Liberté d’expression et de la presse : Rencontre avec Sakher EDRIS

9 juin 2021

Rencontre avec Sakher EDRIS

Dans le classement mondial de la liberté de la presse en 2020, le Syrie figure à la 174ème position (sur 180).
Aujourd’hui au Lycée Fernand Daguin à Mérignac, le journaliste syrien anglophone Sakher EDRIS vient converser avec les élèves de la préparation à Sciences PO Bordeaux JPPJV.
Rencontre.

Avant toute chose, il est primordial de présenter la Syrie. Pays d’Asie de l’Ouest situé sur la côte orientale de la Mer Méditerranée, sa capitale est Damas.

En quelques mots, Sakher EDRIS nous présente son pays…

La Syrie est un pays riche d’histoire. Son sol a été foulé par maintes civilisations : Sumériens, Chaldéens, Assyriens, Cananéens, Babyloniens…

Mais depuis 2011, la guerre civile syrienne cause des ravages. Celle-ci débute dans le contexte du Printemps arabe par des manifestations majoritairement pacifiques en faveur de la démocratie contre le régime baasiste. Ces protestations pacifiques durent 6 à 7 mois, mais elles sont rapidement brutalement réprimées, et le gouvernement libère des extrémistes de prison. Le conflit dégénère alors violemment. Depuis, des milliers de victimes ont été recensées. De nombreux massacres, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été commis, principalement par le régime syrien et l’État islamique.

Depuis 1970, c’est donc la famille El-Assad qui possède le pouvoir. Le fils de Hafez el-Assad, Bachar el-Assad, lui succède en 2000. Il est encore à ce jour au pouvoir, et a été « réélu » le 26 mai 2021…

Le journaliste rappelle ironiquement en quelque mots l’absurdité de ce vote.

« No one dares put « no » under the eyes of the political police. »

Sakher a vécu de très près la guerre civile. Son père, opposant de Hafez el -Assad, a été emprisonné pendant 18 ans ainsi que son oncle, le père de sa mère.

« Just imagine. How many years you lose just because of your political opinion! »

Comment les journalistes syriens ont fait face à cette situation critique ?

Sakher : « Une association de journalistes syriens a été créée. Ce sont des médias et journalistes libres dont la plupart vivent en exil. C’est ce qu’on appelle la diaspora. En 2017 cette association a intégré la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), dont le siège est a Bruxelles. Ce partenariat a agacé le gouvernement syrien. L’AJS a été exposée à beaucoup de tentatives de corruption pour essayer de contrôler les leaders de cette association, les soudoyer pour avoir le contrôle des médias. »

« The UN stopped counting. Entire families, entire names disappeared. »

Qu’en est-il des journalistes syriens à l’heure actuelle ?

Sakher : « Officiellement, entre 2011 et 2019, 455 professionnels des médias ont été tué, dont 314 par le gouvernement syrien lui-même. Il y a aussi eu 1082 violations contre les journalistes entre 2011 et 2017. Et encore, ce ne sont que les chiffres officiels. En réalité, il y en a encore plus. »

« People are tortured and killed. »
« What we really want ? To enjoy voting, electing. »

Pensez-vous qu’un jour les Syriens pourront bénéficier à nouveau de leur liberté ?

Sakher : « Oui, un jour, ils pourront. Tant qu’il y a des personnes dans la révolution, il y a de l’espoir. Maximilien Robespierre, un des pères de la Révolution Française, est finalement devenu un extrémiste pendant la période de la Terreur. Et que lui est-il arrivé ? Il a été tué. »

Comment peut-on continuer de se battre pour la liberté d’expression depuis l’Europe ?

Sakher : « Par des moyens pacifiques, comme des campagnes de sensibilisation. Le fait d’en parler est déjà une aide conséquente. Avertir les personnes de ce qu’il se passe est primordial. »
Le journaliste Edris est lui-même impliqué dans une campagne de sensibilisation pour la cause des prisonniers politiques syriens.
« We don’t want to fight with weapons. Fight by voices and peace. »

Pouvez-vous nous parler de votre parcours un peu plus en détails ?

Sakher : « Je suis né en Syrie. En 1974, ils ont pris mon père alors que je n’avais que 1 an. Imaginez combien d’années vous perdez jute à cause de votre opinion politique ! Je suis parti juste après mon bac. Partir, ce n’est pas compliqué en soi. C’est le régime qui vous met sous pression et qui rend les choses compliquées. J’ai travaillé à Dubaï, où j’ai écrit contre le régime. Puis j’ai voulu retourner à Damas. Mais un de mes collègues s’est fait emmener à l’aéroport, et on ne l’a jamais revu. Finalement, je me suis rendu en France. »

Pourquoi avoir choisi de venir à Paris ?

Sakher : « J’ai agi vite, en seulement quelques jours. C’était très difficile. Si ce n’était que moi, je serais allé au Royaume-Uni, mais les choix étaient très limités. Je suis donc allé à Paris, la capitale, une ville cosmopolite. C’était plus facile pour moi d’y parler anglais. »

Les fake news est un sujet qui refait souvent surface. Qu’en pensez-vous ?

Sakher : « Il existe plusieurs types de fake news. Il y a l’« appât à clics » des articles avec des titres vendant des informations extraordinaires pour de l’argent. C’est souvent risible, par exemple : « Une vache pleure en se rendant à l’abattoir ». Il y a aussi la propagande : quand on voit une star ou une personnalité qu’on apprécie utiliser un certain produit, on sera tenté de l’acheter. Mais parfois les fake news sont plus sournoises : le journalisme « biaisé » est un danger car les journaux concernés ne s’expriment pas vraiment, ils ne sont pas neutres. Indirectement, ils soutiennent des personnes en concurrence avec d’autres, ce n’est pas objectif. Enfin, certains journaux arborent de gros titres mensongers, et comme les lecteurs ne vont pas forcément plus en profondeur, ils ne retiennent que ça. »

Que conseillez vous pour éviter d’être trompé par les fake news ?

Sakher : « Il faut être attentif aux mails qu’on reçoit, et aux sources. De plus, ce n’est pas parce que des médias ont une certaine renommée qui en principe garantit l’absence de fake news qu’il ne peut pas en avoir. Il existe des sites pour vérifier l’authenticité des informations que l’on consulte, comme factcheck.org. »

How to spot fake news ?

Sakher nous rappelle l’importance de se poser les bonnes questions pour ne pas se laisser piéger et lutter contre la désinformation.

« Fake news cannot be underestimated. They kill, as with Samuel Patty »

Des conseils pour ceux qui envisagent des études de journalisme ?

Sakher : « Lisez beaucoup. Essayez de savoir un peu de tout sur tout, il faut être curieux. »

« People who tell the truth are under attack. »
« In journalism, you have to ask, not to be asked »
« Don’t compromise your values »
« Freedom is a responsibility. You cannot insult people and say : it’s my freedom »

Cette intervention, c’était l’occasion d’ouvrir les yeux sur ce problème majeur et malheureusement croissant dans certains pays : le manque de liberté d’expression, et plus particulièrement le manque de liberté de la presse. Un des grands enjeux contemporains est de sensibiliser les personnes, mais aussi de s’informer sur ce fléau qui est une atteinte à la liberté de milliers de personnes, et pas seulement en Syrie, mais aussi en Iran, en Libye ou au Yémen par exemple. C’était aussi l’occasion de rappeler l’importance de vérifier ses sources pour ne pas croire ou diffuser des informations erronées.

Mais plus que de porter un nouveau regard sur le monde extérieur, Sakher nous a appris à remettre en question notre propre façon de penser, sorte d’écho à l’étude des Essais de Montaigne cette année. En effet, si la Syrie occupe la 174 ème place sur 180 dans classement mondial de la liberté de la presse, la France est en 34 ème position, ce qui peut paraître étrange pour un pays qui a fait de sa devise la liberté. Reporters sans frontières explique cette position dans le classement entre autres par les violences récurrentes contre les journalistes pendant les manifestations. Plusieurs journalistes ont été blessés par des tirs de LBD (lanceurs de balles de défense), de grenades lacrymogènes ou par des coups de matraque. D’autres ont été la cible d’interpellations arbitraires ou ont vu leur matériel de reportage saisi. Une bien mauvaise position pour le soi-disant pays des droits de l’Homme… Voir de tels outrages à la liberté de la presse dans son propre pays nous a donné envie d’agir, de La Liberté de la presse dans le monde en 2018, selon Reporters sans frontières passer à l’action. En libérant la parole et par des actes citoyens réfléchis, nous pouvons
faire avancer les choses.

Un grand merci à Monsieur Sakher EDRIS, mais aussi à Monsieur Panko, à la mairie de Mérignac et plus particulièrement à Monsieur Loïc Farnier, ainsi qu’à La Maison des Journalistes.

Photos : Lican Maëna
Rédaction et mise en page : Moreno Anaëlle

9 juin 2021

Scarface, Brian De Palma

L’intrigue se déroule en 1980, époque durant laquelle le premier ministre de Cuba, Fidel Castro, accorde la liberté d’expatriation à ceux qui en font la demande et autorise ainsi les opposants au régime communiste qui le souhaitent à quitter l’île.  C’est ainsi que anise les Etats Unis offrirent l’asile politique aux immigrés de Cuba opposés au communisme, et environ trois mille bateaux partirent des Etats-Unis pour ramener ces Cubains dépouillés par Castro.

Ce dernier saisit l’occasion pour obliger les propriétaires des bateaux à ramener avec eux les délinquants devenus indésirables dans l’île. Ainsi, sur les 125 000 réfugiés politiques, 25 000 avaient un casier judiciaire dont Tony Montana et ses complices.

Tony Montana, réfugié cubain en Floride, est parti de rien. Avec son bras droit, Manny Lopez, il gravit les échelons au sein de la mafia et se voit accorder toujours plus de responsabilités. Il n’hésite pas à tuer son propre patron et à se marier avec sa femme devenue veuve, Elvira. Mais son besoin de devoir tout contrôler, y compris ses proches, conduit à leur rupture. Rendu fou par le pouvoir, l’argent et la drogue, il donne la mort à plusieurs de ses proches comme sa sœur et Manny, avant de finir lui-même assassiné.

Habituellement, je n’aime pas trop les films violents mais j’ai trouvé Scarface très bien réalisé. Tony, parti de rien au départ, réalise une ascension fulgurante vers la richesse, mais s’enfonce en même temps au plus profond des ténèbres. Après avoir tué son patron, il a tout ce qu’il voulait et semble être heureux. Il épouse Elvira, entretient de très bonnes relations avec Sosa. Il a de bons contacts sur qui compter, offre un salon de beauté à sa sœur Gina, les affaires sont florissantes. Mais il ne respecte pas une des deux règles principales énoncées au début du film par Franck : ne jamais être  dépendant de sa propre camelote. Quand il a enfin acquis tout ce qu’il voulait : l’argent, le pouvoir, une superbe villa et la femme de ses rêves, c’est comme si ses désirs ne s’étaient pas assouvis. Il est pathétique et vulgaire, si bien qu’Elvira lui dira qu’elle préférait son ancien mari Franck Lopez, personnage pourtant ennuyeux. Il  parle d’argent à longueur de journée, devient repoussant. C’est un tueur et délinquant mégalomane qui détruit tout ce qui lui est cher autour de lui.

Deux moments m’ont particulièrement marqué. Le premier, c’est sa rupture violente au restaurant avec Elvira. Il est méprisant avec elle, il lui manque terriblement de respect, l’insulte de junkie alors que lui même est toxicomane. Il lui reproche de ne pas pouvoir avoir d’enfant avec elle, que c’est de sa faute car elle est « pourrie de  l’intérieur ». Mais Elvira s’indigne : quel père ferait-il ? Un pauvre drogué, qui ne pourrait même pas les emmener à l’école !

Elle est désespérée, ne reconnaît plus en Tony l’homme qu’elle pensait aimer et qui lui avait promis une vie heureuse. Quand elle part en le quittant, raccompagnée par Manny, la nouvelle ne l’atteint même plus. Désabusé, il se met à vociférer contre les riches clients du restaurant luxueux. Il les met face à leurs responsabilités. Au moins, Tony assume : il ne se cache pas devant ce qu’il se sait être. Les gens sont tous aveugles dans ce qu’ils voient, et refusent de croire que Tony est le reflet de leur  nature. Ils préfèrent le pointer du doigt et dire que c’est lui « le méchant ». Les Etats Unis ont besoin d’un bouc émissaire comme lui pour endosser tous les mauvais côtés  du système qu’ils ont adopté.

Sa vie et celle d’Elvira n’ont pas de sens. Avec l’argent, la seule chose qu’il a gagné, c’est l’envie d’en avoir encore plus. Tony est là, riche, puissant… et tout seul. Sans famille, sans amis, sans amour, sans personne.

Le deuxième moment qui m’a marqué, c’est quand Tony tue Manny, celui qui l’avait toujours épaulé. Tony a toujours entretenu une relation ambiguë avec sa soeur, presque incestueuse. Il refuse qu’elle soit avec un homme et devient très violent quand elle se fait séduire. Alors quand il voit son meilleur ami dans la même maison que sa soeur, la rage l’envahit. En effet, Manny venait de se marier avec Ginna et le jeune couple voulaient faire lui faire la surprise. Manny, contrairement à Tony, est resté lui même et lucide tout au long du film. Il aurait peut être même pu se contenter du travail qu’il avaient au début du film, dans le snack. J’ai trouvé cette scène très dure à regarder car Tony détruit tout sur son passage. Ivre de colère, il n’est plus maître de lui même. Le fait que cette scène soit au ralenti accentue la dureté de ce moment. Sa soeur, décomposée, se jette sur le cadavre de Manny. Folle de chagrin, les adjoints de Tony doivent l’obliger à quitter la maison. Ce passage m’a rendue très triste d’autant plus que depuis le début du film, j’avais trouvé attachant le personnage de Manny, et il n’y avait aucun mal à ce qu’il soit tombé amoureux de Ginna. Tony n’a plus personne sur qui compter. Avide de pouvoir, corrompu jusqu’a la moelle, il a ruiné sa vie. Il se pense invincible et protégé par son argent, comme si rien ne pouvait l’atteindre.

A la fin du film, il reçoit un contrat de Sosa qui a pour but d’assassiner un représentant de l’ONU qui veut dénoncer la corruption et les meurtres commis par Sosa et ses complices. Mais Tony ne mène pas à bien le contrat car cela implique la mort d’enfants, et finit par tuer le bras droit d’Alejandro Sosa. Preuve que Tony reste malgré tout encore attaché à certaines valeurs, et n’est pas totalement sans scrupules.  Mais pour lui, c’est la fin. Sosa et ses complices lui déclarent la guerre, un véritable bain de sang a lieu chez lui.

Pendant un instant, il a un moment de lucidité très bref durant lequel il réalise le gouffre qu’il a créé, mais ses délires reprennent le dessus, frénétiques. Les caméras de surveillance qu’il avait fait installer ne servent plus à rien, il ne prête même pas attention aux intrus qui s’immiscent chez lui. C’est une fois qu’il perd ce qu’il aimait qu’il en réalise la valeur. Quand Gina, sa soeur, meurt, il la prend dans les bras, lui parle, lui dit qu’il aime… mais c’est trop tard. Dépassé par la situation, il est à l’apogée de sa folie. Les balles ne semblent même plus l’atteindre. La mitraillette à la main depuis son balcon doré, il hurle, insulte ses ennemis : il se prend pour un Dieu.  Mais pour celui qui prétendait ne jamais se faire enculer, c’est pourtant un coup de mitraillette tiré dans son dos qui achève son règne. Là, il tombe, les bras tendus, et fini sa chute dans sa piscine intérieure, éclaboussant la pièce de l’eau et de son sang.  Une fin à son image, majestueusement dramatique. C’est à ce moment qu’on voit la phrase « Le monde est à vous » (« The world is yours » en anglais), écrite en lettres d’or sur une statue, avec à côté le corps de Tony, gisant inerte. Paroxysme de l’ironie de la situation. La musique de la fin du film renforce l’idée de sa défaite, terrible. Son rêve américain est tombé à l’eau.

Il meurt au milieu de l’empire qu’il s’était créé. Une mort minable dans un endroit qu’il croyait intouchable, glorieux.

Pour moi, Tony est vraiment la caricature de l’homme corrompu et avide. Les plans sur les liasses innombrables de billets, les sacs de dollars acheminés dans les banques, les montagnes de cocaïne, les longs travellings sur les intérieurs kitchs et les tableaux immondes reflètent bien la décadence dans laquelle il est tombé. C’est un trafiquant à la fois pathétique, mégalomane, mais parfois attachant. Parti de rien, Tony essaie de combler ses frustrations par des modèles trompeurs de réussite de la société  américaine. C’est pour cela qu’à certains moments, il m’a presque inspirée de la pitié.  Finalement, il s’est bercé d’illusions et de mensonges, il est comme le tigre enchaîné dans le zoo privé de la villa : enclavé, esclave et captif de son propre système. Quand il succombe instantanément sous le charme d’Elvira, c’est la même chose : il tombe amoureux d’un physique, cliché de la femme américaine parfaite : icône de magazine, un mannequin blond dans une vitrine. Tout est factice. D’une certaine manière, il est le fruit de deux extrêmes, qu’il incarne aussi bien par son ascension écœurante que par sa défaite, inexorable. D’un autre côté, il faut se garder de jugements à caractère moral sur le personnage parfois, car il est victime d’un ensemble de fils qui forment son destin, et auquel il n’échappe pas.

J’ai trouvé le jeu d’acteur d’Al Pacino vraiment excellent, car il aurait été facile de rendre creux, sans envergure ou ridicule le personnage de Tony, mais il parvient à lui donner une humanité et une psychologie complexe. Différents aspects sont intéressants à étudier, comme la liberté, à laquelle Tony aspirait tant. Au final, quand il a enfin tout ce qu’il voulait et qu’il possède la capacité de faire ce qu’il souhaite, il dépense une fortune en divers engins et systèmes de sécurité et de surveillance. Il l’avouera d’ailleurs à son ami Manny : il a besoin de tout ça « pour dormir tranquille ». Mais est- ce vraiment cela la liberté ? Tony a-t-il « travaillé si dur » (selon ses termes) pour vivre dans la crainte ?

Scarface est donc un film que j’ai beaucoup apprécié. C’est une belle découverte, avec des jeux d’acteurs incroyables et une période historique très bien relatée. Il pourrait être étudié pendant bien plus longtemps, en s’intéressant par exemple aux allusions et références du Scarface de Howard Hawks, ayant inspiré Brian de Palma. Pour finir, ce film a également influencé d’autres œuvres, comme Le parrain de Francis Ford  Coppola.

Par MORENO Anaëlle, TG07

Témoignage de Sarah, élève en quatrième année à Sciences Po Bordeaux !

Il nous semble crucial de présenter le parcours d’un étudiant ayant réussi à rentrer à Sciences Po Bordeaux et pouvant partager son expérience. En effet, cela permettrait à un élève éventuellement intéressé par la formation d’avoir un aperçu à la fois des cours et de la vie étudiante dans cet Institut. De plus, le témoignage suivant est la preuve qu’un projet professionnel est voué à évoluer et que Sciences Po apporte les outils nécessaires à cette évolution.

Ainsi, Sarah, élève en quatrième année à Sciences Po Bordeaux, a accepté de répondre à nos questions.

 

  1. Pourquoi avez-vous souhaité rentrer à Sciences Po Bordeaux ?

Je ne savais pas précisément ce que je voulais faire et Sciences Po ouvre beaucoup de portes dans tous les domaines qui m’intéressaient (culture gé, enjeux géopolitiques, relations internationales, économie internationale, enjeux politiques contemporains). Lors de la journée porte ouverte, j’avais pu découvrir la vie associative de l’école qui était extrêmement riche et cela m’avait donné très envie (beaucoup d’évènements d’intégration, de conférence sur des sujets très variés…).

  1. Quel était votre projet professionnel avant d’intégrer cet institut ?

Comme je l’ai dit plus haut, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire mais j’étais très intéressée par le domaine des relations internationales et la diplomatie notamment entre les États-Unis et la France (même si je ne connaissais pas vraiment ces matières et que je les ai découverte réellement à Sciences Po, je lisais beaucoup la presse sur ces sujets). J’étais aussi très intéressée par les enjeux humanitaires de la migration. Mon métier de rêve en terminale c’était d’être diplomate ou de travailler à l’ONU.

  1. Comment ce projet a-t-il évolué au cours de votre formation ?

Comme pour beaucoup d’étudiants à Sciences Po (et c’est normal !!!), mon projet professionnel a vite changé au fur et à mesure que je découvrais de nouvelles matières qui confirmaient ou infirmaient mes choix. Aujourd’hui je m’oriente davantage vers une carrière européenne mais pour être totalement honnête, même à l’heure d’aujourd’hui, je ne sais toujours pas précisément ce que je veux faire.

  1. Comment avez-vous fait votre choix de Master ?

Il y a de nombreux choix de master (18) avec 4 majeures : Affaires internationales, Carrières publiques, Management de projets et organisations et Politiques, société, Communication. J’ai choisi le master « Affaires Européennes » qui fait partie de la majeure « Politique, société communication ». Au premier semestre de troisième année, nous avons un cours sur les institutions européennes qui m’a complètement passionnée. Je m’intéressais et lisais de plus en plus la presse sur les questions et les enjeux européens c’est pourquoi j’ai choisi ce master. C’est celui qui semblait le plus correspondre à mes centres d’intérêts.

  1. Que vous a apporté Sciences Po Bordeaux (en termes de connaissance, de méthode, de compétence, de relationnel…) ?

En terme purement pédagogique, les cours donnés sont de très grande qualité avec des chercheurs (centre de recherche de Sciences Po Bdx) très reconnus dans leurs domaines notamment en économie ou en sociologie.  Les conférences de méthodes et les galops (dissertation de 4h les samedi matin) permettent indéniablement d’acquérir des compétences d’analyse, de synthèse et d’écriture. Mais personnellement, c’est sur le plan oral que Sciences Po m’a le plus apporté. Le mode de contrôle via des exposés oraux tout au long de l’année et dans chaque matière ainsi que le petit o en culture gé nous poussent à développer une réelle aisance à l’oral et ce en toutes circonstances, même avec un sujet déstabilisant !

  1. Quelles sont les associations que vous avez rejointes ? Quelles sont celles que vous recommandez ?

La vie associative est extrêmement riche et il y en a vraiment pour tous les goûts (asso politiques, sportives, asso de Master, humanitaire…) ! L’association sportive est la plus active et chaque année au mois d’avril il y a les jeux inter-IEP (nos JO) qui sont vraiment à ne pas manquer avec une super ambiance !! Je recommande et je me suis d’ailleurs mise au Badminton ! En adéquation avec mes centres d’intérêt, j’ai choisi de m’investir dans l’association AIME qui accompagne et facilite l’intégration de jeunes étudiants réfugiés ainsi que « Perspective Europe » : l’asso de mon Master qui organise des conférences sur les enjeux européens d’actualité et réalise des revues de presse européennes. Mais je recommande aussi l’asso d’œnologie qui organise chaque année un gala. L’avantage c’est que même si on ne fait pas partie d’une asso, elles organisent souvent des évènements auxquels on peut participer donc il n’y a jamais de quoi s’ennuyer et on peut un peu toucher à tout.

  1. Quels conseils donneriez-vous à un élève potentiellement intéressé par cette formation ?

Je ne connais pas de manière très précise les conditions d’entrée sur dossier mais je pense qu’il est important d’avoir un projet professionnel assez défini, cohérent et riche (engagement associatif, stages, activités extrascolaires). Il faut essayer de valoriser ses activités et ses passions. Je pense qu’il est aussi important d’acquérir le plus possible de culture générale avec des sujets qui nous intéressent en lisant la presse. Je pense que le plus important est que le jury ressente la motivation et l’enthousiasme en montrant sa personnalité.

Il faut aussi relativiser, il existe pleins d’autres formations (prépas notamment, année de césure) très similaires à celle qu’offre Sciences po. D’autant plus qu’on peut le retenter en 3ème année et 4ème année !

Par Baptiste Guedon

Rencontre avec “Paroles d’exil” le 2 février 2022

Les élèves de la prépa JPPJV ont rencontré le 02 février 2022 l’association de Sciences Po Bordeaux, “Paroles d’exil”. Celle-ci a pour but de sensibiliser la population à la question de la migration en effectuant notamment des interventions dans les lycées.

Ce fut le cas à cette date, puisque trois membres de l’association ont donné la parole à Shadi Mattar, réfugié syrien de 30 ans. Ce dernier a traversé la guerre civile qui a commencé en 2011 sous Bachar Al-Assad et qui a pour contexte la révolution du Printemps Arabe qui débute en 2010 et qui touche de nombreux pays du Moyen-Orient. Après avoir rappelé le régime politique en place dans le pays et l’arrivée du parti Baas en mars 1963, Shadi Mattar a raconté son histoire et celle de sa ville qui s’est vue ensevelie sous les bombes et soumise à la terreur.

En effet, il est originaire de Daraya, ville située à une dizaine de kilomètres de Damas. En raison de sa proximité avec la capitale, Daraya a été particulièrement touchée et peu de temps après le début du siège effectué par l’armée en 2012, une grande partie de sa population a fui principalement en direction de la frontière turque. Shadi Mattar a de ce fait été une victime directe de ce conflit armé. Alors que près de 90% de la ville est détruite, Shadi Mattar et une partie de ses proches font le choix de rester, et de se battre jusqu’au bout.

Ainsi, M. Mattar qui a suivi une formation de reporter nous a expliqué que sa caméra l’a véritablement sauvé et est devenue pour lui une arme, symbole de son opposition à Bachar Al-Assad. Effectivement, pour lui, filmer les atrocités commises par le régime dictatorial permet de sensibiliser et de constituer une preuve directe des violences faites à l’encontre de milliers de civils. Il nous a dans cette optique projeté certaines de ses séquences qui illustrent l’état de crise de la ville et la grande précarité qui en découlait.

Il précise en plus de cela avoir été contacté en 2012 par la journaliste franco-iranienne, Delphine Minoui à la suite d’un post sur son compte Facebook, celui de la mystérieuse photo d’une bibliothèque souterraine en plein cœur de la guerre civile. Effectivement, M. Mattar et des amis à lui ont eu pour projet de récupérer les ouvrages abandonnés dans les bâtiments bombardés et de les rassembler dans un sous-sol, destiné à tous. Cet acte de résistance exceptionnel a intrigué Delphine Minoui et a marqué le début de longues années d’échanges ayant abouti au livre Les passeurs de livres de Daraya, publié en 2017 ainsi qu’au film documentaire “Daraya, la bibliothèque sous les bombes” sorti en 2018.

Ces deux œuvres ont connu un important succès et ont permis de faire connaître l’histoire incroyable de Shadi Mattar. Lors de cette rencontre, il nous a expliqué que les livres représentaient pour de nombreux habitants de la ville une lueur d’espoir et une ouverture sur le monde à l’heure d’un siège qui les coupaient de tout. Ils lisaient ainsi L’alchimiste de Paulo Coelho mais aussi des ouvrages de développement personnel à l’américaine, et ces lectures leur donnaient du courage, de la force et surtout du rêve.

Cette rencontre a été hautement enrichissante, et les mots de Shadi Mattar étaient particulièrement émouvants. Son histoire et son projet de recueillir les livres dans les ruines, évoqués dans les œuvres de Delphine Minoui sont inspirants. Il nous a par ailleurs raconté son parcours héroïque avec une grande humilité et a mis l’accent sur l’importance de l’amitié et de l’amour en temps de crise. En réponse à nos interrogations respectives, il nous a expliqué travailler aujourd’hui en tant que reporter en France et qu’il s’apprêtait à suivre une formation à Paris.

Ainsi, “Paroles d’exil” qui est né en tant que projet de 3ème année de plusieurs étudiants de l’IEP de Sciences Po Bordeaux donne la voix à des hommes, des femmes aux destins particuliers et qui ont dû fuir leur pays pour diverses raisons. Ce projet est remarquable et permet d’éveiller les consciences et de rappeler que l’immigration n’est jamais un véritable choix et qu’il nous faut avant tout se mettre à la place des migrants afin de mieux les comprendre.

Julie Colliou, TG07, cheffe de la rubrique “on a lu”

 

Témoignage de Martin Chaumont, ancien élève de Daguin, en dernière année de master à Sciences Po Bordeaux !

Le 30 novembre 2021, nous avons eu l’opportunité de rencontrer la délégation de Sciences Po Bordeaux dont faisait partie Martin Chaumon,t un ancien élève de notre Lycée Fernand Daguin ayant fait partie de la prépa JPPJV et étant aujourd’hui en cinquième année dans le master Carrière Administrative de l’IEP de Bordeaux. Suite à cette rencontre, j’ai décidé de lui envoyer un mail pour lui demander un témoignage de son parcours qui pourrait être source d’inspiration pour les élèves ayant la volonté d’intégrer l’institut d’études politiques de Bordeaux. Pour guider son témoignage je lui ai envoyé une série de question telle que :

Pourquoi as-tu participé à la prépa JPPJV ?

Qu’est-ce qu’elle t’as apporté ?

Comment s’est passé ton intégration ?

Est-ce que Sciences po a finalement répondu à tes attentes ?

Au niveau des horaires et de la vie étudiante notamment.

Et voici sa réponse :

« Je m’appelle Martin Chaumont, j’ai 23 ans et j’ai intégré Sciences Po Bordeaux en 2016 après avoir suivi la prépa JPPJV à Daguin pendant ma Terminale.

J’étais dans ce qui s’appelait à l’époque la filière Scientifique, en section européenne. Je n’avais pas réellement d’idée précise quant à mon projet professionnel. La seule intuition que j’avais était que le droit m’attirait, alors que je ne l’avais jamais pratiqué. Je ressentais vraiment l’inconfort de cette période où on a l’impression que chacun de nos choix sont décisifs et définitifs et qu’on n’a pas encore assez vécu pour les faire sereinement. Quoi qu’il en soit, j’ai décidé par imitation de camarades en filières Economique et Sociale d’intégrer la prépa JPPJV « au moins pour voir », sans savoir précisément ce qu’était un IEP.

A partir de là, j’ai pu bénéficier des cours bien spécifiques dispensés par la prépa, et de la motivation supplémentaire qui va avec pour être plus performant dans la scolarité à court terme, le Bac bien en tête. Pour la petite anecdote, le sujet d’Histoire qui est tombé le jour du concours était quasiment au mot près un sujet que l’on avait travaillé un mercredi après-midi. Même si ce ne sont aujourd’hui plus les mêmes procédures, les prépas JPPJV (et celle de Daguin en particulier) sont pour moi avant tout l’opportunité de s’entourer de professeurs qui ont à cœur que l’on réussisse.

Les courts instants passés les mercredi après-midi sont de réels courts particuliers qui donnent des avantages considérables par rapport à ceux qui ne les suivent pas, que ce soit pour le concours de Sciences Po Bordeaux ou pour toute autre filière que vous suivrez à la suite de votre Bac. C’est encore plus vrai maintenant grâce au Centre de Ressources Numériques.

Lorsque j’ai été admis, j’avais déjà mis de côté mes ambitions de droit à la suite de discussions concernant mon orientation avec un professeur d’Histoire du dispositif.

Le soulagement a vite cédé la place à de nombreux doutes : est-ce que j’aurai le niveau nécessaire ? Saurai-je m’intégrer dans la vie étudiante ? Trouverai-je ma place à Sciences Po Bordeaux ?

Rétrospectivement, force est de constater que ces doutes n’avaient pas réellement lieu d’être. Dès les premiers jours de la première année, l’intégration s’est faite sereinement et facilement. Tout est mis en place du côté de l’IEP, étudiants comme administration, pour qu’elle se passe sans encombre et créer un véritable corps de promo.

J’ai dû m’adapter à ces disciplines nouvelles qu’étaient l’économie, la sociologie, le droit, tout en composant avec les modalités bien spécifiques des IEP : les conférences de méthode et les cours magistraux. Les cours d’introduction couplés aux travaux de groupe m’ont permis de rattraper le retard que je pensais infini dans les sciences sociales et j’ai pu rapidement m’impliquer dans des associations comme le Bureau des Elèves, ou de nombreuses associations sportives. L’autonomie que permet le volume horaire de cours (entre 20 et 25 heures de cours par semaine, le gros du travail se faisant à la BU ou chez soi) autorise une vie étudiante riche et stimulante, au-delà du scolaire.

Pour la faire brève, j’ai pu par le biais de l’école rencontrer des camarades que je n’aurais jamais croisés ailleurs, dans des conditions de travail que l’université nous envie littéralement. J’ai pu réaliser une année d’étude à Istanbul, accompagné d’anciens étudiants et de l’administration qui a fait en sorte que nous ne soyons pas lâchés dans la nature. J’ai pu affiner mon projet durant ma troisième année, et m’orienter vers une année de césure dans l’armée avant ma quatrième année.

Aujourd’hui en cinquième année dans le master Carrière Administrative, je sais que je suis outillé pour réussir les concours qui m’attirent, et que mon profil, dont le diplôme de Sciences Po Bordeaux est l’illustration mais dont mes compétences acquises sont le fond, ouvre un nombre faramineux de portes et d’opportunités.

Si j’avais un conseil à donner à des lycéens, ce serait d’oser se donner les moyens. Le Baccalauréat et son contrôle continu rend la période du lycée certainement plus stressante que jamais. Il ne faut pour autant pas perdre en tête qu’il ne s’agit que d’un point de passage vers d’autres perspectives plus personnelles. Profitez de l’environnement que vous avez autour de vous, notamment des professeurs volontaires, pour vous questionner et saisir les opportunités. Les seules opportunités qu’on rate sont celles qu’on ne saisit pas. »

 

Merci à Martin Chaumont pour ce témoignage très enrichissant se terminant sur une magnifique phrase philosophique emplie d’espoir.

Si vous avez certaines questions à lui soumettre vous pouvez le contacter à l’adresse suivante : martin.chaumont33@gmail.com

 

Maëna Lican,

Rédactrice en chef du site JPPJV