Le 8ème prix des accros livres est attribué à :

Pierre Lemaître pour son Au revoir là-haut, déjà lauréat du Prix Goncourt 2013.

Il obtient 10 voix sur 30 au total, contre 5 pour La cravate, 4 pour Le quatrième mur, 4 pour La Confrérie des chasseurs de livres, 2 pour Lady Hunt, 2 pour La part du feu et 1 pour Profanes, La première chose qu’on regarde et La nuit en vérité.

Cette épopée populaire picaresque et tragique retrace le parcours atypique de deux compères rescapés de la Grande Guerre de 14-18 qui, pour survivre dans ce monde «  saisi d’une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants » vont parvenir à inventer une arnaque aux monuments spectaculaire.

Aussi originale qu’efficace, cette terrible fresque ne vous laissera aucun répit de la première à la cinq centième page et vous entraînera dans l’histoire émouvante de cette monumentale escroquerie menée tambour battant par une gueule cassée et un soldat « inconnu », liés par une amitié « à la vie à la mort »…

Au revoir là-haut fait partie de ces oeuvres marquantes qui vous absorbent, vous happent, vous transportent et ne vous lâchent plus … et dont on se souvient bien longtemps après …

Extraits :

« Il voudrait remonter là-haut qu’il ne le pourrait pas. Il était à deux doigts d’en finir avec cette guerre et le voilà au fond du trou.  Il s’effondre plus qu’il ne s’assoit et se prend la tête dans les mains. Justement, Cécile, sa dernière lettre remonte à quand ?

Il ne saurait pas dire pourquoi, quelque chose en lui a soudainement lâché. Il le sent dans son ventre. Ca ressemble à une immense fatigue et c’est lourd comme de la pierre. (…)

La détonation est incommensurable. Prise d’une convulsion foudroyante, la terre s’ébranle et pousse un grondement massif et lugubre avant de se soulever. Un volcan. Déséquilibré par la secousse, surpris aussi, Albert regarde en l’air parce que tout s’est obscurci d’un seul coup. Et là, à la place du ciel, une dizaine de mètres au-dessus de lui, il voit se dérouler, presque au ralenti, une immense vague de terre brune dont la crête mouvante et sinueuse ploie lentement dans sa direction et s’apprête à descendre sur lui pour l’enlacer. Une pluie claire, presque paresseuse, de cailloux, de mottes de terre, de débris de toutes sortes annonce son arrivée imminente.

Dans un instant cette nappe va s’écraser sur lui et le recouvrir.

Mais à cet instant, comme il a le regard tourné vers le ciel et qu’il voit la mort approcher, il ressemble plutôt à un saint Sébastien. Ses traits se sont brusquement tirés, tout son visage est plissé par la douleur, par la peur, dans une supplique d’autant plus inutile que de son vivant Albert n’a jamais cru à rien et ça n’est pas avec la poisse qui lui arrive qu’il va se mettre à croire en quelque chose. (…)

Et lorsqu’il mesure l’étendue de la catastrophe, le genre de mort qui l’attend, quand il comprend qu’il va mourir étouffé, asphyxié, Albert devient fou, instantanément, totalement fou. Dans sa tête, tout se brouille, il hurle, et dans ce cri inutile, il gaspille le peu d’oxygène qui lui reste. Je suis enterré, se répète-t-il en boucle, et son esprit s’engouffre dans cette effroyable évidence au point qu’il n’a même pas encore pensé à ouvrir les yeux. Tout ce qu’il fait, c’est tenter de remuer en tous sens. Tout ce qu’il lui reste de force, tout ce qui monte en lui de panique, se transforme en effort musculaire. Il dépense, à se débattre, une énergie incroyable. Tout ça en vain. (…)

Albert gesticule en tous sens. Ses poumons se remplissent de moins en moins, ça siffle quand il force. Il se met à tousser, il serre le ventre. Plus d’air. (…)Il agrippe la tête de cheval, parvient à saisir les grasses babines dont la chair se dérobe sous ses doigts, il attrape les grandes dents jaunes et, dans un effort surhumain, écarte la bouche qui exhale un souffle putride qu’Albert respire à pleins poumons. Il gagne ainsi quelques secondes de survie, son estomac se révulse, il vomit, son corps tout entier est de nouveau secoué de tremblements, mais tente de se retourner sur lui-même à la recherche d’une once d’oxygène, c’est sans espoir. (…)

Alors au revoir, au revoir là-haut, ma Cécile, dans longtemps.

Albert Maillard, soldat, vient de mourir. »

Un grand merci à tous les élèves pour leur motivation, leur implication et leur capacité d’analyse toujours aussi impressionnantes, aux enseignants qui nous communiquent leur passion, à nos partenaires culturels – la librairie du Parvis3 et la Médiathèque André Labarrère – pour leur soutien et leur fidélité indéfectibles, à la Bibliothèque d’Assat pour ses membres actifs et bien entendu à l’Administration pour son relais et aux services de l’Intendance et de la Restauration pour leur aide dans l’organisation des pique-niques bi-mensuels.

Notre prochaine réunion aura lieu le mardi 10 juin 2014, de 12h à 13h au CDI :

Nous y parlerons de l’organisation du Comité et du choix des livres pour 2014-2015.

Lecteurs assidus, lecteurs occasionnels ou simples curieux, le Comité de lecture s’adresse à tout le monde.

Le maître-mot étant d’abord le partage, vous y êtes tous les bienvenus …

Sandrine Riou pour le Prix des accros livres

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