Le Quatuor Pianofolie, fondé en 2015 par les quatre pianistes Biljana Atanasovska, Marcia Dipold, Julia Froschhammer et Giada Stornetta, nous parle du répertoire à huit mains pour un seul piano. Interview avec Julia Froschhammer.
Comment avez-vous eu l’idée de huit mains sur un piano ?
En 2015, nous étions tous invités à jouer au concert jubilé des professeurs pour le Centenaire de l’Institut de Ribaupierre à Lausanne et nous avions envie de faire quelque chose ensemble. Nous sommes tombées sur le galop d’Albert Lavignac, probablement l’œuvre la plus connue de ce genre.
En raison de l’énorme succès auprès du public, nous avons rapidement eu l’idée de développer tout un programme. Aujourd’hui, l’idée est de dépasser le sérieux et les clichés du concert ordinaire avec humour, surprendre et présenter la musique dans le contexte d’une ou plusieurs histoires. Et simplement vivre notre créativité et amuser en s’amusant.
Qu’en est-il du répertoire ? Il n’est pas si nombreux…
Oui, on peut dire ça. C’est dans la nature des choses, comme il s’agit de l’utilisation presque maximale possible de l’espace disponible sur un seul clavier. Primo et Quarto sont assis sur les bords du piano, là où se trouvent les blocs de bois de l’instrument, ce qui implique une position dans un angle pas toujours agréable et plutôt sportif pour ces deux pianistes.
Pour un compositeur également (comme d’ailleurs aussi pour l’accordage d’instrument) l’équilibre entre les registres extrêmes aigu et grave, qui ne sont habituellement pas joués en même temps est plus difficile à gérer.
A côté de la multitude d’oeuvres à quatre mains, il existe surtout des œuvres à six mains pour un seul piano, ou des œuvres à huit mains mais pour deux pianos.
Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans cette formation ?
En premier lieu, on peut mentionner la puissance orchestrale d’un instrument dont l’ensemble des registres sont joués en même temps ou, a contrario, certains registres sont sélectionnés pour obtenir des effets de surprise et créer une tension musicale.
Précisons également la possibilité d’inclure des moments extra-musicaux humoristiques pour les pianistes qui ont une ou deux mains libres pendant les silences. Cela peut aller jusqu’à la description en musique des actualités, ou des situations de la vie quotidienne, comme par exemple un trajet en voiture avec tout que ça peut impliquer : des limites de vitesse, une conduite trop rapide, un radar et des remords suite à la douloureuse… C’est bien sûr très amusant pour le public car chacun peut s’y reconnaître.
Quels œuvres et compositeurs recommandez-vous ?
Outre Albert Lavignac et son Galop-Marche, il faut écouter l’un de ses élèves, Gabriel van Calt, qui a écrit un merveilleux Boléro pour cette formation : riche en matériel musical pour chacune des quatre voix. Citons également diverses miniatures de compositeurs moins connus, comme Edmond Missa (La fête de Vendanges, Cloches et carillons, Valse lorraine, Matinée de printemps) ou Albert de Chaudron (Souvenir de Hot Springs). La compositrice française Cécile Chaminade a également composée une petite pièce intitulé Les noces d’argent. Toutes ces compositions ont été écrites à partir du 19e siècle, quand la stabilité et la tessiture de l’instrument ont permis d’exécuter un tel répertoire.
Au 20e siècle, certains compositeurs reprennent l’idée et composent à nouveau pour cette formation : Cornelia Jordache (Acht Hände auf dem Rummelplatz, Kinderträume), Siegfried Burger (5 mouvements pour piano à 8 mains), Jean-Marc Bouillet (Divertissement) ou Jean-Louis Petit (Charme ciel). Pensons également à Mike Cornick qui se lance dans l’exploration du piano collectif., dont principalement ses morceaux pour cinq mains droites (et un autre cahier pour cinq mains gauches), destinés à l’enseignement. Enfin, n’oublions pas le pianiste bulgare Tomislav Baynov, qui se consacre au répertoire pour un ou plusieurs pianos et pianistes avec des pièces pour différentes formations (des morceaux 6 mains et 8 mains sur deux pianos surtout). Avec son édition Helm & Baynov, il a donné accès à des œuvres à huit mains également.
Commandez-vous des œuvres en vue de création ?
Oui, de nombreuses nouvelles idées poussent dans cette direction. Outre notre collègue, la pianiste brésilienne Marcia Dipold, qui vit sa créativité en réalisant des arrangements complétés par des instruments traditionnels brésiliens (agogo, surdo, tamborim), le compositeur Fritz Froschhammer (père d’une des membres de Pianofolie) contribue à notre répertoire avec de nombreux nouveaux arrangements et magnifiques compositions. En plus de sa Fantaisie Le rêve du charretier aux chevaux phénoménaux, il a aussi composé une toute nouvelle Marche bavaroise de bretzel humoristique. Un de ses arrangements, la Polka de Smetana, tiré de l’opéra La fiancée vendue, surprend avec l’utilisation d’instruments comme le tambour, le triangle et même des voix pour les parties du choeur.
Le compositeur suisse Jean Froidevaux a également enrichi notre programme de concerts d’un Rond’eau à quatre mains propres (à quatre ou huit mains) très amusant, dans lequel il donne même de nombreuses indications pour la mise en scène.
Julia Froschhammer
Pianiste de l’ensemble Pianofolie
https://www.youtube.com/watch?v=4T44pmGvfM8
mail@juliafroschhammer.com