Lois et religion

DES LOIS DANS LE RAPPORT QU’ELLES ONT
AVEC LA RELIGION ÉTABLIE DANS CHAQUE PAYS,
CONSIDÉRÉE DANS SES PRATIQUES ET EN ELLE-MÊME.

CHAPITRE PREMIER.
DES RELIGIONS EN GÉNÉRAL.

Comme on peut juger parmi les ténèbres celles qui sont les moins épaisses, et parmi les abîmes ceux qui sont les moins profonds, ainsi l’on peut chercher entre les religions fausses celles qui sont les plus conformes au bien de la société ; celles qui, quoiqu’elles n’aient pas l’effet de mener les hommes aux félicités de l’autre vie, peuvent le plus contribuer à leur bonheur dans celle-ci.

Je n’examinerai donc les diverses religions du monde, que par rapport au bien que l’on en tire dans l’état civil ; soit que je parle de celle qui a sa racine dans le ciel, ou bien de celles qui ont la leur sur la terre.

Comme dans cet ouvrage je ne suis point théologien, mais écrivain politique, il pourroit y avoir des choses qui ne seroient entièrement vraies que dans une façon de penser humaine, n’ayant point été considérées dans le rapport avec des vérités plus sublimes.

A l’égard de la vraie religionil ne faudra que très peu d’équité pour voir que je n’ai jamais prétendu faire céder ses intérêtsaux intérêts politiques, mais les unir or, pour les unir, il faut les connoître.

La religion chrétienne, qui ordonne aux hommes de s’aimer, veut sans doute que chaque peuple ait les meilleures lois politiques et les meilleures lois civiles, parce qu’elles sont, après elle, le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir.

MONTESQUIEU, Esprit des lois Cinquième partie livre XXIV

« Dieu, cet asile d’ignorance »

Dans cette célèbre citation de Spinoza, l’ignorance est à comprendre comme origine de la religion en même temps que ce qui maintient les hommes dans une communauté déterminée, en apportant des réponses toutes faites aux questions qu’ils se posent : Dieu est l’origine et la finalité de tout ce qui appartient à la nature. Cette ignorance, origine et ciment de la religion, empêche la connaissance scientifique et rationnelle de la nature comme le montrent deux exemples : une pierre tombe d’un toit et tue un homme, la complexité d’un corps humain.

 

 » Les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mêmes, en vue d’une fin… Si par exemple une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, voici la manière dont ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer cet homme. Si elle n’est pas tombée à cette fin , par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances ont-elles pu se trouver par chance réunies? Peut-être répondez-vous que cela est arrivé parce que le vent soufflait par là et que l’homme passait par là. Mais, insisteront-ils, pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment? Pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment? Si vous répondez encore: le vent s’est levé parce que la mer, le jour avant, avait commencé à s’agiter, l’homme avait été invité par un ami, alors ils insisteront encore, car ils n’en finissent pas de questionner: pourquoi donc la mer était-elle agitée? Pourquoi l’homme a t-il été invité à ce moment? Et ils continueront ainsi de vous interroger sans relâche, sur les causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugiés dans la volonté de Dieu, cet asile d’ignorance. De même, quand ils voient la structure du corps humain, ils sont frappés de stupeur, et, de ce qu’ils ignorent les causes d’un ouvrage aussi parfait, ils concluent qu’il n’est point formé mécaniquement, mais par un art divin ou surnaturel. Et ainsi arrive-t-il que quiconque cherche les vraies causes des prodiges et s’applique à connaître en savant les choses de la nature au lieu de s’émerveiller comme un sot est souvent tenu pour hérétique et impie par ceux que la foule adore comme les interprètes de la Nature et des Dieux. Et c’est qu’ils savent que détruire l’ignorance, c’est détruire l’étonnement imbécile, c’est-à-dire la sauvegarde de leur autorité. »

Le droit à l’interprétation

On ne peut pas interpréter librement les lois d’un État, mais on peut, en matière de religion, accorder un sens variable aux textes, aux dogmes et aux pratiques de la religion. Telle est l’affirmation de Spinoza dans ce texte. Revient-il à l’État de définir le contenu de la religion par la loi, ou  bien l’individu peut-il librement interpréter ce qui relève de l’absolu, du sacré dans la religion ?

« Si chacun avait la liberté d’interpréter à sa guise les lois de l’Etat, la société ne pourrait subsister, elle tomberait aussitôt en dissolution, le droit public devenant droit privé. Il en va tout autrement dans la religion. Puisqu’elle consiste non dans des actions extérieures, mais dans la simplicité et la candeur de l’âme, elle n’est soumise à aucun canon, à aucune autorité publique et nul absolument ne peut être contraint par la force ou par les lois à posséder la béatitude : ce qui est requis pour cela est un enseignement pieux et fraternel, une bonne éducation et par-dessus tout un jugement propre et libre. Puisque donc un droit souverain de penser librement, même en matière de religion, appartient à chacun, et qu’on ne peut concevoir que qui que ce soit en soit déchu, chacun aura aussi un droit souverain et une souveraine autorité pour juger de la religion et pour se l’expliquer à lui-même et pour l’interpréter. La seule raison pour laquelle en effet les magistrats ont une souveraine autorité pour interpréter les lois et un souverain pouvoir de juger des choses d’ordre public, c’est qu’il s’agit d’ordre public; pour la même raison donc une souveraine autorité pour expliquer la religion et pour en juger appartient à chacun, je veux dire, parce qu’elle est de droit privé. »
Spinoza, Traité théologico-politique, VII :

Tout serait permis

En général, je demande de nouveau la permission de me récuser à ce sujet, répéta Pierre Alexandrovitch, et à la place, je vais vous raconter, messieurs, une autre anecdote, sur Ivan Fédorovitch lui-même, fort intéressante et des plus caractéristiques. Pas plus tard qu’il y a cinq jours, dans une société principalement féminine, il a déclaré solennellement, au cours d’une discussion, que sur toute la terre il n’est rigoureusement rien qui force les hommes à aimer leurs semblables, qu’il n’existe aucune loi de la nature ordonnant à l’homme d’aimer l’humanité et que s’il y a eu et qu’il y ait encore l’amour sur la terre, ce n’est pas en vertu d’une loi naturelle, mais uniquement parce que les hommes croyaient en leur immortalité. Ivan Fédorovitch ajouta, entre parenthèses, que c’est en cela que consiste toute la loi naturelle, de sorte que si l’on détruit dans l’humanité la foi dans son immortalité, cela fera tarir aussitôt en elle non seulement tout amour, mais encore toute force vive qui permette de continuer la vie du monde. Bien mieux : il n’y aura alors plus rien d’immoral, tout sera permis, même l’anthropophagie. Mais cela n’est pas tout encore : il conclut en affirmant que pour tout individu, tels que nous maintenant par exemple, qui ne croit ni en Dieu ni en son immortalité, la loi morale de la nature doit immédiatement devenir le contraire absolu de l’ancienne loi religieuse, et que l’égoïsme poussé jusqu’à la scélératesse doit non seulement être permis à l’homme, mais reconnu pour une issue indispensable, la seule raisonnable et presque la plus noble dans sa situation. D’après un tel paradoxe, vous pouvez juger, messieurs, de tout le reste que proclame et qu’a peut-être l’intention de proclamer encore notre cher excentrique et amateur de paradoxes Ivan Fédorovitch. (…) Et son absurde théorie, tu l’as entendue tout à l’heure :  » S’il n’y a pas d’immortalité de l’âme, il n’y a pas non plus de vertu, donc tout est permis.  » (Et ton frère Mitenka, à propos, tu te rappelles comme il a crié :  » Je m’en souviendrai ! « ). C’est une théorie séduisante pour les gredins… je vitupère, c’est stupide… pas pour les gredins mais pour les fanfarons primaires avec  » une profondeur insondable de pensée « . C’est une bravache mais, quant au fond, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Toute sa théorie n’est que bassesse. L’humanité trouvera en elle la force vive pour la vertu, même sans croire à l’immortalité de l’âme. Elle la trouvera dans l’amour de la liberté, de l’égalité, de la fraternité…

DOSTOÏVESKI, Les Frères Karamazov, trad. E. Guertik, Hazan T. 1.

L’effort civilisateur

Bergson explique dans les deux sources de la morale et de la religion, que la religion et la philosophie ont permis un effort civilisateur en insérant une transcendance (Dieu unique ou la Raison) entre les hommes. Religion et philosophie sont-elles des remèdes à une humanité qui manque de cohésion sociale ?

 

Qui ne voit que la cohésion sociale est due, en grande partie, à la nécessité pour une société de se défendre contre d’autres, et que c’est d’abord contre tous les autres hommes qu’on aime les hommes avec lesquels on vit ? Tel est l’instinct primitif. Il est encore là, heureusement dissimulé sous les apports de la civilisation ; mais aujourd’hui encore nous aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens, tandis que l’amour de l’humanité est indirect et acquis. À ceux-là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ; car c’est seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l’homme à aimer le genre humain ; comme aussi c’est seulement à travers la Raison, dans la Raison par où nous communions tous, que les philosophes nous font regarder l’humanité pour nous montrer l’éminente dignité de la personne humaine, le droit de tous au respect. Ni dans un cas ni dans l’autre nous n’arrivons à l’humanité par étapes, en traversant la famille et la nation. Il faut que, d’un bond, nous nous soyons transportés plus loin qu’elle et que nous l’ayons atteinte sans l’avoir prise pour fin, en la dépassant. Qu’on parle d’ailleurs le langage de la religion ou celui de la philosophie, qu’il s’agisse d’amour ou de respect, c’est une autre morale, c’est un autre genre d’obligation.

BERGSON, Les deux sources de la morale et de la religion

 

Philosophie et théologie

Il faut donc dire que si, en fait, les arguments de la raison humaine sont sans force pour démontrer ce qui est de la foi, il reste qu’à partir des articles de foi, la doctrine sacrée peut prouver autre chose. Il est certain que notre doctrine doit user avant tout des arguments d’autorité; on peut même dire que cela lui est souverainement propre, en tant qu’elle s’appuie sur la révélation et exige donc qu’on en croie ceux à qui la révélation a été faite. Mais cela ne déroge nullement à sa dignité; car si l’argument d’autorité est le plus infirme quand il s’agit de l’autorité d’une raison humaine, l’argument fondé sur l’autorité de la révélation divine est de tous le plus efficace. Du reste, la raison humaine garde ici un grand rôle; elle ne démontre pas les dogmes, ce qui enlèverait le mérite de la foi; mais elle obtient d’autres conclusions qui font également partie de la doctrine. Comme donc la grâce ne détruit pas la nature, mais l’achève, c’est un devoir, pour la raison naturelle, de servir la foi, comme l’inclination naturelle de la volonté accompagne et seconde la charité. Aussi l’Apôtre dit-il : « Nous assujettissons notre pensée à l’obéissance du Christ. » De là vient que la doctrine sainte utilise même les dires des philosophes, là où l’exercice de la raison naturelle leur permit de découvrir le vrai.

Saint Thomas d’Aquin

Le culte des stars est-il religieux ?

Le culte des stars est-il religieux ?

Futile, le culte des célébrités qui imprègne nos sociétés?? Débiles, ces adolescents obsédés par leurs idoles?? Moins qu’on le croit, répond un théologien peu conformiste. Le monde des people, où le sordide côtoie le sublime, fait office de magasin des modes de vie. Comme hier la mythologie, il offre du sens et d’indispensables points de repère.

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Michael Jackson jouait volontiers sur l’iconographie religieuse. Qu’en conclure?? © Greg Allen/Retna Ltd./Corbis

En 1996, le chanteur Jarvis Cocker, du groupe Pulp, fit irruption sur scène lors de la cérémonie des Brit Awards, l’équivalent britannique des Victoires de la musique. Michael Jackson était en train d’interpréter Earth Song. Il avait surgi d’une image géante de la Terre, auréolé de lumière blanche. Les bras en croix, s’était mis à chanter pour la planète, peu à peu rejoint par une foule déguenillée. Vers la fin de la chanson, il avait enlevé sa chemise et son pantalon pour découvrir des vêtements d’une blancheur immaculée. De nouveau baignée de lumière, la pop star se tenait debout, comme crucifiée. La foule s’avançait lentement vers lui, et il touchait ou baisait le front de chacun, comme pour une bénédiction. À la fin, il resta seul avec un petit groupe d’enfants. Tenant par la main une fillette, il parla de la destruction de la planète, affirmant que nous pouvons changer le cours des choses. « Je crois en vous, je vous aime », lança-t-il, avant de se retourner pour quitter le plateau, entouré des gamins. Pour Cocker­, cela dépassait les bornes. Il grimpa sur scène et se pencha en se tapotant le derrière en direction de Jackson.

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Un hors-série du « Pèlerin » consacré à l’islam censuré au Maroc

Le dernier hors-série du magazine Pèlerin, intitulé « 50 clés pour comprendre l’islam », ne sera pas diffusé au Maroc, qui a décidé de le censurer au motif qu’il contenait une « représentation » du prophète Mahomet, a-t-on appris jeudi auprès de la publication catholique.

« Nous avons appris aujourd’hui que ce hors-série était censuré car nous aurions fait une représentation du prophète. Or, il me semble qu’on ne voit jamais son visage dans le magazine », a déploré la responsable de la communication de Pèlerin, Claudine Daynac.

« L’ISLAM ET SON HISTOIRE »

Ce hors-série illustré de 84 pages se penche sur « l’islam et son histoire », « le Coran », « la pratique de la foi musulmane » et « le monde musulman ». Il s’accompagne d’une chronologie, d’un glossaire et d’une bibliographie.

Selon Pèlerin, l’islam est devenu la deuxième religion de France, avec 5 millions de personnes se rattachant à cette tradition. Un chiffre ramené à 4 millions, dont 800 000 pratiquants, par le ministre de l’intérieur Claude Guéant, dans une interview au Monde début janvier.

« On parle beaucoup de l’islam sur la scène publique ou dans les médias, écrit Antoine d’Abbundo, rédacteur en chef, dans son éditorial, mais que sait-on, au fond, de cette religion qui réunit plus d’un milliard et demi de croyants dans le monde ? » Et le journaliste de poursuivre : « La montée de l’islamisme, le terrorisme qu’il a engendré, mais aussi les persécutions subies par les minorités chrétiennes, ont conduit à associer sans nuance l’islam à la violence et à l’intolérance. »

A lire sur le MONDE

Lettre à un astronome / comédien

Compte rendu de la sortie théâtre :

Les thèmes étaient très théoriques, une approche scientifique mais pas vraiment philosophique (retracer l’histoire en vulgarisant le coté scientifique, mais aussi l’histoire des religions, croyances) pas de projection de l’aspect philosophique  sur les sciences. Uniquement l’aspect religieux.

Les théories scientifiques ne nous permettent pas d’avoir la vérité mais seulement une approche de celle-ci. Est-ce que la démarche scientifique nous permet d’atteindre la vérité ? Est-ce que la recherche de la vérité par un raisonnement pur, n’est pas contradictoire car il faut avoir la foi en cela ?

La vérité, c’est une idée et nous supposons que tous les hommes possèdent.

Lorsque le comédien a évoqué qu’il y avait une partie en tout homme, qui était dans la croyance, et une autre partie qui était à la recherche de la vérité on peut le rapprocher du fait que la croyance vient des sentiments, du corps, et la recherche du vrai de la raison. L’homme n’est pas parfait au sens d’un être de pure raison. Bien penser, c’est la rationalité, c’est penser par la raison, par étapes (Descartes)

–    Le chercheur croit trouver quelque chose, la vérité.

–     C’est une passion qui anime le chercheur, un amour de la véri

 

Thèmes philosophiques que nous pensions aborder :

– La raison et la foi

– L’anthropocentrisme

– L’astronomie en tant que science : qu’est ce qu’une science, une démonstration, quel est le rôle de l’expérience ?

– Les sciences et les techniques, l’enjeu moral ?

– La représentation théâtrale de l’histoire des sciences

– La double face d’un même personnage représentant la raison et le sentiment (éclaircissement attendu)

– L’intérêt philosophique d’une réflexion sur l’astronomie ?

– Les sens sont-ils trompeurs ?

– Voit on la vérité a travers la lunette ?

– Pourquoi ne pas prendre plusieurs acteurs pour faire les différents rôles ?

– Quel est le rôle du caillou ?

– Notion de proportion par rapport à l’espace et au temps (représentation de tout l’univers sur une année)

 

La classe de Terminale S

Adressé à Jean Louis Heudier :

http://www.heudier.eu/

 

Sacrifice et lien social

C’est en tant que communautés de narration et d’émotion — c’est-à-dire dans le culte — que les cultures, ces groupes de criminels enchantés par leur méfait, sont le plus elles-mêmes. C’est là où les émotions et le récit se recoupent que se constitue le sacré. […] L’objet sacrifié est ainsi placé au cœur de l’espace spirituel d’une société. […] La fusion des groupes fondée sur les émotions et les récits, les peurs et les mensonges, se trouve aussi consolidée politiquement. (Peter Sloterdijk)

Le sacrifice signifie le « fait de rendre sacré ». L’acte le plus connu de sacrifice dans l’histoire de l’humanité est celui qui est censé offrir au Dieu par acte délibéré, la vie que ce même Dieu donne et reprend. Ainsi le sacrifice est il l’acte qui accomplit la volonté de Dieu et épargne ceux qui sont menacés et qu’il faut protéger. Le sacrifice permet de rendre aux choses divines ce que les hommes ne peuvent garder dans les affaires humaines : objet, être vivant animal ou humain, partie du corps. Le passage de l’humain au divin obéit à un rituel de destruction souvent sanglant (mise à mort, incinération, immersions sous l’eau…)

On connait de nombreuses représentations et interprétations dans l’antiquité grecque et romaine qui témoignent de l’importance du sacrifice dans la vie de la cité. Dans les religions monothéistes, on trouve également de nombreuses fêtes qui commémorent des sacrifices relatés dans les textes sacrés.

Si l’origine des sacrifices humains est inconnue, aucune religion ne s’y réfère aujourd’hui en tant que rite. Cependant certains comportements contemporains aboutissant à la mise à mort d’êtres humains (la peine de mort / la mise à mort d’ennemis) peuvent être analysés comme des sacrifices sociétaux. L’analyse sociologique du sacrifice montrera par exemple qu’il peut se comprendre comme un échange fondamental de toute société, échange non seulement entre les hommes et Dieu mais entre les hommes eux-mêmes selon des codes précis réglés par la tradition. On parlera alors de don et contre don dans des sociétés qui partagent des victimes ou des ennemis avec les puissances divines pour résoudre les affaires humaines.

Enfin pour René Girard, toute culture est le fruit du meurtre fondateur issu  d’un système d’envie et de jalousie. Chaque société se constitue par une accusation collective et une condamnation d’une victime sacrificielle ; c’est la fameuse thèse du bouc émissaire : la culture qui sacrifie une victime noue le lien étroit de la société. Le sacrifice consiste alors à régler tous les litiges d’une société et à fonder une paix, un ordre commun nouveau. En supprimant un des protagoniste du conflit, il semble que l’on établisse un ordre nouveau par une action surnaturelle qu’aucun acte de justice humain ne pouvait remplacer. Lorsqu’une personne est désignée, le meurtre est justifié par une déshumanisation préalable. A la mise à mort de cette personne et pour rassembler la communauté, mieux vaut s’en remettre aux catégories divines…

La manière dont a été traité [le corps] de Kadhafi, dont nous avons cette fois des images brutales, exhibé comme un trophée, rappelle deux choses : le sacrifice est généralement sanglant et il sert de lien social. La disparition d’un corps individuel permet au corps social de se réconcilier. C’est du moins l’idée, l’avenir nous dira s’il y parvient.(Jean-Baptiste Jeangène Vilmer)