Du riz pour tout faire dans le delta du Mékong
1 03 2012Le delta du Mékong est une région fertile au sud du Vietnam. Le fleuve, qui prend sa source dans les lointaines montagnes de l’Himalaya, y dépose depuis des millions d’années des couches d’alluvions visibles sous la forme d’une boue grisâtre. Les hommes ont su tirer parti de ce don ancestral. Ils ont creusé des milliers de canaux pour irriguer leurs vergers et leurs champs. Ils ont fait de ce delta un espace rural consacré à de multiples cultures, une gigantesque Venise verte.
Le premier produit agricole du delta du Mékong est le riz. Contrairement à ce qui se passe dans le nord du Vietnam, où l’on doit inventer des systèmes d’irrigation très complexes et longs à construire, où l’on doit semer, faire pousser, repiquer le riz; le paysan sud vietnamien se contente de semer le grain à la volée. Quand la récolte est faite, on met le riz à sécher sur de grandes bâches au soleil, sur les routes et les chemins. On sépare ensuite le grain de la cosse.
Le grain est destiné à nourrir les humains.
Une fois que la cosse est réduite en cendre, elle est à nouveau recyclée. On peut la compacter pour fabriquer des petites briques de chauffage destinées à la cuisson de la nourriture dans les fours alimentaires.
Mais ce n’est pas tout. Une fois cuite, cette brique est concassée et sert de remblai pour construire des routes. Elle est donc recyclée trois fois. La cendre de cosses de riz est aussi très utile aux pépiniéristes qui en remplissent des petits godets biodégradables confectionnés à partir de feuilles de bananiers. Ils sèment des graines dans ces godets. La cosse de riz est ainsi employée dans l’agriculture comme terreau pour semer. On en fait également un engrais pour les cultures.
Le grain, la cosse. Il reste la paille, c’est-à-dire la tige de la plante. Que pourrait-on en faire ? Du paillage pour protéger les plantes de la chaleur tropicale et préserver l’humidité de la terre.
Et si nous l’arrosions, elle deviendrait humide, elle commencerait à se décomposer. Elle dégagerait ainsi de la chaleur et constituerait un matériau propice au développement du mycélium. On pourrait alors y cultiver des champignons.
Une fois la paille bien préparée, on la transporte par bateau.
Il ne reste plus qu’à former des billons de paille dans un champ, à implanter des spores …
… et le tour est joué.
Le riz est un exemple emblématique de l’ingéniosité et du sens de l’économie propres aux agriculteurs du delta. Contrairement à nos sociétés occidentales, dont toute l’économie repose sur une pratique quotidienne du gaspillage et du tout jetable, la civilisation vietnamienne, dont certains diraient sans ambages qu’elle ne vaut pas la nôtre (Je veux bien entendu parler des esclavagistes du XVIII° siècle dont c’était l’argument favori.), tente de vivre modestement en privilégiant chaque fois que possible des solutions écologiques, rationnelles et naturelles.
Je tiens à remercier chaleureusement mes amis Serge Cabanel et Kim Liên sans lesquels cet article n’aurait pas vu le jour.
Philippe Pineau
Comme quoi les voyages forment la jeunesse !… Très intéressant, Philippe, pour nos futurs carrés potagers ?