Globalisto… ce n’est pas un gros mot!

Un billet rédigé d’après le travail de Louise M., Alicia M. et Maurren G., élèves de 2nde option Histoire des Arts. MAIS aussi avec la contribution de Lou F-D de « terminale option » et fidèle parmi les fidèles! Merci à elles !  

Raphaël Barontini (1984 ), Black Centurion, 2019, détail.

Le 16 septembre dernier, nous nous sommes rendues au MAMC+ (Musée d’Art Moderne et Contemporain) avec la classe d’Histoire des Arts de seconde pour voir l’exposition « Globalisto », dont le commissaire est Mo Laudi. La médiation de notre visite a été assurée par Myette et Julie.

A l’occasion de la 12ème édition de la Biennale internationale Design de Saint-Etienne, le MAMC+ de Saint-Etienne Métropole a donné carte blanche à Mo Laudi pour organiser une exposition en ses murs. Il a choisi de mettre en avant le panafricanisme à travers les œuvres de 19 artistes se sentant concernés par ce mouvement. Rappelons peut-être que le panafricanisme est un mouvement et une idéologie de solidarité africaine qui promeut l’indépendance totale du continent africain après des décennies de colonisation… et de néo-colonialisme.

Cette exposition, en donnant la parole aux artistes africains ou d’origine africaine, nous invite donc, en tant que visiteurs, à nous questionner sur la « condition noire » et sur sa traduction en art aux XXème et XXIème siècles.

Nous allons maintenant vous parler de quelques œuvres nous ayant particulièrement touchées :

La première est l’œuvre de Sammy Baloji (1978 –   ), originaire du Congo. Sur cette œuvre de 2020, intitulée Han Himmelheber, Masked figure with beak and crown of feather, munyinga, DR Congo Byombo region, May 20-22 1939, scan of a Chalcopyrite from Kipushi mine, and your reflection in the mirror,  on peut voir notre reflet dans un miroir juxtaposé avec la reproduction d’une photographie argentique prise par un ethnologue allemand du nom de Himmeleber, au début du XXème siècle, et consignant des scènes « typiques » de l’Afrique de son temps, le « temps béni des colonies » ( ?!). Ainsi nombre de ces clichés représentent des danses rituelles africaines, témoignant d’une Afrique « éternelle » vue avec un peu de condescendance. En regard de ces clichés, on peut observer la représentation d’un minerai en couleur, la chalcopyrite qui rappelle que la présence européenne au Congo s’y est enracinée pour mieux exploiter ses ressources naturelles ; l’économie du Congo repose d’ailleurs toujours sur l’exploitation du sous-sol… par des compagnies occidentales. Ce pillage néo-colonial nous concerne donc ! Cet artiste veut confronter le visiteur avec l’Afrique, le prendre à témoin, l’impliquer à travers son reflet dans l’œuvre. Sammy Baloji veut nous faire comprendre que l’on ne peut plus fermer les yeux sur ce qui s’est passé et se passe encore en Afrique ; il veut nous rappeler les temps difficiles qu’ont pu connaître les peuples noirs dans le passé mais encore aujourd’hui.

Sammy Baloji (1978 ), Hans Himmelheber…. 2020.

La seconde œuvre s’intitule Histoire de la noix de Cola et est un œuvre de Otobong Nkanga (1974 –    ). Elle s’inscrit dans la même lignée que la précédente bien que la technique de cette œuvre diffère radicalement de la première. En effet, cette œuvre est une tapisserie de facture traditionnelle (ce qui constitue en soit un engagement féministe car l’art de la tapisserie est associé aux femmes) quand la première œuvre recourait à une technique mixte plus « moderne ».

Sur cette œuvre, on observe la noix de cola sous différents angles, à différents moments de sa maturation. Cela peut ainsi nous faire penser à une planche botanique. A travers cette œuvre, l’artiste dénonce le capitalisme et l’exploitation de la noix de cola dans son pays d’origine, le Nigéria ; Otobong Nkanga pointe notamment ici les impacts environnementaux engendrés par la production de Coca-Cola.

Nous avons beaucoup apprécié cette œuvre, pour son aspect visuel : ses nuances de verts, ses détails et son esthétisme, mais aussi pour le message qu’Otobang Nkanga souhaite nous transmettre à travers elle, un message caractéristique du courant panafricaniste qui tient à cœur à l’artiste.

Otobong Nkanga (1974 ), Kolanut tales – Dismembered, 2016, textile tissé / filé, polyester, coton organique, lin, acrylique.

Pour finir, la dernière œuvre dont nous avons décidé de parler est une œuvre de Moshekwa Langa (1975  ), réalisée en 1957 à Bakenberg en Afrique du sud. Cette œuvre a été réalisée sur un grand tissu, initialement blanc mais devenu marron après avoir été traîné par terre autour de la ville de l’artiste. Moshekwa Langa vivant dans une ville n’étant pas répertoriée sur les cartes, il décide, par « provocation » d’accrocher un tissu à l’arrière de sa voiture et de rouler aux lisières. Ainsi, le tissu se retrouve imprégné de « sa » terre et cela permet de « cartographier » sa ville et de s’approprier son territoire. Cette action prouve que cette ville existe bien… et que lui aussi !

Moshekwa Langa (1975 ), Drag Paintings, 2016

Nous avons beaucoup apprécié cette œuvre car l’acte de l’artiste est fort et osé ; de plus, l’artiste parvient bien à transmettre son intention bien qu’il soit préférable d’avoir des explications sur l’œuvre pour la comprendre. Cette œuvre dénonce indirectement un problème grave auquel il faut remédier car on pourrait parler d’« inconsidération » envers la population de cette ville, cela est rabaissant et témoigne du regard que, plus généralement, l’on porte sur l’Afrique et ses peuples et cette œuvre permet de le dénoncer.  

Nous avons beaucoup aimé cette exposition car elle nous a permis de prendre conscience des injustices envers les peuples noirs, de plus, elle nous a fait découvrir le panafricanisme et tout simplement la culture africaine, loin des clichés habituels. Pour finir, cette exposition était un très bon moyen pour les artistes de s’exprimer et de dénoncer certaines injustices, ce qui peut être une vocation de l’art.

Lou F-D, de terminale option, nous propose elle aussi son ressenti à l’issue de la visite que le groupe a pu faire le 28 septembre dernier. Merci à elle!

Le 28 septembre 2022, nous sommes allés au musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne pour voir l’exposition « Globalisto ».

Globalisto est une exposition totalement dédiée à l’art africain, sous représenté encore aujourd’hui dans nos musées. Au MAMC+ par exemple seulement 6% des collections sont des œuvres réalisées par des personnes noires.

L’artiste sud-africain Mo Laudi est le commissaire de cette exposition ; notons qu’il a plusieurs cordes à son arc : il est en effet à la fois commissaire (à ses heures!), artiste, réalisateur, compositeur, DJ! A l’occasion de la Biennale Design, le MAMC+ l’a invité à rassembler dans cette exposition 19 artistes noir.es pour les mettre à l’honneur. Ces artistes interrogent les spectateurs sur l’influence toujours présente dans le monde actuel de la colonisation, sur l’inclusivité, sur la façon de raconter et d’enseigner ces années d’expansion coloniale.

C’est le cas de l’artiste originaire du Mozambique, Euridice Zaituna Kala qui reprend de vielles photos d’archive durant la colonisation pour interroger la façon dont on restitue le passé. C’est le cas avec son œuvre, Je suis l’archive, 2020.

Euridice Zaituna Kala (1987 ), Modèle 1 tiré de la série « Personal Archives : an exercice on emotional archaeologies », 2022

Dans cette œuvre, l’artiste reprend une photographie qu’elle a retrouvée dans les archives d’un photographe qui a documenté le Paris artistique du début du XXème siècle, un certain Marc Vaux…et qui a « omis » les noirs, sauf lorsqu’ils étaient des modèles, souvent nus… Bref, les noir.e.s, les grands oubliés de l’histoire, les noir.e.s qui ne seraient « pas entrés dans l’Histoire » comme disait un certain Nicolas S. en 2007! Euridice Zaituna Kala fait donc le choix de réparer le forfait et de se saisir de la photographie d’une inconnue retrouvée dans lesdites archives de Marc Vaux ; elle reprend cette image, la pose sur une plaque de verre et la coupe à plusieurs endroits. Elle dialogue avec Vaux en faisant écho aux photographies sur plaques de verre ; elle grossit le sujet, en dresse le portrait à taille humaine pour lui redonner une visibilité à défaut d’une identité… Le fait que cette femme soit restée anonyme montre bien le peu de considération qu’avaient les blancs pour les populations africaines. Et puis, elle suture les plaises de la mémoire en venant apposer un peu de peinture rosée. Ce genre d’images aussi nous est familière car on les trouve dans les manuels d’histoire qui nous racontent la colonisation, ce qui pose encore des questions sur la façon dont on nous rend compte de cette période. Le fait que cette photo soit découpée, restructurée pourrait presque vouloir dire que même à notre époque la mémoire des populations colonisées est abîmée,enfermée.

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