D’où vient la fatigue de l’enseignant ?

Avec les années qui s’empilent, la fatigue s’installe de plus en plus dans ma tête et dans mon corps. Je me suis souvent demandé ce qui me menait à cet état.

Les années qui passent, certes, commencent à avoir raison de mes articulations. Mais bon, ça, n’en parlons pas, chacun aura le droit à son moment de « délabrement tissulaire» au prorata des heures passées debout, assis, couché, en l’air, par terre…

L’enseignement en lui-même fatiguerait-il ? Non, pas vraiment, il est comme une énigme, un problème dont l’équation à résoudre n’est jamais la même suivant les variables individuelles et intellectuelles si différentes et… passionnantes.

Les corrections et préparations soirs et week-ends ? Certainement un peu… jusqu’à parfois plus qu’un peu, avouons-le. Une soirée canapé sans préparations à faire, un week-end improvisé sans stresser pour ses cahiers seraient parfois les bienvenus pour pimenter cette vie bien rangée.

Le rythme d’un jour de classe ? Probablement aussi…

Mais par-dessus tout, ce qui, d’après moi, fatigue le cerveau en le maintenant dans un état d’ébullition journalière serait directement lié à la gestion d’une grosse vingtaine de petits individus. Tous différents, tous de caractère et d’humeur changeants, traversés par la vie, par des émotions « chamboulantes » plus ou moins positives… Tout cela avec un terrible effet ricochet indéniable sur les autres individus situés alentour.

L’école est un incroyable « aquarium d’émotions » dirais-je de manière « poétiquement correcte ».

Ensemble, je vous propose de faire un petit tour des émotions.

La joie

Lorsqu’elle est présente, cette émotion est tel un ouragan de vent chaud. Les élèves s’agitent, se retournent et s’excitent : il se prépare quelque chose… et ça explose ! Les « youpi », les « bravoooo », les envies que tout soit rigolo, même quand la maîtresse fait de gros yeux face à Camélia qui a dit un gros mot. Voilà maintenant que le pet du voisin d’à côté vole la vedette au verbe et à son sujet en train d’être étudiés… JOIE, vent de folie qui entraîne toute la classe dans un éclat scintillant de hahaha, de blabla et patatras ! Maxime est tombé de sa chaise.

Ça se calme soudainement. La joie s’échappe, s’essouffle, se pose enfin… mais quelle fin !

La joie a mille raisons, mille excuses : il neige, c’est mon anniversaire, je vais avoir un chat, papi  et mamie viennent ce soir, j’ai invité Antony à la maison, je vais avoir un nouveau jeu vidéo… ou un petit frère. On peut choisir de s’embarquer avec eux en mode « joie » mais alors… qui calmera l’énergie ultra débordante de chacun ? Il faut un garde-fou, quelqu’un qui dise STOP avant la chute de chaise.

JOIE : 1 point ; Maîtresse : 0, le KO.

Slalomer au milieu des éclats de rire et des agitations pour essayer de retrouver un climat propice à la concentration = fatigue assurée.

La colère

Vraiment moins sympathique cette émotion. Lorsqu’elle s’invite en classe, la colère dévaste tout sur son passage. Comme un ouragan… ah mince, je l’ai déjà écrit… disons un ouragan de vent glacial. La colère entre en classe avec lourdeur, électricité, tremblante de rancœurs, faut pas la gêner. Écartez-vous sur son passage, ne lui parlez pas, ne l’ignorez pas non plus, car elle est bien présente. Lourde. Pesante. Les camarades en reçoivent les éclaboussures, sous forme de blessures, de ratures, de bavures… Comment l’apaiser ? Comment désamorcer ce petit bout d’homme sombre qui vient de s’asseoir à sa place, défiguré, transformé par cette violence intérieure ? Pas le droit à l’erreur… madame la professeure !

La colère a mille raisons : des paroles blessantes, un reproche, un coup perdu, une frustration, un refus de plus, une injustice, une punition, un rejet, parfois juste un simple « non »…

COLERE : 1 point ; Maîtresse : 0.

Rentrer dans l’intime de l’élève, chercher la cause de cette colère, sans blesser, sans raviver, en rassurant peut-être ? En consolant sûrement… en donnant des clés, des armes, des mouchoirs, des idées claires. Accompagner sans laisser les autres camarades de côté, complètement désarmés ou stressés par ricochet.

Fatigue :  1 point ; Maîtresse : KO.

La tristesse

C’est l’émotion qui blesse : à la fois l’élève qui la porte et celui qui la perçoit. Les larmes, comme signal d’alarme, sont salutaires parce qu’on sait quoi faire : les essuyer. La pire, c’est la tristesse silencieuse… celle qui tue l’envie de parler, qui décroche la pensée, celle qui tire vers le fond. Pauvre enfant qui se noie et que parfois on ne voit pas ou parfois tard… La tristesse alerte les autres enfants par son teint blanc, elle tourmente, elle déconcentre… Elle inquiète aussi la classe.

La tristesse a mille raisons : la mort de son poisson, l’hospitalisation d’un être cher, l’éloignement d’un parent, la punition injuste, la douleur, l’annulation d’un événement important, … la dépression…, la séparation…

TRISTESSE :  1 ; Maîtresse…

Atteindre la source des pleurs, trouver des mots pour les sécher, consoler, rassurer si c’est encore possible, mais ramener l’être disparu est… inaccessible. Comment trouver les mots ? Apaiser les maux… ?

Fatigue m’a mise KO.

Nager, toujours

Alors, quand dans cet aquarium toutes les émotions se mélangent et se côtoient, on a envie d’ouvrir la porte pour apporter un peu de vent frais dans l’espace classe… mais dehors, c’est la cour de récréation et c’est un aquarium géant où se confrontent toutes les autres émotions : celles des petits et des grands comme celles des parents. Nous voilà donc face à un océan maintenant !

Et au milieu de toute cette agitation émotionnelle, n’oublions pas… celle de l’enseignant : toujours présent quel que soit son état de sentiment.

Qui viendra l’aider concrètement ?

Dans l’océan des émotions, il faut donc bien savoir nager entre cœur et raison, travail et émotion, sentiment et conjugaison… et nager… n’est pas reposant.

J’ai donc ma réponse maintenant !

 

Une chronique de Claire Maurage

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