Un petit rappel, d’abord, de ce qu’est la lecture-fluence

La lecture fluente est :

  • précise: pas d’hésitations ou d’erreurs.
  • assez rapide: à un rythme adapté, ni trop lent, ni trop rapide.
  • réalisée sans effort.
  • avec une prosodie adaptée: le juste phrasé, la bonne expressivité.
  • permet de centrer son attention sur la compréhension: l’esprit est libéré de la charge du déchiffrage et peut se concentrer sur le sens du texte.

  Roland Goigoux

On peut donc retenir que les trois composantes essentielles de la fluence sont :

  1. la précision
  2. la vitesse
  3. l’expressivité

La compréhension est intimement liée à la fluence, cause ou conséquence selon les cas.

Les normes attendues sont les suivantes :

Mais, attention, donc, à ce que la lecture-fluence ne soit pas résumée à une performance où on déchiffre des mots en un temps record, sans respecter la ponctuation, sans le ton, sans respiration et … sans émotion.

Pour information, cet article est protégé par un copyright : 

Les difficultés possibles pour travailler la fluence

  • Le nombre d’élèves :

-pas de temps pour faire passer tout le monde individuellement

-comment faire un atelier avec l’enseignant alors que les autres élèves ne sont pas autonomes ?

  • Le travail de toutes les dimensions de la lecture-fluence (pas seulement le nombre de MCLM). Que faire travailler aux élèves pour s’entraîner à améliorer la compréhension, le respect de la ponctuation, les intonations de voix,  l’expressivité, etc … ?

En d’autres termes  :

  • Comment travailler en classe entière ?
  • Comment travailler la fluence autrement qu’avec le chronomètre seul ? (compréhension du lexique, segmentation, ponctuation, intonation, lettres muettes, liaisons, …)

Un temps d’analyse collectif du texte

Le texte est soit vidéoprojeté, soit on l’a sous les yeux. Il a été plusieurs fois lu par l’enseignant (qui est modélisant, à ce moment-là) et il a été lu silencieusement par les élèves. Après un échange sur les mots difficiles ou une incompréhension, on l’étudie tous ensemble et on l’annote, on le « code » pour pouvoir en faire une lecture expressive et qui reflète la compréhension. Ce « code » a été défini ensemble, en début d’année, il a été co-construit avec les élèves pour qu’il fasse sens pour eux.

On revient sur les liaisons, sur les lettres muettes (et éventuellement l’étymologie ou leur rôle pour les accords), sur les ambigüités, sur les émotions des personnages qui vont induire telle ou telle façon de lire,  ce que fait la voix selon la ponctuation. Puis, on relit le texte à haute voix (l’enseignant ou des élèves volontaires) à la lumière de ce qui a été dit.

Si vous vidéoprojetez le texte, il faut aussi que les élèves aient les mêmes annotations sur leur texte, pour pouvoir ensuite aller s’entraîner. Voici un exemple au CE1, chez Carine Gerbaud, parce que ça fonctionne de la même manière :

Un temps d’entraînement en binôme

C’est la nécessité de répétition qui caractérise tout apprentissage. Il faut donc des temps d’entraînement et de répétition pour pouvoir progresser et apprendre de ses erreurs. Les élèves vont relire le texte à haute voix plusieurs fois, avec le sablier : ça fait moins de bruit qu’un minuteur électronique et si l’enseignant donne le départ pour tout le monde, le rythme de chacun n’est pas forcément respecté. Là, on part quand on veut, on  a le sablier.

Celui qui écoute a le texte de celui qui lit sous les yeux. Comme cela, il pourra annoter au crayon gris ce qui a posé problème : un mot dit pour un autre (entouré), une liaison non faite, un point non respecté (entouré), etc … Ainsi, le lecteur saura où il doit s’améliorer et porter sa vigilance. Puis, on échange les rôles.

Tout le monde travaille donc au même moment. Et ça ne fait pas tant de bruit que ça. Nous, sur la Côte d’Azur, on va souvent dans la cour car c’est agréable, on peut s’espacer et on ne se gêne pas. Mais, il nous arrive aussi de le faire en classe et à 30 élèves ! Chacun a appris à parler assez fort pour être entendu et assez bas pour ne pas gêner les voisins. On peut rester assis, mais on peut aussi bouger et se mettre sur des tapis. Certains élèves ont tellement besoin de remuer que ce moment flexible leur permet aussi de bouger leur corps et de travailler autrement.

 L’enseignant prend un petit groupe d’élèves en difficultés, pour travailler avec eux. On travaille sur un court paragraphe, voire même une seule phrase. Si vraiment c’est trop dur pour l’élève (j’ai un multidys), alors on travaille sur la diction d’une ou deux phrase(s), à apprendre par coeur. Mais on les aura « décortiquées » de la même manière.

Puis, on recommence encore une fois cet entraînement, en essayant de s’améliorer par rapport à la première fois. A ce moment-là, je tourne dans les groupes pour écouter les élèves, les guider, les conseiller, les encourager, les féliciter. Evidemment, je ne vois pas tout le monde. Mais peu importe, je verrai les autres la prochaine fois, et j’y veille. C’est un temps court (15mn environ) mais régulier (2x par semaine).

Pas d’ateliers, donc, dans ma classe, avec un groupe avec moi et les autres en autonomie sur un travail différent, sauf exception, si on étudie un texte difficile. Personne ne passe seul devant tout le monde, sauf si un élève le demande. Et cela arrive parfois : ils ont envie de lire devant leurs camarades pour se confronter à leurs conseils. Evidemment, cet élève est applaudi, car on reconnaît son courage, c’est stressant, quand même ! Et les critiques sont prodiguées avec bienveillance, comme le fait la maîtresse, et de manière constructive. Et croyez-moi, il n’y a pas que les bons élèves qui ont envie de passer pour se mettre en avant !

Un feedback final qui sert aussi d’évaluation 

La séance n’est pas terminée, après entraînement. On fait un point collectif où ceux qui le souhaitent parlent de leurs difficultés et de leurs réussites. Cela les rassure car souvent, ils ne sont pas seuls dans ce cas et il arrive que certains donnent des conseils éclairants.

On relit une dernière fois le texte en relais. Cela oblige les autres à avoir une écoute active car n’importe qui peut être interrogé. C’est là que je place les phrases de mes élèves en difficulté, pour leur donner un rôle aussi, et les mettre en valeur. Ce temps me permet aussi d’observer les élèves que je n’ai pas eu le temps d’aller voir, sur un court passage, ou d’évaluer ceux que j’ai pu aller voir sur un point particulier travaillé ensemble. Et c’est là aussi que je vois si l’étude collective du départ a porté ses fruits ou s’il reste encore des ambigüités. Cela me permettra de repartir de cela à la prochaine séance, de proposer des gammes d’entraînement adaptées, ou de focaliser sur une phrase en particulier qui pose problème.

Des outils qui facilitent la vie

Il existe de nombreux outils pour travailler la fluence, que ce soit en ligne ou chez les éditeurs. C’est sûr que lorsqu’on est bien équipés, ça aide. En n’ayant pas besoin de chercher pendant des heures des textes de fluence et des gammes pour travailler les autres paramètres que le nombre de mots lus par minute, j’avais toute mon énergie dédiée à mes élèves.

Le site MiCetF, qui vous permet de rentrer ou de copier-coller vos textes pour le nombre de mots lus par minute : CLIC

Et le mode lecture flash du même site, pour entraîner la lecture fluide et développer l’empan visuel : CLIC

Les cahiers d’entraînement Nathan sont les plus complets, selon moi. On y trouve une multitude de gammes d’entraînements ciblés, que l’on peut faire de manière décrochée, et des textes assez longs pour des CM2 (enfin !) avec le nombre de mots correctement lus par minute. Je vous montre le CM2 mais il existe en version CM1 : CLIC.

Le fichier Fluence MDI de ma cyber-collègue Maitresseuh est vraiment bien fait, avec un tas de projets de lecture motivants, des gammes et des textes avec le nombre de mots correctement lus par minute. Seul inconvénient, il est cher si on prend les textes et le guide, mais, il est fait pour équiper une école entière du CP au CM2, donc cela justifie le prix. Nous, on l’a pris pour toute l’école.

Le cahier de fluence CM de chez Hachette me paraît pas mal, mais il n’est pas encore sorti. Il propose des exercices d’entraînement et des textes à lire avec le nombre de mots correctement lus par minute. Il fait partie de la collection « A portée de mots » que je n’aime pas trop, mais je l’ai commandé quand même pour lui laisser sa chance, vu les promesses.

Les cahiers d’entraînement Hatier sont bien faits pour les gammes : travail sur la ponctuation avec codage, travail sur les liaisons, sur l’empan visuel, etc … Mais, il manque des textes avec le nombre de mots correctement lus par minute, il faut aller les chercher ailleurs. Attention, le cahier d’entraînement 6e a le même contenu que le CM, car c’est le même cycle.

Les éditions la Cigale ont été les premiers à sortir un ouvrage sur la fluence. Mais pour ma part, il est un peu dépassé, ne proposant pas de gammes d’entraînement spécifiques aussi ciblées et régulières que les autres fichiers.

J’espère que cela a répondu à vos questions. N’hésitez pas à commenter pour d’autres propositions, c’est toujours avec plaisir. Un blog se nourrit des commentaires et même un simple « merci » suffit pour tout le travail effectué et partagé 😉 

Sylvie Hanot, PEMF, Cafipemf généraliste et langues vivantes

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