Je est une substance pensante

Descartes défend l’idée que l’être humain a une âme, qu’il qualifie de « chose qui pense ». L’âme nous étant donnée et sa caractéristique étant la pensée, la conscience est un fait humain. Ces pensées seraient toujours présentes en nous, même si nous dormons ou si nous les oublions.

?[I]l me serait plus aisé de croire que l’âme cesserait d’exister, quand on dit qu’elle cesse de penser, que non pas de concevoir, qu’elle fût sans pensée. Et je ne vois ici aucune difficulté, sinon qu’on juge superflu de croire qu’elle pense, lorsqu’il ne nous en demeure aucun souvenir par après. Mais si on considère que nous avons toutes les nuits mille penséesa, et même en veillant que nous en avons eu mille depuis une heure, dont il ne nous reste plus aucune trace en la mémoire, et dont nous ne voyons pas mieux l’utilité, que de celles que nous pouvons avoir eues avant que de naître, on aura bien moins de peine à se le persuader qu’à juger qu’une substance dont la nature est de penser, puisse exister, et toutefois ne penser point. Je ne vois aussi aucune difficulté à entendre que les facultés d’imaginer et de sentir appartiennent à l’âme, à cause que ce sont des espèces de pensées ; et néanmoins n’appartiennent qu’à l’âme en tant qu’elle est jointe au corps, à cause que ce sont des sortes de pensées, sans lesquelles on peut concevoir l’âme toute pureb. Pour ce qui est des animaux, nous remarquons bien en eux des mouvements semblables à ceux qui suivent de nos imaginations ou sentiments, mais non pas pour cela des imaginations ou sentiments. Et, au contraire, ces mêmes mouvements se pouvant aussi faire sans imagination, nous avons des raisons qui prouvent qu’ils se font ainsi en eux.

 

René Descartes, Lettre au père Gibieuf, 1642.

 

Aide à la lecture


a.
L’auteur fait notamment référence aux rêves lorsque nous dormons.
b. Selon Descartes, le corps et l’âme sont des substances différentes mais non disjointes. Ainsi, nos émotions, les « passions de l’âme », relèvent du corps et de l’âme.