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Classe de piano : comment déjouer le décrochage
En 2015, l’ARIAM Ile-de-France a organisé de nombreuses rencontres-métiers à l’occasion de ses 40 ans. Parmi celles-ci, la rencontre sur le décrochage a rassemblé 24 professeurs de piano sur deux matinées, dont voici la synthèse.
Un merci tout particulier à Bernadette Grégoire et Denis Cuniot, alors respectivement directrice et sous-directeur, qui ont accepté que soit rééditée ici cette synthèse.
Lors de ces deux matinées, il est apparu que le sujet du décrochage est central pour nombre de professeurs de piano, exerçant dans divers établissements d’Ile-de-France. Un sujet qui entraîne nombre de questions sur la pédagogie, mais aussi la place et le rôle des conservatoires dans la société aujourd’hui ! Nombreux ont été les réflexions et questionnements mais aussi les témoignages et propositions d’outils et dispositifs testés ci et là…
Le décrochage révèle bien souvent un désir de musique qui n’a pas su se formuler ou trouver les conditions de sa réalisation. Au mieux – trop rarement – l’élève décrocheur, enfant ou adolescent, créera sa propre relation à la musique en dehors de l’institution. Mais il est à craindre que l’abandon de la formation ne soit vécue comme un échec, d’autant plus si l’inscription au conservatoire procédait d’une volonté d’intégration sociale et culturelle ! Plus que l’institution ou le professeur, c’est donc bien l’élève qui le premier souffre du décrochage.
À l’issue d’un premier tour de table, nous nous arrêtons sur la définition suivante du décrochage : l’élève décroche s’il quitte l’établissement sans avoir les moyens de vivre son désir de musique en autonomie.
Il en découle que, pour déjouer le processus de décrochage, le professeur de piano doit avoir une vision globale sur le long terme de la formation de chacun des élèves, l’accompagnant dans l’élaboration de son désir de musique – ce qui implique une diversité musicale dans l’apprentissage, dès le 1er cycle – et l’acquisition progressive des moyens de son autonomie – ce qui demande une collaboration étroite avec l’ensemble de l’équipe éducative.
De façon plus développée sont apparus au cours des deux rencontres six axes de travail permettant de penser des réponses spécifiques à un problème commun, des réponses qui se cherchent, évoluent au cours du temps :
- vision globale de la formation
- diversité musicale
- travail en réseau
- modularité
- l’élève acteur de sa formation
- dynamique de classe
Vision globale de la formation
Idéalement la lutte contre le décrochage demande une équipe pédagogique stable, collectivement responsable de la formation des élèves pendant plusieurs années, ce qui offre à chaque professeur une vision globale sur la formation que propose l’établissement, et de façon individuelle, celle que reçoit chacun des élèves.
Selon notre définition plus haut, l’ensemble de l’équipe pédagogique accompagne l’élève dans l’acquisition des moyens de vivre son propre désir de musique.
D’emblée, après avoir rappelé que le terme « méthode » provient du grec ancien methodos qui signifie recherche, structuration d’une voie, nous nous accordons sur l’idée que l’acquisition en question sera bien le fruit d’une recherche, liée à l’élève lui-même. Une recherche qui laisse place aux errements, doutes, passages à vide, mais pour laquelle le lien avec l’élève est conservé, sans cesse maintenu et renouvelé par l’ensemble des professeurs.
Diversité musicale
Questionnons à présent le désir de musique : pour la plupart des élèves, ce n’est que progressivement qu’il se précisera, et cela demande donc d’avoir cultivé tout au long de la formation une ouverture sur la musique dans sa diversité, concernant le style, le répertoire, l’improvisation, la création, l’arrangement, etc.
Diversité esthétique et culturelle
Les conservatoires et écoles de musique ont un rôle important dans la reconnaissance institutionnelle de l’ensemble des styles, renforçant ainsi une légitimité culturelle des musiques dans leur diversité.
Cette diversité est à penser en lien avec le territoire et la population, dans l’idée d’échanges : l’établissement brasse esthétiques et styles qui sont déjà connus et écoutés mais il apparaît important aux professeurs présents de rappeler que le conservatoire joue aussi un rôle dans la découverte de musiques par la population.
Dans cette idée, un participant témoigne qu’il a à cœur de développer la curiosité musicale de ses élèves en jouant leur répertoire, un autre qu’il leur conseille des écoutes (avec playlists sur youtube et par mail) et leur demande des recherches sur des points de culture musicale.
Diversité pédagogique
Chaque style implique un apprentissage, une pédagogie qui lui sont propres. Ainsi la diversité esthétique peut servir d’outil à la différenciation pédagogique, suivant les élèves et pour un même élève au long de son apprentissage. Ainsi plusieurs professeurs présents citent les comptines et chansons pour enfants comme moment d’un apprentissage par transmission orale ; un autre l’improvisation libre pour un apprentissage par écoute et échanges en groupe.
Diversité des ressources
Désormais, les outils numériques facilitent les découvertes et offrent de nombreuses ressources : partitions, grilles et tablatures, extraits audio, tutoriels vidéo, enregistrements personnels…
Et n’oublions pas que l’élève est une ressource !
Un participant rapporte que son atelier de 1er cycle offre un cadre de création collective à partir de
« musiques de la maison », apportées par les élèves, dans le format de leur choix (mp3, partition éditée ou écrite personnellement, etc.).
Oralité
Il apparaît qu’une place trop importante accordée à la musique écrite crée une distance avec nombre d’élèves. Ainsi nombre de professeurs ont expérimenté le début de l’apprentissage sans partition, offrant le temps de s’approprier l’instrument, libérer le rapport au corps, improviser à la voix puis à l’instrument, construire le lien avec la FM…
Voici donc une démarche de diversité qui entre en résonance avec cette « génération Youtube », qui somme toute s’empare de son apprentissage avec les moyens contemporains, dont la lecture de partition représente une petite partie. Citons Jean Molino qui introduit le concept d’auralité, désignant la transmission par l’oreille : « Nous avons maintenant affaire à toutes les modalités possibles d’association entre l’oreille, la main, l’écrit et la technique. »
Comme en témoignent les intervenants, l’arrangement revient au goût du jour et peut faire l’objet d’un atelier, le groupe partant de supports divers (écrits, enregistrements, chant personnel).
La question de l’acquisition du répertoire lui-même est alors posée : ne peut-on pas y ajouter les outils d’oralité, d’imitation, de tutoriel vidéo ?
Travail en réseau
Collectif de professeurs
Comme développé dans notre 6e point, consacré à la dynamique de classe, le cours collectif apparaît comme l’un des remparts les plus solides face au décrochage. Mais il apparaît dans la discussion que le travail en réseau est à penser également pour les professeurs eux-mêmes. A la fois parce qu’ils éprouvent et démontrent ainsi tous les apports du collectif, mais aussi parce qu’échanger sur les élèves nourrit la réflexion et l’expérimentation, et « c’est ainsi qu’on lutte également contre le décrochage du professeur ! »
Idéalement, le travail des professeurs en équipe met les compétences de chacun au service des besoins de chaque élève. Avec une telle mise en commun des ressources et compétences, les élèves trouvent des accompagnateurs pour l’ensemble des composantes de leur formation, enrichie de la diversité des rencontres humaines. Mais sur le terrain, la réalité en semble assez éloignée : par manque de communication, d’espaces et de moments d’enseignement commun…
Un professeur tempère : « une telle mosaïque de l’apprentissage sera encouragée par la circulation des
élèves dans l’établissement ». En effet, les facilitateurs sont à chercher du côté des projets transversaux, rencontres ponctuelles, interventions de professionnels extérieurs, appropriation de l’établissement par les élèves, enseignements optionnels, ateliers, etc.
De concert avec les parents
De fait, les parents sont alliés dans la formation de l’élève, il s’agit de rendre explicite cette situation tri-
partite. Dialogue et réactivité (pour lesquels, pour l’ensemble des professeurs présents, mail et rendez-vous constituent de bons outils) seront des atouts précieux contre le décrochage. Les intervenants ajoutent qu’en tant qu’adultes, les parents peuvent témoigner de ce qu’apporte un investissement à long terme et ont un rôle à jouer dans le conseil de l’établissement.
Un professeur rappelle qu’il s’agit bien d’accueillir les parents dans un monde qui leur est inconnu pour la plupart : accueil des nouvelles familles (idéalement par le directeur), découverte d’une culture avec son vocabulaire et ses habitudes, explication de l’investissement attendu, demande de larges plages-horaires lors de l’emploi du temps de début d’année, etc. Un autre participant ajoute l’idée de prévoir un temps
de découverte de l’instrument et d’inviter les parents à jouer lors d’un concert des familles, ce qui entretient l’implication des parents dans la formation de leur enfant.
Modularité
Rappel sur les cycles
Fonctionnant sur la base d’objectifs de fin de cycle (qui constituent le « contrat » pour les professeurs, élèves et parents), le cycle pluriannuel permet une souplesse de l’organisation de l’apprentissage, jusqu’au développement de dispositifs différents, prenant en compte notamment l’âge des élèves, leurs besoins, la situation d’apprentissage.
Format de cours
Les intervenants rapportent l’expérience du cours modulable, en fonction des besoins, attentes et objectifs, le format de cours permet alors de varier le contenu : par exemple, pour 5 minutes en moins par semaine, cours complémentaire de 30 minutes toutes les six semaines ; cours collectifs deux fois moins longs mais deux fois par semaine ; stage de rentrée ; ateliers ponctuels ; etc.
Des professeurs relèvent que le format d’atelier, rassemblant des élèves autour d’un projet particulier, peut être développé ponctuellement tout au long de l’apprentissage.
Echanges d’élèves
À la semaine, à l’année, ou sur une période précise liée à un projet, l’échange d’élèves entre professeurs offre un renouveau, permet d’entendre une autre pédagogie, ou parfois de mêmes conseils formulés différemment, et favorise la dynamique de classe dans sa globalité.
L’élève acteur de sa formation
Manque de disponibilité pour une pratique régulière
Le constat est unanime autour de la table : la majeure partie des élèves semble manquer de disponibilité pour pratiquer régulièrement à la maison. Une des pistes soulignées par un professeur est de faire prendre conscience à l’élève et sa famille que la pratique de la musique entraîne des choix de vie et d’accompagner les enfants et adolescents dans cette réflexion.
Par ailleurs, nous nous accordons sur l’idée de poser la question du travail en tant que tel :
-mettre au jour pour l’élève le lien entre plaisir et travail à moyen terme
– travailler ne signifie-t-il pas également travailler à se connaître soi-même par l’outil qu’est la musique ?
– en tant que professeur, se poser la question du travail à la maison : dans quel but, avec quelles attentes, quel contenu ; pour quels élèves ?
L’élève acteur
Le piano, « instrument de non choix » comme le souligne un participant, implique souvent des élèves passifs dans leur apprentissage. En outre, il est rappelé que le quotidien de l’enfant et adolescent, notamment à l’école, entraîne bien souvent une passivité de leur part.
Chercher à ce que l’élève soit acteur entraînera donc un lien à long terme avec les professeurs et l’institution pour que l’élève soit actif dans l’établissement et interagisse avec lui. Et l’engagement dans un projet ou un parcours sera d’autant plus profond d’une part s’il répond à un souhait de l’élève, mais d’autre part s’il mène à une collaboration avec les autres. Lorsque l’élève devient acteur de son parcours, sachant définir ses besoins, on entre véritablement dans la « pédagogie du projet », où l’enseignant est accompagnateur d’une initiative de l’élève.
Le parcours personnalisé, testé dans plusieurs établissements, constitue peut-être le parangon d’une telle
démarche : pensé sur projet musical proposé par l’élève (par exemple en lien avec danse, théâtre, activités extra-scolaires, apprentissages scolaires) mais construit en commun avec les professeurs, un tel parcours permet à l’élève de s’emparer de sa formation sur un temps donné, avec passerelle pour revenir dans une formation à plus long terme.
Dans la même idée, un professeur rappelle que le choix par l’élève des différents styles abordés au cours de sa formation met en exergue le lien fondamental entre désir et connaissance.
Vers l’autonomie
Notre définition du décrochage donnée en début de séance demande bien d’accompagner l’élève vers l’autonomie. Un participant note que l’élève est encadré pendant 24 heures hebdomadaires à l’école, contre 3 à 4 heures par semaine au conservatoire. Partant de ce constat, l’accompagnement vers l’autonomie doit s’inscrire dès le début de l’apprentissage.
Ainsi l’élève apprendra à convoquer les outils nécessaires pour travailler en autonomie, étant acteur dès
les premiers apprentissages, qu’il s’agisse d’un morceau dans son ensemble, ou de façon plus détaillée d’un geste, un outil, un savoir.
Nous abordons alors le sujet de l’auto-évaluation, pratiquée de façon plus ou moins formalisée suivant les professeurs. Celle-ci constitue en tout cas un pas important vers l’autonomie, en passant par l’évaluation de groupe par exemple : retours et débriefing, évaluation formative après établissement de critères en groupe et en dialogue avec le professeur.
Au-delà, l’évaluation de l’autonomie en tant que telle apporte elle-aussi un outil à ne pas négliger : dans quel cadre, avec quels critères ?
Pour aller plus loin, quels sont les outils dont l’élève a besoin pour une future autonomie, liée à son propre désir de musique : MAO, lecture de grilles, travail avec tutoriels youtube, relevés d’oreille, etc. ?
Dynamique de classe
Collectif & appartenance
« Le décrocheur n’est pas acteur, il est passif ! » On luttera contre cette passivité en insufflant une dyna-
mique collective et en incitant la construction de relations durables entre élèves de la classe.
Différentes idées se croisent, parmi lesquelles :
- l’organisation de sorties-concerts, à tarif négocié de
10€ maximum (contribuant par la même occasion à for-
mer à l’activité de spectateur et à développer la culture
des élèves) - les cours collectifs (organisés en tant que tels, ou par
tuilage…) - la constitution d’un répertoire de la classe, avec œuvres
que l’on rejoue pour des projets précis
Autre idée, faire témoigner un grand élève, par exemple
sur une période de démotivation qu’il a su traverser.
Projets et concerts
Les élèves doivent avoir un rôle qui est pertinent et important en tant qu’individus, ainsi que pour un groupe et la classe. S’ils ont l’impression de n’appartenir à aucun groupe, ils risquent – surtout adolescents – d’éprouver un besoin non satisfait qui peut s’étendre à leur compor-
tement et leur apprentissage. Plusieurs idées d’implication d’élèves sur les projets et
concerts :
– orientation des cours et concerts autour d’une thématique commune (qui sera également l’occasion d’une transversalité dans l’établissement et d’une globalisation avec les apprentissages scolaires)
– mise en place de concerts-projets ; dans un établissement, une équipe de 3 élèves conçoit et organise un concert autour de la thématique de l’année, dans un autre le concert est en lien avec les thématiques d’histoire des arts en 3e (qui mène également à l’appréhension d’un concert dans sa globalité et qui provoque de nouvelles conditions de jeu sur scène)
– concerts avec implication des professeurs sur scène (interprétation personnelle, collective avec collègues et élèves)
– concerts dans un lieu choisi, pour un public ciblé
Plusieurs participants rappellent que le concert de classe, considéré comme outil pédagogique, permet notamment que petits et grands s’écoutent
Numérique
Appétence pour les technologies, recherche d’expressivité et goût pour la sociabilité caractérisent aujourd’hui comme hier les pratiques culturelles des jeunes. (Sylvie Octobre, Deux pouces et des neurones)
Les technologies numériques font partie de la vie de nos élèves et offrent des outils pour lutter contre le décrochage. Voici les exemples évoqués lors de la rencontre :
- le blog participatif pour la classe. Il permet aux professeurs et élèves de partager différentes ressources, découvertes, connaissances, articles, liens audio et vidéo ainsi que l’agenda des événements auxquels la classe participe. Le Web pédagogique offre la possibilité de créer un blog gratuitement, dont on peut refuser l’accès aux moteurs de recherche.
- les partitions libres de droit. Par exemple sur www.imslp.org ; ainsi le professeur entretient désormais un rapport avec les éditeurs en appui d’objectifs bien précis, et non la situation inverse où le professeur filtrait un premier choix qui avait été fait par l’éditeur.
Par ailleurs, les élèves ont accès eux-mêmes à cette immense bibliothèque, ce qui constitue un premier pas vers l’autonomie. - le livret numérique de l’élève. Celui-ci permet d’archiver les disciplines suivies, les ensembles et ateliers auxquels l’élève a participé, les professeurs rencontrés, les projets et concerts dans lesquels il s’est investi ; avoir à tout moment une visibilité de l’ensemble de la formation permet d’accompagner au mieux l’élève dans son propre projet. Et le fait qu’il soit numérique, accessible
à distance, facilite la communication entre collègues et avec la famille. - le mp3. La musique est aujourd’hui trans-portable, encore plus immatérielle qu’auparavant. C’est ainsi qu’on la partage, la diffuse. Jusqu’à l’apprendre : la partition est un élément dont il est bon d’apprendre à se dispenser. Relever – avec ou sans piano – une grille, une mélodie, une idée d’arrangement fait partie du quotidien du pianiste.
- Youtube, la plus grande médiathèque du monde. Apprendre à choisir les interprètes, à en discuter. Par ailleurs, les nombreux tutoriels pour jouer des morceaux précis au piano ne sont pas à exclure du champ de la pédagogie du piano : tablatures d’aujourd’hui, en vidéo ?
- l’enregistrement. Qu’il soit audio ou vidéo, il développe l’oreille critique et constructive, et aide à travailler à la maison. Assisté d’un logiciel de boucle, l’enregistrement devient aussi un outil de création.
- la musique assistée par ordinateur (MAO). Le clavier constitue une porte d’entrée fréquente vers la MAO. Il sera intéressant pour le professeur de piano de tisser des liens avec cette discipline (projets communs, ateliers d’initiation, écoute de travaux réalisés à la maison, parfois en autodidacte).
Conclusion et perspectives
Finalement s’effectue ces dernières années un renversement de paradigme : la nécessaire adaptabilité de l’élève à l’institution se mue ainsi en une bénéfique entente entre élève et équipe pédagogique. Le professeur entend l’élève dans ses besoins de dynamique, de diversité, de création. L’élève entend le professeur dans ses besoins d’investissement, d’exigence, de transmission.
C’est alors que l’apprentissage devient volontaire, la diversité nourrissante, la création exigeante.
Citations :
MOLINO Jean, Qu’est-ce que l’oralité musicale ? in Nattiez Jean-Jacques (coll.), Musiques, une encyclopédie pour le 21e siècle, tome 5, Actes Sud, 2007.
OCTOBRE Sylvie, Deux pouces et des neurones. Les cultures juvéniles de l’ère médiatique à l’ère numérique, 2014, Diffusion La Documentation française.
Les pièces pour plusieurs pianos de Morton Feldman
Pianiste et docteure en musicologie, Emmanuelle Tat nous présente les pièces pour piano collectif de Morton Feldman, compositeur américain né à New-York en 1926, mort à Buffalo en 1987.
« La New York School » se constitue de manière informelle et sans prétention dogmatique avec Morton Feldman, Earle Brown, John Cage et Christian Wolff. Morton Feldman estime qu’un groupe donne un sens de la permission, un sentiment de ne pas avoir à se battre contre un standard accepté, parce que d’autres travaillent également en dehors de lui mais il restera cependant toujours un solitaire, un indépendant à l’écart des modes et des systèmes d’écriture développés à partir des années 50. Il s’agit chez lui de sonder toujours en profondeur la dimension contemplative de l’écoute et d’appréhender la fluidité temporelle inhérente au phénomène musical. Si l’ensemble de ses œuvres peut apparaître de manière monolithique, chaque partition représente une manière légèrement différente de poser des questions sur ce qui constitue le fondement de toute pensée musicale, à savoir le temps.
Morton Feldman étudie le piano avec Madame Maurina-Press (élève de Busoni), le contrepoint avec Riegger (pionnier du dodécaphonisme schönbergien aux Etats-Unis) et la composition avec Stefan Wolpe. Il a un important intérêt pour les grands précurseurs comme Webern ou Varèse et pour les autres disciplines artistiques susceptibles de devenir des catalyseurs pour la pensée musicale. Il se pose comme un observateur du matériau sonore et accorde un statut particulier au silence.
Projection III (1951) pour 2 pianos
Editions Peters 6961
Durée : 1’52
Dans les années 50, Morton Feldman élabore ses premières partitions graphiques sur papier millimétré, amorçant notamment la série des Projections I à V. Dans Projection III, chaque pianiste dispose d’un long rectangle divisé en deux parties horizontales par une ligne. La section inférieure correspond à des touches enfoncées mais non jouées (accords muets), et la partie supérieure correspond aux notes jouées, qui entreront en interférence avec les résonances sympathiques des notes enfoncées.
Extensions IV (1952-53) pour 3 pianos
Editions Peters 6914
Dans la série des 4 Extensions, et en particulier dans Extensions IV, Morton Feldman revient au plus près du matériau dans un système de notation plus déterminé, même s’il jugera en définitive cette méthode « trop unidimensionnelle », ce qui fera dire à John Cage : « La musique conventionnellement notée par Feldman, c’est lui-même jouant sa musique graphique. »
Intermission VI (1953) pour 1 ou 2 pianos
Editions Peters 6928 & 67976
La série des 6 Intermissions, écrites entre 1950 et 1953, est en notation traditionnelle. La partition apparaît sous une forme « mobile » : 15 accords ou sons isolés sont dispersés dans l’espace d’une page que l’interprète parcourt à son gré. Il est noté par le compositeur : « La pièce commence avec n’importe quel son, puis continue avec n’importe quel autre. Chaque son doit être produit avec un minimum d’attaque, de manière à être à peine audible. Les sons notés ne doivent pas être joués trop rapidement. » Dans une version à 2 pianos, les 2 pianistes jouent indépendamment l’un de l’autre.

Edition Peters No. 6928
© 1963 by C. F. Peters Corporation, New York
All Rights Reserved. Reproduced by permission of the Publishers.
On remarque une prédilection persistante chez Morton Feldman pour certains instruments, en particulier pour le piano, à cause de « la manière réelle dont le son du piano résonne et s’éteint progressivement, métaphore de l’extinction des valeurs de ce monde. »
« Une des raisons pour lesquelles je travaille au piano est qu’il m’oblige à ralentir ; d’autre part, le
temps, la réalité acoustique devient plus audible.»
Two pieces for two pianos (1954)
Editions Peters 6916
Création le 20 avril 1955, Royaume-Uni, Cambridge, WHRB, Sanders Theatre, par John Cage et David Tudor, pianos
Très dépouillées dans l’écriture, ces deux pièces présentent des notes brèves isolées, des accords aux registres très écartés, entrecoupés de fréquents silences. Il y a une sorte d’éparpillement du matériau sonore, avec l’utilisation de la pédale tonale qui permet à certaines harmoniques de résonner.
Piece for 4 pianos (1957)
Editions Peters 6918
Durée : 7’25
Création le 30 avril 1957, États-Unis, New York, Carl Fischer Concert Hall. Interprètes : John Cage, William Masselos, Grete Sultan et David Tudor, pianos

Edition Peters No. 6918
© 1962 by C. F. Peters Corporation, New York
All Rights Reserved. Reproduced by permission of the Publishers.
Two pianos (1957)
Editions Peters 6939
Durée : 9’55
Le même matériau est fourni aux interprètes, ce qui engendre comme une succession d’effets de réverbération à partir d’une source sonore unique. Les interprètes sont ainsi amenés à assurer eux-mêmes la plasticité du mouvement.
De telles pièces dévoilent le sens du temps que possède chaque musicien, ce qui se manifeste à travers les décalages qui ne peuvent manquer de se produire quant à leur appréhension du matériau.
Piano three hands (1957) pour 1 piano, 2 pianistes, 3 mains
Editions Peters 6943
C’est la première partition à faire intervenir une notation sans valeur de durée fixée, bien que le tempo doive être très lent et que les temps doivent être presque égaux. Des notes uniques, en ronde, avec des lignes pointillées pour les accords joués simultanément par les deux pianistes sont réparties sur trois protées. Les notations blanches paraissent souligner la lenteur du temps de lecture. Chaque main a rarement plus d’une note à jouer.
Cornelius Cardew déclare dans un programme Feldman pour la BBC en 1966 à propos de cette pièce : « C’est probablement la pièce le plus jouée de Feldman. Peut-être parce qu’elle a été jouée tant de fois, elle a acquis une qualité vénérable. Les notes elles-mêmes ont un air d’immuabilité, comme si elles avaient été prédéterminées dans quelque atmosphère non humaine, rendues possibles par l’instrument pour lequel elles ont été écrites. »
« Sans titre » (1958) pour 2 pianos
Manuscrit Collection Morton Feldman, Fondation Paul Sacher, Bâle
Piano Four Hands (1958)
Editions Peters 6946
Création le 2 mars 1959, Etats-Unis, New-York, Circle in the Square Theatre,
par Morton Feldman et David Tudor, pianos
Ixion (1960) 2 pianos
Editions Peters 6926a
Pièce à l’origine pour 10 instruments (3 flûtes, clarinette, cor, trompette, trombone, piano, 3 à 7 violoncelles, 2 à 4 contrebasses) où le compositeur retourne une nouvelle fois aux notations graphiques. Merce Cunningham s’en servira pour son ballet Summerspace.
Vertical Thoughts I (1963) pour 2 pianos
Editions Peters 6952
Dans une série de 5 pièces intitulées Vertical Thoughts, la première est écrite pour 2 pianos. Des mesures et tempi précis interviennent à plusieurs reprises ; pendant deux de ces mesures, on entend les résonances de l’accord d’un des pianos ; les autres mesures correspondent à des temps de silence, tous différents, ce qui correspond bien à l’intention du compositeur d’avoir le contrôle du silence, tout en laissant par ailleurs une flexibilité quant à la production des sons proprement dits.
Morton Feldman sur les questions de l’écoute de l’interprète et du silence : « Les musiciens étaient sensibles à la manière de produire des sons, mais n’écoutaient pas. Et ils n’étaient pas sensibles aux silences que j’indiquais. Donc, la raison pour laquelle ma musique est notée est que je voulais garder le contrôle du silence. »
Two pieces for three pianos (1966)
Editions Peters 6967
Five pianos (1972)
Universal Editions 15499
Dans cette pièce pour 5 pianistes (qui chantonnent également), malgré d’indéniables constantes, on perçoit chez Morton Feldman des transformations qui se sont opérées peu à peu dans la conscience du compositeur avec une prise en charge de plus en plus délibérée de la dimension harmonique.
Entretien de Jean-Yves Bosseur avec Morton Feldman :
« – Avec quels instruments aimez-vous travailler ?
-J’aime les instruments qui ont un certain caractère anonyme, qui peuvent se métamorphoser facilement pour entrer dans le monde de ma musique. »
Cette présentation des pièces pour pianos de Morton Feldman est tirée de :
Morton Feldman, Ecrits et paroles, textes réunis par Jean-Yves Bosseur et Danielle Cohen-Levinas, monographie de Jean-Yves Bosseur, Les Presses du Réel, 2008, 463p.
Les durées indiquées des pièces correspondent aux extraits choisis et peuvent varier selon les interprétations. Jusqu’en 1969, les partitions de Morton Feldman sont publiées par les Editions Peters, New York, puis, à partir de 1970 par Universal Editions, Londres. Remerciements aux Editions Peters pour leur autorisation de publier certains extraits des pièces de Morton Feldman.
Emmanuelle Tat
Professeure de piano
aux conservatoires de Stains
et Pierrefitte-sur-Seine
Faites tomber les murs !
Vers un décloisonnement de la création musicale dans les conservatoires.
Le 17 novembre dernier s’est tenue au CRR d’Aubervilliers-La Courneuve une Journée nationale de rencontre professionnelle organisée par la Maison de la Musique Contemporaine sur la question de l’enseignement et de la place de la création musicale dans les Conservatoires. Anabelle Miaille, chargée de mission « observation et veille opérationnelle » à la MMC reprend ici les échanges et les idées qui ont été développés tout au long de la journée.
Le programme de cette journée nationale de rencontre professionnelle a été élaboré à la suite d’ateliers de réflexions qui ont réuni des professionnel·le·s de ce secteur et qui ont permis de faire émerger les constats et problématiques rencontrés sur le terrain.
Le premier constat est que la transmission de la création musicale, aussi bien dans le « faire jouer » que dans l’éveil de la créativité des élèves, est encore largement absente de l’apprentissage de la musique dans ces établissements. Par ailleurs, il semblerait que l’enseignement dans les Conservatoires, tel que dispensé actuellement et quelles que soient les disciplines, s’essouffle. Les élèves de ces établissements manquent de motivation et peuvent se montrer peu ouverts et curieux aux originalités sonores. Et pour finir, l’image d’élitisme et d’érudition de la composition emprisonne son enseignement dans des enclaves. La sacralisation qui entoure la composition entraîne une inhibition peu propice à la créativité.
Mais face à ces constats, la présentation de projets novateurs et porteurs de sens ont également permis d’envisager des possibilités de dépassement de ces écueils. L’un des objectifs de cette journée était donc de valoriser ces projets ainsi qu’une nouvelle façon de concevoir l’enseignement dans les Conservatoires, qui promouvrait une logique de décloisonnement entre les classes, avec la création musicale comme vecteur d’inclusion et de partage.
Cet article résume les échanges et les idées qui ont été développés tout au long de la journée.
Il apparaît dans un premier temps qu’il est important de sortir de la reproduction pour aller vers la production. Le socle reste aujourd’hui encore de former des interprètes technicien·ne·s. Mais l’aller-retour entre acquis techniques et expression de la créativité est essentiel pour former des artistes complets. Il s’agit donc d’éveiller la créativité des élèves dès le plus jeune âge et dans toutes les classes d’enseignement auxquelles ils participent. La création ne doit pas être une spécialité réservée à un temps dédié, à partir d’un certain nombre d’années d’expérience. Pour susciter des vocations de créateur·rice·s, il faut envisager les élèves non pas comme des étudiant·e·s en instrument ou en composition mais bien comme des « artistes en herbe ». En effet la création est multiple par essence et s’exprime dans une multiplicité de pratiques et d’esthétiques. Les créateur·rice·s sont « tou·te·s métisses » de la création musicale (instrumentale, électroacoustique, improvisation…).
Dans la continuité de cette acception, l’interdisciplinarité avec d’autres formes d’expressions artistiques prend également tout son sens. Le croisement des pratiques avec les arts sonores (radio, live, performance…) mais aussi les beaux-arts (installation sonore, utilisation du phénomène sonore comme matière…) repositionne le son au cœur du processus de création, et augmente ainsi l’ouverture des champs d’application. Dans cette perspective, le conservatoire de Marseille a fusionné avec l’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée pour devenir l’Institut national supérieur d’enseignement artistique Marseille-Méditerranée – INSEAMM en 2020. Cette fusion a permis de rapprocher des étudiants du conservatoire avec des étudiants l’école d’art et de design, et ainsi de développer d’autres logiques de création. Le conservatoire de Saint-Étienne a également initié des projets de collaboration avec l’École supérieure d’art et design de la ville.
La création est multiple et diffuse, et ne serait être contrainte, alors comment mettre en place un cadre pédagogique qui favoriserait son éclosion ?
Placer la création musicale au cœur d’un projet pédagogique
La création musicale doit faire partie de l’enseignement dès le premier cycle, en formation musicale et en classe d’instrument ou de chant. Le conservatoire prenant ainsi le relais des différentes actions culturelles qui se développent de plus en plus dans les écoles. La pratique de jeux sonores et rythmiques, par exemple, amènent les élèves à s’exprimer avec leur instrument via de petites improvisations. Le conservatoire de Gennevilliers a ainsi développé le dispositif « Tous Compositeurs » qui s’adressent aux élèves dès l’entrée en premier cycle.
L’enseignement de la création musicale devrait comprendre l’enseignement de l’écriture, de l’analyse, des techniques du son, de la MAO (musique assistée par ordinateur), de l’improvisation, de l’arrangement, de l’électroacoustique… en lien avec les classes d’instrument pour impulser une synergie collective de partage d’expériences entre les élèves eux-mêmes, dans une pédagogie de projets. Chaque « artiste en herbe » ayant ses propres affinités, il est important que l’organisation pédagogique puisse proposer plusieurs parcours d’enseignement pour orienter les élèves vers leur forme d’expression privilégiée (écriture, improvisation, électroacoustique…). Les classes de pratiques collectives doivent être au cœur des projets de création pour une véritable circulation des élèves entre les différentes approches, créant ainsi une symbiose entre diversité et inclusivité. Dans une visée d’autonomisation, les élèves sont replacés au cœur du processus d’apprentissage afin de favoriser l’initiative des projets par eux-mêmes. Le conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve a ainsi créé un espace de travail collaboratif et collectif sous la forme d’un collectif de création, « Fabrica ».
Les temps communs sont également essentiels pour fédérer les élèves et les enseignant·e·s. Masterclasses, concerts, réunions de rentrée avec tous les élèves sont autant d’évènements qui permettent la circulation et favorisent la rencontre des étudiant·e·s. Le conservatoire de Bordeaux organise des soirées de la création qui prennent la forme de concerts où tous les élèves peuvent faire entendre leur travaux, toutes esthétiques confondues, avec une présentation de l’œuvre en amont. L’ouverture des cours en auditeur·rice libre est aussi une façon d’encourager les élèves à venir découvrir le travail de création.
La pédagogie de projet, qui offre des situations qui sortent de l’ordinaire, stimule les élèves et donne l’envie d’approfondir les savoirs. Cette stimulation est d’autant plus forte lorsque que les projets du conservatoire s’inscrivent dans le cadre de partenariats avec d’autres institutions culturelles du territoire. Impliquer l’écosystème génère un rayonnement du conservatoire au-delà de ses murs tout en apportant un enrichissement des projets et des élèves.
Autre aspect important, la collaboration avec des interprètes et des compositeur·rice·s. Envisager des résidences d’artistes avec une réelle présence dans l’établissement sur des temps longs, permet d’approfondir les échanges avec l’ensemble des élèves, de tous les niveaux et de tous les âges. L’accueil d’ensembles dédiés à la création en résidence est une façon d’envisager la transmission des modes de jeu spécifiques. Il serait par ailleurs intéressant que des compositeur·rice·s puissent travailler avec les enseignant·e·s pour réfléchir ensemble à la forme que pourrait prendre un matériel de transmission efficace mais néanmoins musicalement riche. Combiner l’expertise de l’enseignant·e concernant la transmission d’une part et la sensibilité du·de la compositeur·rice d’autre part.
S’unir pour avancer
Avec l’idée d’un enseignement global, l’intégration et l’implication de l’ensemble des professeur·e·s du conservatoire deviennent indispensables. Pour un bon fonctionnement, toute l’équipe pédagogique doit participer à l’encadrement afin de lier les initiatives. Mais si le désir est souvent présent, il peut exister parfois une certaine forme de résistance au changement de mode de fonctionnement. L’accompagnement des enseignant·e·s est donc tout aussi essentiel. La généralisation de formations spécifiques, initiales ou en formation continue, permettraient de développer le nombre de personnes ressources, porteuses de dynamiques d’innovations dans leurs établissements. Cette généralisation initierait de plus une énergie de partage et de diffusion entre les conservatoires.
En effet l’isolement s’avère être un frein majeur à toute logique de développement. C’est pourquoi la mise en réseau se révèle cruciale pour mutualiser les expériences. Cela permet également d’apporter du poids lorsqu’il s’agit de convaincre les personnes décisionnaires (élu·e·s, financeur·se·s, décideur·se·s politiques). La nécessité de créer un réseau de la pédagogie et de la création en France pour valoriser la création musicale comme une voie possible du renouvellement de l’enseignement dans les conservatoires a donc été l’une des grandes conclusions de cette journée de réflexion.
Vous pouvez retrouver sur le site de la Maison de la Musique Contemporaine le programme détaillé avec la liste de tous les intervenant·e·s à cette journée, ainsi que l’enregistrement de la table-ronde animée par Marie Hédin-Christophe : La création dans les conservatoires et le créateur dans la société.
Comment faire prendre conscience du caractère épanouissant de la créativité ?
Comment intégrer le conservatoire dans un tissu municipal et territorial grâce à la création ?
Comment placer la création au sein d’un écosystème ?
Anabelle Miaille
Chargée de mission « observation et veille opérationnelle »
Maison de la Musique Contemporaine
La question des droits culturels dans les conservatoires
Sarah Van der Vlist, flûtiste et professeure de flûte, a consacré son mémoire de formation CA à la question des droits culturels et leur impact dans les conservatoires d’enseignements initiaux. Elle nous propose ici un extrait de son mémoire de recherche, concernant notamment les liens entre droits culturels et le collectif de manière générale.
Depuis quelques années, les « droits culturels » émergent de plus en plus du champ des politiques culturelles. Souvent définis de manière assez vague, leur connaissance et leur maniement tendent pourtant à devenir un prérequis pour les acteur·rices des milieux culturels, et notamment en conservatoire. Si cette notion est si difficile à manier et à comprendre, c’est notamment parce qu’elle recouvre des domaines très différents.
Les droits culturels s’inscrivent en premier lieu dans les droits humains, conçus au 17ème siècle par les Lumières à partir de l’idée qu’il y aurait des droits devant être garantis à tout homme quel que soit le régime politique en place, car nécessaires pour lui et pour l’humanité. Après la seconde guerre mondiale, l’ébranlement collectif donne lieu à de nombreux traités ayant recours aux droits humains dans lesquels figurent des droits culturels, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1948, puis deux pactes internationaux en 19661. L’ONU crée un comité en charge de garantir l’application des pactes, et l’Unesco prend en charge l’élaboration de nombreuses conventions autour de la culture, en adoptant une définition de plus en plus large de celle-ci (allant jusqu’à englober les langues, les modes de vie, les croyances, l’habillement, etc). Finalement, en 2015 le terme de « droits culturels » entre dans la loi française à travers les lois NOTRe2, puis LCAP3, toujours peu contraignantes sur les droits culturels du point de vue juridique, bien qu’assez symboliques.
Des droits multiples et polymorphes
Cette introduction historique ne nous aide que peu à définir ce que sont les droits culturels. En recoupant les différents droits qui existent dans les traités, et avec cette définition large de la culture, ils recouvrent notamment le droit à l’éducation, le droit à participer à la vie culturelle, le droit à l’égalité dans la culture, le droit à l’accès à la culture, le droit à l’information, le droit à parler sa propre langue, etc., chacun étant souvent défini de manière assez floue dans les textes.4 Il s’agirait de les articuler et les arbitrer entre eux, afin que tous soient respectés au mieux, selon un équilibre à remettre en question en permanence dans les champs politiques et juridiques.
Pourtant, un certain nombre de militant·es des droits culturels refusent que ceux-ci puissent être entièrement dissous dans leur acception juridique. D’après Patrice Meyer-Bisch, le philosophe qui a notamment coordonné la Déclaration de Fribourg en 2007 (texte considéré par beaucoup comme fondateur dans la définition des droits culturels), ceux-ci pourraient être définis comme « les droits d’une personne, seule ou en groupe, d’exercer librement des activités culturelles pour vivre son processus, jamais achevé, d’identification. La réalisation de ces droits permet à chacun de se nourrir des œuvres et activités culturelles comme de la première richesse sociale ; ils constituent la matière de la communication, avec autrui, avec soi-même, par les œuvres. »5 Leur exigence éthique intrinsèque, plus que juridique, serait alors que tous tendent vers une meilleure prise en compte des droits culturels de chacun·e et de toute·s à la fois, pour faire mieux société mais aussi comme condition d’une existence plus digne.6
Ces quelques paragraphes expliquent – je l’espère du moins – pourquoi les définitions des droits culturels peuvent être multiples et aussi polymorphes qu’elles sont habitées par des personnes différentes qui les mettent en tension selon leurs propres boussoles de valeurs. Pour ma part, j’ai choisi de travailler sur les pendants plus philosophiques que juridiques, tout en m’appuyant néanmoins sur des textes juridiques forts, en espérant qu’une confrontation plus pratique éclaire davantage a posteriori ce que sont et recouvrent les droits culturels.
Des droits qui habitent déjà certaines de nos pratiques
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai étudié différentes situations de personnes travaillant dans des conservatoires et ayant eu un rapport privilégié avec les droits culturels : dans certains établissements, le lien s’appuyait sur un ancrage revendiqué dans les droits culturels, afin d’amplifier des réflexions prééxistantes ou d’en apporter de nouvelles ; dans d’autres établissements, le lien a été réalisé dans un second temps. Ainsi, à Lorient par exemple, Mathieu Sérot faisait le lien a posteriori entre les projets passionnants qu’il avait portés et les droits culturels, en les ramenant finalement plus volontiers à la notion d’éducation populaire. Pourtant, l’ensemble de son travail résonnait de manière forte avec les droits culturels, ce qui montre qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser et d’avoir assimilé précisément ces notions ou vocables a priori pour en être pourtant un·e acteur·rice.
Il me semble que, d’une manière ou d’une autre, les droits culturels habitent déjà nos pratiques et nos considérations, mais leur étude contribue à vivifier nos pratiques et nos interrogations. Ils constituent en eux-mêmes une force, paradoxalement, du fait de leurs déséquilibres multiples, toujours à arbitrer collectivement et à rediscuter – à la fois du fait de la faible précision de leur définition, qui demande à être discutée constamment, et de la multiplicité de droits et de postures qui demande à être étudiée et discutée constamment afin qu’aucun droit et aucune personne ne soit mise de côté. Je suis d’avis qu’ils pourraient favoriser une polyphonie travaillée de pratiques, et une synergie de personnes pour permettre davantage de libertés effectives par un travail autour de l’accroissement des capacités de tou·te·s.
Si la réalité des pratiques semble parfois contredire certaines exigences posées par les droits culturels, nous pourrions tout autant, en renversant l’affirmation, revendiquer une exigence de modifications profondes du cadre social pour permettre à tou·te·s d’avoir le temps, l’espace et l’énergie de développer davantage de réflexions collectives, des processus de délibérations, d’expérimentations, de recherches, d’éducation et de pratiques culturelles, de participation à la vie culturelle, et in fine une meilleure prise en compte des droits de chacun·e à exprimer ce qui fait sens pour lui ou elle.
En quoi les droit culturels pourraient-ils être un cadre théorique intéressant pour penser/panser les conservatoires ? En m’appuyant sur l’analyse de Jean-Michel Lucas7, qui a élaboré toute une pensée autour d’un texte fort d’un comité de l’ONU autour de la culture8, j’ai choisi de traiter à présent des obligations de respect et de mise en œuvre des droits culturels en les mettant en relation avec les nombreux et riches entretiens que j’ai pu mener auprès de personnalités extrêmement diversifiées des conservatoires9. Voici quelques pistes de mes propres interprétations du texte, nourries par ces entretiens.
Liberté de créer
En premier lieu, le respect plein et entier du droit à la liberté de créer, d’expression, peut nous interroger sur les conditions de création et d’expression dans les conservatoires, en ayant une grande attention sur les personnes parfois tenues hors de ces champs artistiques, en mettant en place le plus possible les conditions de création artistique pour des projets divers : résidences d’artistes, prêts des locaux pour des répétitions de groupes extérieurs pendant les vacances scolaires lorsque cela est envisageable et conciliable, stages de prise de son ouverts à l’extérieur, etc. Les conservatoires sont riches de personnes qui y circulent sans pour autant être invitées à contribuer à ce pan artistique : je pense par exemple aux personnes chargées de l’entretien, du personnel administratif ou de la sécurité, aux parents d’élèves, etc.
Afin de favoriser la liberté des échanges et de la transmission, nous pouvons par exemple créer davantage de situations de dialogues sur nos pratiques, en allant vers des enseignements plus croisés des notions de rythmes, de phrasés, etc., ou encore en encourageant les recherches communes entre les élèves, entre les professeur·es à bien des échelles, mais aussi en suscitant davantage de transmission dans ou entre les familles par du collectage des pratiques culturelles ou des répertoire.
Liberté de choisir son identité culturelle et de prendre part aux décisions
Afin de respecter davantage la liberté de choisir son identité culturelle telle qu’envisagée par les droits culturels, il s’agit de veiller à ne pas essentialiser les professeur·es comme les élèves, c’est-à-dire n’assigner personne à une identité culturelle figée prédéfinie et ce notamment en veillant à diversifier les parcours et les formations, en créant et suscitant les rencontres culturelles au sein d’un cursus, d’un département, d’une ville, et en permettant les évolutions d’identification. En ce sens, l’obligation de fournir des objets culturels divers résonne avec des questionnements sur les conservatoires déjà formulés depuis assez longtemps : il s’agit par exemple d’élargir les répertoires transmis, ou les manières de les enseigner, mais aussi tisser plus de liens avec d’autres acteurs d’enseignement artistique ou non, ou d’artistes sur le territoire, en gardant cependant l’exigence que cette transversalité ait et permette un réel sens pour toutes les personnes impliquées.
Concernant le droit d’accéder au patrimoine et droit de recevoir un enseignement culturel, le regard des droits culturels me semble consister à partir de ce qui fait sens pour les personnes plutôt que des objets d’art ou de savoir, en considérant ces derniers comme des façons d’éveiller chez toutes et tous une richesse nouvelle d’interprétations, d’émotions et ainsi de nourrir la vitalité des questionnements artistiques. Cela pourrait aussi passer par des interrogations sur la part de liberté accordée réellement dans la réception et la construction de nos enseignements.
Enfin, la question épineuse du respect de la liberté de prendre part aux décisions se heurte souvent à beaucoup de situations existantes me semble-t-il. Dans mes pratiques et recherches ainsi que dans les entretiens menés, peu d’espaces semblaient exister dans les conservatoires pour favoriser les discussions et prendre de réelles décisions ensemble. De plus, quand le processus de co-désision était enclenché de manière très parcellaire et descendante par des directions, sans réflexion commune sur ce qui devrait être mis en place pour que toutes et tous s’y retrouvent, les équipes professorales n’étaient souvent pas volontaires, et pour cause. Il s’agirait de trouver, créer ou du moins favoriser autant que faire se peut des espaces où les différentes personnes impliquées puissent réellement prendre part à ces décisions.
Les conservatoires pourront promouvoir des projets culturels plus respectueux des droits culturels en interrogeant les projets existants avec les outils que nous proposent les droits culturels10, et en essayant d’équilibrer les droits des personnes dans et entre les projets, et entre les personnes.
L’accessibilité
La question de l’accessibilité est un chantier qui me semble vraiment vaste et passionnant. Réfléchissons à l’accès aux établissements pour toutes les personnes, en termes de possibilités concrètes. Souvent présentée sous la forme d’accès de personnes en situation de handicap ou d’extrême pauvreté, les droits culturels nous encouragent certes à travailler sérieusement sur ces points, mais en respectant toute·s les acteur·rices et en considérant ce qu’elles ont à nous apporter aussi dans les pratiques existantes. L’accessibilité réelle oblige également à interroger les lieux d’enseignements (souvent en centre-ville), les rythmes des enseignements (qui permettent parfois difficilement aux enfants de venir plusieurs fois par semaines quand les familles ne peuvent pas avoir de garde d’enfants), les efforts de médiation lorsqu’ils sont seulement descendants, etc. Il s’agit d’un champ de réflexion qui gagnerait à être réellement approfondi et rediscuté, car les applications en partant des droits culturels sont multiples.
Ces quelques questionnements et propositions de pistes sont pour le moins embryonnaires : chaque droit évoqué mériterait un ample développement et un travail collectif pour lui donner de l’épaisseur en alliant approfondissement théorique et vivacité des situations des personnes en présence. De plus, d’autres supports pourraient être utilisés pour étayer les réflexions : la déclaration de Fribourg, les outils Paideïa : les ressources proposées par le corpus des droits culturels pour réfléchir et débattre sont nombreuses et considérables ! Pour autant, aussi embryonnaires soient ces questionnements, il me semblait important d’essayer de donner une première matière à ces concepts très théoriques et abstraits, qui soit aussi ancrée dans des entretiens avec des personnes issues des conservatoires.
A l’instar de la démocratie, la diversité prônée par les droits culturels se retrouve pourtant dans les droits culturels eux-mêmes, et interroge : seront-ils dissous par l’étirement de leurs usages et de leurs compréhensions, ou seront-ils suffisamment habités pour garder une certaine potentialité, consubstantiellement subversive et constructive ? Deviendront-ils une série de nouveaux éléments de langage, de cases à cocher standardisées en s’inscrivant en réalité? dans une lignée existante, ou une formidable source d’enrichissements et de déplacements de nos cadres conceptuels ? A de nombreuses reprises dans mon travail, les droits culturels sont venus heurter de plein fouet la réalité sociale inégalitaire, extrêmement hiérarchisée, dont la non-viabilité est déjà un affront aux droits humains. Seront-ils une force supplémentaire pour contester cette réalité et contribuer à la changer ? Permettront-ils de réaffirmer et de construire le postulat de l’égalité des intelligences, et des capacités des personnes à donner du sens au monde ? Dans une société démocratique, aborder ces questions n’est pas un luxe, mais une nécessité. Le corpus immense des textes et pensées des droits culturels peut être lui-même considéré comme ressources, c’est-à-dire, pour reprendre les mots de Sylvie Pébrier11 dans l’entretien qu’elle m’a accordé, comme « un appel au vivant, à faire vivre cette ressource, à la subjectivité. » La force des droits culturels dépend donc de ce que chacun·e en fera dans ses pratiques, dans ses réflexions, et de la façon dont ils pourront être (res)sources de questionnements et de vitalité.
Sarah van der Vlist
Flûtiste
1 Le PIDCPP (Pacte International Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) et le PIDESC (Pacte International relatif aux Droits Économiques Sociaux et Culturels). Ce dernier est bien plus riche en termes de droits culturels, intégrant la participation à la vie culturelle, les droits d’auteur, etc.
2 Loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République d’août 2015.
3 Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine de juillet 2016.
4Il y a là un véritable enjeu politique et juridique important : tout en protégeant un noyau intrinsèque de ces droits, il s’agit par une forme d’indéfinition de conserver une possibilité importante de débat, de réinterprétation du contenu de ces droits, de la culture elle-même, afin de les ajuster en permanence à des sociétés changeantes sans étriquer les possibles par une trop grande rigidité nécessairement issue d’une vision passée ou qui le deviendra bientôt.
5Meyer-Bisch Patrice, « Les droits culturels. Enfin sur le devant de la scène ? », L’Observatoire 33 (1), Grenoble, 2008, pp. 9 13.
6Les droits culturels s’appuient aussi sur un large pan philosophique, notamment les philosophes du développement de « la capacitation » (Amartya Sen), et la pensée de la créolisation d’Édouard Glissant, mais aussi sur l’éducation populaire.
7Lucas, Les droits culturels, op. cit., 2017, pp. 33 60.
8Comité des droits économiques, sociaux et culturels – Observation générale No.21
9Par souci de concision, ils ne seront malheureusement ici que peu cités alors qu’ils ont énormément porté mes recherches et réflexions
10Voir à ce sujet le travail de Paideïa, une recherche-action qui a réuni depuis 2012 de nombreux acteurs (départements comme structures internationales) afin de développer des outils d’évaluation et d’analyse intéressants autour des droits culturels.
11Inspectrice au ministère de la culture, et professeure au CNSMD de Paris
Conférence : Une histoire du piano collectif
Cette conférence propose de donner une trame historique du répertoire pour piano collectif
afin d’entrevoir l’évolution de ce répertoire, tant au niveau des époques qu’il a pu traverser,
qu’au niveau de ce que l’instrument a pu susciter,
en terme aussi bien de styles que de nombre de pianistes par exemple.
Les œuvres à partir de trois interprètes et plus, pour un piano ou plus, y sont présentées de la période
baroque jusqu’à nos jours.
Par Emmanuelle Tat, pianiste musicologue
Podcast : https://soundcloud.com/user-193412593/conference-une-histoire-du
Table-ronde : La médiation de la musique contemporaine
La musique contemporaine véhicule encore aujourd’hui beaucoup de préjugés d’inaccessibilité.
Or, ce répertoire en pleine expansion recèle des richesses que le jeu ou la pratique collective
permettent de rendre sensibles au plus grand nombre.
A travers le témoignage croisé de deux compositeurs, Florentine Mulsant et Alexandros Markeas, la
Maison de la Musique Contemporaine propose de découvrir les bénéfices d’une médiation incarnée de
la création musicale.
Modérateur : Simon Bernard
Podcast : https://soundcloud.com/user-193412593/table-ronde-mediation-de-la-musique-
contemporaine
Conférence : Neurosciences et apprentissage collectif
Que nous disent les neurosciences sur la musique en général, et son apprentissage collectif en
particulier ?
Au sujet : le son et sa complexité, le geste et son apprentissage, et plus largement
l’autonomie de l’élève et la posture du professeur.
Podcast : https://soundcloud.com/user-193412593/conference-neurosciences-et
Par Hervé Glasel, neuropsychologue, spécialiste du développement de l’enfant et de l’adolescent,
directeur fondateur des écoles du CERENE (Centre de Référence pour l’Evaluation Neuropsychologique
de l’Enfant).
Hervé Glasel a publié aux éditions Odile Jacob Une Ecole sans échec – L’Enfant en difficulté et les
sciences cognitives :
Avoir du mal à lire et à écrire dans une société où toute la scolarité passe par la lecture de textes et la
rédaction, être dyslexique, dyspraxique, dysphasique ou avoir du mal à se concentrer, est un véritable
obstacle pour donner à voir son plein potentiel. Pourtant, ces enfants sont intelligents. Heureusement,
l’échec scolaire n’est pas une fatalité ! Grâce aux dernières avancées des sciences cognitives, on sait
mieux aujourd’hui comment le cerveau apprend et on peut aider les élèves en difficulté, grâce à une
meilleure compréhension de leurs troubles. Ce livre, dédié aux enseignants et aux parents, présente les
concepts permettant de mieux penser les mécanismes en jeu, lors des apprentissages et propose des
solutions concrètes pour aider les enfants touchés par les troubles des apprentissages.
La Fantaisie en fa mineur de Schubert
Roman Soufflet, musicologue et pianiste, nous présente la Fantaisie en fa mineur de Schubert, œuvre importante dans le catalogue des pièces pour piano à quatre mains.
S’appuyant sur une analyse complète de l’oeuvre (qu’il a postée ici : https://lewebpedagogique.com/pianomanonsolo/?p=1167), il explique en quoi cette œuvre tient une place à part dans le catalogue du compositeur.
La Fantaisie en Fa mineur de Schubert – Analyse détaillée par Roman Soufflet
La Fantaisie en fa mineur a été composée entre janvier et avril 1828 et jouée pour la première fois dans la sphère intime le 9 mai 1828 ; Schubert l’interprète alors avec Lachner devant Bauernfeld, deux de ses amis et partenaires de prédilection. De la Wanderer Fantasie, Schubert reprend le plan général en quatre parties enchaînées ; de la Fantaisie pour violon et piano, Schubert réinvestit l’idée d’un retour thématique. Mais là où dans cette dernière, la reprise du thème permettait d’introduire le finale Allegro Vivace – sur le modèle de l’opus 101 de Beethoven – ce retour vient ici conclure l’œuvre et la clore de manière cyclique.
Les quatre mouvements sont ainsi disposés : Molto moderato, Fa min. (119 mesures) ; Largo, Fa#min. (43 mesures) ; Allegro Vivace, Fa#min. (275 mesures) ; Tempo I, Fa min. (133 mesures) (suite…)
La recherche en partage pour le piano en collectif
Brève réflexion de Charles Arden, conseiller pédagogique au Pôle Sup’93, sur les liens entre interprétation, recherche et collectif. Ou comment le travail en collectif à l’instrument et le travail de recherche pédagogique peuvent s’inspirer mutuellement. (suite…)
Catalogue d’œuvres contemporaines (3)
Pour ce troisième numéro, la Maison de la Musique Contemporaine vous propose une liste d’œuvres pour plusieurs pianistes repérées sur le web : piano 4 mains ou plus, 2 pianos ou plus, préparés, électroniques ou acoustiques, le piano collectif dans toute sa diversité.
.ADAMS John Short Ride in a Fast Machine [arrangement]
1986 2 pianos
> Vidéo sur Youtube :
Dialogue sur les neurosciences et l’apprentissage du piano
Dialogue entre Hervé Glasel, neuropsychologue et directeur du CERENE – le centre de référence pour l’évaluation neuropsychologique de l’enfant – et Fabien Cailleteau, professeur de piano au conservatoire de Saint-Denis. Au sujet : le son et sa complexité, le geste et son apprentissage, et plus largement l’autonomie de l’élève et la posture du professeur.
Monument pour deux pianos : évolution de la conception du temps musical chez Ligeti
Maxime Joos, professeur d’histoire de la musique et d’analyse musicale au conservatoire de Lille, nous livre une réflexion sur le temps musical chez Ligeti à travers la première de ses Trois Pièces pour deux pianos, Monument. Cette contribution, révisée en 2021, est tirée d’un extrait du mémoire de Recherche en Analyse musicale, sous la direction d’Alain Louvier, intitulé György Ligeti : de la genèse à l’esthétique, CNSMDP, 2003, soutenu au conservatoire de Paris, devant Pierre-Laurent Aimard, Antoine Bonnet et Catherine Fourcassié. Ce travail de recherche avait, originellement, été inspiré par la consultation des archives Ligeti de la Fondation Paul Sacher de Bâle en 2001-2002.
Les impairs du piano collectif
Emmanuelle Tat, pianiste et musicologue, brosse un panorama de l’histoire du piano collectif en suivant un axe original, celui du nombre impair : nombre impair de pianos, de pianistes ou de mains ! Playlist de l’article : https://www.youtube.com/watch?v=PdNjyzxqmWU&list=PLhutuju3lTz8z7qlJuESSfeKzfVvWNmdl
Au piano avec 40 doigts et 88 touches
Le Quatuor Pianofolie, fondé en 2015 par les quatre pianistes Biljana Atanasovska, Marcia Dipold, Julia Froschhammer et Giada Stornetta, nous parle du répertoire à huit mains pour un seul piano. Interview avec Julia Froschhammer.
Pédagogies de groupe, hier et aujourd’hui
Formatrice en pédagogie à l’isdaT et aux Pôles Supérieurs 93 et Bordeaux, Karina Cobo Dorado a publié aux éditions L’Harmattan La pédagogie de groupe dans les cours d’instruments de musique. Elle nous livre ici un panorama de la pédagogie de groupe, du 19e siècle à aujourd’hui.
Catalogue d’oeuvres contemporaines (2)
Voici une liste d’œuvres pour deux pianos, extraite du catalogue de la Maison de la Musique Contemporaine. Les références de cette sélection bénéficient d’une visibilité sur le web, ce qui permet de les découvrir de chez soi ou d’ailleurs.
La microtonalité au piano : le cas Wyschnegradsky
Roman Soufflet, musicologue et pianiste, nous présente le compositeur Ivan Wyschnegradsky. Celui-ci a axé une majeure partie de ses recherches sur la microtonalité, et le piano collectif a fait partie de ses solutions novatrices. Playlist complète de l’article : https://www.youtube.com/watch?v=_FPeVSWBBIo&list=PLhutuju3lTz-ypEfgV1OHIWWyy3xHnKr8
Le piano à quatre mains de Mozart
A l’occasion de la sortie de leur disque Mozart 4 Hands, Morgane Le Corre et Knut Jacques évoquent Mozart, son écriture pour le piano à quatre mains et particulièrement les sonates K 497 et K 521, composées à la toute fin de sa vie.