Elisabeth Marchand, ancienne directrice du conservatoire de Flers Agglo, en Normandie, nous relate la mise en oeuvre d’un apprentissage de la musique en cours collectifs, à l’échelle du conservatoire dans son ensemble. Cet article présente ainsi une synthèse de dix années d’une expérience vécue en équipe.
Je tiens en préambule à remercier l’ensemble de l’équipe du conservatoire de Flers Agglo pour leur enthousiasme envers ce projet – un projet en lequel il n’était pas toujours facile de croire -et pour la richesse de nos échanges, qui nous aura permis une adaptabilité et une réactivité à toute épreuve ! Il me parait important de souligner que nous n’avions pas anticipé l’ensemble des conséquences de notre expérimentation, comme dans tout projet basé sur l’observation et des ajustements réguliers. Nous avons en effet laissé vivre cette expérience, avec ses réussites, échecs et résolutions au fil des années. C’est maintenant un schéma qui évolue en permanence, avec une équipe pédagogique qui se concerte et expérimente de façon continue. J’aimerais également remercier l’ensemble des acteurs de l’éducation, enseignants, formateurs et directeurs qui m’ont permis de découvrir les nombreux dispositifs qui partout voient le jour en France pour innover dans l’enseignement de la musique. Cela a été non seulement une très grande source d’inspiration mais aussi et surtout la possibilité de croire en la pertinence de ce changement.
Contexte et genèse du projet
En 2003, j’ai pris la direction de l’école de musique de Flers ; j’y enseignais également le saxophone et je dirigeais l’unique orchestre. C’était une école associative qui accueillait une centaine d’élèves, avec une image plutôt élitiste, même si le bureau de l’association et les enseignants s’impliquaient pour la modifier. Chance rare dans une carrière, j’ai eu carte blanche pour développer l’école en vue d’une reprise en régie directe par l’agglomération de Flers. C’était la possibilité de développer le budget de fonctionnement et donc les heures d’enseignement.
Comme dans beaucoup d’établissements d’enseignement artistique, les cours collectifs instrumentaux ont commencé dans le cadre d’un orchestre en milieu scolaire. Puis nous avons souhaité que les enfants puissent poursuivre leur apprentissage à l’issue de l’école primaire, même si l’orchestre en milieu scolaire est pensé comme un dispositif complet et non comme un « réservoir d’élèves ». Plusieurs options s’offraient à nous mais pour diverses raisons, elles ont été écartées (CHAM au collège) ou se sont montrées insuffisantes (tarifs incitatifs pour les élèves venant de ces orchestres). En cherchant à accueillir plus d’élèves des quartiers de la politique de la ville et des orchestres en milieu scolaire, nous nous heurtions à deux freins : le coût de la scolarité et le « ce n’est pas pour nous ». Les élèves, qui avaient vécu avec beaucoup d’enthousiasme et intérêt un apprentissage collectif de la musique, ne se retrouvaient pas dans un face-à-face pédagogique et dans des enseignements cloisonnés.
L’organisation et ses évolutions
Constatant rapidement que nos schémas pédagogiques ne correspondaient pas à ce public ciblé, nous avons créé un dispositif sur inscription qui ressemblait à ce qu’ils vivaient dans les écoles primaires. Ce cours était ouvert à tous et nous a permis dès son ouverture en 2008 une grande mixité sociale. Le tarif abordable a également eu une grande importance, même s’il pouvait laisser penser que c’était de moins bonne qualité que des cours individuels qui coûtaient plus chers. Ce problème a été résolu quand le modèle pédagogique dit « traditionnel » est devenu le cours collectif.
A l’origine de ce nouveau dispositif basé sur l’apprentissage en collectif, seuls quelques enseignants volontaires participaient ; les élèves intéressés dès son ouverture étaient en effet peu nombreux. A l’issue du premier trimestre, une remarquable prestation de ces élèves et un premier bilan ont amorcé une nouvelle tendance pour les années à venir : les jeunes musiciens prenaient plaisir sur scène, s’écoutaient et s’entraidaient ; les apprentissages étaient nombreux ; le retour des enseignants étaient très positifs quant à l’ambiance et à la progression des élèves.
Au fil des trimestres et des années, nous avons vu toute la richesse de cette expérimentation, que ce soit pour les élèves ou pour les enseignants. Nous avons bien sûr essuyé quelques échecs et trouvé quelques limites : ainsi il n’était pas toujours simple de repenser un schéma pédagogique dans une dynamique collective qui cherchait à s’abstraire des cloisonnements de classe. D’autres écueils ont dû être surmontés : sur un territoire très étendu, comment ne pas exclure de nouveau des élèves quand la présence demandée au conservatoire devient plus importante ? Suite au succès de plus en plus important des cours proposés, comment intégrer encore plus d’élèves quand le turn-over diminue considérablement ? Comment trouver sa place dans ce collectif d’enseignants constitué de convaincus, quand son propre modèle pédagogique repose sur des cursus qui ont fait leur preuve – au moins pour les « bons » élèves ? Comment convaincre autrement que par la preuve qu’il ne s’agit pas d’un enseignement au rabais ?
Le dispositif et les postures des encadrants ont donc évolué au fil des années, au fil des observations et ajustements mais le constat des acquisitions des élèves et le peu d’abandons de ceux-ci encourageaient l’équipe à chercher dans cette voie. L’augmentation du nombre des élèves nous permettait également de développer les propositions de pratiques collectives, avec la possibilité pour chacun de s’inscrire dans l’ensemble qu’il souhaitait : comédie musicale, orchestres variés, batucada, konnakkol, percussions corporelles, soundpainting, musiques actuelles, beat box, chorales, etc. L’accueil d’artistes dans ces ensembles ou avec les orchestres en milieu scolaire favorisaient également un élargissement des techniques d’apprentissage et renouvelaient l’effet de surprise, un des moteurs de motivation de ce dispositif.
Enfin, nous avons pu bénéficier d’un plan de formation ciblé au fur et à mesure des besoins et demandes des enseignants. Je garde, comme mes collègues, un souvenir toujours aussi prégnant des formateurs que nous avons eu la chance de rencontrer.
Les constats et conséquences
Changements dans les enseignements.
En 10 ans, de 2007 à 2017, le parcours des élèves aura évolué, pour l’apprentissage instrumental, du tout individuel au tout collectif. Si le cours collectif est devenu le parcours traditionnel, des parcours personnalisés sont proposés dans le dernier règlement des études.
Extrait de la dernière proposition du règlement des études (2020)
Les parcours traditionnels [cours collectifs] présentés ci-dessus sont la norme et seront encouragés pour tous lors de l’inscription. Cependant, dans un esprit d’ouverture et de service public rendu au plus grand nombre des parcours personnalisés peuvent être pertinents. Ces parcours seront mis en place sur proposition de l’équipe pédagogique et avec l’accord de la direction. Ils permettent de répondre à des besoins différents ou ponctuels des usagers. Ces parcours personnalisés s’adressent de façon prioritaire au public porteur de handicap, aux adolescents qui souhaitent sortir d’une forme scolaire, aux adultes qui ne peuvent s’engager sur un format hebdomadaire, aux personnes ayant déjà acquis une autonomie importante dans leur pratique mais demandent un suivi pour progresser encore. Il pourra également s’agir de répondre à des besoins ponctuels et demandes précises des pratiques amateurs (technique vocale et instrumentale et rapport à la scène).
Quatre exemples de parcours différenciés
Le cours partagé : Inscriptions de plusieurs personnes sur un même créneau qui viennent à tour de rôle. Public visé : adolescents et adultes qui ne peuvent s’engager sur un cours hebdomadaire, qui sont autonomes pour travailler leur instrument mais ont besoin d’un suivi pour progresser.
La co-intervention : plusieurs professeurs de disciplines différentes donnent cours en même temps à des élèves de différents instruments. Ils peuvent réunir les élèves sur un même cours ou échanger les groupes suivant les semaines. Les élèves n’ont donc pas systématiquement cours avec un spécialiste de leur instrument. Public visé : adultes inscrits depuis longtemps au conservatoire ou ayant acquis une technique instrumentale nécessaire pour être autonome.
Le cours « à la carte » : dans le cadre de l’accompagnement des pratiques amateurs, un créneau est prévu pour les personnes extérieures au conservatoire qui ont une demande précise. Public visé : Adolescent et adulte – Ouvert à tous les instrumentistes mais idéal pour des pianistes ou guitaristes qui pratiquent leur instrument en autonomie, veulent chanter et jouer en même temps et ont besoin de conseils ou d’un regard sur leur pratique. Ce cours permet également de « tester » 3 cours dans l’année et de s’inscrire sur un autre dispositif à la rentrée suivante.
Le parcours traditionnel « allégé » : Pour l’élève qui a plus de 9 ans, le parcours traditionnel comprend trois cours différents minimum. Il arrive, pour des raisons de plannings et de disponibilités des enseignants, que ces trois cours ne peuvent avoir lieu à la suite. Pour de multiples raisons (territoire étendu, permettre la pratique d’une autre activité, emploi du temps des familles, etc.), le conservatoire n’imposera pas plus de deux allers-retours hebdomadaires et l’élève pourra choisir de ne suivre que deux cours sur les trois. Les autres possibilités d’allègement sont soumises à la validation de l’équipe pédagogique et de la direction. Public visé : habitants loin de Flers, personnes en situation de handicap, situation exceptionnelle nécessitant un allègement provisoire du parcours.
Au fil du temps, les cursus et les évaluations ont également évolué : la question d’une harmonisation des cursus des disciplines instrumentales a été longuement discutée, tant dans sa pertinence que dans nos attentes parfois différentes. Cette évolution s’est donc faite de manière très progressive : les pratiques collectives ainsi que la formation musicale ont servi de point de repère, et les cours en co- intervention de point d’ancrage. Une place plus importante a été donnée à la création, aux artistes et intervenants extérieurs que ce soit auprès des élèves en orchestre en milieu scolaire ou inscrits au conservatoire.
Extrait de la dernière proposition du règlement des études (2020)
Le projet du conservatoire de Flers Agglo est en cohérence avec les grandes orientations nationales de démocratisation d’accès aux pratiques artistiques pour tous et à tout âge. Pour faire vivre ce projet sur son territoire, le conservatoire a mis l’accent sur des pédagogies innovantes et collectives, misé sur un lien renforcé avec les établissements scolaires et sur un réseau de partenaires sans cesse élargi. Dans le parcours des élèves, l’accent est mis sur une globalisation de leur formation autour de pratiques collectives ; sur une approche très large des patrimoines artistiques ; sur une autonomie favorisée par des démarches de création dès l’entrée dans l’apprentissage et la réalisation de projets en amateur. Le planning des cours est établi pour favoriser une porosité entre les enseignements, des échanges et des rencontres de classes. Il peut être modifié de façon ponctuelle pour permettre aux élèves d’assister à des ateliers différents, master-class, conférences, résidences, concerts et spectacles. Au cours de sa scolarité, l’élève est régulièrement mobilisé autour de projets variés et ceci afin de favoriser son engagement dans sa pratique et de lui donner envie de pratiquer seul ou en groupe. La participation régulière aux différentes activités proposées est nécessaire pour que la progression soit globalisée et ne repose pas sur le travail personnel de l’enfant. Tout élève déjà inscrit au conservatoire peut assister en auditeur libre à tous les autres cours, sous réserve de l’acceptation des enseignants. Pour tout nouvel élève, un trimestre d’essai est possible.
Changements pour l’équipe enseignante.
Si aucun des enseignants présents au début de ce changement ne souhaite revenir à l’ancien modèle (face-à-face pédagogique et enseignements cloisonnés), tout n’a pas été simple, loin de là ! Cela dépendait plus des profils d’enseignants que de leur discipline, avec une crainte très légitime de pertes de niveaux. Il nous fallait l’expérience pour savoir que ce risque n’existait pas. Les acquisitions se font certes sur une temporalité différente, mais elles sont bien là, solides, et profitent à de plus nombreux élèves. Cet enseignement oblige à réinventer au fil des séances, suivant la synergie du groupe ; c’est une pédagogie qui peut reposer sur une approche très ludique, qui peut s’appuyer sur les compétences du groupe d’élèves mais aussi du collectif d’enseignants. Les compétences de l’intervenante en milieu scolaire auront notamment été d’une grande richesse.
Pour ma part, en tant qu’enseignante dans les débuts de ce dispositif, j’ai beaucoup appris des élèves dits « difficiles » qui m’obligeaient toujours à inventer d’autres outils et à diversifier les approches, au bénéfice de tous ; un groupe quel qu’il soit étant de principe hétérogène, il s’agissait d’en faire une force pour les apprentissages de tous. En tant que directrice, ce que je retiendrai avant tout c’est le sentiment d’appartenance à une équipe, une collectivité, le développement d’une conscience forte de travailler au service du public, et le sentiment de satisfaction important qui en émane.
Et les pianistes, dans tout ça ?
Propos de Sandrine Petitjean, professeure chargée de coordination et enseignante à l’origine de l’enseignement collectif du piano au conservatoire de Flers Agglo
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie et l’idée d’entrer dans ce dispositif, pensé à l’origine pour les instruments monodiques ?
Le cours collectif a montré ses bienfaits depuis de nombreuses années et il n’est plus besoin aujourd’hui d’énumérer tous les avantages de cet outil pédagogique. Les enseignants d’autres disciplines instrumentales auraient un outil pédagogique hyper performant et pas moi ? Pourquoi en priver les pianistes ?
Une salle de piano bien équipée de trois ou quatre pianos est nécessaire pour se lancer dans l’aventure mais c’est bien la seule condition à la réussite des élèves. Débuter en collectif dès l’initiation est même un atout majeur pour les pianistes qui vont développer bien plus tôt leur sens de la pulsation par le « jouer ensemble ». Après environ 15 ans d’expérience en collectif, rien ne m’amène à dire que la progression d’un élève est freinée par un « binôme », bien au contraire. Les élèves qui ont eu le choix de continuer leur deuxième cycle en cours individuel ont tous décliné l’offre, preuve s’il en était besoin que les élèves se retrouvent complètement dans le partage pédagogique et que leur développement s’en trouve amélioré.
Dans les conservatoires, historiquement, les pianistes sont considérés comme des êtres à part, des sortes de divas instrumentistes. Un statut qui laissait croire que la pratique du piano isolait complètement ces croqueurs de notes du reste du monde musical. Le cours collectif amène les élèves à une autre approche : ils ne sont pas seuls à leur clavier et la musique se pratique à plusieurs. L’écoute est essentielle à l’apprentissage artistique et développe des qualités trop souvent négligées chez nos élèves pianistes. Si le cours collectif en classe de piano est un outil assez récent, il ne faut pas, selon moi, craindre de l’expérimenter. Bien au contraire ! Je suis heureuse d’avoir été curieuse et d’avoir ainsi donné cette chance à mes élèves.
Changement des orchestres en milieu scolaire.
En parallèle des changements dans nos parcours traditionnels, les orchestres en milieu scolaire, à l’origine de nos cours collectifs et de l’évolution de l’établissement, ont également évolué.
Le but de ces changements était de renouveler l’intérêt des enseignants et de remettre des paillettes dans les yeux des enfants dans des interventions qui devenaient de plus en plus difficiles. Ces difficultés avaient pour raisons principales :
- Un travail dans les quartiers prioritaires avec des niveaux de plus en plus chargés (nous étions passés de 20 élèves à 40 par niveaux),
- Un nombre plus important d’élèves allophones
- Un nombre plus important d’élèves aux comportements difficiles
- Un climat de classe perturbé, plus particulièrement depuis les attentats de 2015
- Une certaine lassitude du projet : les enfants avaient pour la plupart tous un frère, une sœur, un cousin ou une cousine qui avaient auparavant participé au projet
La difficulté des enseignants à faire aussi bien que les premières années dans ces conditions nous a amené à faire évoluer ces orchestres ; du schéma 1h en pupitre – 1h en orchestre, avec un lien plus ou moins ténu entre ces deux séquences et des enseignants d’orchestres « isolés », trois nouvelles propositions ont émergé en 2019 : L’OEM, Orchestre en Mouvement – Les Z’Amplifiés, orchestre de musiques actuelles et l’orchestre du mardi, un orchestre vents-percussions en co-intervention avec pupitres flexibles.
Changements pour les élèves.
Dans ce renouvellement, la particularité essentielle est sans doute l’allègement de la « pression » – pour les élèves qui auraient arrêté dans le schéma précédent – et le fait que le résultat attendu ne repose pas entièrement sur le travail à la maison. Les apprentissages se font sur des temps différents et l’autonomie est un peu plus rapidement acquise, notamment par la multiplicité des approches pour une même compétence. En outre, l’épanouissement dans des approches ludiques et de partage est certain et les élèves restent plus longtemps dans leur parcours au conservatoire.
L’enseignant de l’instrument n’étant plus obligatoirement le référent de l’élève, les cours peuvent occasionnellement, sur des périodes plus ou moins longues, être pris en charge par un non-spécialiste : les élèves s’aident les uns les autres sur les difficultés rencontrées. Les élèves viennent avant tout retrouver un groupe d’élèves et de copains et le changement d’enseignant est très bien ressenti par l’enfant.
Une actrice importante de ce dispositif est aussi la secrétaire qui créé un lien important avec les familles. Certains enfants arrivaient dans le secrétariat en disant « je m’inscris pour l’année prochaine » mais il fallait un travail de médiation important pour que les familles, parfois allophones, monoparentales, ou en très grande difficulté remplissent la feuille d’inscription.
Changement pour les parents d’élèves.
La grande majorité des parents d’élèves ont adhéré au projet. Cela a été facilité par sa mise en place très progressive, ce qui leur a permis de ressentir les bienfaits des nouvelles modalités. Les parents des élèves qui s’inscrivaient suite à un déménagement étaient parfois surpris du modèle proposé car très différent des structures de leur précédent parcours (soit personnel, soit de leurs enfants) ; les parents d’élèves du territoire quant à eux inscrivaient leurs enfants parce qu’ils en avaient entendu parler. Les tarifs attractifs facilitaient cet accroissement des demandes.
Néanmoins, quelques exemples discordants dans les premières années nous ont encouragés à rassurer et mieux communiquer aux familles le travail effectué auprès des enfants. Un parent d’élève s’inquiétait du cours collectif : comment sa fille, habituée au cours individuel, ne serait-elle pas irrémédiablement « tirée vers le bas » par des élèves moins impliqués qu’elle en cours d’instrument ? Il s’avère que cette enfant souhaitait arrêter l’apprentissage instrumental, le face-à-face pédagogique l’ennuyait…
Ces expériences nous ont obligés à questionner les représentations de ce que doit être un cours de musique, notamment instrumental, à faire savoir que l’enseignant n’est pas un répétiteur et qu’il n’est pas demandé à l’élève, notamment dans ses premiers pas, que son parcours repose sur un travail personnel important mais bien plutôt sur une motivation à s’engager dans sa pratique au conservatoire. La pratique collective importante au sein du conservatoire dès les premières années et la souplesse des parcours permettent à l’ensemble des élèves de progresser, chacun à son rythme, avec ou sans travail personnel. Une façon de répondre aux inégalités d’accès aux pratiques artistiques.
En conclusion, changement pour l’établissement
De 100 élèves de l’école associative en 2003, à 500 (et 300 en liste d’attente) en 2020, ce constat seul ne suffit pas à démontrer l’ampleur du changement. Le nombre de 500 élèves est d’ailleurs à rapporter au bassin de vie et à une agglomération de 50 000 habitants bien quele dimensionnement correct d’un établissement est difficile à mesurer et à mettre en lien avec de nombreuses données, notamment sociales. Par contre, si l’inscription du conservatoire sur son territoire, son identification par les partenaires, acteurs culturels, usagers, par des actions artistiques et culturels en nombre, échappent aux données statistiques, sa reconnaissance par les pairs d’un modèle réussi d’enseignement et de médiation, tout comme l’engouement des élèves et des familles, sont des marqueurs importants qui, s’ils sont difficiles à prouver, permettent de savoir que nous ne nous sommes pas égarés dans un cheminement – un parmi d’autres tout aussi bons.
Au-delà des chiffres, le conservatoire de Flers Agglo est un établissement où les enfants ont envie de venir et de rester, où les adultes également se sentent chez eux et libres de franchir les portes ; un établissement dont les partenaires culturels et sociaux nous sollicitent en nombre pour des actions à mener avec eux ; une équipe en mouvement qui, depuis mon départ en 2020, a encore adapté et expérimenté de nouveaux outils, malgré la crise sanitaire. C’est avec des expériences comme celles-ci, et elles sont nombreuses en France, qu’il nous est possible de nous affirmer comme des acteurs essentiels d’un territoire. Pouvoir s’affirmer comme tel, et surtout le ressentir, est non seulement une chance incroyable mais c’est aussi un moteur pour persévérer dans l’exercice parfois difficile de l’enseignement artistique et de la direction d’établissement.
Elisabeth Marchand
Directrice du Pôle Apprentissages Musique, Danse
& Arts Plastiques de Lisieux-Normandie