« l’art est incantation » « l’art est exorcisme »

Alfred Schnittke (1934-1998) Friedrich Nietzsche Beschwörung (1984)
transcription pour mezzo-soprano et orchestre [Incantation de Friedrich Nietzsche]

Nietzsches Beschwörung des Chaos by: Köster, Peter 1937-2003.

« L’incantation inachevée résonne… »Marie-Louise Mallet

la fascination de la catastrophe (en faire une rédemption).

« Außeralltäglichkeit im gleichen Atemzug herabgemindert wird, damit sich die Katastrophe als erlösendes Ereignis bejahen, womöglich sogar willkommen heißen läss. »

Conjurer, pour repousser, faire reculer le mal, « le mauvais objet », le mensonge, la trahison l’objet indésirable.

s’y opposer, éviter le retour celui du revenant, la répétition, la reproduction.

On peut vouloir conjurer l’actualité,

On peut vouloir conjurer le marxisme ou la vieille Europe (Derrida),

On peut vouloir conjurer pour  » se protéger du fantasme »( Derrida)

On peut vouloir conjurer le temps des horloge (Bergson),

On peut vouloir conjurer le doute (Descartes) par la méthode

On peut conjurer l’injure par le langage (Butler)

On peut vouloir conjurer la métaphysique et l’oubli de l’être (Martin Heidegger) par un retour à l’origine, la période présocratique.» Herkunft bleibe stets Zukunft« »L’origine reste toujours l’avenir » »Erlösung« »Rédemption »Rohkrämer 

On peut vouloir conjurer la guerre, la division entre nations par l’amitié (politique franco allemande),par l’art (Otto dix), conjurer l’insécurité, l’état de guerre permanente ou éventuelle par la formation de l’ union européenne,

conjurer le chaos par l’ordre et le mythe

,conjurer le « spectre » par le manifeste et la praxis transformatrice (Marx/engels) Manifeste du parti communiste, Puis « Conjurer – le marxisme »lui même titre d’un chapitre (spectres de Marx de Derrida)« “Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme.” “ordre du monde” pour un autre “ordre du monde”?. Une hégémonie en miroir? l’incantation comme Refrain Comment stabiliser une hégémonie fragile?

« la conjuration est double. 1. je jure. 2. en conjurant, j’arrête les effets délétères de mon juron. On retrouve ce dédoublement dans l’exorcisme, la contestation ou encore dans ce que Derrida appelle la chasse. Comme dit l’adage, Chassez le naturel, il revient au galop. Il suffit que j’en parle, et je fais exister ce dont je prétends me débarrasser (ce que Freud appelle le retour du refoulé). On n’expérimente pas la trace directement, mais par sa conjuration, et dès qu’il y a serment, alliance, secret, il faut conjurer les risques de mensonge ou de trahison. Entre confrères ou congénères, il faut se protéger du parjure. C’est la loi de toute communauté.

Si l’on en croit la définition de Panofsky, la perspective en art chasse le support matériel du tableau, autre façon de conjurer l’objet indésirable. »

« conjurer les pouvoirs et les dangers » du discours dit M. Foucault, la conjuration c’est tenter par un certains nombres de procédure de maîtriser ce qui pourrait nous échappe tel l’évènement (espace temps du surgissement) et la hasard: cela peut passer par la mise en ordre, organisation, une volonté de le désarmer de son pouvoir nocif par sa régulation institutionnelle.

« Où est le danger du discours ? « Je suppose que dans toute société, la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d’en conjurer les pouvoirs et les dangers, d’en maîtriser les événements aléatoires, d’en esquiver la lourde, la redoutable matérialité ».L’ordre du discours – Michel Foucault – 1970,Leçon inaugurale au Collège de France pour la chaire d’histoire des systèmes de pensée

« Une conjuration est un appel pour faire venir par la voix un spectre afin de l’exorciser. »

Conjurer, c’est arraisonner, stabiliser, arrêter le spectre dans sa parole.

« Une conjuration est aussi une incantation magique destinée à évoquer, à convoquer un charme ou un esprit. Cette voix ne décrit pas, ce qu’elle dit ne constate rien, sa parole fait arriver.

Tel est l’objet du livre de Fukuyama « La fin de l’histoire ». Il cherche à exorciser l’esprit de Marx. De même les tentatives de construire un « nouvel ordre mondial », comme les restaurateurs de 1848 que dénonçait Marx, espèrent faire taire le spectre du communisme, mais l’apparition qu’ils cherchent à conjurer les hante (eux aussi). »

tout comme rechercher à exorciser la folie.

Exorciser » (« exorzieren ») pour extirper le mal en soi, en l’autre à l’ensemble de la collectivité. l’exorcisme est d’ordre de la pratique politique, métaphysique (spirituel/théologique).

exorciser le père

« 4. Exorcisme, la voix.

Si la voix a de tels pouvoirs, c’est qu’elle porte plus et autre chose que sa propre présence. Conjurer, c’est lancer un appel (faire venir un spectre), c’est aussi en forcer le deuil (le détruire). C’est ce que font, par exemple, ceux qui croient se protéger de la crainte de la mort par la parole vive (comme Socrate), ceux qui veulent récupérer la pleine possession d’un corps qu’ils savent étranger (Artaud), ou ceux qui, dans un autre registre, espèrent se débarrasser du spectre de Marx.

La prière est une forme d’exorcisme. Elle appelle à un contrôle externe, par l’au-delà.

Tout ce qui laisse des traces s’exorcise, y compris la machine et la déconstruction elle-même – pour autant que son fondateur ait voulu, par elle, chasser quelques images obsédantes. (Il a mentionné, dans son œuvre, plusieurs fantasmes qui lui sont personnels et intimes, mais ce n’est pas ici le lieu de les analyser). »

Rosenvalon dans son introduction liminaire au collège de France en 2018 sur la révolution de Mai 68 et la question toujours actuelle du problème démocratique, reprend comme titre à son exposé « Épreuve-exorcisme » à partir du travail d’ H.Michaux pendant la guerre entre 1940 et 44.Comme la période d’entre-deux guerre dans une continuité d’historique marqué par « le champ vertigineux du malheur », « une impossibilité de divorcer avec »- « l’homme marche dans le tunnel ». Berlin comme Paris en 1944 est une capitale à la « foudre endormi », un pays du « manteau et de l’ombre ».Comment peut on résister face à ce sentiment commun un tous d’une forme d’impuissance? L’exorcisme serait elle la solution? Pour Rosenvalon , elle peut à travers la poésie devenir « une pratique de la résistance » nous pourrions ajouter de la résilience. le philosophe parle de « conjuration du malheur » de la « malédiction une façon pour « chacun » par cette pratique de « tenir en échec, de se délivrer de son emprise » de « rendre lisible » et à travers cette lisibilité de pouvoir « redresser les perspectives » Descartes se destine d’abord à la vie militaire avant de s’isoler du monde dans sa chambre. Il participe à la guerre de Trente ans. Lors des sièges en Hollande, il décide de se consacrer à l’étude et aux sciences.

la pratique picturale en réactualisant, ressuscitant le passé permettrait de l’exorciser (approche de la psychanalyse sur l’art).

 Chasser le mal. le mode de réalisation de la conjuration? l’incantation

« l’art est une incantation ». Tu appelleras poème une incantation silencieuse

 l’incantation chamanique et le discours politique incendiaire.(nationnal-socialisme)

L’incantation anti-humaniste(contre la subjectivité)

 la philosophie se fait incantation.Besch-wörung (incantation) , inovacation(beschworen)  ou évocation? »(beschwört. »convoquer)

ce ne serait plus simplement de l’ordre d’un formulation raisonnable qui permettrait d’éviter le dommage, le dommageable. L’art picturale devra rejoindre la force du chant, de la prière? . »ale kunst iz insanteyshan », « Krieg abwehren »

L’incantation chez Heidegger: »formule » (« Formel »)utilisée par Heidegger comme une incantation. évocation de la lutte des Allemands pour leur essence.( une invocation de l’origine, »Beschwörung des »Man«) invocation de l’homme, d’un « être des êtres . « sondern das Dasein im Menschen zu beschwören. »« mais d’invoquer l’existence dans l’homme » l’appel au concepts de base grec sonne comme une incantation. « sonner comme ». Invoquer l’héroisme malgré le naufrage.l’invocation de « l’homme » comme l’expression du désir de fusionner avec les masses et la communauté nationale. « Anrufung des Menschen“ als Ausdruck des Wunsches, sich mit den Massen und der Volksgemeinschaft zu verschmelzen. » » Au fond, le discours de Heidegger était tout aussi effrayant que – rétrospectivement – une conventionnalité répugnante, même s’il voulait se voir comme un philosophe carrément révolutionnaire du sens et du langage. Rohkrämer démontre de manière convaincante à quel point Heidegger a toujours été le produit de son présent respectif, auquel il a prêché la sérénité et qui a développé cette inertie sociale qui n’a pris fin qu’à la fin des années 1960 et 1970. » »Das Seiende insgesamt wird zum Opfer gebracht für das Sein; kein Opfer zur Abschaffung der Opfer, sondern Totalopferung.“ (S. 220)« Tous les êtres sont sacrifiés pour l’être ; pas de sacrifice pour abolir les sacrifices, mais le sacrifice total. » (p. 220)Klaus Heinrich (Martin Bauer l’invocation par Heidegger d’une seconde guerre mondiale en 1938

Esaïe  dans 47:11 prophétisait: Mais le malheur fondra sur toi et tu ne sauras pas comment le conjurer.

Oui, une catastrophe t’arrivera et tu ne pourras pas la détourner de toi, une dévastation dont tu n’as pas idée viendra subitement sur toi.  » 

Face au fléau sa répétition inéluctable que faire? « Je n’ai pas peint des scènes de guerre pour empêcher la guerre. » Lucidité de l’artiste sur la possibilité d’entraver son action. On ne piège pas la guerre. Humilité face à l’immensité de la chose: « Je n’aurais jamais eu cette prétention ».

 Sentiment d’impuissance? la lutte est elle d’un autre ordre comparable à celle de lutte de jacob contre l’ange. Comment « désactivé » » (abweh) la Guerre », ne plus la rendre active, activé ce désamorssage collectif, comment  l’écarter, faire qu’elle reste en dehors, à l’extérieur: l’œuvre d’art, aurait-elle une fonction apotropaïque ? « abweren » c’est « repousser » »,( mais aussi « pech abwehren » conjurer le sort, le mauvais sort). (La guerre, personnifiée comme une force occulte serait-elle de l’ordre de la sorcellerie, l’enjeu de forces  supérieur comme au temps d’Homer? (le spectacle de la guerre fera naître chez Freud une nouvelle approche dans sa réflexion au delà du principe de plaisir sur cette pulsion de mort qui semble comme l’éros guidé nos actions.

« Je n’ai pas peint des scènes de guerre pour empêcher la guerre ; Je n’aurais jamais eu cette prétention. Je les ai peints pour conjurer la guerre ». Tout art est incantation. Je peins aussi des rêves et des visions, les rêves et les visions de mon temps, les rêves et les visions de chacun.O.Dix « 

Ich habe keine Kriegsszenen gemalt, um einen Krieg zu verhindern; Diesen Anspruch hätte ich nie gehabt. Ich habe sie gemalt, um den Krieg abzuwehren. Alle Kunst ist Beschwörung. Ich male auch Träume und Visionen, die Träume und Visionen meiner Zeit, die Träume und Visionen aller Menschen.

Coup du sort (de la malchance) fatalité et destin ? S’agit-il de « rompre « l’envoûtement ». 

Comment conjurer le péril permanent, serait-est-ce notre déterminisme. Conjurer (refoulement impossible ? évitable ?ab-weren ( signifie se défendre en faisant (« barrage » Wehr usage de ces « armes » ), construire « une digue » contre le flot « ce qui déborde…la guerre, est-elle une force naturelle qu’il faut combattre (du côté du pulsionnelle), du flux. » Conjuro »: c’est faire alliance (liguer avec les autres en en faisant le témoin le compagnon sensible par procuration (conjuratos) Médiation de l’expérience esthétique). Création d’une communauté autour d’un sentiment partagé. S’engager par serment (tacite) par « jugement » le » jus » d’origine religieuse.

Le savoir, la vérité a-t-elle le pouvoir de mettre le mal à distance ?

Comment prévenir du danger avenir? par l’adresse, la ruse (métis ), ou la clair-voyance (la prudence)? par la formule. Incantation, l’artiste à travers l’art pourrait-il se faire magicien, chamane ( à défaut de faire raisonner, devra t-il faire résonner son chant à contre-champ, du chant mortifère. Chant des partisants, chant des morts. l’incantation est « invitation »

enchantement, charme, répétitive, sa répétition elle est censée renforcer son pouvoir. Puissance de changement? A capable de toucher à travers le sensible la psyché de chacun face à la captation , se venin qui gagne les esprits (avides d’autres clameurs -Chant des sirènes, parole charismatique d’orateurs).La religion a toujours dans la société judéo chrétienne conçue comme affrontement au mal.

Conjurer c’est aussi  « Préservérer » en ( yiddich.) le malheur est vécu comme la perte de l’un (Unité) de l’ aleph, cette lettre imprononçableavant le Beth. Elle est l’éternel, l’esprit transcendant . Elle serait un grand malheur, car c’est elle qui permet à l’homme de trouver son éternité, perte de l’élément divin ,cosmique en lui.Arendt parlera d’une civilisation « acosmique », Weber « de désenchantement », d’oubli de l’être « heidegger ».dépossession d’intériorité. »

il faut réparer l’oubli de la lettre.

l’homme possédé est dépossédé de sa source purement spirituelle., en errance, exile » vie nue » Dans Aleph, se trouvent réunis Dieu, l’homme et le monde. » Rabbi David Ben ZIMRA. »Aleph est la vérité, la beauté, la bonté, la signification, la liberté. »

Le Maassé Merkabah de la communauté et le bonheur sa préservation.

La lettre (e)pourrait peut être est comparé avec aleph. Suite au désastre Perec imaginera au-delà du simple exercice de style sa disparition comme révélation de sa présence.

« La plus cachée, la plus oubliée, la plus mystique et fantasque, la seule qui soit capricieuse, la lettre qui marque le féminin avec bien plus de discrétion et d’efficacité que le (a), cette lettre savante, imprononçable et sans caractère, cette lettre indispensable à la respiration de la langue, typiquement française, cette lettre est la plus méconnue de toutes. »Armando Benjoz

 – « Une jouissance trop pure », Ed : Galgal, 2007, Page créée le 30 juillet 1996 ,ClaudeVigée

– « Dans le silence de l’Aleph, Ecriture et révélation », Ed : Albin Michel, 1992, p11?

« Claude Vigée a vécu l’expérience de la guerre et de l’exil. Il a éprouvé le désir de revenir vers ce lieu, l’Aleph, première lettre de l’alphabet hébraïque, dont la valeur est 1. »

« Explorer son intériorité, le royaume inaudible de l’Aleph enfoui en lui-même : mouvement de retrait jusqu’au lieu où il n’était pas encore lui, centre noir et rayonnant de tous les « moi », où se situe un je

, le je de chacun. »

conjurer c’est aussi faire taire sa parole, sa diffusion (sa violence passe également par le langage.) la contamination par la propagande.

« Remettre de l’ordre »: Recherche d’une  solidarité structurale :ouverture de soi a l’autre et plus par affinité.

L’âme « elle correspond au souffle, « s’animer », selon un mouvement qui remonte du matériel au spirituel. » 

« ’être-dans-le-monde » « monde »M. Heidegger/Ludwig Binswanger,le pouvoir-être de la présence,(Henri Maldiney, Regard, parole, espace).le pathique,empruntant le terme à la fois à Viktor von Weizsäcker et à Erwin Straus – « Pathique » du grec pathos qui signifie sentir, ressentir, éprouver, mais aussi souffrir, subir, endurer, pâtir.Straus développe une phénoménologie du temps et de l’espace vécu qui passe par le « sentir ». Selon lui, c’est par le pathique que nous faisons l’expérience du monde et « la connaissance qui devait rendre évident ce qui est, voile et cache justement l’étant » (Erwin Straus, Du sens des sens)entre l’espace du paysage et l’espace géographique .« L’espace du sentir est à l’espace de la perception comme le paysage est à la géographie » (Ibid.). Dans le sentir, le « Je » et le « monde » se déploient simultanément pour le sujet sentant ; dans le sentir, le sujet sentant s’éprouve soi-même et le monde, soi dans le monde, soi avec le monde » (Ibid.).

Comment reprendre contact avec le fond qui constitue la base de notre vie

S’agit il de retrouver ce que Eugène Minkowski, nomme Vers une cosmologie). cette « solidarité structurale entre la conscience et le monde » face au scène de guerre chez Dostoievski, Genevoix, quand i blessé et ramené du font, le paysage lieu de contemplation du monde, de pénétration à travers l’aspect matériel des choses « jusqu’au souffle spirituel qui les anime » ,intervient toujours en contrepoint, morceau de ciel, étoile, paysage comme un rattachement à une totalité,  issu et tissus de notre rapport au cosmos. (contexture)