Justice, force

Réfléchir à partir de textes philosophiques :

Texte 1 : Justice ou règlement de compte ?

Justice, Force

Il est juste que ce qui est juste soit suivi; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.

La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.

La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.

La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste.

Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste soit fort on a fait que ce qui est fort fût juste.

Pascal, Pensée103

Texte 2 :  Qu’est-ce que le droit ? Homme juste ou justicier ?

» Qu’est-ce que le droit ? Cette question pourrait embarrasser le jurisconsulte autant que le logicien est embarrassé par la question – Qu’est-ce que la vérité ? – au cas où le premier ne veut pas tomber dans la tautologie et, au lieu de présenter une solution générale, renvoyer aux lois d’un certains pays à une certaine époque. Ce qui est de droit, c’est-à-dire ce que disent et ont dit des lois en un certain lieu et à une certaine époque, il peut assurément le dire. Mais la question de savoir si ce qu’elles prescrivaient était juste et celle de savoir quel est le critère universel auquel on peut reconnaître le juste et l’injuste lui resteront obscures, s’il n’abandonne pas quelques temps ces principes empiriques et ne cherche pas la source de ces jugements dans la simple raison (quoique ces lois puissent de manière excellente lui servir en ceci de fil conducteur), afin d’établir une fondation pour une législation empirique possible. Une science simplement empirique du droit (…) est une tête, qui peut être belle ; mais il n’y a qu’un mal : elle n’a point de cervelle. «

Kant, Doctrine du droit

Tous en prison !

Mercredi 8 octobre Rendez vous devant la prison Sainte Anne pour la visite de l’exposition de la collection Lambert…

Premier volet de la réflexion sur l’enfermement : les œuvres d’art

Dossier de Presse F

A écouter

La Collection Lambert en Avignon fait référence au texte de Pasolini, La disparition des lucioles… Dans cet article, qui fait figure de testament, Pasolini s’interrogeait sur la résistance des lueurs des contre-pouvoirs face aux lumières puissantes du pouvoir…


« Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique, et surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. (Aujourd’hui, c’est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d’autrefois.) Ce « quelque chose » qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons donc la « disparition des lucioles »…

La présence du bâtiment est d’une force incroyable ! Les travaux, réalisés en un temps très bref, se sont limités à assurer une mise aux normes de l’électricité et à aménager des accès sécurisés et réglementaires pour le public. Pour le reste, les cellules, couloirs et cours de la prison sont restés dans l’état où ils étaient après le départ des derniers prisonniers, en 2003. La déambulation dans ce bâtiment ne peut laisser indifférent !

De lourdes grilles conduisent dans un premier quartier des isolés où commence le chapitre suivant de La disparition des lucioles, intitulé  « Surveiller et punir » en référence à l’ouvrage majeur de Michel Foucault, sous-titré Naissance de la prison que nous aurons à étudier.

Les premiers ressentis

Philosophie politique

200px-Supreme_Court2Droit, justice, État

Méthode :

La difficulté pour traiter de philosophie politique c’est l’actualité ; le philosophe est aussi un citoyen qui fait parti de la société et qui à ce titre ne se distingue pas des autres pour pouvoir la juger. Cependant, il y a un travail d’abstraction nécessaire pour penser les notions de justice, de droit. En effet, la justice ne se confond pas avec les actes justes, ni avec les hommes justes. Si comme l’affirme Aristote  » l’homme est un animal politique » (p 347), il doit tout inventer pour constituer cette société juste qui leur permettra de vivre ensemble. Il s’agit donc de s’interroger sur l’origine de la vie en communauté : Est-elle naturelle ou conventionnelle ? Que désirent les hommes, qui tiennent tant à leur liberté, et cependant s’imposent les contraintes de lois et d’institutions ?

Problématique :

Il s’agit de définir les règles de la vie en société et de montrer qu’elle n’ont un sens qu’à partir du moment où un groupe humain se constitue en dehors de la simple naturalité selon un intérêt plus au moins commun. En effet, même les théoriciens du droit naturel affirment que la communauté a pour origine un contrat et pour but une cohérence sociale. En ce sens, s’interroger sur la société, c’est questionner la notion de réciprocité et l’idée de justice qu’elle véhicule. La réflexion philosophique porte alors non pas sur la conformité aux droits positifs, aux faits, mais sur le fondement du droit. Naturel ou conventionnel, il a une origine dans la force, dans le sentiment, ou dans les lois instituées en systèmes (cf. Antigone de Sophocle, la loi du cœur /la loi de la cité).

Intérêt :

Pour la philosophie politique, il s’agit de penser la justice comme équité, égalité ou comme légalité. L’idée de droits naturels nous éclaire sur la raison et les passions de l’homme, sur la nature humaine. Rousseau montre de maniére concluante les contradictions du droit du plus fort. On ne peut pas fonder le droit sur la force. Les lois ne sont pas toujours justes, peut-on refuser d’y obéir? Il faut distinguer les lois et la justice. En ce qui concerne l’état, on retrouve l’idée d’un possible contrat malgré l’insociable sociabilité des hommes. Il y a enfin un intérêt pour la liberté , pour la morale, et pour le bonheur à s’interroger sur le droit.

Vocabulaire :

Echange, société, état, justice, lois, légalité, légitimité, droit, droit positif, droit naturel, règles, équité, égalité, contrat, inter subjectivité, respect et morale, peace and love, obéissance, contrainte, force, devoir, obligation morale, démocratie, tyrannie, monarchie, oligarchie, despotisme, totalitarisme, cosmopolitisme, propagande, soumission, en fait/ en droit, domination, origine , fondement,…

Références :

Aristote (texte 7 page 347) ; Schopenhauer (texte 9 p349), Hobbes (texte 10 p 349), Arendt (texte15 p 344), Kant (texte 16 p 365), Platon (texte 3 p 366), Rousseau (texte 6 p 366, texte 11 p 373)

A bout de course

Cinéma UTOPIA MERCREDI 30 janvier à 9 heures 15

Danny, jeune homme de 17 ans, est le fils d’anciens militants contre la guerre du Vietnam. Ses parents Annie et Arthur Pope organiserent un attentat a la bombe contre une fabrique de napalm. Un gardien mourut lors de l’explosion. Depuis, les Pope sont en fuite. Danny vit assez mal cette situation de mensonge et de dissimulation. Mais tout va basculer lors de sa rencontre avec Lorne Philips, la fille de son professeur de musique.

À bout de course (Running on Empty)
États-Unis, 1988
Réalisation : Sidney Lumet
Scénario : Naomi Foner
Directeur
de la photographie : Gerry Fischer
Montage : Andrew Mondshein
Musique : Tony Mottola, James Taylor
Producteurs : Griffin Dunne, Amy Robinson
Producteurs
excécutifs : Noami Foner, Burtt Harris
Distribution (2009) : Splendor films
Durée : 1 h 55
Format : 35 mm, couleurs, 1:1,85
Sortie française : 26 octobre 1998
(ressortie le 22 avril 2009)
Interprétation
Danny Pope : River Phoenix
Annie Pope : Christine Lahti
Arthur Pope : Judd Hirsch
Harry Pope : Jonas Abry
Lorna Phillips : Martha Plimpton
M. Phillips : Ed Crowley
Gus Winant : L. M. Kit Carson

La soif du mal

Terminale L. Nous irons à l’Utopia mercredi 28 novembre, séance à 10 heures

dans le cadre du dispositif lycéens au cinéma

http://www.youtube.com/watch?v=sZ8YWB-L54Q

Deux thèmes seront privilégiés pour l’analyse philosophique de ce film :

Le pays de la Liberté? est-il un ?État policier ?

Existe-t-il une Justice en soi, indépendamment de la Loi ?

Lois et religion

DES LOIS DANS LE RAPPORT QU’ELLES ONT
AVEC LA RELIGION ÉTABLIE DANS CHAQUE PAYS,
CONSIDÉRÉE DANS SES PRATIQUES ET EN ELLE-MÊME.

CHAPITRE PREMIER.
DES RELIGIONS EN GÉNÉRAL.

Comme on peut juger parmi les ténèbres celles qui sont les moins épaisses, et parmi les abîmes ceux qui sont les moins profonds, ainsi l’on peut chercher entre les religions fausses celles qui sont les plus conformes au bien de la société ; celles qui, quoiqu’elles n’aient pas l’effet de mener les hommes aux félicités de l’autre vie, peuvent le plus contribuer à leur bonheur dans celle-ci.

Je n’examinerai donc les diverses religions du monde, que par rapport au bien que l’on en tire dans l’état civil ; soit que je parle de celle qui a sa racine dans le ciel, ou bien de celles qui ont la leur sur la terre.

Comme dans cet ouvrage je ne suis point théologien, mais écrivain politique, il pourroit y avoir des choses qui ne seroient entièrement vraies que dans une façon de penser humaine, n’ayant point été considérées dans le rapport avec des vérités plus sublimes.

A l’égard de la vraie religionil ne faudra que très peu d’équité pour voir que je n’ai jamais prétendu faire céder ses intérêtsaux intérêts politiques, mais les unir or, pour les unir, il faut les connoître.

La religion chrétienne, qui ordonne aux hommes de s’aimer, veut sans doute que chaque peuple ait les meilleures lois politiques et les meilleures lois civiles, parce qu’elles sont, après elle, le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir.

MONTESQUIEU, Esprit des lois Cinquième partie livre XXIV

Combien d’esclaves travaillent pour vous ?

UN LIEN INTÉRESSANT EN CLIQUANT SUR L’IMAGE…ET UN TEXTE D’ARISTOTE EN REGARD :

Le même rapport se retrouve entre l’homme et les autres animaux. D’une part les animaux domestiques sont d’une nature meilleure que les animaux sauvages, d’autre part, le meilleur pour tous est d’être gouvernés par l’homme car ils y trouvent leur sauvegarde. De même, le rapport entre mâle et femelle est par nature un rapport entre plus fort et plus faible, c’est-à-dire entre commandant et commandé. Il en est nécessairement de même chez tous les hommes. Ceux qui sont aussi éloignés des hommes libres que le corps l’est de l’âme, ou la bête de l’homme (et sont ainsi faits ceux dont l’activité consiste à se servir de leur corps, et dont c’est le meilleur parti qu’on puisse tirer), ceux-là sont par nature des esclaves; et pour eux, être commandés par un maître est une bonne chose, si ce que nous avons dit plus haut est vrai. Est en effet esclave par nature celui qui est destiné à être à un autre (et c’est pourquoi il est à un autre) et qui n’a la raison en partage que dans la mesure où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même. Quant aux autres animaux, ils ne perçoivent même pas la raison, mais sont asservis à leurs impressions. Mais dans l’utilisation, il y a peu de différences : l’aide physique en vue d’accomplir les tâches nécessaires, on la demande aux deux, esclaves et animaux domestiques.

ARISTOTE, La politique, L. I, ch. V.  Trad. Pierre Pellegrin

COMME ROUSSEAU, EXPLIQUEZ !

Aristote avant eux tous avait dit aussi que les hommes ne sont point naturellement égaux, mais que les uns naissent pour l’esclavage et les autres pour la domination.
Aristote avait raison, mais il prenait l’effet pour la cause. Tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement. S’il y a donc des esclaves par nature, c’est parce qu’il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués.

Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, I, 2 (1762)

OU COMME Hannah ARENDT, REAGISSEZ !

Dire que le travail et l’artisanat étaient méprisés dans l’antiquité parce qu’ils étaient réservés aux esclaves, c’est un préjugé des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. C’est même par ces motifs que l’on défendait et justifiait l’institution de l’esclavage. Travailler, c’était l’asservissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux conditions de la vie humaine. Les hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer qu’en dominant ceux qu’ils soumettaient de force à la nécessité. La dégradation de l’esclave était un coup du sort, un sort pire que la mort, car il provoquait une métamorphose qui changeait l’homme en un être proche des animaux domestiques. C’est pourquoi si le statut de l’esclave se modifiait, par exemple par la soumission ou si un changement des conditions politiques générales élevait certaines occupations au rang d’affaires publiques, la « nature » de l’esclave changeait automatiquement.
     L’institution de l’esclavage dans l’antiquité, au début du moins, ne fut ni un moyen de se procurer de la main-d’oeuvre à bon marché ni un instrument d’exploitation en vue de faire des bénéfices ; ce fut plutôt une tentative pour éliminer des conditions de la vie le travail. Ce que les hommes partagent avec les autres animaux, on ne le considérait pas comme humain. (C’était d’ailleurs aussi la raison de la théorie grecque, si mal comprise, de la nature non humaine de l’esclave. Aristote, qui exposa si explicitement cette théorie et qui, sur son lit de mort, libéra ses esclaves, était sans doute moins inconséquent que les modernes ont tendance à le croire. Il ne niait pas que l’esclave fût capable d’être humain ; il refusait de donner le nom d’ « hommes » aux membres de l’espèce humaine tant qu’ils étaient totalement soumis à la nécessité).

Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, Chap. III

 

Rousseau : le droit du plus fort n’existe pas !

justice aveugle

NOTES DE COURS DES TS1

1 Qu’est-ce que le droit ?

2 L’apologie de la violence : Calliclès, sophiste défend le plus fort dans le texte de Platon, GORGIAS

Les sophistes défendent leur propre opinion

thèse : quelle est l’opposition entre la nature et la loi et l’une est elle supérieure à l’autre ?

a)Justification de l’opposition nature/droit :

– selon la nature et selon la loi subir ou commettre l’injustice est laid

les_eclairs_02 – La loi naturelle est supérieure à la loi humaine :

b) apologie de la nature et critique de la loi humaine.

– Cette loi prône l’égalité pour abaisser les forts au niveau des faibles.

– Pour calliclés la justice réelle est la victoire du plus fort ce qui ce vérifie aussi bien chez les hommes que chez les animaux.

– La loi étant contraire a la nature un homme fort doit se lever en maître et doit faire régner la vrai justice.

3 le droit du plus fort n’existe pas : texte de Rousseau, Contrat social

Idée générale : y a-t-il une relation entre la force et le droit ? pour répondre a cette question Rousseau utilise l’expression, les mots « droit du plus fort ». En creusant la problématique du droit Rousseau montre l’inintelligibilité de l’expression « droit du plus fort » qui ne veut rien dire et cependant constate son efficacité pratique

Le plan de l’auteur 2 arguments :_2009-05-06-16-40-38_8196493

1er argument : Définir radicalement les 2 mots : la force (Que la Force soit avec toi !) est une puissance physique et le droit est de l’ordre de la moralité : nous exigeons du droit qui soit conforme a l’idée de la justice c’est à dire qu’il soit conforme au bien moral.

Pour montrer que le droit ne peut pas être fondé par la force Rousseau va utiliser un deuxième argument : le raisonnement par l’absurde lui permet d ‘étudier les conséquences opposées de la force et du prétendu pouvoir

ben_laden2ème argument : les conséquences de la force

Face à la force on doit céder, on est dans l’ordre de la nécessité. La force est une contrainte physique.

A l’inverse le droit relève de la volonté, du choix. On a le choix d’obéir ou de ne pas le faire. On obéit par devoir.

Explication détaillée :

Pour contester que l’on puisse fonder le droit sur la force il utilise comme argument la notion de relativité de la force. Au sens physique la force est relative il n’y a pas de force absolue, toute force n’est forte dans un rapport.

Comment faire pour être toujours le plus fort ?

La force est incapable de fonder un droit c’est à dire un ordre immuable, absolu.

Pour faire en sorte que la force se « masque » on légitime la force.

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exemples : les emblèmes, les institutions, les signes de prestige, tout ce qui fait qu’un homme se pare de déterminations morales pour maintenir et perpétuer son pouvoir.

C’est la même démarche que le plus fort doit opérer de l’obéissance, c’est à dire de la contrainte en devoir à l’adhésion volontaire.

Face à la force la prudence consiste à céder, à laisser faire, c’est une mesure de retrait ou de moindre mal face à une situation incontournable.

« Le droit du plus fort » est une formule embrouillée à dessein pour faire illusion. Elle ne résiste pas à l’examen critique puisqu’elle ne signifie rien d’autre que la relativité et l’instabilité de la force. Rousseau vise le philosophe Hobbes qui prétendait que l’état de nature des hommes était la guerre de tous contre tous :« l’homme est un loup pour l’homme ».A l’état de nature les hommes ont le droit de tout faire mais ils se heurtent les uns aux autres.

La seule solution pour établir la paix sociale c’est de s’unnir autour du plus fort, d’abdiquer tous ses droits entre ses mains (L’état Léviathan). Rousseau ne nie pas la domination du fort sur le faible, c’est ce qu’il appelle un fait ( « droit réellement établit en principe »), mais il s’agit d’une tromperie, d’une usurpation. Le moyen de réaliser cette étrange alchimie, cette illusion, de manière la plus astucieuse c’est de convaincre, voilà pourquoi le plus fort s’en remet au discours et non à la force nue.

L’expression « droit du plus fort » n’est qu’un mot. Mais c’est un mot qui a plus de force que la seule puissance physique. Il s’agit pour le plus fort de justifier sa propre force. Le plus fort va-t-il réussir à convaincre? Si oui il pourra se permettre de ne plus utiliser la violence. Si sa tentative échoue il lui sera impossible de faire régner sa force. Le but du philosophe n’est pas de justifier le discours du violent mais de le supprimer. La philosophie est un dialogue c’est à dire que l’on reconnaît à l’autre la qualité d’égal. Ce que la violence nie c’est ce rapport d’égalité et c’est cette logique qui fait qu’un ne doit pas dominer plusieurs hommes. Cependant la violence se contredit elle-même car elle doit sans-cesse se justifier pour s’imposer. Elle doit se légitimer sous la forme du droit qui succède à un état de fait. C’est là le signe de son insuffisance.

Pour contester la thèse du « droit du plus fort » en montrant que la force ne peut pas contrer le droit, Rousseau utilise un raisonnement par l’absurde. Il veut montrer que les conséquences de l’hypothèse sont absurdes (se contredisent) et donc que l’hypothèse est fausse.

Première conséquence : Qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse?

Les deux domaines sont irréductibles. C’est en les catégorisant que l’on comprend leur contradictions. Ici c’est la relativité de la force qui s’oppose à l’absolu du droit.

Deuxième conséquence : Sitôt qu’on peut désobéir impunément, on le peut légitimement.

Quand on obéit à la force, on est tenu par aucune obligation. Si on peut le faire sans encourir de punition, on le peut sans tomber en contradiction. Il faut bien distinguer :

  • Obéir par force, c’est la contrainte, c’est céder, c’est subir. Dans ce cas là nous ne sommes pas libres.

  • Obéir par devoir, c’est l’obligation morale, voulue, consentie. Dans ce cas là c’est un acte de volonté et de liberté. Ce n’est pas l’absence de règle mais l’obéissance à la loi que l’on s’est donné soi-même.

Ce qui fonde l’obligation d’obéir au sens moral, n’est en aucun cas la force. Rousseau montre l’enjeu pratique de cette expression, en effet il n’est pas juste, il n’est pas moral d’obéir au plus fort (ce n’est pas logique = logos) pourtant « obéissez aux puissances » est le maitre mot de tous ceux qui possédent le pouvoir. On nous invite sans-cesse à obéir. Sous cette invitation se masque la FORce!!! l’exigeance de celui qui veut se maintenir au pouvoir. C’est la conséquence du « droit du plus fort » qui nous trompe parcequ’en fait on ne peut pas faire autrement qu’obéir. Le précepte est donc  »superflu ».

Il y a une contradiction politique : c’est le problème de la légitimité du pouvoir qui doit être capable de se faire obéir. Si céder à la force ce n’est pas obéir, la force ne peut être le fondement du pouvoir légitime.

De manière ironique Rousseau dit que ce serait Dieu qui donnerait la puissance aux puissants, l’obéissance par force serait alors masquée, légitimée, c’est une allusion à une théorie historique : le pouvoir de droit divin.

L’argument du pouvoir qui vient de Dieu est pour Rousseau un sophisme (càd un raisonnement à l’apparence logique). C’est une référence au texte de St Paul « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu ». L’aveu de Rousseau est ironique et suivit d’une objection : « mais toute maladie… ».

Si on admet que Dieu introduit le mal, du moins laisse faire la maladie comme il laisse faire le médecin, toute puissance vient de Dieu mais cela ne suffit pas pour dire que toute puissance est bonne. L’expression « toute puissance vient de Dieu » ne peut pas signifier obéissez, c’est Dieu qui l’ordonne.

Le second exemple est celui du brigand. Rousseau met directement en cause la question de la légitimité morale du pouvoir. L’argument est très ironique, qu’est-ce qui nous permet de dire que le monarque n’est pas un brigand puisque comme celui-ci il détient sa puissance de Dieu. Rousseau dénonce ici le fondement sacré du pouvoir politique.

Conclusion :

On n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitime, la question primitive revient toujours ! Cette question est celle de déterminer qu’est-ce qu’une puissance légitime? On n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes parce que l’obéissance et la contrainte s’excluent mutuellement. Il n’y a dans l’obéissance que la pure volonté d’obéir, il n’y a dans la contrainte que la pure nécessité physique. Il faut donc rejeter ce « galimatias » confus de forces morales de quelques noms qu’on les baptise sous ce « mot » de droit.

L’explication de Rousseau a permi de déjouer les pièges des mots qui dissimulent l’hétérogénéité essentielle de la force et du droit. Ainsi le droit du plus fort n’existe pas sinon à titre de justification secondaire et abusive qu’une prise du pouvoir par la violence.

Il reste à comprendre pourquoi cette justification théoriquement non fondée a toujours une fonction pratique.