La Pluie, avant qu’elle tombe ou Vivre à en mourir

Jonathan Coe est un artiste. Son livre n’est pas seulement un roman extraordinaire, c’est aussi – et surtout – un condensé d’art. En effet, on lit ce livre comme on écoute un prélude de Rachmaninov : avec émerveillement et respect ; comme on contemple une toile de Mondrian : avec bonheur et réflexion ; comme on observe la Pietà de Michel-Ange, ou la Vénus italique de Canova : avec émotion et admiration.

Mais Jonathan Coe étonne aussi par sa parfaite maîtrise de la construction. Son roman est complexe et examine avec exactitude tous les recoins de la nature humaine, et c’est par la construction que tout passe. Il n’est pas sans rappeler un maître d’Outre Atlantique, John Irving qui, comme lui, sait construire un roman comme un édifice magnifique, sans pour autant en devenir alambiqué.

La fausse candeur de l’écriture de Jonathan Coe amène celui-ci à tromper parfois le lecteur qui, passionné par cette histoire magnifique qui s’attache à décrire l’abnégation et le poids terrible du temps, en oublierait presque l’impressionnante sagesse qui se dégage de cet ouvrage. Car toutes ces photos que décrit cette femme au destin tour à tour terrible et sublime sont autant de pierres qu’elle a semées tout au long de sa vie pour retrouver, le moment venu, l’immortel bonheur de l’enfance.

Un roman sensationnel, donc, mais aussi une grande bouffée d’air frais, chamarré des magnifiques couleurs de la nostalgie. Un livre qu’on ne dévore pas, mais dont on se délecte comme on le ferait d’un plat rare et exquis qu’on nous servirait sur un plateau d’argent. Au final, Jonathan Coe nous apprend que le temps n’est rien d’autre qu’une insupportable succession d’images devant lesquelles on ne peut que se pâmer lorsque vient le moment de la douce dépression qu’on a coutume d’appeler vulgairement la mort.

Axel Maybon (Barthou – première 611)

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