Laïcité

Il me semble qu’il y a dans la discussion publique une méconnaissance des différences entre deux usages du terme laïcité : sous le même mot sont désignées en effet deux pratiques très différentes ; la laïcité de l’Etat, d’une part ; celle de la société civile, d’autre part.
La première se définit par l’abstention. C’est l’un des articles de la Constitution française : l’Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte. Il s’agit là du négatif de la liberté religieuse dont le prix est que l’Etat, lui, n’a pas de religion. Cela va même plus loin, cela veut dire que l’Etat ne « pense » pas, qu’il n’est ni religieux ni athée ; on est en présence d’un agnosticisme institutionnel.
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De l’autre côté, il existe une laïcité de confrontation, dynamique, active, polémique, dont l’esprit est lié à celui de discussion publique. Dans une société pluraliste comme la nôtre, les opinions, les convictions, les professions de foi s’expriment et se publient librement. Ici, la laïcité me paraît être définie par la qualité de la discussion publique, c’est-à-dire par la reconnaissance mutuelle du droit de s ‘exprimer ; mais plus encore, par l’acceptabilité des arguments de l’autre

Paul RICOEUR la laicite « La critique et la conviction » (Entretien avec François Azouvi et Marc de Launay des années 1994 et 1995),