaire?

Une peinture  » photomatique » phantomatique?Le regard n’est -il pas devenu automatique avec l’invention de la photo, du cinéma dans cette société de l’image ?Nous sommes en face d’un automate. Un être Choséifié (Georg Lukács), un objet-humanoïde dans un espace humain réifié. Sommes-nous face à cette image dans une relation comparable à celles des machines impersonnelles de ce lieu, un spectateur automate ? Non, l’artiste nous incite à réfléchir, le temps de cette pose dans le continuum accéléré. Il incite à se mettre à distance avec la pensée automatique. Dans ce temps suspendu , il nous invite à créer de façon active un dialogue avec l’œuvre qui se fait énigme, réflexion sur le temps, la modernité. Qu’est devenu la relation entre spectateur et le tableau à l’heure de » la reproductibilité technique » et de » la perte de l’aura » ? (Benjamin).

Qu’est devenu la femme dans cette société moderne ? Un jouet , un appât comparable à ces fruits disposés en vitrine, un objet de désir pour célibataire ? La femme est de dos. L’ambiguïté ne sera pas possible avec une femme légère attendant le client. L’homme, n’est -il pas devenu une simple chose dans cette société marchande ou selon Simmel dans la grande ville les relations sont construites à partir de l’intérêt « (la Ville comme monnaie) ? Ne présage-t-il pas des futurs dangers d’exploitation, d’extermination, à travers une anodine scène civilisée d’une femme prenant le thé ?

La forme elliptique de la table esquisse autour du personnage un espace circulaire qui renforce ce retour vers-soi introspectif. ; cette bulle dont nous sommes exclues. La femme ici est une courbe pulpeuse comparable à ces fruits dans la coupe, une sensualité qui ne se laisse approchée.
Le peintre se fait metteur en scène, en histoire…dans cet arrêt sur image, la peinture se fait -elle photogramme ?Ce lieu-tableau est il comparable au sentiment que ressent le personnage, l’artiste ? Est-il un véritable refuge ?La lumière : est zénithale, blafarde peut-être celle de néon n’a rien à voir avec la chaleur d’un éclairage tamisé et romantique. Vive, contrastée et glauque, elle écrase le personnage et donne aux teintes un caractère glacial et des ombres crues, violentes. La référence au cinéma de l’époque au film noir est évidente. L’usage chromatique, constitué en grands aplats tend vers des tons froids ? Rien dans cette toile ne serait réchauffé le lieu. Le chauffage semble bien dérisoire pour réchauffer la femme qui a gardée son manteau d’hiver.

V) Interprétation :

« Ce qu’on voit, ne loge jamais dans ce qu’on dit » Michel Foucault.
« Vous me demandez de faire quelque chose qui est aussi difficile que de peindre : expliquer la peinture avec des mots ». E. Hopper

« Le silence de l’œuvre répond au silence de l’artiste. Silence, on tourne !».
« Lorsque des êtres humains figurent sur la toile, ils sont figés, paralysés pour l’éternité, l’humain…est absent à lui-même, absent aux autres… Vous devenez un voyeur et cela vous dérange. Vous, mais pas eux ! ».

« l’œuvre de Hopper est toujours une expérience de l’être »

Afficher l'image d'origineSunlight in a Cafeteria, 1958

Dans cette scène nocturne, le peintre évoque à travers cette scène anodine d’une jeune femme attablée dans un bar, la vie dans la société américaine, l’isolement des êtres qui la peuplent. Le thème de la solitude, de l’isolement en soi dans l’espace urbain est un véritable leitmotiv dans son œuvre, confrontant la figure humaine à la géométrie froide de la ville. Hopper peint des images de la ville ou de la campagne, des espaces extérieurs et intérieurs aux formes très épurées, théâtrale qui condamne femmes et hommes à la tristesse sans espoirs, « tristesse de la chaire ».
Cet être semble absorbé, absent au monde et aux autres, perdues dans ses pensées. Représente-t-elle la condition absurde de l’homme moderne, celui de l’homo urbanus? Ou celle de la femme ? Une représentation allégorique de l’aliénation.Le mot aliénation vient du latin alienus :« autre », « étranger », ce terme caractérise la dépossession de l’individu, une perte, l’inauthenticité de l’existence vécue : cette femme représente t’elle « Un esprit aliéné ou étranger à lui-même » , qui ne se sent pas chez lui dans le monde de l’effectivité.(Hegel). « Un personnage abîmé dans l’infini ?

Cette femme semble complètement indifférente à tout ce qui l’entoure. L’aliénation déjà présente dans le milieu du travail , consécutive  de la division du travail mécanisé se poursuit dans l’espace publique de la ville. l‘aliénation est « l’état de l’individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de chose auquel il participe, mais qui le domine. » Dans cette société ultra-individualiste, le sens de la communion, de la sociabilité primitives semblent avoir disparue  L’homme , »cogito »,un « animal politique.« ne peut être heureux. Sans Dieu, sans sacralité, n’est-il pas condamné au spleen baudelairien ?(dépression). Le spectateur qui contemple la scène ne peut être mis qu’en face de sa propre solitude, ce qui lui fait défaut ? Heidegger montrera bien que cette société n’est plus celle de la Parole, mais du bavardage, celui de la circulation des banalités. Le penseur visionnaire Hopper nous parle de cette modernité en crise. « En éclaireur, visionnaire, son œuvre recèle une richesse insoupçonnée pour réorienter (sortir ?) d’une modernité à l’agonie.« 

« Devant ce personnage, le mystère demeure, les questions restent sans réponse. Quelle histoire l’œuvre nous raconte-t-elle ? Pourquoi est-elle à ce point de transit ? Pourquoi une femme est-elle seule à cette heure ? Est-elle suspendue à son désir dans ce lieu de satisfaction mécanisée du besoin? »On ne désir dans un ensemble » qui coule dans un agencement «  »c’est construire un agencement », « une région » »on désir un paysage » un « contexte organisé », « autour de la chose sinon il est un désir insatisfait. »Le rendez-vous est-il un agencement. »Pourqu’un environnement se passe, il faut une différence de potentielle »

Seule certitude, ce sentiment de solitude savamment construit par la composition picturale : cette peinture de genre illustre de manière symptomatique notre société d’hyperconsommation technique à venir (satisfaction des besoins automatisés) et cette inflation communicative (difficulté à faire communauté.)

Le titre du tableau « automat » est donc ouvert aux deux significations possibles : il peut faire référence à l’endroit où se déroule la scène, mais il peut aussi faire permettre un rapprochement signifiant avec toutes les occurrences du terme  (Entre la femme et l’automatisme somatique, psychique et social/automatisme du geste du peintre, automatisme du regard … Nous savons depuis les études de Pierre Janet à Henri Wallon tous les ressorts de ce concept en psychologie, mais également depuis Descartes cette analyse du corps comme mécanique des passions. Qu’en est-il du désir et de la mécanique amoureuse ? et de la mécanique picturale (entre dispositif esthétique et stratégie des affects)
« l‘automatisme ». H.Walon développe l’idée d’un  » automatisme artificiel, « un moyen dont dispose l’organisme pour gérer son rapport avec le milieu par la mise en forme précise de son activité de relation ». Toute la société fonctionne sur cette nécessité de la « plasticité « cette tension entre ce que Foucault nommera les structure de disciplination des corps (pouvoir instituant), il y a la loi de l’espace, la loi de l’espèce, la loi du tableau, la loi amoureuse (courtoisie), la loi du genre, celle du Logos (phalogocentrique) et toutes « ses forces destituantes« (Agamben), celle que permet à l’exemple de  la passante Baudelairienne qui « vous soulève », la rencontre amoureuse source d’espérance, de promesse  et de rêve (le regard qui se lève) et qui « vous soulève » mutuellement.Qu’en est-il du hasard de la rencontre, « Érotique-voilée » et « Magique-circonstancielle », étincelle  » coup de foudre « potentiel entre les deux conducteurs Nadja est exaltée et troublée, électrisée et déchirée.. »L’Amour fou, la notion de «hasard objectif10». La pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout11le gant de bronze « pourquoi m’as-tu pris mes yeux » (22 octobre 1926) Ferme les yeux là deux minutes et pense. Qui vois-tu ? » (7 décembre 1926). ’Amour fou retrace la rencontre d’André Breton et de Jacqueline Lamba. « Entretien sur l’amour » ?[3][3]Il s’agit d’un texte intitulé « Erfharung » (« Expérience »).….

le corps humain comme une machine autonome.ntretien sur l’amour » (1913)L’idée de bonheur que nous portons en nous est imprégnée par la couleur du temps qui nous est échu pour notre vie à nous. Un bonheur susceptible d’être l’objet de notre envie n’existera que dans un air qui aura été respiré par nous ; il n’existera qu’en compagnie de gens qui auraient pu nous adresser la parole à nous ; il n’existera enfin que grâce à des femmes dont les faveurs nous auront pu combler, nous. L’idée de bonheur enferme celle du salut, inéluctablement. Il en va de même pour l’idée du « passé ». L’image du salut en est la clé. N’est-ce pas la voix de nos amis que hante parfois un écho des voix de ceux qui nous ont précédés sur terre ? Et la beauté des femmes d’un autre âge, est-elle sans ressembler à celle de nos amies ? […] Il y a un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celles dont nous faisons partie nous-mêmes. Nous avons été attendus sur terre. Car il est dévolu à nous comme à chaque équipe humaine qui nous précéda, une parcelle du pouvoir messianique. Le passé la réclame, a droit sur elle.?[20]

 

ise-meyer-les-yeux-decoupes-septembre-1927
. Comme le peintre des circonstances dont parle Baudelaire, l’homme doit pouvoir s’adapter aux circonstances perpétuellement changeantes du réel. Mais qu’en est-il quand la rupture anthropologique se fait de façon si brutale, quand celle-ci mobilise avec la perte de « l’expérience » une vigilance de tous les instants? l »Automatisme surréaliste «L’automatisme psychique pur», comme pratique artistique sera aussi une façon de permettre de se libérer d’une forme de conscience normée, une méthode d’art dans laquelle l’artiste tentera de supprime le contrôle conscient sur le processus de fabrication à la même époque. libérérant l’homme contre une psyché réprimée , elle rend possible l’accès pour l’être à son subconscient.

« cette Ariane auprès de laquelle pour la première fois et pour ne jamais plus l’oublier, je compris ce dont je ne connus que plus tard le nom : l’amour ». Dans un autre passage, l’auteur fait mention de l’« Éveil du sexe », du commencement de sa vie adulte : « C’est dans une de ces rues que plus tard je parcourus la nuit dans des errances qui n’en finissaient pas, que me surprit, lorsque ce fut l’époque, l’éveil du désir sexuel, et dans les plus étranges circonstances ».

Peter Szondi : « C’est pour garder cette première image, qu’il ne faut pas perdre, parce qu’elle renferme l’avenir, que le don de se perdre devient l’objet du souhait. » ?[22][22]Dans sa brillante étude intitulée « Espoir dans le passé. À… Le désir amoureux est donc le principe où se situe la possibilité d’établir un système d’affinités transcendantales dans le monde des « choses qui ne sont plus ». C’est pour cela que, lisant le fragment intitulé « La fièvre », seule « la voix de la bien-aimée » est capable de réveiller les images de l’enfance dans « le cœur de l’homme ».

46L’expérience qui déclenche l’éveil du passé dans Enfance berlinoise vers mil neuf cent n’est pas seulement d’ordre visuel, mais aussi d’ordre tactile. Dans le fragment intitulé « Le garde-manger », l’on peut lire es différentes formes d’amour. Ils en distinguent trois, à savoir, l’amour des époux (le mariage), l’amour des amis (l’amitié), et l’amour des parents (la maternité et la paternité). Agathon déclare : « Est-ce que l’amour est peut-être déjà un divers (ein Mannigfaltiges), et est-ce que notre pauvre langue se contente d’avoir un seul mot (mit einem Wort) pour désigner une pluralité (Vierlerlei) ? ». L’importance du « divers », en tant que matière destinée à une opération de synthèse, est centrale dans ce dialogue, car le « divers », constitué par les formes d’amour, vise à trouver un fondement de synthèse autre que l’entendement ou la sensibilité.« Mariage, amitié, maternité — toutes (ces formes) peuvent rester pures seulement là où il y a de l’amour — cependant ces formes ne sont pas elles-mêmes l’amour. » ?[25Dès lors, Agathon introduit dans le système graduel de l’amour le principe de la « jalousie » (Eifersucht). Il se demande ensuite s’il existe « un droit d’envier » (ein Recht zu neiden) « la présence et la propriété de l’être aimé » (die Gegenwart, den Besitz des Geliebten Wesens), question à laquelle le personnage de Vincent répond que « l’amour étant toujours un désir (Begehren) », il devrait donc s’associer nécessairement au rêve de posséder la présence de l’être aimé, d’avoir sa « proximité corporelle » (die Sehnsucht nach der körperlichen Nähe). Ensuite le personnage de Sophia interpelle ainsi ses interlocuteurs :

e terme « désir » (Sehnsucht) signifie l’intensité d’une attente ardente et passionnée. Le caractère temporel de cette attente est celui d’une apparition éphémère advenant dans l’ultime « mot-image-vision » (Wort-Blick-Augen). Il s’agit d’une temporalité d’attente pure, instaurée par le dernier « au revoir » (das letzte Lebewohl). La question centrale qui se poserait ici serait celle d’identifier un fondement qui durerait dans une temporalité nouvelle et déconcertante, attachée à la présence fugace de l’être aimé.

54Il est possible de constater que, dans la rédaction d’Enfance, Benjamin ne visait au fond que la possibilité de saisir la temporalité propre aux choses du passé. Autrement dit, le but de l’ouvrage était de saisir la temporalité concernant cette ultime trace de l’objet disparu, de même qu’en 1913, le philosophe définissait « la chose désirée autrefois n’étant plus désirée » (früher Begehrtes nicht mehr begehrt) par celui qui retrace les lignes de son passé. Benjamin écrivit dans Chronique berlinoise : « Ce qui pesait si effroyablement sur vous, c’était non pas ce qui vous attendait, pas plus à vrai dire que les adieux (d

bschied) à ce qui était, mais ce qui persistait, ce qui durait » :

55

AGATHON : Cela pourrait être la raison pour laquelle il n’y a pas d’amour dans un dialogue. Là où j’aime, je m’imagine seulement moi-même et l’être aimé (Wo ich liebe, ich denke ich nur mich und das geliebte Wesen). Dans un dialogue, je dois pouvoir penser le monde.
VINCENT : Dit au lieu de : où j’aime — où j’exprime mon amour, je suis d’accord avec toi. L’amour est quelque chose d’immanent, tu aimes une seule fois — et toujours — (du liebst einmal und immer).
AGATHON : Qu’est-ce que tu veux dire par cela : « Toujours » ? Que l’amour serait éternel ? Ou bien qu’il ne serait pas possible d’aimer quelqu’un que j’aime toujours et à chaque instant ?
SOPHIA : Tous les deux me semblent vrais. Amour est un continuum (Liebe ist ein Kontinuum). Je ne dois pas toujours penser à l’être aimé. Mais quand je pense à lui — je pense toujours en amour (Doch wenn ich ihn denke — so immer in Liebe). Et l’amour est éternel. Qu’est-ce qui existe de suffisamment fort pour faire éclater cet être (dieses Sein zu sprengen) ? ?[27]Le système des degrés de l’amour intercepté par la haine, aurait conféré à Benjamin, très tôt dans sa philosophie, une première esquisse désignant la possibilité d’une intégration extrême d’éléments qui sont en eux-mêmes uniques mais qui ont été pris par le flux irréversible d’une temporalisation éternelle. Cela parce que l’amour est une expérience ayant lieu dans la vie d’une personne « une seule fois et pour toujours » (einmal und immer). Le principe de l’amour témoigne de la possibilité de reproduire ce qui a été unique, auratique. Cette intégration extrême trouvera ensuite son modèle opératoire dans la synthèse chromatique, propre à l’imagination.C’est ainsi que l’idée d’un « être étant capable de faire éclater » (dieses Sein zu sprengen) le continuum temporel sera dès lors fondamentalement programmatique pour l’ensemble de la philosophie benjaminienne, et ce jusqu’à son interruption soudaine en 1940. Pour nous l’importance de pouvoir identifier sa première apparition lors de cet entretien daté de 1913, réside dans le fait que le concept de l’amour ainsi traité par le premier Benjamin, laisse déjà se profiler l’idée d’« origine » (Ur-sprung) qui fut aussi centrale dans le livre sur le Trauerspiel daté de 1925, et dans les thèses sur la philosophie de l’histoire datées de 1940, et publiées posthumes. Lisons donc la thèse n° XVII dans Sur le concephttps://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2008-1-page-79.htm

Le peintre nous amène à nous demander comment la femme est arrivée dans ce lieu ? Le fait qu’elle n’ait enlevé qu’un seul gant laisse supposer qu’elle est pressée ou qu’elle vient d’arriver, mais suppose t’elle derrière ce geste une autre symbolique ? « Le langage des gants »:C’est un motif que l’on trouve dans la peinture renaissante, comme signe de prestige voir d’érotisme puissant et fétichiste  » La femme au gant »de Carolus Duran jusqu’au cinéma avec la célèbre chorégraphie de la croqueuse de diament dans « Les hommes préfèrent les blondes ».Dans la peinture du Titien, L’homme au gant, le personnage prenant la pose face au peintre a retiré un gant, tout comme Antea la figure féminine du Parmesan, dont la main dénudée, à la posture maniérée vient prendre la chaîne entre ses doigts.

: une assiette vide est posée devant elle : peut-être a-t-elle déjà prise une tarte au distributeur ou attend t’elle dans ce vide d’un partage non encore satisfait : la tasse, ce geste suspendu, nous laisse penser qu’elle est là depuis un temps certain, impatience de l’attente. (?)

Qui est cette femme ? Qui est le modèle ?
Nous apprenons que c’est l’épouse de Hopper , Josephine, dite « Jo »,comme toujours qui lui a servie, ici , de modèle.Elle était sa muse et son « souffre-douleur «  »sadisme ordinaire, voire de violence physique. »..Très jalouse, elle ne pouvait être que le modèle du peintre. « Timide, solitaire et taiseux », Elle du s’effacer en tant que créatrice pour constribuer et assister la carrière de son époux. « Jo a sacrifié bien plus que quelques heures de son temps pour lui servir de modèle »

.Même, si la jalousie la violence est la construction d’un monde de jalousie et de violence, le tableau en est-il le reflet ?

Jo et Edward Hopper en 1927..Jo et Edward Hopper en 1927.

La création d’une oeuvre comme dans un couple repose t’elle sur une attente, une entente?

La biographie, la révélation de la vie relationelle de l’artiste, la mise à jour du non-dit à travers le écrits de Josephine, qu’elle a tenu pendant la majeur partie de sa vie  révèlant une relation troublée, rythmée de disputes, et parfois même de violences physiques réciproques serait-elle un éclairage vraiment éclairant pour mieux servir les attendues de l’oeuvre?. Connaître après coup, après la disparition des acteurs de la scène, les révélations post-mortem sous la forme d’un documentaire en 2020,ou d’écrit permettra d’élucider ce mystère des personnages que l’on ne sait pas expliquer. Connaître ce couple paradoxal » et conflictuel pourrait nous permettre de mieux percevoir, interpréter cette désincarnation des êtres, l’expression d’une vacance, d’une indécision constante, cette solitude si forte dans chaque au point de dd’avoir le sentiment d’un état d’éternel latence, de spectralité, un entre-deux silencieux (les personnages ne semble pas pouvoir parler, ni s’exprimer). Ces figure n’ on rien à ce dire au de-delà de l’insifiance? « Edward et Jo Hopper, un si violent silence », la muse et souffre-douleur du peintre ». Titre d’un articleE.dward et Jo Hopper, un si violent silence, écrit et réalisé par Catherine Aventurier, coécrit par Alexia Gaillard (Fr., 2020, 55 min)

https://www.barnebys.fr/blog/jo-la-femme-derriere-la-carriere-dedward-hopper

Dans Automate, Comme « Jo » était plus âgée que le modèle attendu, Hopper du en changer les traits : pouvoir qu’à l’artiste sur l’imaginaire du temps représenté ? Ce tableau n’est pas un instantané photographique à la Brassaï qui se déplaçant à la foule interlope des cafés parisiens capte un moment, une rencontre observée pour faire de cette vue singulière »un objet de luxe ».« J’aime le naturel: c’est que la personne vous regarde franchement. Le regard est ce qui est le plus important dans un visage. Il y a une espèce de solennité, de solitude quand on regarde un objectif. C’est presque de la sculpture. Et Hopper? Tout art, n’est-il qu’une construction fictionnelle qui nous parle du réel chez Hopper ?

Nous donne-t-il une représentation de la femme moderne, telles ces femmes de Degas et Manet ? Le thème de la femme et la ville intéresse les artistes. « La femme à l’Absinthe » ou  » la femme à la prune » dépeignent la femme désœuvrée dans cette époque du désenchantement, elles sont comme hantés par des spêctres derridien, elles viennent hanter le tableau, comme un signe tangible d’une permanence de la condition féminine et amoureuse.(inoperosità) c’est le désoeuvrement.
Et le spectateur ?
À travers sa peinture, Hopper crée il chez l’autre de l’empathie pour cette femme, seule, là, le soir, perdue dans ses pensées. Si l’œuvre est la surface de projection, d’identification nous proposant un un espace libre, in-space d’inscription du spectateur qu’initait déjà E.Manet. Elle est également selon. G. Didi Huberman, un espace qui nous regarde. « Lèvera-t-elle les yeux à notre présence ? » ou nous laissera t’elle à notre altérité. Si pour Derrida “Autrui est secret parce qu’il est autre. Comme l’œuvre elle-même conservera-t-elle son secret (la beauté et l’expérience esthétique comme mystère, comme désir
On peut d’ailleurs noter le choix du peintre, de ne rien laisser paraître de la nuit new-yorkaise : pourtant, les rues de cette grande cité sont toujours éclairées et lumineuses.

Edward Hopper au milieu des objets | Strass de la philosophie

strassdelaphilosophie.blogspot.com/…/edward-hopper-dans-lobjet.html

22 nov. 2012 – Cette photosynthèse de l’être, comme le dit d’une très belle manière, encore, Yves Bonnefoy : « un être qui se tourne vers la lumière 

Edward Hopper, ou l’Annonciation suspendue – Hal-SHS

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs…/Rey_Hopper-Annonciation.pd…

de O Rey – ?2013

1 févr. 2014 – 1 « Edward Hopper : la photosynthèse de l’Être », in Dessin, Couleur et ….. Comme l’écrit Yves Bonnefoy, la raison d’être de ces œuvres « est.


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