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Le fait religieux à l’école : Tu ne tueras point.

Posted by on 2 janvier 2018

L’effet « religieux » sur l’inspecteur de l’Indre.

Préambule.

Monsieur l’inspecteur Pierre-François Gachet a suspendu Matthieu Fauchet, professeur des écoles dans l’Indre dans le village de Malicornay, pour avoir lu dans sa classe une quinzaine d’extraits de la Bible.

Dans le cadre d’un travail de recherche en thèse qui étudie les comportements des enseignants quand ils doivent transmettre un objet de culture scolaire à dimension religieuse, a été mené un entretien officiel avec monsieur Gachet pour connaitre la position et les arguments de l’institution sur ce sujet.

Cet article propose de distinguer et d’exposer les arguments invoqués par monsieur Gachet qui auraient motivé l’institution à sanctionner le professeur des écoles puis, de les mettre en relation avec une typologie sur les comportements des enseignants réalisée dans le cadre de mon travail de recherche.

L’auto-censure

Dans les premières lignes de l’entretien, monsieur l’inspecteur prévient qu’il a été :  » lui même enseignant et qu’il a fait parti de cette catégorie d’enseignants, de ces très nombreux enseignants, sans doute la quasi totalité qui ont passé des années à éviter consciencieusement toute question sensible. Et à faire dans l’évitement pur et simple. C’est une certitude. Je pense qu’on était tous comme ça. ». Il assure que l’affaire de Malicornay c’est « tout le contraire de l’évitement ». Ces propos sont ambigües parce qu’ils sous-entendraient que la meilleure posture concernant l’étude de textes religieux est l’abstention. Ce que j’appelle l’autocensure dans ma typologie des comportements des enseignants face au fait religieux.  Il s’agit d’une stratégie qui consiste, par principe, à ne pas faire entrer dans l’école des objets de culture ayant une dimension religieuse (même s’ils sont au programme). Cette censure est plus ou moins prononcée en fonction du degré de présence du religieux. Elle va de l’objet de culture explicitement religieux (comme la lecture d’un texte d’un livre dit sacré) à la simple présence d’un mot dans un texte (comme le petit poisson et le pêcheur : « si Dieu me prête vie« )… Monsieur Gachet dit l’avoir lui-même pratiqué lorsqu’il était enseignant.

Mais l’ambiguïté parait pourtant levée quand il affirme très peu de temps après que son « point de vue ce sont les instructions officielles. Un inspecteur ne peut pas avoir d’autres points de vue que les instructions. ». On se dit alors que, dans la mesure où les textes officiels encouragent la lecture des textes fondateurs, dont les textes de la Bible, monsieur l’inspecteur ne peut pas être contre leur lecture. Mais alors ? Où le bât blesse-t-il ? Où est la faute ?

Avant de dévoiler les causes possibles des fautes potentiellement commises par les enseignants quand ils transmettent des objets scolaires ayant une dimension religieuse, écoutons ce que  l’inspecteur nous dit de la nation française.

Elle « s’enracine dans une culture judéo-chrétienne, qu’on le veuille ou non, c’est ainsi. » Il précise qu’à partir du XIXème la France a bénéficié « d’apports complémentaires » et que « la loi de 1905 n’a jamais eu l’intention d’effacer la dimension chrétienne, l’enracinement chrétien de l’histoire de France ». Cette précision est étonnante car elle entre en contradiction si on la lit en ayant en mémoire que l’enseignant qu’il a été, prenait bien soin d’organiser ses cours en « écartant consciencieusement l’aspect religieux du programme« . La suite de l’argumentation est tout aussi éclairante pour mieux comprendre ce préambule.

La parole contrainte

En effet, monsieur l’inspecteur indique que ce qui est dit aux enseignants : « c’est d’appliquer les programmes et traiter les objets d’enseignement comme des œuvres du patrimoine mondial et plus particulièrement le patrimoine européen […] Et en histoire ou en littérature, quand vous étudiez une œuvre ou un fait historique, vous devez l’étudier en tant qu’œuvre littéraire ou fait historique. […] Si je prends les guerres de religions, il y a un moment où forcément on va étudier un petit peu…« . On perçoit l’embarras qui se traduit  d’une part par toutes les circonlocutions pour mieux montrer à quel point le fait religieux d’un objet d’enseignement est le dernier point à prendre en compte après la dimension universelle, européenne, disciplinaire. D’autre part, l’embarras est palpable quand il avoue qu’a certains moments on est  « forcé » de parler de religions à cause de la nature même des sujets travaillés. La locution « un petit peu » parachève cette concession émise du bout des lèvres. C’est ce que j’appelle dans ma typologie « la parole contrainte« , c’est à dire une stratégie de justification  qui consiste à affirmer ne pas avoir d’autres choix que de traiter un fait religieux  quel qu’il soit par obligation morale, éducative, programmatique ou circonstancielle. Elle est contrainte dans le sens où l’enseignant ne se sent pas pouvoir faire autrement : il ne peut y échapper.

Pourquoi un tel embarras ? L’enseignement du fait religieux ne doit-il se faire que lorsque plus aucune autre solution n’est envisageable ?

La déreligionnalisation

Peut-être a-t-on un début de réponse dans la suite de l’entretien. Monsieur Gachet indique avec beaucoup d’insistance qu’il est nécessaire de traiter la « dimension religieuse comme dimension historique et pas comme une parole révélée. C’est toute la différence. Quand les enfants vont au catéchisme on leur apprend une parole révélée comme un dogme, une parole qu’il faut traiter comme un dogme. Même si par ailleurs les méthodes d’enseignement peuvent être les mêmes, on leur apprend un dogme. Dans les écoles publiques on n’apprend pas un dogme, on leur apprend un discours scientifique« .

Le danger serait donc pour les enseignants qui s’aventureraient à traiter les faits religieux, de faire du catéchisme. La distinction entre les deux démarches étant d’autant plus ténue que les catéchistes, pour monsieur Gachet, utiliseraient les mêmes méthodes d’enseignements que l’école. La méthode conseillée serait alors de vider la dimension religieuse de l’objet de culture lui-même en le traitant avant tout, et si possible exclusivement, sous tous les angles pourvu qu’ils ne soient pas religieux. Il ajoute plus tard : « Rester sur le factuel, le descriptif. Rester dans la démarche artistique, historique ou éventuellement littéraire. » C’est ce que je pointe dans ma typologie en nommant ce comportement  : la déreligionnalisation (ou aseptisation du religieux). C’est un néologisme qui désigne la stratégie qui consiste à évacuer la dimension religieuse d’un objet de culture pour qu’il soit présentable. La forme est traitée. Le fond est occulté.

Olivier Roy a montré dans la Sainte Ignorance[1] que les religions avaient toutes tendance à évacuer les stigmates culturels de leurs structures et références. La déreligionnalisation complète le travail en évacuant le religieux des références culturelles à l’école. On peut se demander comment faire comprendre à des élèves ce qu’est un dogme ou ce qu’est une parole révélée pour les croyants de la Renaissance sans leur parler de parole révélée ou leur montrer quelque dogme. Fait-on du catéchisme en disant que les catholiques croient en l’immaculée conception de la Vierge Marie, contrairement aux Protestants qui, tout comme les Catholiques, croient en la résurrection de Jésus ?

La déreligionnalisation est une stratégie postulée à un autre moment de l’entretien.

Pour l’inspecteur de l’éducation nationale, il n’est en effet pas « condamnable » ou « fautif » d’apprendre un Gospel si et seulement si :  » on le replace dans sa dimension politique, humaine, sociale. Là ça a un intérêt. Parce qu’on ne chante pas un gospel en s’adressant  à dieu mais en essayant de se mettre à la place un tant soit peu, par empathie, de se mettre à la place de ces gens et de ce qu’ils ont vécu et comprendre à quel point ils ont souffert. » Vider le Gospel de sa dimension religieuse, de sa nature même donc, est bien une méthode visée et exigée comme si elle prémunissait ipso facto de toute dérive sectaire ou prosélyte. Mais que reste-t-il alors ?

L’inspecteur préférerait, quoi qu’il en soit,  que les enseignants chantent autre chose : « c’est vrai que la plupart vont réagir en choisissant d’autres chants moins délicats« . Mais lesquels pour illustrer cette époque et montrer la souffrance des noirs américains ? Malbrough s’en va-t-en guerre ? Trop violent sans doute et fort inapproprié… Colchique dans les prés alors ? Suffisamment inoffensif mais ce n’est pas d’époque.

Un autre problème surgit, et pas des moindres.

L’universalisme impératif

 » Et puis, à ça s’ajoute une autre dimension…un autre aspect du problème pardon, c’est qu’évidemment aujourd’hui en 2017 en France, on ne peut plus se limiter au seul univers catholique ou chrétien du problème. Les enfants doivent avoir une ouverture sur le monde. Elle passe par l’explication de l’existence d’univers religieux qui sont différents. Dans les peuples et dans l’histoire. Peut-être par la permanence… « .

Ce simple argument, qui semble être du bon sens, est source d’immobilisme et de paralysie. C’est ce que j’appelle « l’universalisme impératif« . Stratégie qui consiste à affirmer devoir étudier impérativement plusieurs religions quand l’une d’entre elles est évoquée en classe. L’objet de culture est perçu comme objet de culte.  Par exemple si un objet de culture scolaire avait une dimension religieuse chrétienne alors il serait impératif de travailler un objet de culture qui puiserait dans une autre religion. Il y a une confusion très claire entre culte et culture que monsieur Gachet dénonce pourtant en début d’entretien : « la distinction que vous faites entre culte et culture et fondamentale en effet. » ou encore  » Les enseignants confondent culte et culture pour beaucoup. » Car, si un enseignant est, par principe laïc, contraints de parler des différences entre le catholicisme et les églises réformées c’est bien parce qu’il doit traiter des guerres de religions, de la Saint Barthélémy, faits culturels s’il en faut. Mais pourquoi alors devrait-on parler d’Islam de Judaïsme ou d’Indouisme s’il s’agit bien de traiter le religieux dans un but culturel ? Si tel était le cas, d’une part aucun n’enseignant n’aurait le temps de terminer le programme (en partie parce que ce genre d’injonction institutionnelle oblige à faire ce qui n’y figure pas) et d’autre part aucun d’entre eux ne prendrait le risque d’étudier un objet d’enseignement présentant une référence religieuse sous peine de manquer à son devoir de neutralité.

Cet universalisme impératif est convoqué une seconde fois dans l’entretien.

Selon monsieur Gachet, si les enseignants voulaient travailler le pèlerinage des chrétiens à Saint Jacques de Compostelle pendant le moyen-âge, comme certains manuels le proposent, alors ils auraient tout intérêt de travailler dans le même temps le pèlerinage des musulmans à la Mecque : « c’est une réaction saine, de mise en perspective avec une démarche de neutralité ». Encore une injonction qui s’appuie sur un présupposé faux qui consiste à penser que travailler sur les pèlerinages est une démarche cultuelle et non culturelle. Car sinon, pourquoi parler de manque de neutralité ? Notre histoire, et le programme scolaire regorgent de références chrétiennes et quelquefois de références d’autres religions: faut-il que cela devienne un problème ?

De plus, ce souci de neutralité par la prise en compte systématique des autres religions quand une en particulier est convoquée dans un objet de culture empêche concrètement, faute de temps, l’étude de ces objets : c’est un nivellement par le bas.

Le dosage homéopathique

Et tout se complique davantage quand monsieur Gachet ajoute une contrainte, un point de vigilance supplémentaire : la juste mesure ou ce que j’appelle le dosage homéopathique c’est à dire une stratégie qui consiste à expliquer succinctement les références religieuses sans entrer dans les détails ou a en faire le moins possible.

 » C’est à dire qu’il faut avoir conscience qu’au-delà d’un certain volume consacré à ça…quand dans une classe vous avez, et je ne cite personne, vous auriez un professeur qui aborderait ces sujets tous les jours plusieurs fois par semaine toute l’année. Là on n’est plus dans la mesure, on est dans l’outrance. Voilà. Il y a une question de démarche, d’attitude mais il y a surtout une question de mesure parce que l’année est courte et on a d’autres choses à faire et on n’a pas le temps de tout faire.  » Puis d’insister plus loin :  » Encore une fois je parle en général, si on passe la mesure, le raisonnable, alors évidemment on est immédiatement en risque pour ne pas dire certain d’enfreindre le devoir de neutralité. Ce qui est premier chez un enseignant ce n’est pas de ne pas parler de religion c’est d’être neutre dans son discours. » Et de conclure par cet aveu :  » Alors à partir de quand c’est trop ? Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne peux pas répondre. Ma parole c’est de dire, ma parole institutionnelle c’est de dire qu’il n’y a pas de norme établie au millimètre. Si l’on recrute des enseignants  à bac plus 5, si on en fait des cadres A, c’est parce qu’on attend d’eux qu’ils aient la capacité de discernement qu’on est en droit d’attendre d’eux d’avoir la culture générale qui va bien qui leur permettent de rentrer dans les clous sans que personne n’ait besoin de leur dire là tu dépasses et là tu ne dépasses pas. Ce sont des cadres A quand même. » La mesure ! La mesure vous dis-je ! On comprend entre les lignes que, dépasser la mesure que personne ne peut fixer, c’est enfreindre la neutralité qu’un fonctionnaire se doit de respecter en toute circonstance. Il n’est pas compliqué d’imaginer qu’un enseignant qui se demande où est la mesure que personne ne peut délimiter, hésite parce qu’il y a de quoi rester dubitatif.  Qui prendra la responsabilité de passer pour un bac plus 5 irresponsable, voire dangereux, en passant sous les fourches caudines de l’arbitraire institutionnel ?

Le plus étonnant tout de même, c’est que ce dernier argument ne tient pas pour l’inspecteur lui-même quand on lit l’entretien dans son ensemble. Globalement, on a bien compris qu’il fallait avoir de la mesure. Mais quand on interroge sur l’opportunité de travailler la dimension religieuses de plusieurs points précis du programme, jamais monsieur Gachet ne nie l’importance de sa prise en compte. Ce qui, mis bout à bout pourrait représenter des dizaines d’heures de travail.

-Citer un extrait des évangiles pour mieux comprendre une oeuvre picturale ?  » Citer un extrait des évangiles ou même de l’ancien testament…pourquoi pas…en soit, ce n’est pas une démarche fautive, selon moi, selon nous, selon l’institution, ce n’est pas fautif. Ce qui est fautif c’est d’abord, le dosage qui est envahissant. Voilà. Ce n’est pas acceptable. Ce n’est clairement pas acceptable.  »

-Ecouter ou apprendre un Gospel  ?   » C’est vrai que la plupart vont réagir en choisissant d’autres chants moins délicats. C’est certain. Maintenant un gospel en soi, n’est pas condamnable.  »

-Se mettre à la place d’un pèlerin qui va à Saint-Jacques de Compostelle ?  » C’est très intéressant ! « 

-Visiter une cathédrale ? : « Lorsqu’on va visiter une cathédrale et qu’on étudie les vitraux et il est clair qu’on mélange à la fois la vie quotidienne du Français moyen du Moyen-Âge, on mélange la spiritualité, la dimension strictement créative et artistique mais on ne peut pas passer à côté de la question de l’importance que les bâtisseurs de cathédrales accordaient à ces constructions comme les pyramides d’Egypte. »

-Etudier la Cène de Léonard de Vinci ? « évidemment » ! Les guerres de religions ? « Forcément. »

Mais alors ? Nous voilà déjà avec six situations acceptables quand elles sont prises individuellement. L’éducation nationale préconise des dizaines d’œuvres d’arts religieuses de Michel-Ange, Georges de La Tour, Giotto, Vinci etc.[2]  Il n’y a pas que les guerres de religions en Histoire qui font mention de religion. Il est préconisé de travailler des chants grégoriens. Il est stipulé que des extraits de la Bible sont à lire en classe. Si l’on visite une cathédrale, monsieur Gachet préconise de visiter une synagogue ou tout autre lieu de culte par souci d’universalisme. Mais alors ? Nous voilà facilement avec une quinzaine de situations, au bas mot, où l’étude du fait religieux peut être prise en compte. Est-ce cela la bonne mesure ? On admettra qu’au regard des « mille ans d’histoire qui s’inscrivent  clairement dans un univers judéo-chrétien et même plus chrétien que judéo.« , ce n’est pas la démesure.

 

L’externalisation

Autre problème, autre point d’attention : l’inadéquation entre les textes choisis et l’âge des enfants.

Monsieur l’inspecteur juge certains textes inappropriés. Autant lire l’entrée de Jésus dans Jérusalem pour illustrer une œuvre d’art qui s’y réfère lui semble acceptable pour un jeune public[3], autant la Femme Adultère est selon lui parfaitement inappropriée. Ecoutons :  » Ce n’est pas que le fond soit choquant mais inapproprié et inaccessible pour des enfants de 10 ans. D’abord le concept d’adultère, pardon mais je suis père de famille, je suis maintenant grand-père, c’est vous dire…je serais bien embêté pour expliquer à des enfants de 9 ans le concept d’adultère. On ne le fait comme ça d’un claquement de doigts. Et surtout ce que cela sous-tend derrière d’inégalité homme-femme, avec toute une série de valeurs qui ne sont pas conformes aux valeurs de la républiques et aux valeurs républicaines comme on doit les enseigner à l’école. Ce n’est pas qu’une question d’origine des textes mais aussi de contenu en fonction de l’âge des enfants. Ce qui n’est pas acceptable en cm1 ou cm2 pourrait l’être en terminale. Il faut une prise de recul et maturité et de mise à distance qu’un jeune peut ou ne peut pas avoir. C’est pour ça  que j’ai parlé de discernement. C’est essentiel dans cette affaire. »

Mais alors ? faut-il transmettre des romans chevaleresques comme la légende arthurienne qui prônent des valeurs telles que le machisme, le phallocentrisme et décrivent des actes de meurtres, de tortures, d’anéantissements comme autant d’actes de bravoures de d’héroïsme ? Faut-il, à chaque fois qu’une œuvre expose des situations antirépublicaines l’écarter ? Faire preuve de « discernement » serait-il savoir faire preuve d’autocensure ?

Quant à la prétendue inaccessibilité du texte pour des jeunes enfants, doit-on supprimer la lecture de Peau-d’Âne ou de la mythologie grecque parce qu’y sont relatés des cas d’inceste, la lecture du Petit Poucet parce qu’il y a des meurtres ou de Cendrillon parce qu’il y a maltraitance sur mineure ?

Dans la typologie des comportements, c’est ce que j’appelle l’externalisation, c’est à dire la stratégie qui consiste à externaliser  le traitement d’un objet de culture scolaire qui a une dimension religieuse dans d’autres lieux ou d’autres temps. Ici il est clairement établi qu’il vaut mieux en parler dans le secondaire.

Je ne vois ici que mesures comminatoires destinées à dissuader toute tentative (tentation ? ) de transmettre cette dimension religieuse de le culture.

La privatisation

Enfin, monsieur Gachet  ne permet aucune négociation avec la lecture de textes tels que je vous salue Marie : « si quelqu’un avait cette  idée sotte et saugrenue il aurait dépassé la limite« …et subirait les foudres de l’inquisition institutionnelle ? Mais alors ? Il serait donc formellement interdit de travailler le magnifique Ave Maria de Schubert ? Plus question de traduire les paroles latines ? Laisser les enfants dans l’obscurité ?

C’est ce que j’appelle dans ma typologie la privatisation, une stratégie qui stipule que tout ce qui a une dimension religieuse (chant, poésie, texte, tableau, architecture…) appartient à la religion concernée. (par exemple : Jésus que ma joie demeure de Jean-Sébastien Bach appartiendrait aux religions qui se réclament de Jésus et ne pourrait être écouté que par les croyants de ces religions).  Toute culture dite sacrée ou religieuse n’aurait pas sa place à l’école sous peine de contrevenir au principe de laïcité. C’est encore un amalgame évident entre ce qui relève de la culture et ce qui relève du culte.

Et l’affaire Malicornay ?

Qu’en est-il de  monsieur Fauchet, professeur des écoles sanctionné pour avoir lu des extraits de la Bible ?

Lui reproche-t-on de tendre s’en qu’il ne s’en rende compte vers une démarche catéchétique  ? Ce serait lui faire un faux procès d’autant qu’il est lui-même agnostique. Et quand bien même il ne le serait pas ! Sa séquence d’apprentissage prouve l’absence de dogmatisme.

Manque de neutralité ? Dans la mesure où il étudie dans sa classe des textes auxquels plusieurs religions se réfèrent (La Genèse, Noé, Abraham sont des mythes partagés par les trois monothéismes), le décalogue, les évangiles…n’a-t-il pas fait preuve de fait, d’esprit d’ouverture ?

La mesure ? Monsieur Fauchet n’a étudié qu’une quinzaine de textes de la Bible. Peut-on légitimement dire que la mesure est outrepassée ?

Aurait-il lu un texte trop « religieux » du type « Je vous salue Marie »? Aucunement.

Un texte lu inapproprié pour des enfants de primaire à cause des sujets sous-jacents qu’il traite? Beaucoup de textes classiques seraient à censurer. L’argument ne tient pas. Sans compter que le passage de la femme adultère est bien davantage l’expression de la défense des femmes que sa soumission.

Pour monsieur l’inspecteur Gachet nous sommes tous des béotiens qui s’ignorent, et pas seulement monsieur Fauchet qui, nous l’avons vu n’a commis aucune faute que l’inspecteur n’aurait commis lui-même s’il avait été enseignant et respectueux des textes institutionnels qui n’excluent pas la lecture de textes bibliques, qui préconisent l’étude de chants religieux, qui orientent l’étude d’œuvres d’arts religieux, qui encouragent la visite de lieux de culte. Les arguments avancés sont malheureusement pusillanimes et découragent les enseignants de transmettre une large part du programme et des codes culturels de notre époque. La situation devient problématique quand les représentants de l’Etat se montrent aussi obscurantistes que ceux qu’ils cherchent à dénoncer dans la charte de la laïcité, article 12 : » Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves  l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde  ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs,  aucun sujet n’est a priori  exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme« .  Aucune élève ? Peut-être faudrait-il ajouter : « Aucun membre de l’Education Nationale » ?

 

Régis Gaudemer.

[1] ROY C, La sainte ignorance, le temps de la religion sans culture ,Paris. Point.

[2] https://media.eduscol.education.fr/file/Programmes/59/4/HistoireArts_Liste_oeuvres_114594.pdf

[3] Histoire Géographie Histoire des arts, Ce2. Hachette Education. 2015. Page 44.

 

Entretien avec l’inspecteur :

Régis : oui. Je voulais connaitre votre point de vue et ce que vous conseilleriez aux enseignants ?

IA : mon point de vue c’est celui de la réglementation. Récemment lors d’une discussion, lors d’un débat un peu compliqué, je me suis entendu dire : « Régis Debray a dit que…donc il faut faire… ». Non, Régis Debray est d’une intelligence supérieure, un philosophe très intéressant que pour ma part j’ai beaucoup lu et entendu mais en aucun cas Régis Debray ne constitue la parole officielle et les instructions officielles. C’est une réflexion puissante. Mais mon point de vue ce sont les instructions officielles. Un inspecteur ne peut pas avoir d’autres points de vue que les instructions. Mais alors  après on peut en faire plus ou moins l’exégèse, plus ou moins la glose des instructions et des termes chrétiens. D’ailleurs, c’est une question que j’avais à vous poser. Votre travail porte uniquement sur l’univers chrétien ? Pas sur l’univers musulman ou juif ?

Régis : ah si…Mon travail porte sur tous les objets de culture qui ont une dimension religieuse quelle qu’elle soit.

IA : Pas seulement chrétien ?

Régis : Par exemple, la question que je pose est : « est-ce que les enseignants sont prêts à lire la Genèse en classe pour expliquer la raison pour laquelle des hommes ont choisi de découper le temps en semaine de 7 jours. Voilà des choses…

IA : et le Coran vous l’intégrez ?

Régis : Oui bien sûr. Même si c’est plus compliqué pour une simple raison. C’est qu’il y a peu de représentations et en primaire  l’entrée privilégiée des enseignants, c’est le visuel, la représentation : les arts, la sculpture, la peinture, la poésie. Et parler du Coran est plus rare parce que les objets de culture du programme sont peu en relation avec l’Islam…Mais plutôt des objets de culture qui ont une dimension judéo-chrétienne. Et ça c’est un problème pour les enseignants parce que quand ils travaillent une œuvre comme la Cène de Léonard de Vinci, ils ont le sentiment du faire du religieux, ils disent qu’ils privilégient une religion. Ils se sentent alors dans l’obligation de travailler une oeuvre qui aurait une dimension religieuse d’une autre religion. Le problème c’est que les enseignants finissent par ne rien faire parce qu’ils n’ont pas le temps de travailler à la fois la Cène et d’autres oeuvres. Ils confondent le culte et la culture et ont l’impression de privilégier une religion quand ils parlent d’un objet de culture qui présente des traces d’une religion en particulier.

IA : la distinction que vous faites entre culte et culture et fondamentale en effet. Incontestablement la nation française, pour prendre un terme général mais qui a du sens, s’enracine dans une culture judéo-chrétienne. Qu’on le veuille ou non, c’est ainsi. Même si elle a par ailleurs, et en particulier à partir du XIXème siècle elle a bénéficié d’apport complémentaires. Les deux mille ans d’histoire, mais les plus de mille ans d’histoire en tant que tels sont clairement inscrits dans un univers judéo-chrétien et même plus chrétien que judéo. Et la loi de 1905 n’a jamais dit le contraire. La loi de 1905 n’a jamais eu l’intention d’effacer la dimension chrétienne, l’enracinement chrétien de l’histoire de France. Ce n’est pas du tout le sujet. Mais vous avez raison. Les enseignants confondent culte et culture pour beaucoup. Dans l’esprit à eux, à part quelques uns, c’est justement parce qu’il y a ce genre de confusion que… Mais globalement ce qu’on dit aux enseignants c’est d’appliquer les programmes et traiter les objets d’enseignement, comme les œuvres du patrimoine mondial, mais plus particulièrement le patrimoine européen. Michel Ange, ce n’est pas français, Dürer ce n’est pas français, Vinci non plus. Quand on écoute de la musique classique, le Requiem de Mozart ce n’est pas français et en même temps c’est français. Et en histoire ou en littérature, quand vous étudiez une oeuvre ou un fait historique vous devez l’étudier en tant qu’œuvre littéraire ou fait historique. Mais tout est très délicat car tout est une histoire de mesure. C’est à dire, par exemple en histoire en utilisant une méthodologie qui est la méthodologie historique. Alors évidemment en cm1/Cm2 sixième il ne s’agit pas de faire des historiens avertis mais tout en n’étant pas des historiens avertis, il n’en reste pas moins que pour ça comme pour le reste, si je prends les guerres de religions, il y a un moment où forcément on va étudier un petit peu…Il n’est pas question de travailler les guerres de religions sans être capable d’expliquer pourquoi il y avait deux communautés et en quoi ces deux communautés coexistaient ou ne coexistaient pas. Sur le plan politique, économique, sur les intérêts catégoriels, corporatistes mais aussi sur la plan spirituel. Ce faisant c’est un travail de mise en perspective des faits historiques qui conduit à régenter la dimension spirituelle et religieuse, parce que le spirituel existe en dehors du religieux et particulièrement en France. La dimension religieuse comme dimension historique et pas comme une parole révélée. C’est toute la différence. Quand les enfants vont au catéchisme on leur apprend une parole révélée comme un dogme, une parole qu’il faut traiter comme un dogme. Même si par ailleurs les méthodes d’enseignement peuvent être les mêmes, on leur apprend un dogme. Dans les écoles publiques on n’ apprend pas un dogme, on apprend un discours scientifique, une méthode scientifique. On apprend à apprécier et mettre en perspective des œuvres en leur apprenant à entrer soi-même dans un processus artistique. Un enfant n’est pas un artiste mais il peut néanmoins entrer dans un processus de création. Lorsqu’on est un enfant, que ce soit par rapport à des œuvres d’inspiration religieuse ou pas. Lorsqu’on va visiter une cathédrale et qu’on étudie les vitraux et il est clair qu’on mélange à la fois la vie quotidienne du français moyen du moyen-âge, on mélange la spiritualité, la dimension strictement créative et artistique mais on ne peut pas passer à côté de…de…de… la question de l’importance que les bâtisseurs de cathédrales accordaient à ces constructions comme les pyramides d’Egypte. On ne construit pas des monuments pareils, qui vont au-delà de la durée d’une vie humaine et qui dépassent très largement ceux qui la fabriquent s’il n’y a pas derrière une puissante motivation. On pourrait le faire pour des raisons également… Comme par exemple, d’un point de vue historique même d’un point de vue historiographique, une mise en perspective est envisageable….surtout en ce moment, c’est le centenaire :  pourquoi les poilus de 17 ont supporté ce qu’ils ont supporté ? Ce n’est évidemment pas la même réponse que s’agissant des bâtisseurs de cathédrale. Mais il y a une dimension de dépassement de soi dans les deux cas et ça c’est un objet d’étude. Et les enfants peuvent le comprendre ça. Mais en aucun cas on leur parle d’un dogme. Et puis, à ça s’ajoute une autre dimension…un autre aspect du problème pardon, c’est qu’évidemment aujourd’hui en 2017 en France, on ne peut plus se limiter au seul univers catholique ou chrétien du problème. Les enfants doivent avoir une ouverture sur le monde. Elle passe par l’explication de l’existence d’univers religieux qui sont différents. Dans les peuples et dans l’histoire. Peut-être par la permanence… parce qu’après tout Lascaux…ce qu’on sait de Lascaux c’est pas grand chose mais ce qu’on sait c’est que c’est aussi une dimension spirituelle et peut-être même religieuse. On dit même à son propos que c’est une cathédrale. Donc, voilà. La difficulté pour un enseignant dans sa classe elle est dans la mesure, elle est dans le tact. C’est une affaire de tact. D’abord c’est une affaire de neutralité. C’est à dire dans chacun de ses mots dans chacune de ses attitudes, bien être capable de distinguer, je pense que l’immense majorité savent faire ça. Mais la plupart l’évite consciencieusement, mais s’ils ne l’évitaient pas je suis persuadé que la plupart saurait le faire. Eviter toute forme de parole dogmatique évidemment. Rester sur le factuel, le descriptif. Rester dans la démarche artistique, historique ou éventuellement littéraire. Il y a une jolie formule qu’utilisait Rodin en parlant de Dante et des portes de l’enfer, il disait : « Dante est un sculpteur des mots ». Voilà. Il y a quelque chose de cet ordre là. Rester, bien être conscient et très rigoureux et très attentif à rester dans la dimension soit créative soit scientifique soit littéraire, c’est plus difficile, et pas dans une dimension dogmatique. Et après, il y a la juste mesure. C’est à dire que il faut avoir conscience qu’au-delà d’un certain volume consacré à ça…quand dans une classe vous avez, et je ne cite personne, vous auriez un professeur qui aborderait ces sujets tous les jours plusieurs fois par semaine toute l’année. Là on n’est plus dans la mesure, on est dans l’outrance. Voilà. Il y a une question de démarche, d’attitude mais il y a surtout une question de mesure parce que l’année est courte et on a d’autres choses à faire et on n’a pas le temps de tout faire.

Régis : D’accord. C’est ce que j’appelle dans ma typologie le dosage homéopathique. Beaucoup d’enseignants le préconisent ce dosage homéopathique.

IA : c’est bien choisi… Bien sûr ! comment faire autrement ? Là où ça ne va plus c’est quand on s’aperçoit que tout l’enseignement de la personne tourne autour de ces thèmes là. Voilà. On a passé la mesure. Et donc du coup, dès lors qu’on dépasse la mesure que ce soit dans la quantité ou dans le type de discours tenu. Encore une fois je parle en général, si on passe la mesure, le raisonnable, alors évidemment on est immédiatement en risque pour ne pas dire certain d’enfreindre le devoir de neutralité. Ce qui est premier chez un enseignant ce n’est pas de ne pas parler de religion c’est d’être neutre dans son discours. Il peut aller à la messe le dimanche on s’en fout, ce n’est pas le problème.

Régis : j’ai bien compris qu’il y avait trois points important : le dogmatisme, la neutralité, et la quantité qui pourraient être un problème vis à vis de la neutralité.

IA : oui, tout à fait. Alors à partir de quand c’est trop ? Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne peux pas répondre. Ma parole c’est de dire, ma parole institutionnelle c’est de dire qu’il n’y a pas de norme établie au millimètre. Si l’on recrute des enseignants  à bac plus 5, si on en fait des cadres A, c’est parce qu’on attend d’eux qu’ils aient la capacité de discernement qu’on est en droit d’attendre d’eux d’avoir la culture générale qui va bien qui leur permettent de rentrer dans les clous sans que personne n’ait besoin de leur dire là tu dépasses et là tu ne dépasses pas. Ce sont des cadres A quand même.

Régis : est-ce qu’il y a aussi une limite de nature de l’objet étudié ? Par exemple j’ai sous les yeux deux manuels qui relatent des extraits de la bible et des évangiles en particulier. On voit l’entrée à Jérusalem du christ. En dessous on voit l’évangile pour expliquer de quel texte s’est inspiré l’auteur pour fabriquer son oeuvre. C’est un long texte d’une dizaine de lignes. Est-ce une limite ça ? Lire l’évangile est-ce que c’est une limite ?

IA : alors c’est une question extrêmement délicate. A mon avis, il y a une question de dosage. Je reviens à ce que je disais tout à l’heure. C’est évident. Citer un extrait des évangiles ou même de l’ancien testament…pourquoi pas…en soi, ce n’est pas une démarche fautive, selon moi, selon nous, selon l’institution, ce n’est pas fautif. Ce qui est fautif c’est d’abord, le dosage qui est envahissant. Voilà. Ce n’est pas acceptable. Ce n’est clairement pas acceptable. Et puis dans la nature des extraits choisis. L’extrait que vous me signalez, me semble être tout à fait de nature à être étudié en classe. Si à l’inverse comme je l’ai déjà vu, on cite un texte in extenso, même de 5 lignes sur la parabole de la femme adultère, là je pense qu’on a passé la borne. Vous voyez là  on a manqué de discernement et on n’a pas été capable de voir que ce n’est pas un texte de cycle 3. Eventuellement pourquoi pas en terminal littéraire je n’en sais rien  mais certainement pas en cycle 3. Il n’y a pas que l’origine du texte. Il y a aussi son contenu. Il y a toute une série comme ça de… Ce n’est pas que le fond soit choquant mais inapproprié et inaccessible pour des enfants de 10 ans. D’abord le concept d’adultère, pardon mais je suis père de famille, je suis maintenant grand-père, c’est vous dire…je serais bien embêté pour expliquer à des enfants de 9 ans le concept d’adultère. On ne le fait comme ça d’un claquement de doigts. Et surtout ce que cela sous-tend derrière d’inégalité homme-femme, avec toute une série de valeurs qui ne sont pas conformes aux valeurs de la républiques et aux valeurs républicaines comme on doit les enseigner à l’école. Ce n’est pas qu’une question d’origine des textes mais aussi de contenu en fonction de l’âge des enfants. Ce qui n’est pas acceptable en cm1 ou cm2 pourrait l’être en terminale. Il faut une prise de recul et de maturité et de mise à distance qu’un jeune peut ou ne peut pas avoir. C’est pour ça  que j’ai parlé de discernement. C’est essentiel dans cette affaire.

Régis : Encore une question. En chorale, des enseignants se sentent gênés avec l’apprentissage d’un gospel, comme Happy day ou let my people go. Parce que déjà l’origine du mot Gospel signifie « évangile ». Et en même temps ce sont des chansons de la culture mondiale. Alors ils sont dans l’hésitation…

IA : C’est vrai que la plupart vont réagir en choisissant d’autres chants moins délicats. C’est certain. Maintenant un gospel en soit, n’est pas condamnable. D’abord c’est en anglais. On peut faire le lien avec l’apprentissage de l’apprentissage de l’anglais. Donc, ça fait un lien. Mais mis à part ça, ce n’est pas très différent de la Cène de Léonard de Vinci, ce n’est pas à traiter différemment, où d’un extrait de l’évangile tout à l’heure. C’est exactement de même nature. Dès lors qu’on est bien dans une dimension artistique et que les enfants sont capables d’étudier le gospel et de permettre aux enfants de découvrir le commerce triangulaire, la condition des esclaves sans entrer dans le détail. Dire pourquoi il y a tant de noirs aux Etats-unis. Que les noirs ne sont pas là pour rien, qu’ils ne sont pas tombés des arbres, qu’il y a une histoire, elle est sociale et politique et économique et on peut comparer avec les chants des hébreux… on est vraiment dans la culture et pas dans un dogme.  Ils comprennent que ces chants pour ces hommes et ces femmes qui les ont créés ont une dimension qui n’est pas celle forcément d’aujourd’hui, mais une dimension spirituelle mais aussi une dimension artistique. Et c’est bien de le connaitre. C’es la façon de l’étudier, c’est dans la mesure. Le gospel en soit n’est pas condamnable. Par contre naturellement, vous imaginez bien que si en admettant pour faire un parallèle avec un gospel un enseignant voulait lire un « je vous salue Marie », là il aurait dépassé la limite. Ils ne le font pas. Pas dans les écoles publiques. Mais quelqu’un qui aurait cette idée sotte et saugrenue aurait dépassé la limite. Mais c’est pour illustrer mon propos. encore une fois, tout est une question de démarche, d’attitude, de mise en perspective. Etudier le gospel a son sens si on le replace dans sa dimension politique, humaine, sociale. Là ça a un intérêt. Parce qu’on ne chante pas un gospel en s’adressant  à dieu mais en essayant de se mettre à la place un tant soit peu, par empathie, de se mettre à la place de ces gens et de ce qu’ils ont vécu et comprendre à quel point ils ont souffert.

Régis : ok. ça me fait penser à un extrait de manuel qui demande à des élèves de se mettre à la place d’un pèlerin qui va à Saint Jacques de Compostelle avec des documents historiques ?

IA : c’est très intéressant !

Régis : oui mais beaucoup d’enseignants se demandent s’ils ne franchiraient pas une limite.

IA : C’est un très bon exemple. On ne met plus l’élève avec un artiste ou un homme de l’histoire. On met l’élève avec un homme ou une femme ordinaire. Et ça c’est intéressant. S’il se contente de dire qu’il y avait des pèlerinages, qu’ils s’imposaient des souffrances, que ça durait longtemps. On pourrait alors lui reprocher parce qu’il n’aura pas donné aux enfants les outils intellectuels, avec les limites du cycle 3, qui leur permettent de se mettre à la place des gens de cette époque tout en n’ayant aucune prise de position. Ce n’est pas le sujet qui est condamnable. Ce n’est pas le manuel qui fait la leçon.

Régis : des enseignants qui sont face à ça, disent qu’ils auraient mis en parallèle le pèlerinage à la Mecque.

IA : qu’ils le fassent ! C’est une réaction saine, de mise en perspective avec une démarche de neutralité. Qu’ils le fassent. Les manuels sont souvent mal faits ça je vous le confirme  ! Ils ont raison !

Régis : merci beaucoup monsieur l’inspecteur.

2 Responses to Le fait religieux à l’école : Tu ne tueras point.

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