Fiche de révision: la liberté

 

 

Thèse: Être libre n’est pas être indépendant mais être, autant que faire ce peut, autonome dans l’interdépendance.

 

De la même manière que

-la liberté n’est pas dans l’indétermination et l’indifférence (Descartes, la liberté d’indifférence comme « plus bas degré » de la liberté

-et qu’elle peut être dans la compréhension de la nécessité ( Spinoza et Stoïciens) et l’acceptation de certaines déterminations (par ex. la  connaissance selon Descartes, qui rend le choix réellement possible et plus libre)

de même

-la liberté n’est pas dans l’ ANOMIE, c’est-à-dire l’absence de lois d’où désordre, anarchie et licence

-mais peut être dans l’obéissance à la loi, si cette loi n’est pas imposée et dictée par quelque chose d’autre que soi, de l’extérieur ; donc SI elle vient de moi-même ou SI je peux la reconnaître comme mienne

DONC  CE QUI S’OPPOSE A LA LIBERTE, CE N’EST PAS LA LOI MAIS L’HETEROMIE , la loi venant de l’autre. Et  être libre c’est être autonome , c’est-à-dire maître de soi et son propre législateur.

A partir de là, on peut comprendre la liberté morale, politique et de penser ( qui ne sont que 3 variations sur le même thème!!)

 

  •     liberté morale ,

En général, on considère que celui qui fait son devoir est soumis ou à sa conscience, ou à une morale sociale ou religieuse. Il est prisonnier de la morale, par opposition à celui qui sans foi, ni loi serait libre.

KANT va lui montrer que celui qui fait son devoir est libre et c’est parce qu’il est libre qu’il est précisèment moral . Pour lui, la volonté est , distincte du désir, la faculté de choisir ce que la raison juge bon , elle est l’application de la raison et de ses impératifs, elle est « raison pratique ». (Le langage commun fait déjà la différence entre volonté et désir, celui qui a de la volonté est soit celui qui a un désir dominant , soit celui qui est capable de résister au désir , à la tentation.)

Ces impératifs peuvent être de 2 types, soit HYPOTHETIQUES, soit CATEGORIQUES :

–                    dans le premier cas, la raison indique ce qui pourrait être de règles pour atteindre un objectif donné. Si….., alors il faut….. . La raison indique alors une principe d’habileté à la volonté qui va le choisir pour atteindre un but proposé soit par le désir, soit par la situation, … bref de l’extérieur. La volonté est alors dans l’HETERONOMIE .

–                    dans le second cas, la raison indique, ce qui DOIT être la règle. Elle définit à la fois le but et le moyen ou plutôt la forme du moyen, le contenu étant déterminé par la volonté, par moi. Si la volonté  respecte cet impératif , c’est uniquement par qu’elle le doit , dc par pur respect pour la loi morale, le devoir ; elle est alors dans L’AUTONOMIE. Ces deux impératifs sont :

-« agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature »  -« agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien en ta personne que dans la personne de tout autre jamais simplement comme un moyen mais toujours en même temps qu’une fin »

Ils définiseent donc la forme et la condition de la maxime, mais le contenu reste défini par la volonté d’où liberté.

  • liberté politique

on oppose la loi de l’Etat et la liberté pour 2 raisons essentielles :

-soit parce que la loi est illégitime, simple expression de la force et de l’arbitraire, donc on y est soumis comme à un maître, d’où absence de liberté

-soit parce on confond liberté et indépendance et on en reste à une vision de la liberté comme devant être illimitée, totale.  Mais ,

-l’indépendance dans la solitude est irréaliste et contre-nature

-comme l’homme vit forcément en société , « quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît aux autres », or la liberté ne peut être destructrice d’elle-même, ni être réduite à la licence, ni dépendante des forces de chacun, sachant qu’on est jamais toujours le plus fort.

-même hors de la société , à l’hypothétique état de nature , la liberté n’est pas illimitée.

DONC « la liberté consiste moins à faire sa volonté( au sens de désir)  qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui » Rousseau. Lettre sur la montagne

Or,

sans loi, c’est l’anarchie et les rapports de force et soumission ou domination mais « régner, c’est obéir » à ses désirs ou « à la loi naturelle qui commande à tous »

DONC

On est obligé de reconnaître qu’ « il n’y a pas de liberté sans loi, ni là où quelqu’un est au-dessus des lois » et c’est le cas, si les lois sont ce qu’elles doivent être expression de la VG statuant en général au nom de l’intérêt commun. Et , si on est dans le cadre d’une démocratie, alors j’obéis à des lois que j’ai moi-même faites

DC AUTONOMIE, « la liberté est l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite » Rousseau.

  •   la liberté de penser

En général on pense qu’on peut nous ôter la liberté de choix et d’action / mouvement, mais qu’on ne peut pas nous ôter la liberté de penser, d’où image du prisonnier dans son cachot qui s’évade par la pensée. Il est vrai qu’on ne peut pas empêcher quelqu’un de penser , PAR CONTRE, on peut l’empêcher de penser par soi-même par l’endoctrinement, l’idéologie dominante (Marx) mais aussi en le privant d’éducation ou en réduisant cette éducation à un dressage, en ne lui donnant pas la maîtrise des mots , en interdisant la liberté d’expression, empêchant ainsi l’exposé de la pluralité des idées, le dialogue, la prise de conscience commune …. . Or on ne peut que difficilement isolé se rendre compte des illusions et manipulations (Ex. allégorie de la caverne, l’esprit de l’autre comme « pierre de touche » de la vérité , selon Platon pour le dialogue) . Penser, ce n’est donc pas forcément penser par soi-même, et penser par soi-même , ce n’est pas non plus délirer ou penser n’importe quoi, c’est construire un raisonnement conforme aux lois de la raison, à portée universelle. Car si l’opinion , pseudo-pensée est subjective ou commune , la pensée elle a vocation universelle.

Conclusion : le sentiment de liberté n’est pas une preuve de liberté et les preuves de liberté avancées en général n’en sont pas (I). Elles montrent plutôt notre ignorance de nous-mêmes et de la liberté qui peut être la nôtre. Nous naissons libres, mais nous avons à réaliser cette liberté en travaillant à mieux maîtriser nos choix et à mettre en place les conditions extérieures de leurs réalisations. Etre libre c’est d’abord se libérer et en premier lieu de la peur d’être libre puis en second lui d’une liberté rêvée qui nous détourne de la vraie liberté. « Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme »

Fiche de révision: justice et droit

 

La justice et  le droit

I. A. A priori , on confond justice avec droit positif, les lois de l’état parce que

le droit positif semble incarner la justice pour différentes raisons :

–          à l’inégalité naturelle et conflictuelle , il substitue l’égalité devant la loi et en instaurant l’ordre, il garantit à chacun la conservation de ses biens, de sa vie et de ses libertés, sinon de sa liberté

–          la loi est faite dans l’intérêt commun, or ce qui est juste c’est ce qui correspond à mon intérêt , compris dans l’intérêt général même si mon intérêt immédiat mal calculé peut s’y opposer. (Epicure)

–          la loi est juste si elle correspond aux raisons pour lesquelles elle a été crée. Elle n’est qu’une convention humaine, mais si elle correspond à ses  présupposés et raisons d’être , elle est juste, droite.

ICI deux conceptions s’opposent quand à la raison de l’instauration des lois, celle de HOBBES et celle de JJ. ROUSSEAU :

·         pour Hobbes, si les hommes ont acceptés de se soummettre à l’autorité souveraine de la loi et du pouvoir étatique, c’est parce que sans les lois , à l’état hypothétique de Nature, « l’homme est un loup pour l’homme » car les hommes étant égaux et voulant la même chose une liberté naturelle maximale, il y  a rivalité, défiance et « guerre de tous contre tous », dc c’est pour sortir de cet « misérable état de guerre », que les hommes ont accepté , poussés par une peur irrationnelle de mourir, de se dessaisir de leur liberté d’agir, de penser et de juger et l’ont donné à un 1/3 hors contrat pour qu’avec ce pouvoir absolu, il garantisse la conservation des vies et biens de chacun, donc la sécurité et la paix civile. Mais il y a dc un pouvoir absolue et une obéissance absolue , d’où dangers !

 

·         pour Rousseau , si l’union fait la force, et si chacun cherche dans l’état une protection, on ne saurait sacrifier sa liberté pour sa sécurité, car « aliéner sa liberté , c »est perdre sa qualité d »homme ». d’où son Contrat Social, préconisant une démocratie directe absolue à souveraineté fractionné, ainsi chacun est à la fois gouvernant (citoyen actif , membre de souverain) et gouverné (sujet de la loi) . Ce qui présente l’avantage que en obéissance à la loi, je suis libre car j’obéis à une loi que je me suis moi-même prescrit. Je suis libre au sens de AUTONOME, je me donne à moi-même ma propre loi. Cette loi ne peut léser personne car :

–          elle statue en général, dc sans faire de particularisme, sans privilège, égalité devant la loi : dc c’est juste

–          elle est l’expression de la volonté générale, qui n’est pas seulement une volonté majoritaire, mais une volonté fixée sur l’intérêt général, commun de la communauté. La vision et la défense de l’intérêt général présuppose que chaque citoyen soit capable de dépasser son intérêt particulier , sa différence pour se hisser à la compréhension  de la priorité de l’IG.

–          Ce qui présuppose donc que les hommes sont déjà raisonnable, que les différences ne sont pas trosp grandes entre les individus pour que cet IG soit pensable. D’où la difficulté de réaliser dans les faits ce contrat idéale, auquel se substitue au mieux : une démocratie indirecte représentative au suffrage universel mais majoritaire. MAIS en tout cas, ce n’est que dans ce cadre que l’homme d’ « un animal stupide et borné » devient un « être intelligent et un homme » selon Rousseau, car avant les lois , il n’y qu’impulsion, instinct, innocence et c’est seulement avec les lois que naissent devoirs, justice, moralité, liberté, culture…dans des rapports humains réglés, élevés et pacifiés.

 CEPENDANT , si en mettant en place l’égalité et la prise en compte de l’intérêt commun, la loi peut permettre l’existence de la justice dans les trois sens du terme (idéal, vertu, instance) , elle n’est pas toujours ce qu’elle devrait  être et peut être l’injustice incarnée et si on l’applique source d’injustice.

 B.

l.  la loi ne peut être que la légitimation de la force, c’est ce que soulignent Pascal, Marx et Sartre.

–          pour Pascal, faute d’une définition universelle de la justice et d’un droit naturel, c’est la définition des plus forts qui l’emportent par leur nombre ( ex. la coutume), leur force de persuasion,grâce à leur autorité ( la justice dans tous les Etats, c’est l’intérêt du gouvernement constitué » Thrasymaque dans la République de Platon). Cela s’explique pour Pascal par la chûte orioginelle. Pascal en conclut que dès lors, la justice des hommes n’a aucune valeur ni aucun fondement.

–          Pour Marx, le droit n’est que l’incarnation et la défense des intérêts de la classe dominante économiquement , l’infrastructure déterminant la superstructure.

2. Le droit positif est relatif « Plaisante justice qu’une rivière borne » disait Pascal, or être juste renvoie à une dimension universelle.

3.L’application de la loi , de par sa nature générale, peut être source d’injustice. Dc par souci d’équité ou pour rester fidèle à l’esprit de la loi ( défense de l’intérêt commun , égalité ….) , il faut l’adapter et parfois même la transgresser :

–          c’est l’équité selon Aristote qui est « meilleure » que la justice, l’équité étant « un ajustement  de ce qui est légal » en fonction des cas exceptionnels, particuliers.

–          C’est la position de Saint Thomas d’Aquin, avec l’exemple de la ville assiégée, « il serait mal d’obéir à la loi et le bien consiste alors à transgresser la lettre de la loi pour rester fidèle à l’esprit de la loi ».

 ENFIN il est des cas où la loi est manifestement ,bien que légale, injuste et y obéir , c’est être dès lors injuste comme le montre le Cas Eichmann. Donc le fondement du juste serait et doit être ailleurs.

 II. Les lois de l’état peuvent être en distorsion avec d’autres droits plus fondamentaux

1.       la morale individuelle ou universelle : « le droit doit plier le genou devant la morale » selon Kant

2.       le droit divin , ce fut le cas pour Antigone face à la loi de Créon, ET  selon Saint Thomas d’Aquin, « rien de ce qui est de droit humain ne saurait déroger à ce qui est de droit naturel  ou de droit divin ». Par ex., la loi de la propiété s’explique par nature et par le fait  que les hommes sont supérieurs à la terre ( et ses fruits lui appartiennent comme fruits de son travail , selon Locke aussi) dc pour satisfaire ses besoins, il peut partager et posséder la terre, même si il a aussi le devoir de secourir le pauvre au nom de ce  même droit naturel de conservation de soi. De plus , ce droit naturel et divin autoriserait  même le pauvre, « en cas de nécessité évidente et évidente » à « utiliser le bien d »autrui » sans par là «  commettre réellement un vol » parce qu’au départ la terre appartient à tous.

3.       Le droit naturel , celui qui existait avant l’Etat ( à l’hypothétique état de nature) OU la loi de la nature OU les droits inscrits dans la nature de l’homme cf. droits de l’homme.

 4. dire que seul le droit positif décide seul du juste, c’est dire qu’il n’y a rien d’autre AU DESSUS DU DROIT POSITIF, c’est ce qu’essaie de défendre certains états au nom du principe de souveraineté et de non-ingérence et par delà cela à la différence culturelle. D’où une critique de l’universalité des droits de l’homme, non plus de fait mais en droit.  Les droits de l’homme en l’état, on fait par le passé l’objet de critique

On peut en effet souligner que les droits de l’homme de 1789 et 1948 correspondent à une certaine époque et à une certaine conception de l’homme :  si on lit l’analyse de Marx, on peut comprendre pourquoi les droits se réduisent à des droits-libertés, pourquoi l’égalité n’est dite qu’en droit et pourquoi la propriété apparaît dès l’article 2 comme droit inaliénables au même titre que la sûreté et la liberté et la résistance à l’oppression et que l’article 17 lui soit à nouveau consacré « droit inviolable et sacré » et qu’on se contente d’un « nul ne peut en être privé ». ce qui permet de protéger la propriété et de se contenter d’une propriété de droit, donc se dispenser de devoir en donner une à chacun. Et suite à la guerre mondiale et à l’avénement d’une société industrielle, des droits créances on fait leur apparition dans les droits de 1948. On peut donc les considérer peut-être comme insuffisant

On peut philosophiquement remettre en question le présupposé de nature humaine qui les fonde, avec l’existentialisme

On peut souligner qu’ils correspondent à une certaine conception de la liberté, la liberté des modernes

MAIS il est nouveau que l’on conteste l’idée même d’un droit universel et qu’on n’y voit qu’une culture voulant dominer les autres et qu’on refuse de penser autre chose au-dessus de Son  droit de Sa culture.

CEDER à cela, c’est accepter

1.       une culturisation du droit et une absolutisation de la culture, qui signe la fin des droits de la personne

2.       un relativisme tout se vaut dc rien ne vaut et une tolérance sans limites, dc de finir par tolérer l’intolérable et à être réduit au silence pour ne pas être condamné pour ethnocentrisme ou ingérence culturelle

3.       une remise en question de l’unité du genre humain sous la diversité des cultures

  donc il faut être intransigeant concernant la nécessité d’un droit naturel et d’un droit universel de l’homme, d’où l’idée d’une liberté culturelle qui ne se réduise pas au fait de pouvoir vivre sa culture mais aussi de pouvoir en quelque sorte rester libre d’y adhérer ou non, si elle vient remettre en question la liberté personnelle et individuelle. On  a besoin comme le dit Léo Strauss d’un étalon ; d’une référence transcendante aux Etats et culture

III. Intérêt et intention.

 Sur ce point là deux conceptions de la morale s’opposent :

les morales utilitaristes qui partant du principe que ce qui est moral ou juste a été établi par rapport aux intérêts des hommes, on peut être moral en ayant pour motif l’intérêt même personnel. C’est le cas pour Epicure, pour qui le plaisir, le vrai plaisir sans douleur subséquente, sans crainte étant  la référence, « il faut éviter les crimes parce qu’on ne peut éviter la crainte » et « il faut acquérir les vertus pour les plaisirs qu’elles procurent et non pour elles-mêmes » On retrouve cela chez les anglais Mill et Bentham. Pour Bentham (1748-1832), la moralité est le résultat d’un calcul intelligent d’intérêts, en fonction d’une véritable « arithmétique du plaisir » en fonction des critères de durée, d’intensité, de proximité, de certitude, de pureté et d’étendue. Donc la morale aurait été élaborée en fonction du principe de l’utilité et du plus grand bonheur . Donc la morale est compatible avec l’intérêt.

-les morales de l’intention de Hegel et Kant : pour eux , la conformité de l’acte avec la loi ne suffit pas, il faut en plus une volonté délibérée et libre de faire le bien , dc une connaissance du bien et du mal, et un choix du bien malgré la possibilité de faire le mal. Ce qui implique que le bon sauvage ou l’enfant innocent ne sont pas moraux et justes. Kant ajoute à cela la pureté de l’intention . On doit obéir à la loi morale uniquement par respecr pour celle-ci , uniquement par sentiment du devoir. L’être moral est l’homme libre,autonome, à la volonté désintéressée. « L’absence de tout motif égoïste, voilà le critérium de l’acte qui a valeur morale » dirait Schopenhauer, mais Kant dira dans les fondements de la métaphysique des mœurs 

– éthique de la responsabilité ( réaliste et acceptant des moyens en désaccord avec les valeurs pour arriver au but) et éthique de la conviction ( qui se veut totalement pure, mais qui peut apparaître très angélique et sans effets)

 Selon Kant : « Il est absolument impossible d’établir par expérience , avec une entière certitude , un seul  cas où la maxime d’une action ait  uniquement reposé sur des principes moraux et sur la représentation du devoir » car il y a toujours ce « cher moi » qui est présent .

Fiche de révision: égalité et inégalité

  JUSTICE ET EGALITE 

  • Spontanément l’égalité nous apparaît juste. D’où le symbole pour la justice de la balance et ses plateaux équilibrés. L’égalité paraît juste car :

parce que nous vivons dans une démocratie qui est elle-même un principe d’égalité. En effet, la règle démocratique de base (un homme = une voix) est une règle égalitaire, qui dit que, dans le processus de la décision publique, chacun dispose du même pouvoir, du même poids. Le principe égalitaire de la démocratie devient alors forcément une norme politique.

– parce que nous considérons qu’en tant qu’homme, bien que différents, nous sommes des semblables. Nous sommes tous des sujets pensants et libres, et en tant que tels nous avons tous une valeur absolue, une dignité qui nous place au-dessus des objets qui ont un prix, une valeur relative. Du coup, on ne peut dire qu’un homme vaut plus qu’un autre, chacun vaut autant car chacun a une valeur inestimable, incommensurable. Cela oblige donc à considérer chacun de la même manière, de le traiter à égalité avec les autres.

– tout le monde s’accorde aujourd’hui sur l’égalité des citoyens devant la loi et face aux droits et devoirs. Et cette égalité est pensée comme une stricte égalité arithmétique ( 1 citoyen =1 citoyen ). Ce qui est juste, c’est donc ici la stricte égalité. Ici, c’est-à-dire, selon ARISTOTE  le domaine de la justice commutative, celle qui concerne les échanges, des contrats politiques mais aussi économiques. Il est juste que le vendeur et l’acheteur soient égaux dans une transaction, que deux acheteurs soient égaux et traités de la même manière, que lorsque deux personnes passent un contrat , les 2 parties soient traitées comme égales, pas d’avantage pour l’une ou l’autre sinon le contrat est nul, une partie est lésée.

  •  Mais cette stricte égalité est-elle toujours juste, cet idéal égalitaire est-il le plus juste ?

1.  Traiter également tout le monde, c’est traiter tout le monde de la même manière, mais cela ne veut pas dire amener tout le monde à la même situation par là. En effet, du fait des différences entre les individus, il y a une inégalité de départ, une inégalité de conditions. Et un même traitement appliqué à des situations différentes ne donnent pas les mêmes effets. Exemple : apprendre à lire de la même manière à tous les enfants, à égalité de traitement, sans prendre en compte les inégalités initiales, par exemple sur la maîtrise de la langue française (vocabulaire, structures de la langue), débouche sur une encore plus grande inégalité. Pourtant, dans ce cas, il y aurait égalité de traitement, mais c’est cette égalité de traitement qui est inégalitaire. D’où l’idée que traiter différemment les gens différents pour  compenser les inégalités de positions initiales est juste. La justice sociale s’obtient là paradoxalement en traitant les individus de façon inégale. On est là dans le domaine de l’équité. Ce qui est équitable est juste, mais peut passer par des inégalités de traitement.  Et donner la même chose à tout le monde quel que soit le revenu, par exemple, reviendrait à augmenter de la même façon les revenus des plus riches et des plus pauvres, ce qui ne réduirait pas les inégalités. C’est ce que disait déjà ARISTOTE pour qui dans le domaine de la justice distributive, celle qui concerne la répartition des charges, des revenus et des aides, il convient d’appliquer une égalité géométrique, c’est-à-dire proportionnelle par rapport à un élément de comparaison : il est juste que celui qui a le plus besoin reçoive plus, que celui qui est le plus méritant ait plus, que celui qui est le plus qualifié ait plus de responsabilité, etc.. D’où des politiques d’aide sociale de plus en plus individualisées, des politiques de « discrimination positive « , c’est-à -dire des politiques qui, explicitement, accordent plus à certains individus qu’à d’autres, du fait de leur inégalité de situation initiale.

Dans la justice corrective, c’est-à-dire le judiciaire, tous les crimes ne se valent pas. Cela dépend de la victime, de la situation, du criminel même si tout crime doit être puni. Donc là il ne faut pas un traitement égal, mais un traitement au cas par cas. D’où le rôle important du juge qui doit non pas appliquer la loi à la lettre, mais veiller à rester fidèle à son esprit. D’où l’importance de la jurisprudence. Il doit donc éviter une égalité parfaite qui aurait des effets injustes en examinant le cas particulier dans sa particularité. Il peut donc préférer à l’application systématique de la loi, par définition générale et parfois inadaptée, l’équité qui préfère l’esprit de la loi à sa lettre. L’équité qui est une justice au cas par cas peut vouloir l’égalité ou l’inégalité , et parfois même la transgression de la lettre de la loi si  son observation est par exemple « préjudiciable au bien commun » , comme l’illustre Saint Thomas d’Aquin.

2. l’idéal égalitaire n’est pas le même pour tous : pour certains, il est réalisé s’il y a  l’égalité des droits, c’est-à -dire l’égalité devant la loi. Elle consiste à garantir à chacun le même ensemble de droits, ce qui est légalement possible pour un doit l’être également pour tous les autres. Et c’est tout.  D’autres plus exigeants aspirent à une égalité des chances. D’autres enfin veulent une égalité des positions, une  égalité réelle. Et on entre alors dans des débats idéologiques. Il peut sembler que chaque conception corresponde aux intérêts des uns et des autres. On peut alors comprendre que certains privilégiés  (les forts, riches, compétents,…) considèrent  que l’égalité en droits suffit et que certains désavantagés (les faibles, les pauvres, les « incompétents »,..) y voient une justice insuffisante et même une injustice profonde, rappelant que la justice doit corriger la nature, pas la ratifier et que l’inégalité est injuste et qu’ils défendent par contre l’idée que ce qui est juste, c’est de donner à tous la même chance, en donnant plus à ceux qui au départ ont le moins reçus, donc à chacun selon ses besoins. D’où l’idée de droits sociaux inégalement distribués.

 Mais on se trouve là face à un conflit d’intérêt, l’égalité étant la revendication des faibles plein de ressentiment pour les forts (« la revendication des droits égaux est anti-aristocratique » selon Nietzsche et prouve l’individualisme et l’égoïsme des faibles, incapables de s’effacer devant la Cité et l’intérêt de tous)  et l’inégalité étant l’argument des forts dans l’intérêt de tous ( et surtout favorable à la conservation de leur privilège, belle manipulation idéologique). Cela signifie-t-il que la justice n’est que la défense de nos intérêts ? et relative ? La théorie du voile d’ignorance de J . RAWLS  (1971) permet peut-être de sortir de cette impasse :

– son présupposé de départ, c’est que ce qui est juste, ce n’est pas ce qui correspond à une idée de la justice (car comme nous venons de le voir, il y opposition d’opinions différentes), mais ce qui est le résultat d’ une juste procédure. D’où sa théorie de la justice procédurale. Ex. une loterie : il n’est en soi pas juste qu’un gagne tout et les autres rien, sauf si tout le monde est d’accord avec la règle et si la chance de gagner est la même pour tous. (La procédure du voile d’ignorance consiste à poser des individus dans une position purement hypothétique : imaginons qu’ils sont ignorants de leur place dans la société, de leurs dons naturels et donc de leur conception du Bien et du juste (fonction de leur intérêts qu’ils ignorent ou de leur mode de pensée qu’ils ignorent aussi) et qu’ils soient chargés par une négociation rationnelle d’établir dans un accord commun ce qui est juste, sachant que chacun pense d’abord à soi, à son intérêt sans savoir quel est cet intérêt. RAWLS dit qu’ils vont s’accorder :sur une égale distribution des droits et devoirs de base ET sur une inégalité socio-économique si elle avantage chacun et en particulier les plus défavorisés : en somme, il n’est pas juste que certains possèdent moins pour que d’autres possèdent plus, mais si un petit groupe possède plus, et que ceux qui possèdent moins y gagnent, alors ils peuvent même aider ceux qui possèdent plus.Mais, il faut ajouter à cela : des mesures redistributives pour une égalité équitable des chances et pour laisser à chacun sa liberté ( un revenu minimum pour éviter la servitude, financement des élections par l’Etat pour éviter les fonds privés et l’exclusion de certains). En somme, Rawls prétend qu’il y a, par delà les conflits d’intérêts et de classe, un accord sur « un idéal socialiste démocrate dans un cadre libéral »)

Fiche de révision: l’histoire

 

 Histoire (et science)

C’est au XIXème siècle positiviste que l’histoire « science des documents » revendique ce statut car elle considère qu’elle s’efforce de faire le même travail rigoureux et explicatif ( elle cherche des causes aux évènements et ne cherche plus simplement à établir les faits ( chronologie) ou faire un simple récit du passé ). On est passé de l’histoire originale des mémorialistes à l’histoire réfléchie.

Malheureusement le statut scientifique de l’histoire comme toute science humaine pose problème pour deux raisons : le sujet connaissant ( l’historien) et l’objet d’étude ( le cours de l’histoire):

  • Raymond Aron(1905.1983) « l’homme est à la fois sujet et objet de la connaissance historique »

Cette phrase signifie :

  1. que l’homme est l’objet de la connaissance historique: l’homme a une histoire, un devenir dans le temps. L’homme n’a pas simplement comme tout ce qui est et devient, une temporalité ( fait d’être dans le temps, soumis au temps et son érosion) , il a une historicité. Il a une histoire, c’est-à-dire qu’il devient dans le temps mais en ayant conscience d’être dans le temps, en étant cause entière ou partielle des changements qui forment son devenir ( ce qui n’est pas le cas des objets et même de la Nature, dont le devenir est le résultat nécessaire de lois) et aussi sans doute en ayant une certaine représentation du temps comme linéaire, tri-dimentionnel- avec un passé, un présent et un futur-, ce qui présuppose d’avoir rompu avec une conception cyclique du temps, qui est celle des sociétés « primitives » ou traditionnelles, « sans histoire » dans le sens où le présent n’est que la répétition d’un passé immémorial.
  2. que l’homme est le sujet de la connaissance historique: il fait aussi de l’histoire, de l’historiographie en tant qu’historien qui étudie le cours du devenir de l’humanité
  3. qu’il y a un lien entre les 2:

    – si l’homme a une histoire, c’est aussi sans doute parce qu’il fait de l’histoire, c’est-à-dire étudie son passé, pour en faire un récit véridique. « La conscience du passé est constitutive de l’existence historique » disait en ce sens Aron. Sans faire de l’histoire, l’homme serait prisonnier du présent, prisonnier d’un comportement instinctif, incapable de réagir, d’évoluer,d’anticiper. » L’histoire est pour l’espèce humaine, ce que la raison est pour l’individu » selon Schopenhauer.

    – si l’homme est à la fois sujet ( historien) et objet ( objet d’étude) de la connaissance historique, cela pose la question de l’objectivité de l’histoire! Comment avoir la distance critique nécessaire à un examen objectif, si c’est moi-même que j’étudie, si l’objet d’étude est l’humain avec sa liberté, déjouant nécessité et prévisions?

Conséquence: l’histoire est forcément subjective car il s’agit d’un homme étudiant le devenir des hommes et cela à travers des vestiges du passé qui sont surtout des témoignages , donc subjectifs ( chacun n’ayant pas vécu le même événement de la même manière) et même si l’historien les compare, recoupe, il va en retenir certains plutôt que d’autre selon SON interprétation , SON hypothèse.

  • SCHOPENHAUER:Seule l’histoire ne peut vraiment pas prendre rang au milieu des autres sciences, car elle ne peut pas se prévaloir du même avantage que les autres : ce qui lui manque en effet, c’est le caractère fondamental de la science, la subordination des faits connus dont elle ne peut nous offrir que la simple coordination. Il n’y a donc pas de système en histoire, comme dans toute autre science. L’histoire est une connaissance, sans être une science, car nulle part elle ne connaît le particulier par le moyen de l’universel, mais elle doit saisir immédiatement le fait individuel, et, pour ainsi dire, elle est condamnée à ramper sur le terrain de l’expérience. Les sciences réelles au contraire planent plus haut, grâce aux vastes notions qu’elles ont acquises, et qui leur permettent de dominer le particulier, d’apercevoir, du moins dans de certaines limites, la possibilité des choses comprises dans leur domaine, de se rassurer enfin aussi contre les surprises de l’avenir. Les sciences, systèmes de concepts, ne parlent jamais que des genres : l’histoire ne traite que des individus. Elle serait donc une science des individus, ce qui implique contradiction. Il s’ensuit encore que les sciences parlent toutes de ce qui est toujours, tandis que l’histoire rapporte ce qui a été une seule fois et n’existe plus jamais ensuite. De plus, si l’histoire s’occupe exclusivement du particulier et de l’individuel, qui, de sa nature, est inépuisable, elle ne parviendra qu’à une demi-connaissance toujours imparfaite. Elle doit encore se résigner à ce que chaque jour nouveau, dans sa vulgaire monotonie, lui apprenne ce qu’elle ignorait entièrement.”

    Expliquer les faits humains ce n’est pas la même chose qu’expliquer les faits naturels

  1. car là où l’explication scientifique sub-ordonne ( la nature étant uniforme, on peut expliquer le particulier par, sous ( sub) le général) ET l’histoire co-ordonne : chaque évènement étant différent ( changement de contexte, acteurs différents et libres ) , il faut trouver des causes particulières. C’est ce qu’on appelle la PRIMULTIMITE du fait historique: il arrive une seule et unique fois. Même s’il y a certaines ressemblances entre  les faits ( les guerres reviennent, des analogies, des bégaiements; selon Hegel, les évènements se produisent toujours 2 fois: une fois comme tragédie et une autre comme farce ), des apparentes constantes et peut-être même la même nature humaine ( Machiavel « Tous les peuples ont toujours été et sont encore animés des mêmes passions »), chaque évènement est différent. Valéry dans  Variété écrit en ce sens que « l’histoire est la science des choses qui ne se répètent pas« . Un évènement historique est donc semblable à un individu, c’est une totalité indivisible et unique, d’où :   l’histoire est “une science des individus” , donc ce n’est pas une science.
  2. Cela empêche aussi toute vérification expérimentale et comme l’histoire étudie ce qui n’est plus: le fait historique n’est pas donné mais reconstruit, alors qu’en science, les faits sont donnés
  3. La science explique le présent par le passé ( non seulement la cause explique l’effet, mais les mêmes causes ont les mêmes effets), en histoire c’est le présent et le futur qui expliquent  rétrospectivement le passé; car c’est quand les buts se réalisent, que l’on peut saisir les réelles intentions des hommes.

 

Pour compléter, cliquez et  écoutez l’analyse du sujet : l’histoire n’est-elle qu’un récit?

Fiche de révision: la technique

  La réflexion sur la technique a pour objet principal de combattre  deux « erreurs » sur le développement de la technique et d’analyser leurs conséquences

  • 1ère erreur: on pourrait penser que la machine est un perfectionnement de l’outil dans la logique continue du progrès technique. Mais ce qui caractérise l’outil, c’est qu’il est le prolongement de la main, son serviteur. C’est elle qui détermine le mouvement, le rythme du travail. C’est pourquoi selon Hannah ARENDT, “on ne s’est jamais demandé si l’homme était adapté à ses outils” autant se demander s’il était adapté à ses mains. Mais la machine est, elle, un outil autonome par son indépendance énergétique, puis opératoire, puis régulatrice et enfin organisatrice. Du coup, la machine n’est plus un outil et il y a rupture plutôt que continuité et cela a des conséquences négatives ( et non positives comme attendu du progrès technique: développement : mouvement en avant ? progrès : avancée vers un mieux):

  1.  l’homme en tant qu’utilisateur doit s’adapter à la machine.
  2. il peut  y avoir une perversion des fins et des moyens dans le sens où la machine peut en partie décider des fins, alors que l’outil était au service des fins pensées par l’homme, réduit à un moyen. En donnant de nouveaux moyens, la technique offre aussi de nouvelles fins et sous certaines conditions, les impose: Loi de Gabor « tout ce qui est techniquement possible sera réalisé »
  3. cela accroît la rupture entre le savoir technique et l’utilisation de la technique. L’ouvrier se trouve face à une machine dont il ignore le fonctionnement. C’est la théorie de SIMONDON et de SIMMEL avec la tragédie de la culture.
  4. il y a aliénation du travail avec le machinisme: dépossession du savoir-faire, de la production individuelle, de la production collective ( exploitation) = fin du cogito pratique de Hegel, l’homme ne peut plus s’affirmer comme celui qui nie la nature, transforme le donné naturel.
  5. cela change notre rapport au temps libre dévoué au délassement, au divertissement et au développement de soi ( qui permettrait de récupérer là ce qui est perdu au travail, quand il est aliéné)
  6. Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin il bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin il vapeur, la société avec le capitaliste industriel. Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur productivité matérielle produisent aussi les principes, les idées, les catégories, conformément il leurs rapports sociaux. » Marx, Misère de la philosophie
  7. cela peut aussi changer l’ordre des choses dans notre représentation, d’où une “barbarie technologique” ( la tyrannie de l’inférieur ? la tyrannie du supérieur = angélisme) quand les valeurs techniques l’emportent, pourrait-on dire. Analyse de Comte-Sponville dans Le capitalisme est-il moral?, où il reprend l’idée de Pascal d’une distinction des ordres, même si Pascal en distingue 3 ( la chair, la raison, le Cœur) et lui 4 ( ordre matériel, ordre politique, ordre moral, ordre éthique)
  • 2ème erreur : on pourrait aussi penser que la technique moderne n’est qu’un perfectionnement de la technique traditionnelle, mais là aussi, il y a rupture et nouveautés:
  1. on est passé , selon Heidegger , d’un certain mode de dévoilement de la nature ( elle est la cause première que nous accompagnons comme cause efficiente, en l’entourant de soi; distance respectueuse) à l’arraisonnement et à la provocation ( nous sommes la cause première, elle est simple cause efficiente)
  2. on a acquis de nouveaux pouvoirs: détruire,( bombe atomique) partir ( conquête spatiale = Hannah Arendt), se substituer, modifier à la racine ( génétique) alors que l’homme s’était jusqtue là penser comme habitant de la nature, de la Terre ( mère) et comme dépendant de celle-ci. Ces nouveaux pouvoirs ont des effets qui dépassent nos capacités de prévision : l’homo faber a pris le pas sur l’homo sapiens et a les moyens de provoquer une catastrophe globale, que l’on pressent d’où une certaine technophobie
  3. si on ajoute à cela le triomphe de la science et de la raison calculatrice (comme le souligne Max Weber, l’esprit du capitalisme ( ascétique au départ)  s’est échappé de sa cage et qu’il ne reste plus qu’une cage d’acier sans cause ni limite transcendante. « le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu’à la façon d’un léger manteau qu’à chaque instant on peut rejeter, mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier » quand il y a « mécanisation bureaucratique », rationalisation, calculabilité et que cette rationalité ( et son efficacité) vaut pour elle-même, quand le capitalisme allié à la technique sont parvenus à « imposer une approche méthodique de l’homme tout entier ») et un vide éthique (l’Aufklärung a détruit la foi, le sacré, idée de transcendance ( homme-Dieu), relativiser la morale : la question de « savoir si sans le rétablissement de la catégorie du sacré qui a été détruite de fond en comble par l’Aufklärung scientifique nous pouvons avoir une éthique capable d’entraver les pouvoirs extrêmes que nous possédons aujourd’hui et que nous presque forcés d’acquérir et de mettre constamment en œuvre. ») : Dès, il y a danger, car le pouvoir technique est sans garde fou, les normes et valeurs étant les siennes, pour la nature et l’homme, d’où la nécessité de l’éthique (et en particulier l’éthique environnementale: l’écologie.) quand la nature n’est plus l’objet d’un respect immédiat ( comme œuvre divine, comme cause première, objet de contemplation – si le rapport a elle est purement technique- comme objet de crainte – face à sa toute-puissance).

ATTENTION !!

Préserver n’est pas respecter d’où la différence entre éthique inclusive qui rappelle à l’homme qu’il est inclus dans la nature qui est son environnement et a donc une valeur pour lui et une éthique extensive où les êtres vivants ont une valeur en eux-mêmes qui implique un respect au sens kantien du terme. En tant qu’être sensible, il pose des valeurs ( le bon et le mauvais pour eux) en tant qu’être finalisé, ils poursuivent des fins, ne serait-ce que celle de se maintenir en vie, en tant qu’être ayant une vie psychologique, ils sont les sujets-d’une-vie. Tout cela en fait des sujets, des sujets de droits face auxquels nous avons des devoirs.

Fiche de révision (et vidéos): théorie et expérience

  

Théorie et expérience ( la science)

1. l’empirisme

On pense ici que l’observation, l’expérience sont les seules sources de la connaissance. Il suffit de bien observer , d’accroître l’efficacité du regard pour que la nature dévoile ses lois. On s’oppose à l’innéisme et au rationalisme, et on part du principe de Locke (1632-1704) selon lequel on départ l’esprit est « une table rase » que les objets de l’expérience viennent marquer. Les conditions de cette information de l’esprit sont : une totale objectivité ( comme le dira Popper « la connaissance objective est une connaissance sans connaisseur, sans sujet connaissant ), les  conditions de l’induction (un grand nombre d’observation, dans des circonstances variées et aucune observation contradictoire).

2. Ses limites

on peut démontrer aisèment que si « toute notre connaissance débute par l expérience, cela ne prouve pas qu »elle dérive toute de l expérience » ,selon Kant, car si sans intuitions sensibles ( expérience) les concepts sont vides et creux ( simple idée ou postulats) , sans concepts, les intuitions sont aveugles et ne disent rien ; et que, donc, l’empirisme est insuffisant, stérile et impossible 

On peut montrer :

  • l’insuffisance des critères de l’induction ( ex. de la dinde de Russell)
  • l’impossibilité de passer par induction du particulier au général, à l’universel sans le postulat du déterminisme de la nature, remis en question par le principe d’incertitude d’Heisenberg ou la physique quantique: la science présuppose que tout phénomène est l’effet d’une cause, mais comment passer de l’observation de la contiguïté régulière de deux faits ( c’est-à-dire au fait qu’ils se succèdent dans le temps et se « touchent ») à l’affirmation d’une connexion universelle? C’est la question que pose HUME et qu’il résout (?) en disant que c’est parce que nous fonctionnons à l’habituide ( aussi on s’attend à ce que le futur ressemble au passé comme jusqu’à présent), que Kant résout en disant que c’est ainsi que nous lions les phénomènes ( la loi est pour nous dans notre représentation, mais peut-être pas une caractéristique de la réalité- nouménale- en soi, en tout cas on ne peut l’affirmer).  Il y a donc une cause, mais ce n’est pas nécessairement La cause et cela ne permet pas d’affirmer que nous connaissons la cause de la cause à savoir une loi de la nature

  • l’impossibilité d’une observation scientifique sans arrière fond théorique (1,2) et objective (3) car :

1. les instruments utilisés pour observer ( microscopes, télescopes, instrument de mesure…) sont déjà en eux-mêmes « des théories matérialisées », comme le note Bachelard.  

2. Il n’y a de fait scientifique que s’ il y a déjà théorie, question, hypothèse.

– En effet, comme le dira Claude Bernard « une simple constatation des faits ne pourra jamais constituer une science ». L’observation est toujours particulière et passive. « les sens ne donnent jamais que des exemples, c »est-à-dire des vérités particulières et individuelles » , selon Leibniz. Il y a « fait scientifique » que s’il y a « observation polémique » selon Bachelard Ex : la gravitation ou loi de l’attraction de 1687 de Newton , comme réponse à l’observation polémique du mouvement circulaire de la terre en contradiction avec la récente découverte du principe de l’inertie, venant mettre un terme à des siècles de physique aristotélicienne selon laquelle l’essence du mouvement est de s’arrêter, conformément à l’observation. Comme le dit R. Thom « toute expérience est réponse à une question et si la question est stupide , il y a peu de chances que la réponse le soit moins ». Du coup, il y a une place pour l’imagination en science. En général, on considère l’imagination comme « maîtresse d’erreur et de fausseté »  comme le dit Pascal, comme capable de faire douter la raison ( ex. de la planche entre les 2 tours de Notre-Dame de Paris , de Montaigne). Mais l’imagination permet d’organiser le divers sensible, de proposer une première synthèse, par ex. , je vois une partie et j’imagine le reste. Elle permet ,comme les mots, de donner au travers d’image , une « idée corporelle » des choses pensées. L’imagination , en déformant les images premières par une explosion d’image est , selon Bachelard , « la science de l »hypothèse ». Comme le dit Einstein , « les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit » et le scientifique se doit d’être « ingénieux » pour découvrir uniquement au mouvement des aiguilles et au tic tac, le fonctionnement du boitier fermé qu’est l’univers. (Texte photocopié) DONC en science ce qui semble prévaloir ce n’est pas l’observation , certes importante, mais la théorie qui vient décider, orienter et guider l’observation. Les faits ne parlent pas d’eux-mêmes, ne sont pas donnés, « les faits sont faits » , comme disait Poincaré. Reconnaître  cela, c’est reconnaître ce que Kant a appelé dans la critique de la raison pure  «  la révolution copernicienne de la science ». De la même manière que Copernic a montré que  le soleil, et non la terre, est le centre du système ; le centre de la connaissance est le sujet connaissant. C’est lui qui par sa raison  produit des « expériences abstraites » inobservables ( ex. le plan incliné de Galilée pour un mouvement rectiligne et uniforme) qui « prolonge » et éclaire le réel. C’est lui qui «  prend les devants » et « force la nature » à repondre à ses questions. Le scientifique est un activiste, « un  essayeur » ; Il n’observe pas passivement  la nature, « tenu en laisse ». 

– le grand présupposé de la science moderne ( qu l’on associe à Galilée) est que « le grand livre de la nature est écrit en langage mathématique » ( ce qui revient à dire si on associe l’ordre du monde à une volonté divine que « Dieu ne joue pas aux dés », comme le dira Einstein , soutenant l’existence d’un Dieu cosmique, un peu semblable à celui de Spinoza ( et donc différent du Dieu de nos religions et s’opposant à l’indéterminisme de la physique quantique.

  • les limites de l’objectivité scientifique : la science n’est pas « un empire dans un empire », séparé   d’un monde matérialiste,divisé et dominé par des idéologies. Elle est en prise directe avec la société pour laquelle elle représente un investissement et en laquelle elle voit un marché financier et un public à satisfaire. Deux exemples montrent bien cela :

ex.n°1 : opposition entre Darwin (1809-1882) et Lyssenko (1898-1976)

ex.n°2 : l’affaire de la découverte de Piltdown de 1911 à 1953 où on voit des facteurs extra-scientifiques ( préjugés culturels racistes, vénération de l’objet scientifique, compétitivité …) aveugler les scientifiques.

Comme le dira Popper , « la pureté de la science pure est un idéal probablement impossible à atteindre », et de plus l’objectivité ne vient pas de celle du scientifique qui ne peut être d’aucun temps, d’aucun lieu ; mais de l’ouverture de la science à la critique par tradition, par compétition, par institution.  

II. Science et vérité

 On a tendance à associer science et vérité mais 

1.la limite de la vérification expérimentale ex.n°1: la querelle entre Pasteur et Pouchet en 1864 doute de Pasteur mais enjeux économiques et idéologiques.ex.n°2 : les expériences venant «  invalider » la théorie de Copernic : la tour, la roue,la taille des étoiles, de Vénus et de Mars.« L’échec de la prédiction peut venir de n’importe quelle partie de la situation complexe soumise aux tests autre que la théorie elle-même » Chalmers 

2.les limites de la conception de la vérité:

– la conception probabiliste(1) dans la lignée de la conception traditionnelle (2) de la vérité comme« vérité correspondance », absolue et universelle car les probabilistes ne mettent pas en doute que ce qui est observé est LA réalité et vise le 100%.

– la conception falsificationniste (K.Popper). Il prétend rompre avec (1) et (2). Pour (1) , il affirme que la probabilité qu’une théorie scientifique (loi universelle) soit vraie est nulle car n cas favorables sur une infinité de cas possibles égaux est égale à 0.Pour (2) , il affirme qu’ « un système de conjectures et d’ anticipations n’est ni vrai ni plus ou moins certain ni même probable ». pour lui, les hypothèses ou conjectures ne sont que des « essais » qui tant qu’ils résistent à l’épreuve des tests sont des « essais réussis » , des « corroborées ». Et ici , le degré de corroboration n’est pas un critère de vérité, une conjecture reste une conjecture. Ce degré de corroboration est simplement « la mesure de rationalité qu’il y a à accepter à titre d’essai , une conjecture problématique en sachant que c’est une conjecture mais qui a été l’objet d’un examen minutieux ». Et cette falsifiabilité est en tout cas ce qui distingue une théorie scientifique d’une théorie non scientifique, comme la psychanalyse selon Popper.

 

– une conception pragmatique ( W. James 1842-1910 ) en rupture aussi.« Science d’où prévoyance ; prévoyance d’où action » disait Comte.« Le vrai consiste uniquement dans ce qui est avantageux pour la pensée » et l’action, selon W.James

« Il n’y a pas d’autorité supérieure à l’assentiment du groupe concerné ; pas de critère universel, hormis celui-ci : celui de résoudre des problèmes » selon Kuhn.

Kuhn est le philosophe que pense que la science ne progresse pas de manière continue mais par changement brusque de paradigme et donc progrès discontinu

Fiche de révision : le langage

 

Introduction : les limites du schéma de Jakobson sur le langage et ses fonctions

 La communication est la transmission via un canal (un code commun, une langue) d’un message par un émetteur (le locuteur) à un récepteur (l’auditeur) et consiste en une opération de codage/décodage dont l’objet est le contenu du message. Cette représentation de la communication peut engendrer différentes erreurs d’interprétation :

– croire que l’émetteur et le récepteur préexistent à toute communication or je ne suis sujet communicant que par et dans la communication et même sujet que par l’usage du mot « je »

– faire de la communication un système de codage/décodage , c’est croire que communiquer et en particulier parler, c’est mettre en mots un contenu antérieur à ces mots, une sorte de texte infra-linguistique , une pensée sans mots

OR comme le dit Hegel : « Nous n’avons conscience de nos pensées, nous n’avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons une forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, que nous les marquons de la forme externe.(…)C’est le son articulé , le mot, qui seul nous offre une existence où l’externe et l’interne sont  si intimement unis.

Par conséquent, vouloir penser sans les mots est une tentative insensée. (…) Il est également absurde de considérer comme un désavantage  et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu’il y a de plus haut, c’est l’ineffable… Mais c’est là une opinion superficielle et sans fondement ; car en réalité l’ineffable, c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. Sans doute, on peut se perdre dans le flux des mots sans saisir la chose . Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n’en est pas au mot. Par conséquent, l’intelligence en se remplissant des mots, se remplit aussi de la nature des choses ».     

  • – Penser que le centre et l’objet de la communication est le message. Or ce n’est pas forcément le cas, la fonction référentielle qui cherche à indiquer quelque chose dans la réalité n’est qu’une des 6 fonctions du langage selon Jakobson. Il y a aussi par exemple la fonction phatique dont le but est uniquement de maintenir un contact acoustique avec l’auditeur quelque soit ce qui est dit, ou les fonctions expressive ou impressive où le centre de la communication n’est pas le message en lui-même mais notre position par rapport à lui ou susciter chez le récepteur une certaine impression, un état d’esprit ( on va jouer par exemple plus sur l’intonation que le contenu)

 

 

•I.                    PAROLE HUMAINE ET COMMUNICATION ANIMALE

 Si communiquer c’est échanger des messages il est incontestable que les animaux communiquent. Comme le disait Montaigne, « il y a entre les bêtes une pleine et entière communication » non seulement entre celles de même espèces mais entre celles d’espèces différentes. Mais comme le souligne Descartes parler, c’est autre chose, c’est « arranger ensemble diverses paroles », « composer un discours qui fasse entendre sa pensée ». Or les bêtes ne pensent pas, alors elles ne parlent pas. Et  parler est un acte de communication qui se différencie radicalement de tout autre type de communication, pour différentes raisons :

  •  Le langage des Abeilles et les analyses de Benveniste.

Malgré l’efficacité et la sophistication de cette danse ( indiquant la position spatiale au degré près des fleurs à butiner) , on ne peut pas dire que les abeilles parlent car :

-pas d’usage de sons articulés

-pas de dialogue , ni de capacité de transmettre un message reçu

-pas de composition, code stéréotypé d’où limite, ce qui sort de la situation stéréotypée n’est pas exprimable (ex. idée de verticalité)

-mais surtout des SIGNAUX mais pas des SIGNES. C’est cette différence fondamentale qui fait que l’on peut réserver la parole à l’homme.

 

  Le langage des abeilles est un langage de signaux, c’est-à-dire qu’il consiste à envoyer et à recevoir des signaux, qui sont des signes avertisseurs. La danse est comprise comme un signal, c’est-à-dire une association de 2 faits physiques : la vision de la danse et l’action de partir butiner. Ce qui explique l’absence de dialogue. La danse est l’équivalent d’un feu rouge (rouge/Stop/ appuyer sur le frein). Et pour comprendre un feu rouge, il suffit d’avoir des yeux (fonction sensori-motrice) et une mémoire pour associer vision et action.

Comprendre un mot , c’est tout autre chose : un mot est un signe linguistique qui est , selon Ferdinand de Saussurre, composé d’un signifiant ( image acoustique d’un son) et d’un signifié ( concept défini à la  fois positivement comme dans une définition et négativement par rapport aux autres concepts. Par ex. une table , c’est un plan horizontal avec pieds permettant de poser qlque chose ; voilà la définition par abstraction ; mais c’est aussi pas un tabouret, ni un plan de travail, ni……., définition par la différence au sein de la langue ) . Le rapport entre le signifiant et le signifié est arbitraire ou plutôt immotivé, tout comme le rapport entre le signe et le référent, objet dans la réalité.  En ce sens, un signe n’est pas un symbole. Un table ne s’appelle pas ainsi parce que le son ressemble à la table, c’est une convention comme le disait déjà Hermogène à Cratyle dans Le Cratyle de Platon. C’est aussi le cas des onomatopées ( par ex. cocorico n’est pas une symbole, la preuve :les coqs chantent tous pareils, mais ils ne poussent pas le même cri dans toutes les langues).

Du coup, pour comprendre un signe, il faut certes le lire ou l’entendre, mais surtout une « faculté de représentation ». Il faut être capable d’associer à un fait physique (son, lettres écrites) un sens, qui présuppose pas simplement une mémoire ,ni même une imagination (son/image de…)  mais une capacité conceptuelle à maîtriser des catégories, à se représenter une chose en dehors de sa présence et de toute caractéristique particulière. Il faut associer un son à un concept , dc avoir la capacité d’abstraction , de généralisation, de penser. OR comme le dit Benvéniste , il semble que seule l’humanité ait franchi le seuil de la représentation. Et c’est cette capacité symbolique qui fait que seul l’homme parle, mais aussi est technicien ( manipule des outils et tire de la nature des outils) et échange ( la monnaie présuppose cette capacité symbolique) .

Et, c’est cette différence qui nous distingue encore des animaux même quand ils semblent comprendre notre parole, comme les singes. Ils voient des signaux , là où nous émettons des signes, sauf  le bonobo KANZI mais parle-t-il pour autant ?

 Descartes n’a donc pas été totalement démenti. L’animal ne communique que des passions, des affections pas des pensée, donc il ne parle pas même si il comprend les mots comme des signes.

– Et, à Descartes, un linguiste américain ,Chomsky ajoute un autre argument qui semble retirer la parole aux singes définitivement ,qui est le suivant : parler est une « performance » qui exige au départ une compétence . Cette compétence est une organe mental innée , qui est « la grammaire universelle », qui est à la base de toutes les grammaires de toutes les langues. Cette grammaire est « l’essence du langage humain ». Elle consiste à connaître  les universaux linguistiques  avant même de parler (substantifs, adjectifs,…) ainsi que des règles de grammaires élémentaires permettant de former des phrases grammaticalement correctes sans avoir appris ces règles. En somme avant même de faire l’apprentissage de la parole, les structures sont là, potentiellement ne demandant qu’à être développées. Or l’animal ne les possèdent pas virtuellement au départ, d’où la différence radicale et les limites de son apprentissage. Cependant, la thèse de Chomsky pose le problème de l’immersion de l’enfant dès le départ dans la parole ; avant de parler, on lui parle alors comment savoir ce qui est innée et ce qui est acquis ? Et donc vérifier la thèse de Chomsky ?

 

•II.                  Les mots, le monde et la pensée

 

– La langue, le monde et notre rapport au monde

 Pour les hommes si le monde possède une existence, c’est parce que leur langue donne un nom à ce que leur sens peuvent percevoir. S’il importe peu aux choses d’avoir un nom ou pas, pour l’espèce humaine, c’est très important.

Nommer n’est pas reproduire, mais classer. Donner un nom  aux choses, ce n’est pas leur donner une étiquette qui serait une photographie de celles-ci. Les langues ne sont pas des inventaires. Les mots «  sont des sources de concepts » et permettent d’organiser le monde en catégories conceptuelles, dc de le penser. « les noms filtrent le réel, le rendent pensable et dicible ». Et ces catégories ne sont pas propres à la nature des choses, mais aux langues. La langue ordonne le monde, selon « une double structuration » :

  • 1. selon les universaux, des catégories que l’on pose par abstraction
  • 2. selon une grille interprétative propre à chaque langue et faite de différences au sein de la langue.

 

La conséquence de ceci , c’est que les langues influencent notre conception du monde. C’est l’hypothèse de « Sapir- Whorf », deux linguistes du début du XX. Comme le dit Sapir « « le monde réel » est dans une large mesure construit à partir de l »habitus linguistique des différents groupes culturels ». Les individus sont condamnés à penser le réel à travers le découpage du réel propre à leur langue et manier une langue, c’est mettre en œuvre différents mécanismes mentaux.

Ex.1 : les langues européennes font la différence entre adjectif et substantif, qui est la même qu’entre accident ou attribut et substance, entre  réalité permanente, idéale et diversité variable , sensible . La table reste permanente, mais elle peut être une table carrée, ronde, bleu, verte. En chinois, cette différence entre adjectif et substantif n’existe pas, on compose différents termes au même statut. Ex : un cheval blanc est l’association de cheval et blancheur. D’où la difficulté pour un chinois de penser  Dieu comme « La substance qui enveloppe tous les accidents », ou l’être.

Ex .2 : Ceci dit la logique des langues n’est pas pour  autant pure. Et il y a même une autonomie des langues par rapport à la logique. Par ex. en logique , une tautologie n’apporte rien de plus au point de vue de l’information, mais des proverbes comme il faut ce qu’il faut, ou ce qui est dit est dit, ou les affaires sont les affaires veulent dans un contexte particulier dire quelque chose de plus, un effet de renforcement. En pure logique, « pas très » veut dire « pas du tout », dans une phrase non comme dans « il n’est pas très malin ». En pure logique, deux termes opposés veulent dire le contraire, dans une phrase pas forcément, comme « c »est un accident dont on imagine la gravité » et « c »est un accident dont on ne peut imaginer la gravité », dans les 2 cas, c’est grave.  D’où la méfiance face aux langues si peu logiques, qui ne sont pas un savoit mais une pratique, qui ne vise pas le vrai mais l’échange. Et l’idée d’une langue universelle parfaite logique correspondant à un ordre naturel et permettant de dire le vrai.

 

L’ordre des mots ne correspond pas à l’ordre du monde , ni à un ordre naturel de voir le monde comme par exemple :

  • – la phrase avec S (sujet)-V (verbe)- O (complément d’objet). En langage sourd et muet, c’est SOV ou OVS comme dans la récitation gestuelle, on voit le lièvre (O), poursuivi et donc chasser (V) par le chien (S). OVS correspondrait à l’ordre de la vision, et à l’ordre du monde où les effets ne précèdent pas les causes

Mais c’est à travers cet ordre que nous nous approprions le monde et le pensons, et y échangeons.

 

– Les mots et la pensée

La conséquence de cela, c’est que « nous pensons un monde que notre langue a modelé » comme le dit Benvéniste d’où certaines limites (Cf : III .A. Bergson)  Et que ,par les mots, on peut influer sur la pensée. Les mots ont alors un pouvoir sur nous et ce qui les maîtrisent nous maîtrisent aussi en même temps qu’ ils nous donnent un pouvoir sur les choses. (Cf : Texte de Hegel en intro)

 

•III.               La communication et ses limites

 

Selon P. Watzlawick ,« le comportement possède une propriété on ne peut plus fondamentale (…) : le comportement n’a pas de contraire . (…) Il n’y a pas de non -comportement, ou pour dire les choses encore plus simplement on ne peut pas ne pas avoir de comportement ». Or comme tout comportement est un message , il est une manière de communiquer ,donc cela revient à dire qu’on ne peut pas ne pas communiquer. Que l’on parle, ou se taise, on communique, et dans le second cas au moins qu’on ne veut pas communiquer.

Ceci dit, cela ne veut pas dire pour autant que toutes nos communications soient réussies , que nous parvenons à dire ce que nous avons à dire et à être compris comme on voulait être compris. Mais d’où vient l’échec ?

 

Peut-on dire tout ce que nous voulons dire ?

 

On peut prendre cette question à 2 niveaux, celui de la possibilité de dire et celui du droit de dire. De plus , on peut entendre par dire , soit uniquement énoncer quelque chose au sens de « parler » soit l’énoncer et être compris . Car on peut comprendre l’expression « parler pour ne rien dire » comme le propre d’une parole vide ( qui ne désigne rien, qui ne fait référence à rien, sans contenu. Ce qui caractérise le verbalisme. ) mais aussi à une parole en l’air ,incomprise et donc inutile (« on gaspille sa salive »).

 

  • 1. D’où vient cette impossibilité de dire?

-si on prend dire au sens de signifier, énoncer cela peut venir soit de ce qui est à dire : pensée trop obscure , confuse que l’on n’est pas parvenue à clarifier, affiner  souvent plutôt faute d’analyse que  de mots adéquats car loin de caricaturer la pensée , les mots permettent de la rendre consciente et précise ( d’où illumination quand on trouve  enfin le mot juste pour cerner ce qu’on pensait vaguement ) et à l’inverse comme le disait Boileau dans son Art poétique , « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisèment ». Ici, l’obscurité dans la forme cache une obscurité dans le fond ou même une volonté d’obscurantisme. Ou pensée trop personnelle. C’est l’hypothèse de Bergson . Pour lui, la langue, comme on l’a vu en II.A , correspond à un certain découpage du réel et à une certaine représentation de la réalité. Comme le langage est au départ utilitaire, vise à faciliter l’action commune, le rapport utilitaire au monde, la langue est composée de mots correspondant à des genres, à une classification simple et pratique du réel. Les mots ne retiennent que l’aspect général , banal, commun des choses par-delà leur particularité, leur originalité. La langue simplifie le monde en quelque sorte. Du coup, comme on pense  le monde à travers la langue , on le pense à travers « cet écran » , on se pense à travers ce filtre, ce qui nous empêche de percevoir et même de dire certaines choses. Par exemple, lorsqu’il s’agit de dire quelque chose de très personnel  comme une émotion, un sentiment , bien souvent les mots manquent ou ne peuvent traduire ce sentiment dans sa particularité. Et, même pire, les mots nous empêchent de saisir ces particularités; soit des moyens pour le dire , comme si , comme le disait Diderot, nous avions « plus d’idées que de mots ». En somme, l’impossibilité de dire vient d’un décalage entre la pensée et les mots, d’une inadéquation.

-si on prend dire au sens d’énoncer et être entendu/compris, il se peut que nous ayons l’impression d’avoir dit ce que nous voulions dire, mais l’autre ne comprend pas. Cette incompréhension peut venir des équivocités lexicales, syntaxiques ou de significations. En effet, les mots prêtent parfois à confusion car ils sont polysémiques. Par ex. voulant dire que Pierre déménage l’horloge au grenier, en disant « Pierre remonte l »horloge au grenier », mon interlocuteur peut comprendre qu’il la remet en ordre de marche dans le grenier. Marthe Robert donne avec le malheureux « mokusatzu » du premier ministre japonais à la vieille  du bombardement d’Hiroshima, un bel exemple d’incompréhension. Cela peut venir aussi des différences de niveaux de langues entre les interlocuteurs. Cette incompréhension peut venir aussi du fait que le sens d’une phrase n’est pas entièrement défini par sa composition, mais aussi par le contexte qui permet de deviner ce qui est dit ou raisonnablement. Donc pour qu’il y ait compréhension, il faut saisir l’explicite mais aussi l’implicite. D’où malentendu possible. Par ex. à table , dire « pouvez-vous me passer le sel ? » n’est pas une question de possibilité , admettant comme réponse oui ou non. Mais , c’est une demande atténuée qui attend  en réponse une action , celle de passer le sel. Idem pour « pouvez-vous me donner l’heure ? » ou « vous me marchez sur le pied ! ». Là, par delà, un code commun, on présuppose des règles de la conversation admises et partagées. Ceci dit, dans les 2 cas, on peut en travaillant le contexte et la structure de ses phrases éviter ces incompréhensions et dire ce qu’on a à dire. C’est ce que soutient Searle  avec « son principe d’exprimabilité absolue », selon lequel tout peut être dit y compris en inventant des mots, dans un langage à soi comme celui de certains poètes, ceci dit ce n’est pas pour cela que tout sera compris et donc aura réellement été dit . ( Par ex. je peux bien dire que « je déclare la guerre aux Etats-Unis », mais si je ne suis pas chef d’Etat ou d’état-major, c’est comme si je n’avais rien dit. Cela dépend donc de ma place dans la hiérarchie sociale, donc de facteur extra-linguistiques)

 

  • 2. Ceci dit , ai-je pour autant le droit de dire tout ce que je peux dire?

On peut prendre cette question du droit simplement au plan des règles de la vie en commun qui exige un minimum de politesse, et donc parfois d’hypocrisie . Mais on peut ici  aussi poser le problème au niveau du droit politique de la liberté d’expression du citoyen  ou du droit de mentir du politique au nom de l’intérêt commun ( ce que Platon tolère dans La République, accordant « aux gouverneurs des cités » le droit de « mentir aux ennemis et aux citoyens quand l’intérêt del’Etat l’exige » ; ce que Machaivel voit comme une ruse politique efficace, nécessaire vue la nature (mauvaise et menteuse) des hommes et légitime (« la fin justifie les moyens », or le rôle du politique est de se maintenir au pouvoir pour éviter le désordre qui met en péril la liberté, et cela par tous les moyens)   ou au plan du droit  moral avec le droit de mentir face au devoir de dire la vérité.

 

Sur ce dernier point , 2 positions s’opposent  : celle de Benjamin Constant selon laquelle on peut admettre un droit de mentir et celle de Kant posant un devoir universel et inconditionnel de dire la vérité, de véracité.

Pour B. Constant, le devoir de dire la vérité est un devoir moral certes, mais à adapter à la vie en société, car si tout le monde se disait toujours la vérité ,ce sera le carnage et surtout à penser dans une réciprocité, c’est-à-dire qu’un devoir chez moi correspond à un droit chez toi, et inversement. Dc , si tu ne remplis pas tes devoirs, tu perds tes droits et moi, mes devoirs envers toi. D’où je ne dois dire la vérité qu’à ceux qui ont droit à la vérité. Et n’a pas droit à la vérité celui qui veut l’utiliser contre autrui, par.ex un criminel, un nazi, etc…. et cela dans l’intérêt d’autrui : la victime, le juif. Et, pour appuyer cela, on peut dire que le devoir de dire la vérité n’est qu’un devoir moral parmi d’autres et que parfois il faut faire passer le devoir d’humanité ou de compassion avant. Tous les devoirs moraux se valent et être vérace ne suffit pas pour être moralement irréprochable. Comme le dit Comte-Sponville « un nazi de bonne foi reste un nazi ». 

Pour Kant, le devoir de dire la vérité n’est pas un devoir comme les autres, c’est « la première et fondamentale partie de la vertu » comme le disait Montaigne. Aussi pour Kant, il faut toujours dire la vérité même au criminel, à l’ennemi ou se taire. Et cela pour les raisons suivantes :

  • – en général quand on ment, on le fait par prudence. Par ex. on ment parce qu’on pense qu’on a plus de chance de sauver qu’en disant la vérité. Dc on sacrifie un devoir moral à une règle de prudence qui n’est pas sûre à 100%; le jeu en vaut-il la chandelle? c’est cette question que soulève Kant par des raisonnements un peu douteux sur mes chances de sauver un ami poursuivi par un criminel et réfugié chez moi.
  • – On ment peut-être dans un but bienveillant pour autrui, mais comme on n’est pas maître des conséquences de nos paroles , on peut s’exposer à des poursuites judiciaires ou en tout cas à la suspicion; alors que si on remplit son devoir moral, la morale étant au fondement du droit, on est juridiquement inattaquable et irréprochable. Et, c’est au nom de cette supériorité de la morale sur la politique que Kant refuse le mensonge du politique même dans l’intérêt commun. «la politique doit plier le genou devant la morale» écrit Kant.
  • – En mentant, c’est la parole de tous que l’on remet en question, donc la valeur de tout ce qui est fondé sur des contrats , présupposant la confiance en la véracité et sincérité des contractants. Cela remet en question le contrat social et dc la vie en société. C’est à partir du même raisonnement que Kant interdit aussi le mensonge à l’ennemi en tant de guerre, car il ruinerait tout accord de paix future. D’où l’idée d’inscrire l’interdiction de mentir dans un droit de guerre, dont Kant est le premier à avoir l’idée.

 Kant résume sa position ainsi « le mensonge discrédite la dignité de l’humanité en notre propre personne et corrompt la façon de penser à la racine car la tromperie rend tout douteux, suspect et fait perdre  confiance en la vertu elle-même ».

Complément : les singes et la parole

« Les animaux sont des êtres humains comme les
autres  » Stéphanie de Monaco
« si le singe ne dit rien, c’est qu’il n’a rien à dire
non qu’il se retient de parler  » Dominique Lestel

Faire parler les singes est un phantasme de l’homme depuis les Lumières, depuis une dissection opérée par Edward Tyson sur des ouran-outangs, révélant des analogies entre leur larynx et celui de l’homme. A l’époque, conflit entre la position de Descartes (les singes ne peuvent parler car dénués de pensée !) et celle de La Mettrie pour qui le singe peut acquérir le langage.

A partir du Xxème siècle, on soutient la seconde.
Au départ, on essaie de faire acquérir aux singes la parole. Tentative des Hayes en 1951 sur le chimpanzé VICKI. Echec , après des années d’apprentissage, elle ne prononce de manière indistincte que quatre signaux : papa, mama, cup et up. Constatant que l’appareil phonatoire des singes est incapable de produire des sons de la parole, la recherche s’oriente selon 2 axes :
-faire acquérir le langage sourd et muet (l’ASL).
C’est le choix des Gardner sur Washoe à partir de 1966. En 1969, il possède 68 signes, consistant essentiellement en injonction (encore !, viens !, dehors !….). Au final, 100 signes et la capacité de former des combinaisons de 3 ou 4 signes ( vous/moi/ sortir/vite) . (travail équivalent sur des dauphins en 1984 avec signaux visuels et acoustiques). Mais Terrace , travaillant sur le chimpanzé Nim , souligne en 1979 que 1. Ces « phrases construites » ne suivent pas de règles syntaxiques déterminées même élémentaires 2. les signaux ne sont utilisés que sur demande de l’expérimentateur ou que pour demander quelque chose 3. Les signaux ne sont jamais utilisés pour interpeller ou attirer l’attention. 4. Plus qu’une compréhension des signaux , on assiste à une pure et simple imitation. D’où nouvel axe !
-faire manipuler aux singes de véritables signes linguistiques.
1er essai par Premack en 1971 avec Sarah. Sur un tableau magnétique, elle manipule des formes plastiques colorées associées à des objets, à des actions, à des caractéristiques d’objets ou d’action. Elle est capable de faire des associations ( verticales sans règles de grammaire) de 3 « mots » donc a la performance d’associer un objet et un substitut arbitraire aux formes contradictoires avec l’objet ( pomme= triangle bleu). Elle comprend l’analogie, la proportion, utilise l’impératif et pose des questions comme par exemple une interrogation sur un signe nouveau.
2ème essai par Sue Savage -Rumbaugh en 1977-78 sur deux chimpanzés , Sherman et Austin. Associations entre objet et lexigramme, une figure géométrique arbitraire apparaissant par simple contact sur un écran. 1 lexigramme pour différents objets, pour une classe d’objets : « nourriture » et « outil ». D’où performance de catégorisation.(performance identique chez les pigeons, avec Hermstein en 1976, qui entraînés à séparer et recompensés si « avec » sont capables de faire le distinguo entre des diapositives « avec ou sans arbre », « avec ou sans poissons », « avec ou sans A », « avec ou sans 2 »).
Mais, contexte expérimental douteux car chaque objet désigné est soit utilisé ou consommé , donc difficile de dire s’il s’agit d’une dénomination ou d’une simple demande.
Ceci dit , ces expériences ont mis à jour une capacité référentielle (relier un lexigramme et un objet), une capacité symbolique (indiquer quelque chose d’absent à un autre) et une capacité de dialogue.
3ème essai sur le bonobo Kanzi en 1980. A la différence des autres singes, il n’est pas « dressé » à parler ; il est seulement exposé au langage parlé et aux signes, comme un enfant jusqu’à six mois. A 18 mois il comprend la parole orale élémentaire ; à 2ans ½ , il maîtrise 2800 combinaisons de lexigrammes ; à 5 ans ½ il possède plus de milles mots. Il est capable de comprendre uniquement par des mots une situation portant sur une chose dont il ignore le mot (ex ; un monstre). Mais seulement 4% de ses énoncés sont référentiels et 96% restent des requêtes.
Descartes n’a donc peut-être pas été totalement démenti.

(Référence :L’intelligence de l’animal de Jacques Vauclair, Ed. Sciences Points)

Le vivant : l’animal ou de notre rapport à ces êtres sensibles

                            « On a commencé par couper l’homme de la nature, et par le constituer en règne souverain ; on a cru ainsi effacer le plus irrécusable, à savoir qu’il est d’abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné le champ libre à tous les abus. Jamais mieux qu’au terme des quatre derniers siècles de son histoire, l’homme occidental ne put-il comprendre qu’en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité, en accordant à l’une ce qu’il retirait à l’autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d’autres hommes, à revendiquer, au profit de minorités toujours plus restreintes, le privilège d’un humanisme, corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l’amour-propre son principe et sa notion ». 

Lévi-Strauss, J.J Rousseau, fondateur des sciences de l’homme  (1962) 

regardez ici Elisabeth de Fontenay : http://videos.arte.tv/fr/videos/philosophie_animal-3841376.html

« Sous les religions mahométane et hindoue, les intérêts du reste de la création animale semblent avoir rencontré une certaine attention. Pourquoi [leurs intérêts] ne sont-ils pas, universellement, tout autant que ceux des créatures humaines, considérés en fonction des différences de degré de sensibilité ? Parce que les lois existantes sont le travail de la crainte mutuelle ; et les animaux les moins rationnels n’ont pas disposé des mêmes moyens que l’homme pour tirer parti de ce sentiment. Pourquoi [leurs intérêts] ne devraient-ils pas [être considérés] ? On n’en peut donner aucune raison. Si le fait d’être mangé était tout, il y a une très bonne raison pour laquelle il devrait nous être permis de les manger autant qu’il nous plait : nous nous en trouvons mieux ; et ils ne s’en trouvent jamais pire. Ils n’ont aucune de ces très longues anticipations de misère future que nous avons. La mort qu’ils subissent de nos mains est ordinairement, et sera peut être toujours, une mort plus rapide, et de ce fait moins douloureuse, que celle qui les attendrait dans le cours inévitable de la nature. Si le fait d’être tué était tout, il y a une très bonne raison pour laquelle il devrait nous être permis de tuer ceux qui nous attaquent : nous nous en trouverions pire pour qu’ils puissent vivre, et ils ne s’en trouvent jamais pire d’être morts. Mais n’y a-t-il aucune raison pour laquelle il nous serait permis de les mettre au supplice ? Pas que je sache. N’y en a-t-il aucune pour laquelle il ne devrait pas nous être permis de les mettre au supplice? Oui, plusieurs. Autrefois, et j’ai peine à dire qu’en de nombreux endroits cela ne fait pas encore partie du passé, la majeure partie des espèces, rangée sous la dénomination d’esclaves, étaient traitées par la loi exactement sur le même pied que, aujourd’hui encore, en Angleterre par exemple, les races inférieures d’animaux. « Le jour viendra peut-être où il sera possible au reste de la création animale d’acquérir ces droits qui n’auraient jamais pu lui être refusés sinon par la main de la tyrannie. Les français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n’est nullement une raison pour laquelle un être humain devrait être abandonné sans recours au caprice d’un tourmenteur. Il est possible qu’on reconnaisse un jour que le nombre de jambes, la pilosité de la peau, ou la terminaison de l’os sacrum, sont des raisons tout aussi insuffisantes d’abandonner un être sensible au même destin. Quel autre [critère] devrait tracer la ligne infranchissable? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être la faculté de discourir ? Mais un cheval ou un chien adulte est, au-delà de toute comparaison, un animal plus raisonnable, mais aussi plus susceptible de relations sociales qu’un nourrisson d’un jour ou d’une semaine, ou même d’un mois. Mais supposons que la situation ait été différente, qu’en résulterait-il ? La question n’est pas « peuvent-ils raisonner? », ni « peuvent-ils parler ? », mais « peuvent-ils souffrir? ».               

BENTHAM, 18ème siècle

« Dans une montre une partie est l’instrument du mouvement des autres, mais un rouage n’est pas la cause efficiente de la production d’un autre rouage ; une partie est certes là  pour une autre, mais elle n’est pas là par cette autre partie. C’est pourquoi la cause productrice de celles-ci et de leur forme n’est pas contenue dans la nature (de cette matière), mais en dehors d’elle dans un être, qui, d’après des Idées, peut réaliser un tout possible par sa causalité. C’est pourquoi aussi dans une montre un rouage ne peut en produire un autre et encore moins une montre d’autres montres, en utilisant pour cela  d’autres matières ; c’est pourquoi elle ne remplace pas d’elle-même les parties, qui lui ont été ôtées, ni ne corrige leurs défauts dans la première formation par l’intervention des autres parties, ni ne se répare elle-même, lorsqu’elle est déréglée : or tout cela nous pouvons en revanche l’attendre de la nature organisée. Un être organisé n’est pas simplement une machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l’être organisé possède en soi une force formatrice qu’il communique aux matériaux qui n’en disposent pas (il les organise) : il s’agit ainsi d’une force formatrice qui se propage et qui ne peut pas être expliquée par le simple pouvoir du mouvement (le mécanisme). »

Kant, Critique de la faculté de juger (1790)

« Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l’agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. Et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles. Car, par exemple, lorsqu’une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu’il est à un arbre de produire des fruits. »

Descartes, XVII et sa théorie des animaux machines,

 approfondissez ici :

 

  • avec ce tableau comparatif entre une organisme vivant et une oeuvre d’art, puisque  William Wegmag ( 1948-   ) fait des chiens le thème central de ses oeuvres d’art, de ses photographiesone set, 1994
  •  

 

 

Points communs divergences Spécificité de l’un et de l’autre
 Unicité et individualité :Un organisme vivant est une unité distincte des autres, unique et indivisible, malgré l’invariance des espèces par principe d’invariance reproductive. Ce principe est l’un  des 3 principes qui,  selon J. Monod( généticien et Nobel de médecine en 1965) caractérisent un organisme vivant.    
Totalité et Finalité interne :Dans une œuvre d’art comme dans un organisme, rien ne manque et rien n’existe en vain. Chacune des parties d’un organisme vivant a une fonction et participe à la perpétuation du tout.Principe de la téléonomie, ( 2ème principe) D’où limite de la connaissance qui analyse, dissèque.

 

Cette finalité interne (et externe)  est ce qui amène à penser une intention à l’origine du vivant, c’est comme si la fin a réalisé était à l’origine de l’organe ou du métabolisme, d’où l’idée d’une intelligence créatrice, d’un rejet du hasard et de l’affirmation d’unDieu-artiste créateur, qui aurait même un sens de l’esthétique, puisqu’il a soigné les apparences (symétrie, harmonie) mais négligé ce qui échappe au regard ( dissymétrie interne, beauté des viscères ? d’un foie ?). 

 Finalité interne  + Finalité externe pour l’organisme – si on le pense comme maillon d’une chaîne alimentaire ou d’un écosystème– si on le pense en lui-même, l’organisme a pour fonction de se perpétuer, de perpétuer l’espèce. L’œuvre d’art elle n’existe que pour elle-même, l’art pour l’art, elle est à elle-même sa propre fin.La belle œuvre est celle chez qui l’esprit et les sens perçoivent une « finalité sans fin », finalité interne sans finalité externe en somme.Cette organisation interne est ce qui fait qu’on a longtemps pensé le vivant sur un modèle mécaniste. C’est Descartes avec sa théorie des « animaux-machines » qui en est le plus clair représentant. Ce qui lui permet :– de purger la biologie du vitalisme en réduisant le vivant à de la matière, réductible à son tour à des termes mathématiques et physiques ( forces, mouvements ;…)– de réduire le vivant et à la nature à un moyen pour l’homme et à hisser l’homme au dessus de la nature par son âme, qui peut légitimement être alors « comme  maître et possesseur de la nature », qui n’est qu’une somme de « machines de terre sans âme »
Beauté :On peut trouver de la beauté dans l’art comme dans la nature, et donc les organismes vivants.Ils répondent aux critères de convenance de Platon (formelle, fonctionnelle et matérielle) , ils peuvent être modèles de beauté ( section d’or dans la nature, harmonie dans la nature, homme de Vitruve)Pour Kant, la beauté naturelle comme beauté libre ( gratuite, elle ne répond pas à une exigence vitale) est supérieure à la beauté artistique qui n’est qu’adhérente ( l’œuvre étant l’expression d’une intention perceptible). Il s’oppose sur ce point à Hegel qui associe la beauté à l’expression de l’Esprit et à Oscar Wilde pour qui la nature est an-esthétique et que c’est parce qu’on la regarde au travers de l’art qu’elle devient belle à nos yeux éduqués par l’art  Relations avec le milieuL’organisme vivant est en relation constante avec un milieu extérieur où il prend les substances nécessaires  à assimiler pour exister et se développer, auquel il s’adapte et qui a  donc un impact sur lui en retour    ( Darwin)  Une œuvre d’art n’est pas dépendante du milieu extérieur : elle est autonome, elle est qu’il y ait ou non spectateur. L’œuvre est close sur elle-même.Pas d’action du milieu sur l’œuvre d’art sauf dans l’art interactif contemporain où le spectateur parachève par une intervention l’œuvre.
   Principe de la morphogénèse autonome ( 3ème principe)Un organisme a une forme et une croissance régie par une programmation interne. Les manifestations de cette morphogénèse sont l’auto-formation, l’auto-régulation ( ex. polyvalence des organes) et l’auto-réparation ( cicatrisation, « force médicatrice » que le médecin se devait seulement d’accompagner selon HIPPOCRATE au Vème siècle avant J.C. Médecine expectative face à une nature qui « sans instruction et sans savoir fait ce qui convient »).Kant opposait déjà cette FORCE FORMATRICE à Descartes en montrant la différence entre une montre et un organisme vivant et par là les limites du modèle mécaniste.Un organisme vivant n’est pas seulement une machine complexe ; il y a « un écart ontologique » ( de nature et non pas de degré !) entre un organisme vivant et une machine aussi sophistiquée soit-elle ! La vie est autre chose qu’un simple assemblage de pièces. Elle n’est pas addition, mais synthèse, unité.  Une œuvre d’art n’évolue pas par elle-même, elle est achevée. Elle ne s’auto-restaure pas. Cette morphogénèse avec la reproduction est aussi ce qui distingue le vivant de la machine, qui n’a qu’une autonomie très limitée malgré sa complexité qui peut égaler celle d’un organisme vivant. MaisCe principe ajouté au principe de totalité fait qu’on ne peut pas associer l’ablation d’un organe à la simple suppression d’une pièce dans une machine, l’organisme moins un organe n’est pas le même organisme qu’au départ moins un organe.C’est seulement chez les vivants qu’il ya  des monstres qui sont des exemples de cette « tentative dans tous les sens de vivre », venant  du fait, selon Canguilhem qu’ « un organisme a plus de latitude d’action qu’une machine, il a moins de finalité et plus de potentialité »

Ce qui distingue un organisme vivant d’une œuvre d’art, c’est que l’un vit, l’autre est ; l’un est animé, l’autre est inanimée. Une œuvre d’art reste une chose parmi les choses.

 « C’est pourquoi l’organisme est un véritable miracle et ne peut se comparer à aucune œuvre humaine fabriquée à la lumière de la lampe de la connaissance » selon Schopenhauer.   Le rapport au temps :Ce qui caractérise aussi le vivant, c’est aussi l’horloge biologique.Bichat (médecin 18ème) disait : « La vie est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort. ». On peut même dira que la mort n’est pas extérieure au vivant, mais intestine (mort des cellules chaque jour), la vie est suspendue à chaque systole et diastole.

Elle est en un sens un miracle permanent !

 L’œuvre d’art est périssable quand elle est faite de matière, mais cette « mort » lui vient du dehors.Echappant à l’usage et à la consommation, elle est par essence faite pour l’éternité et répond à un refus du temps, de son irréversibilité (l’art immortalise) et son cours inéluctable ( l’art échappe au temps, à sa corruption, répond à un désir d’immortalité et abolit le temps en suspendant son cours le temps de sa contemplation).Elle est hors « du processus vital » alors que l’organisme vivant y est au cœur.

 

« La vie se présente à nous comme une certaine évolution dans le temps et comme une certaine complication dans l’espace. Considérée dans le temps, elle est le progrès continu d’un être qui vieillit sans cesse : c’est-à-dire qu’elle ne revient jamais en arrière et ne se répète jamais. Envisagée dans l’espace, elle étale à nos yeux des éléments coexistants si intimement solidaires entre eux, si exclusivement faits les uns pour les autres qu’aucun d’eux ne pourrait appartenir en même temps à deux organismes différents : chaque être vivant est un système clos de phénomènes, incapable d’interférer avec d’autres systèmes. Changement continu, irréversibilité des phénomènes, individualité parfaite d’une série enfermée en elle-même, voilà les caractères extérieurs ( réels ou apparents, peu importe) qui distinguent le vivant du simple mécanique »

Bergson, Le rire, chap.II

La justice: 1 allégorie, 3 paraboles, 5 principes, 2 égalités et 1 procédure

 Conférence donnée par  Yves Michaud en  2010  pour l’ UTLS 

Regardez: la_justice_qu_est_ce_que_c_est_yves_michaud

   

  • L’allégorie   

   

 
 

  

 
 

 

On retrouve ici le symbole de la justice : la balance qui tend à maintenir les plateaux à égalité, le glaive qui doit accompagner la justice pour qu’elle soit appliquée contre la force et l’acte de vengeance auquel elle oppose le fait de dire ce qui est juste, c’est-à-dire conforme au droit et en référence implicite ou explicite avec quelque chose sinon de religieux, de transcendant. La justice est aussi associée à l’enfant qui incarne l’innocence et la pureté. Elle a les yeux bandés,signe d’impartialité dans son jugement. 

  

  

  

  

  •  3 paraboles  

le jugement de Salomon:   

2 femmes revendiquent la maternité devant le Roi Salomon d’un enfant: incapable de les départager, le Roi décide ( par ruse) de partager l’enfant en deux, la vraie mère se révélant alors exhortant le Roi de ne pas mettre en oeuvre son jugement.   

   

 La parabole des ouvriers de la 11ème heure:    

un propriétaire engage le matin, des ouvriers pour travailler à la journée et convient avec eux d’un salaire; à midi, il en embauche d’autres  et à la 11ème heure, dernière de la journée de travail ; ils donnent à chacun au final la même somme. Le propriétaire se défend en disant qu’avec chacun, il a honoré son contrat, en lui donnant son dû,  et qu’il a le droit d’être généreux.  

  

La parabole des Talents ( Evangile selon Saint-Matthieu):  

à chacun selon ses capacités  

  

   

  • Selon Yves Michaud ,  5 principes de justice :  
  1. à chacun selon ses besoins?
  2. à chacun selon son travail ou ses capacités?  
  3. à chacun selon son statut?
  4. à chacun selon les contrats qu’il a passés?
  5.  à chacun selon ses mérites?  
  • Pour Aristote, 2 types d’égalité
  1.  égalité arithmétique ( celle des droits de l’homme, où tout homme en tant que personne est égal à un autre en droits et en dignité) et
  2. égalité géométrique ( celle qui prend en compte nos différences en tant qu’individu et qui oblige à traiter différemment chacun de manière juste)  
  • Pour John Rawls, et sa procédure  du voile d’ignorance ( où chacun ignore qui il est) arrive à l’idée d’une égalité de base qui peut être pondéré par le principe de différence si l’inégalité profite à tous, au bien -être général …   

Tout cela ne suffit cependant pas forcèment pour dire ce qui est juste ou non; dans chaque cas particulier, il faut en juger au plus juste…   

    

 

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