Corrigé du bac blanc de Condorcet : Dissertation
Dimanche 31 janvier 2010Comment peut-on expliquer l’exclusion sociale aujourd’hui ?
Formulation du sujet assez particulière, car il ne s’agit pas d’un débat du type « oui… mais… ». Il faut trouver les sources, les facteurs de l’exclusion ; le plan sera « thématique », c’est-à-dire que les deux parties évoqueront deux facteurs différents de l’exclusion, deux aspects différents mais pas opposés.
Introduction :
Accroche : nombreux exemples dans l’actualité : SDF dans la rue, les tentes Quechua installées dans certaines villes par des associations, mais aussi des phénomènes moins spectaculaires comme la solitude des personnes âgées, les chômeurs de longue durée, les galères des jeunes… Les termes importants du sujet (ici : exclusion sociale) doivent être définis précisément.
Problématique : poser deux ou trois questions, un peu différentes de l’énoncé du sujet. Par ex. Quels facteurs économiques et sociaux brisent la cohésion sociale, et imposent à certains ménages une trajectoire d’exclusion ?
Annonce du plan : sous forme de phrase : « Après avoir vu que… (1ère partie), nous examinerons les facteurs … (2e partie).
I – L’exclusion sociale est d’abord due à des facteurs économiques, liés en général à l’emploi.
1. Les problèmes d’emploi fragilisent les liens sociaux.
– Dans les sociétés modernes, la « solidarité organique » (Durkheim) prédomine, les individus s’intègrant largement à travers leur statut professionnel ; à l’inverse, les chômeurs ont beaucoup plus de risque de connaître la pauvreté que les actifs occupés. (Doc. 6) L’individu qui perd son emploi perd aussi ses compétences et ses relations sociales : il se sent rejeté, inutile (Doc. 1).
– La précarité, par la pauvreté qu’elle entraîne, est également nuisible à l’intégration des individus. Les relations familiales en souffrent (Doc. 2), et l’individu qui ne peut gagner sa vie correctement renoncent à de nombreuses activités associatives, amicales, familiales… (Doc. 3). Serge Paugam parle de « disqualification sociale » : l’individu se sent stigmatisé par les regards de son entourage, et des services sociaux qui l’assistent.
2. Chômage et précarité remettent en cause la protection sociale.
– Depuis le XIXe s., les salariés ont obtenu de plus en plus de droits sociaux attachés à l’emploi (système d’assurance, de type bismarckien : assurance-maladie, retraites…) Mais avec le développement du chômage de masse à partir des années 1970, puis en outre de la précarité dans les années 80, l’« insécurité sociale » (R.Castel) augmente pour les salariés, la « désaffiliation » (R.Castel encore) les menace. Les systèmes d’assurance fondés sur le travail sont fragilisés, laissant souvent la place à des systèmes d’assistance pour les individus pauvres et privés de droits sociaux (RMI, APL, etc.)
– La précarité et le chômage répétitif se concentrent sur certaines catégories de la population, qui ne peuvent sortir de la pauvreté même en travaillant (il y a un million de « travailleurs pauvres ») (Doc. 1), d’où un cercle vicieux qui peut mener à l’exclusion : impossibilité de se loger, de consommer, donc surendettement…
II – L’exclusion sociale est confirmée et aggravée par des facteurs sociaux.
1. Les handicaps sociaux sont cumulatifs.
– Les personnes considérées comme exclues ont souvent une très faible qualification, voire des problèmes psychologiques, ce qui rend difficile leur intégration professionnelle, et les enfonce dans un chômage et une pauvreté durables. La moitié des RMIstes le sont encore trois ans plus tard (Doc. 4). Les emplois très précaires et pénibles occasionnent des problèmes de santé ; les logements sont souvent précaires également, et insalubres, et compliquent encore la situation des exclus (ne pas oublier les exemples concrets : hygiène, protection contre le froid, éducation des enfants…)
– Ainsi, les relations familiales, sociales et associatives se dégradent rapidement (Doc. 2), les individus ayant souvent honte de leur situation, et hésitant à demander de l’aide. Leur existence est occupée à la recherche du minimum nécessaire (nourriture, logement…), ce qui ne leur permet pas de nouer des liens sociaux valorisants et solides.
2. Les familles offrent des protections nécessaires, mais pas toujours suffisantes.
– Les familles pauvres n’ont pas disparu, au contraire : la famille est la première des protections sociales, encore faut-il qu’elles soient dans une situation financière et matérielle correcte. Or, depuis les années 60, malgré les progrès dans les logements et l’augmentation générale du niveau de vie, des poches de pauvreté demeurent dans certains quartiers, et dans certaines communautés. Et le taux de pauvreté n’a pas reculé depuis 20 ans. Si un individu, déjà vulnérable, n’a pas une famille pour l’aider, il risque de tomber dans l’exclusion. (Doc. 5).
– Les séparations familiales favorisent la solitude et l’exclusion : la famille a connu une désinstitutionnalisation (Doc. 5)– les mariages ne sont plus automatiques, les divorces sont fréquents, l’individu veut être de plus en plus libre (ce qui est normal) mais en paie le prix par une intégration sociale plus fragile. Les familles monoparentales qui en sont issues sont plus pauvres que les familles avec deux conjoints (Doc. 6), les facteurs d’intégration sociale (emploi stable, éducation des enfants, logement correct) sont plus difficiles à assurer pour un parent isolé (souvent des femmes, touchées par la discrimination dans le travail).
Conclusion :
– Bilan : L’exclusion n’est pas une situation fixe, mais un processus, une trajectoire progressif qui commence souvent par des difficultés financières et des problèmes d’emploi – très répandus de nos jours, même chez certains cadres. Les individus, du fait du chômage et de la précarité, n’ont pas de revenus stables et suffisants, ce qui favorise la rupture des liens familiaux et sociaux. Les problèmes de logement ou de santé ont tendance à se cumuler aux difficultés économiques et familiales : ainsi il est difficile pour un individu qui a connu l’exclusion (ou « disqualification sociale ») d’en sortir.
– Ouverture : Nos sociétés n’ont jamais été aussi riches, et pourtant les liens sociaux sont fragilisés et la protection sociale (Sécurité sociale, retraites, chômage…) est souvent accusée de coûter trop cher ; l’individualisme triomphe et les pauvres sont souvent montrés du doigt – alors que pour pouvoir travailler, il faut déjà être intégré et en bonne santé. Ne faudrait-il pas admettre que les individus ne sont pas toujours responsables de leur situation sociale, et envisager des formes de protection minimales et suffisantes pour tous les ménages, afin de ne plus voir de personnes (et parfois des enfants) dormir dans la rue ?
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