Et c’est encore la même rengaine, le programme d’Histoire au collège est présenté et l’on entend ici et là que c’est l’histoire de France et la chronologie qu’on assassine. En ce mardi 28 avril 2015, la revue de presse est édifiante, les titres accrocheurs, parfois alarmants.

Reforme

Rappelons que pour l’instant les programmes sont provisoires puisque soumis à consultation.  En tant que professeur d’Histoire-Géographie et d’Education civique au collège, c’est dans une démarche constructive que je mène une lecture critique des programmes. Que des précisions et des ajustements soient nécessaires, c’est évident. La réception de nouveaux programmes interrogent forcément, bousculent parfois.  Mais à la vue de certains papiers, il y a de quoi être atterré par l’angle choisi (la polémique, rien que la polémique) et le manque de sérieux du journaliste comme de ‘l’expert’. Un exemple flagrant : l’interview de Pascal Bruckner dans le Figaro, Les nouveaux programmes d’Histoire ou l’effacement de la France. Le court extrait ci-dessous suffit pour pointer des angoisses infondées. Profitons-en pour remettre de la clarté dans le débat en confrontant ces craintes à la source.

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« Le Figaro – Dans les nouveaux programmes d’histoire la chronologie est abandonnée, l’enseignement de l’islam est obligatoire tandis que le christianisme médiéval et les Lumières sont optionnelles. Qu’en pensez-vous?

Pascal Bruckner – Sans chronologie, l’histoire n’a pas de sens. Cette réforme risque donc d’égarer encore un peu plus les élèves. On peut également s’étonner du choix de privilégier l’enseignement de l’islam par rapport à celui des Lumières ou du christianisme médiéval. »

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1.  Non, la chronologie n’est toujours pas abandonnée !

« Dans les nouveaux programmes d’histoire la chronologie est abandonnée. » Mais comment écrire une chose pareille ? L’approche chronologique saute aux yeux pour toute personne ayant pris soin de lire les programmes (voir captures d’écran des programmes 1, 2 et 3).

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1. Des programmes chronologiques

2. Oui, les trois monothéismes seront bien étudiés comme avant en 6e et 5e !

Il n’y aucun déséquilibre dans l’étude des trois monothéismes. Le fait religieux est depuis longtemps dans les programmes : le judaïsme et le christianisme restent à l’étude en 6ème, l’Islam en 5ème. (voir capture d’écran des programmes 2 et 3)

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2. Le judaïsme et le christianisme sont étudiés en 6ème dans un programme qui présent une approche chronologique claire.

3. Oui, on continuera à enseigner les idées des Lumières !

Ce n’est pas parce que le thème de 4ème ‘L’Europe et le monde du 17e au 19e’ laisserait l’enseignant libre de traiter les ‘sociétés et cultures au temps des Lumières’ ou ‘La Révolution américaine, liberté politique et nouveau monde’ qu’un élève de 4ème n’entendrait jamais parler de Voltaire, Montesquieu ou Rousseau ! Comment traiter la Révolution américaine sans faire étudier l’apport des idées des Lumières ? (voir capture d’écran 3, source). Si le programme laisse planer un doute sur ce sujet, on peut légitimement espérer un éclaircissement suite à la consultation.

4. Non, les programmes du collège ne « privent pas les Français de leur histoire » !

Dans l’article du Figaro cité plus haut, Pascal Bruckner parle d’effacement de l’histoire de France. Il suffit de lire les programmes pour voir que l’histoire nationale est là et bien là. Ce n’est pas parce que les programmes d’Histoire sont ouverts sur le monde que l’histoire de France s’évanouit.

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À travers les lectures polémiques de ces programmes, ce que je vois surtout c’est le manque de confiance envers les professionnels que nous sommes. Les programmes nous offrent une vraie liberté pédagogique et c’est cela qui semble faire peur à certains. On parle beaucoup de perte d’autorité des professeurs mais là ce sont bien ces ‘experts’, convoqués le plus souvent pour confronter leur vision de la société aux choix d’un programme scolaire,  qui nous assènent le coup le plus dur en considérant le professeur comme le simple exécutant du programme et non comme le penseur et le passeur d’une culture historique adaptée à nos élèves.

Une chronique d’Emmanuel Grange

4 réponses

  1. Je partage par bien des aspects les éléments de cette analyse, et je souhaiterai que nous en parlions directement. Notamment ceci qui a été écrit quasiment dans les mêmes termes dans les documents de discussion et le rapport d’orientation des Clionautes lors de notre assemblée générale et que les adhérents ont acté. « À travers les lectures polémiques de ces programmes, ce que je vois surtout c’est le manque de confiance envers les professionnels que nous sommes. Les programmes nous offrent une vraie liberté pédagogique et c’est cela qui semble faire peur à certains. On parle beaucoup de perte d’autorité des professeurs mais là ce sont bien ces ‘experts’, convoqués le plus souvent pour confronter leur vision de la société aux choix d’un programme scolaire, qui nous assènent le coup le plus dur en considérant le professeur comme le simple exécutant du programme et non comme le penseur et le passeur d’une culture historique adaptée à nos élèves. »
    Je fournirai lors de nos échanges les éléments ce que j’avance, mais il suffit de lire nos éditoriaux dans la rubrique pour en voir la traduction pratique. http://www.clionautes.org/spip.php?rubrique197

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