2 ASTUCES pour l’explication de texte

12 juin 2008 2 Par caroline-sarroul

1. Pour mettre en relief le problème du texte et trouver un axe critique concernant la thèse de l’auteur, on peut penser aux autres thèses sur ce même thème. Par exemple, Nietzsche soutient sur la question de la place de la conscience dans la définition de l’homme que cette conscience est simplement née du besoin de dire à l’autre ce dont on a besoin parce que nous sommes des êtres faibles qui ne pouvons nous passer du secours d’autrui. Du coup, la conscience est pour lui trés superficielle et grégaire. Il s’oppose sur ce point avec Kant qui fait du fait de posséder le je dans sa représentation, un privilège humain qui élève l’homme infiniment au dessus de toutes les choses et créatures. Il s’oppose aussi à Sartre et à l’idée de translucidité de la conscience qui fait qu’il ne reconnait pas l’existence de l’inconscient au sens de Freud et a bien du mal à expliquer la mauvaise foi.

Du coup, pour choisir votre axe critique, il suffit de vous positionner

– soit vous êtes du côté de la thèse de l’auteur et dans ce cas, vous renforcez son argumentaire en soulignant à quelles autres thèses, il s’oppose et avec quelle pertinence.

– soit vous êtes du côté d’une autre thèse de celle défendue par l’auteur et dans ce cas, après avoir exposé ses arguments, vous soulignez ses limites par rapport à votre thèse. ( si on ne fait pas de la conscience le propre de l’homme, comment le distinguer alors des animaux, comment justifier sa dignité et le respect qui lui est du, ou comment exiger de lui qu’il se connaisse, se maîtrise, assume ses responsabilité en tant qu’homme!)

2. Pour étoffer l’explication du texte et de ses arguments, vous pouvez repérer « les mots à potentiel philosophique », pourrait-on dire. C’est-à-dire des mots qui sont  des concepts, des notions  vus en cours. Et à partir d’eux, au détour d’une phrase, en profiter pour montrer que vous maîtrisez leur définition et que vous pouvez vous servir de ce que vous savez sur cette notion pour éclairer son usage ici, l’argument dans lequel elle est insérée.

ESSAYEZ SUR CES TEXTES:

TEXTE 1 ( pour les STG, repérer thèse, étapes et thèse adverse!)

« L’expérimentation à elle seule est incapable de découvrir la (ou les) causes d’un phénomène. Dans tous les cas, il faut prolonger le réel par l’imaginaire, et éprouver ensuite ce halo d’imaginaire qui complète le réel. Ce saut dans l’imaginaire est fondamentalement une opération « mentale », et aucun appareil ne peut y suppléer. Claude Bernard, fort lucidement, avait bien vu cet aspect, et dans son schéma : Observation-ldée-Expérimentation, le processus psychologique créant l’idée est laissé dans une totale obscurité, mais il insiste sur sa nécessité (contre Bacon qui prétendait que l’expérience répétée pouvait fournir – par induction – l’idée de la loi). Autrement dit, l’expérimentation, pour être scientifiquement significative, ne dispense pas de penser. Il est sans doute exact que certains des plus brillants résultats expérimentaux de notre siècle ont été l’effet d’erreurs, d’actes manqués, voire de simples hasards, comme la contamination accidentelle de colonies bactériennes par le Penicillium notatum. Mais on serait bien en peine de justifier socialement le maintien du formidable appareil expérimental qui caractérise notre époque par le bricolage ou l’erreur féconde, et en tout cas ces arguments seraient difficilement compatibles avec l’expression « méthode expérimentale ». Concluons : l’expérience est guidée soit par un besoin technologique immédiat (par exemple : tester les propriétés de tel ou tel matériau sous telle ou telle condition) ou par une hypothèse, fruit d’une expérience mentale qui la précède et dont on veut éprouver l’adéquation au réel. C’est dire que toute expérience est réponse à une question, et si la question est stupide, il y a peu de chances que la réponse le soit moins. ». René THOM ( 1986)

TEXTE 2 ( pour les séries générales, trouver « mots à potentiel philosophique » et thèse adverse)

Corrigé du texte de René thom

Thèse adverse: On dit des sciences de la nature par opposition aux mathématiques  que ce sont des sciences de l’observation, donc on dit par là qu’en physique, biologie, chimie, toute la connaissance vient de l’observation. C’est elle qui nous permettrait de voir et de dégager les lois de la nature. Il suffirait de bien observer pour comprendre et expliquer, c’est la thèse EMPIRISTE.

Thèse de l’auteur: Dans ce texte, René Thom soutient le contraire : certes l’observation comme la vérification sont importantes mais sans le travail théorique de formulation d’hypothèse, d’imagination, elles ne nous apprendraient rien à elles seules. Il faut faire parler les faits, savoir quoi observer pour que les faits parlent. Ils ne parlent pas tout seul. C’est donc en imaginant ce qu’on ne voit pas qu’on explique ce qu’on voit : on voit les effets, les apparences, on doit imaginer, penser les causes, la chose. Cette thèse qui donne au travail théorique la première place tout au long de la démarche scientifique expérimentale est posée en début ( Ligne 1 à 3) et fin de texte ( ligne 12 à 15).

Etapes de l’argumentation : Lignes 1 à 3 : Le texte s’ouvre sur la thèse. René Thom y souligne les limites de ce que peut apporter l’expérimentation à elle seule. On peut prendre ici expérimentation , soit au sens d’observation, soit au sens de vérification expérimentale. Mais dans un cas comme dans l’autre, sans théorie, l’expérience ne sert à rien. SI on prend expérience au sens d’observation,  il ne suffit pas de voir un phénomène pour comprendre immédiatement sa loi, sa cause. Le phénomène est un cas particulier d’une loi générale ou  il est un effet, et il faut trouver la loi, la cause. Pour cela, bien observer ne suffit pas, il faut réfléchir, imaginer des causes possibles. Par exemple, si je vois un objet tombé, je ne vois pas pour les forces d’attraction et d’inertie qui explique sa chûte, il faut que je les imagine. De même, ce n’est parce que je vois deux objets tombés que pour autant, je peux dire que tout objet tombe, il me faut penser qu’il se pourrait que la nature soit soumise à des lois, et que j’ai là des cas particuliers d’une loi générale que je ne peux voir, on ne voit que du particulier pas du général. Donc à partir de ce que je vois, je dois pour l’expliquer imaginer ce que je ne vois pas.SI on prend expérience au sens de vérification expérimentale, il est évident qu’il doit d’abord y avoir une théorie à vérifier et que cette théorie est une hypothèse, une image que l’on a formée  pour expliquer ce qu’on a vu.DONC dans les deux cas, le travail théorique est incontournable, il faut penser ce qu’on ne voit pas. Expliquer, ce n’est pas décrire ce qu’on voit, c’est trouver la cause que l’on ne voit pas, c’est ce travail que Thom appelle « compléter le réel », le réel étant ce que je vois, touche, sent…Et comme il le précise c’est l’esprit seul du scientifique qui peut faire ce travail. Un microscope, un microscope  permet de voir mieux qu’un œil  mais cela ne permet pas nécessairement de mieux comprendre. Le progrès de la connaissance  ne vient  pas du perfectionnement des instruments d’observation, mais de celui des théories de plus en plus précises, cohérentes….

Lignes 3 à 7 Dans ces lignes, il va replacer sa thèse dans la lignée de la pensée de Claude Bernard et l’opposer à celle de Bacon.  Claude Bernard (1813-1878) était un médecin qui a écrit un livre sur ma méthode expérimentale en médecine. Il soulignait que la méthode expérimentale passe par 3 phases : observation, puis formulation d’une hypothèse explicative et vérification de cette hypothèse. Donc même s’il n’expliquait  pas comment  naît cette hypothèse (par rapport à ce qu’on sait déjà, le génie, changement de représentation des choses), il mettait le travail théorique au cœur de la démarche expérimentale. Il fait parti des philosophes RATIONALISTES. Claude Bernard s’oppose à Francis Bacon (1561-1626) qui était un philosophe EMPIRISTE.L’empirisme est une doctrine épistémologique (en philosophie et en psychologie) qui fait de toute connaissance le résultat de notre expérience sensible . ( d’où l’idée de tabula rasa, la table rase, chez Locke :  au départ notre esprit est vide, et c’est au fur et à mesure que l’on voit et sent les choses,  que les idées apparaissent. Je ne  peux pas avoir l’idée de table avant d’avoir vu un table).Les empiristes partent donc du principe que nos idées et connaissances nous viennent de nos sens et de nos expériences. Les idées et les théories ne sont alors que des copies de la réalité. La connaissance est INDUCTIVE, c’est-à-dire que l’on va du particulier passer au général et même à l’universel. Si j’observe que la même chose se répète un nombre de fois suffisant dans les mêmes conditions ou des conditions variées et que je n’observe rien de contradictoire, je peux en conclure qu’il y a une loi. Les empiristes partent donc du fait que les faits parlent d’eux-mêmes et qu’il n’y a pas besoin d’u  travail théorique. DONC René Thom est un Rationaliste, il penser qu’observer ne suffit pas, il faut aussi penser ce qu’on observe pour passer des effets aux causes, du particulier au général. Pour lui, la science est DEDUCTIVE, HYPOTHETICO-DEDUCTIVE, non INDUCTIVE. Le schéma de Bernard est juste et défini bien la méthode en science. Lignes 7 à 12 Là, René Thom constate que  dans l’histoire des sciences, certaines découvertes ont été faite sans suivre cette méthode. Ces découvertes ont même été faites sans méthode, sans  les avoir cherchées. Elles ont été faites par Hasard ou par Erreur. Il donne l’exemple de la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming. Le 3 Septembre 1928, il enquêtait sur les propriétés des staphylocoques. Il avait la réputation d’être un chercheur remarquable mais négligent ; il oubliait le plus souvent les cultures sur lesquelles il travaillait et son laboratoire était d’habitude en plein désordre. Après des grandes vacances, il remarqua que beaucoup de ses boîtes de culture avaient été contaminées par un champignon et les avait donc mises dans du désinfectant. Devant montrer son travail à un visiteur il récupéra certaines des boîtes qui n’avaient pas été complètement trempées et c’est alors qu’il remarqua autour d’un champignon une zone où les bactéries ne s’étaient pas développées. Il isola un extrait de la moisissure, l’identifia correctement comme appartenant à la famille du pénicillium et appela cet agent pénicilline. Ceci dit ce n’était certes pas la première fois qu’une culture bactérienne était infectée, et si Fleming n’avait pas noter le fait de non infection, le champignon et penser que cela pourrait être utilisé pour empêcher ou faire disparaître une infection, il n’aurait pas compris   l’importance du phénomène , ne l’aurait pas noté, ni expliqué. Donc même si il y a un facteur hasard, le hasard seul ne produit rien sans un travail théorique.Et de toute façon, on ne peut pas en conclure de ces cas exceptionnels que la méthode en science, c’est qu’il n’y a pas de méthode et qu’il faut s’en remettre à la chance. Cela ne ferait pas très sérieux et cela ralentirait considérablement le progrès de la connaissance, car on ne maîtrise pas par définition la chance, elle ne dépend  pas de nous ; tandis que la qualité de la théorie dépend de nous ( même si le génie ne se décide pas !).

Lignes 12 à 15 Tout ceci permet à René Thom de conclure en reprenant sa thèse en insistant sur un point : non seulement on ne peut rien expliquer et vérifier sans un travail théorique d’imagination d’hypothèse, MAIS EN PLUS, on ne peut rien observer  sans savoir d’abord qu’est-ce que l’on veut observer ! C’est ce qu’il explique pour finir : on ne s’avance pas vers la réalité, sans avoir UN PLAN D’OBSERVATION , comme le disait déjà Bachelard . On a soit quelque chose à tester pour pouvoir avoir une application technique, soit une hypothèse théorique à vérifier. En ce sens on peut dire que TOUTE OBSERVATION EST POLEMIQUE, comme le disait encore Bachelard.

DONC LES FAITS NE PARLENT PAS D’EUX-MEMES, ILS NE FONT QUE REPONDRE A NOS QUESTIIONS, C’EST LE SCIENTIFIQUE QUI LES FAIT PARLER ! C’EST LA THEORIE QUI FAIT QU’IL Y A OBSERVATION ET EXPERIMENTATION, ET PROGRES DE LACONNAISSANCE !                                                                                                            

Corrigé du texte d’Alain

On a tendance à considérer que la science a le monopole de la vérité, car elle est en mesure de prouver ses théories ; elle peut, au regard de son domaine d’étude, montrer l’accord entre la théorie et le réel. Par réel, nous entendons ce que sont les choses, mais sommes-nous en mesure de dire ce que les choses sont ? C’est à cette question que répond Alain, dans ce texte, objet de notre explication. En effet, à partir d’une distinction entre l’apparaître et l’être, il va soutenir que la science ne peut pas prouver ses théories, si on entend par preuve, le fait de nous montrer qu’elles sont bien ce qui explique le réel, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on ne puisse  pas juger de l’exactitude ou de l’inexactitude d’une théorie scientifique. C’est par cette distinction entre apparence et réalité et par une définition de la démarche et des buts de la science que s’ouvre le texte, lignes 1 à 3. Puis Alain illustre cette démarche par l’analyse d’un exemple, aux lignes 3 à 10, pour finir par dénoncer l’attente de preuve en science. On pourra cependant se demander si poser une chose derrière les apparences n’est pas une perception parmi d’autres de la réalité et si elle ne rend pas prisonnier d’une physique classique ?Lignes 1 / 3, Alain commence par exposer  une règle de conduite, « il faut remonter de l’apparence à la chose ». Cette règle est celle de la démarche scientifique. La science doit à partir des apparences, de ce qui nous apparaît, retrouver ce qui se cache derrière, « la chose » La chose, c’est ici la substance, ce qui se tient dessous. La substance, c’est ce qui sert de support, de substrat aux accidents. C’est ce qui demeure sous ce qui change. Ce qui change, c’est l’apparence, c’est-à-dire la manière d’apparaître de la chose pour celui qui la regarde, la sent. On comprend bien qu’une même chose peut avoir différentes apparences ou apparaître selon le point de vue de celui qui la regarde, ou selon les moyens utilisés pour la regarder. Mais Alain va même plus loin « il n’y a point au monde de lunettes ni d’observatoire d’où l’on voit autre chose que des apparences ». En somme, nous sommes condamnés à ne voir que des apparences. L’observation est en effet un processus qui ne se comprend que dans le trio : observateur-observation-observé. Ce qui apparaît dépend certes de ce qui est mais aussi de celui qui observe. Il est impossible de dissocier les qualités observées du sujet qui les observe. Si bien que l’on peut croire que ce que l’on voit, c’est ce qui est, d’où les illusions d’optique. Il faut donc se méfier des apparences et parvenir à une « perception » de la chose qui est derrière. Si voir est une sensation, percevoir est une activité intellectuelle, une inspection de l’esprit qui, à partir des données de la sensation, va penser ce qui est. On peut penser ici au morceau de cire de Descartes, où en distinguant les qualités secondes ( celles qui changent selon les états de la cire, solide, liquide) et les qualités premières qui, elles, demeurent, on peut saisir la cire, la penser. On peut aussi penser aux analyses d’Alain lui-même sur le cube que personne n’a jamais vu, mais que tout le monde perçoit. Ces distinctions faites entre apparences et chose, voir et percevoir, Alain qualifie la science de « perception droite », c’est-à-dire non erronée, exacte et cette exactitude, qui concerne la correspondance avec la chose, se juge à son pouvoir explicatif des apparences. Ne pouvant voir la chose ( puisque nous sommes condamnés à ne voir que les apparences) , on ne peut que juger de cela que par rapport à la capacité d’expliquer les apparences dans leur diversité et mobilité. On ne peut voir la cause, ni juger de la pertinence de l’explication de cette cause par rapport à ce qui est en soi, on ne peut évaluer que sa capacité à expliquer les effets, que sont les apparences pour nous.  C’est ce que va illustrer Alain avec l’exemple de la perception du soleil. Les lignes 3 à 10 sont en effet consacrer à cet exemple, qui permet aussi à Alain d’illustrer la démarche du scientifique dans sa recherche de la vérité. Il commence par justifier une pensée possible par rapport à la position du soleil par rapport à ce que l’on voit. Si on se fie à notre sensation visuelle, il est possible de placer le soleil à cette distance, de « deux cents pas en l’air ». Il souligne aussitôt que cette hypothèse théorique permet d’expliquer d’autres  apparences, comme le soleil au dessus des arbres et des collines qui n’ont pas une telle distance par rapport au sol que le soleil par rapport à nous. Par contre cette hypothèse ne permet pas d’expliquer les ombres parallèles, ni le coucher du soleil au lointain. Là la théorie n’est pas en cohérence avec ce qui apparaît, en passant de la verticale à l’horizontale, la distance devrait rester la même ! Donc le soleil devrait se coucher à 200 mètres devant moi. De même le triangle formé par la base de 100 mètres et visant à 200 mètres le soleil devrait former deux droites qui se coupent et non deux parallèles. Il semble donc que cette distance accordée théoriquement au soleil ne puisse rendre compte de ce qui est perçu, soit trop  courte. Cette démonstration souligne à la fois les limites de l’expérience immédiate, qui, est comme le dit Bachelard un « obstacle épistémologique », dont il convient de se libérer pour avoir une perception droite, que toute théorie fait apparaître des phénomènes jusqu’ici non retenus, comme des faits. Le coucher du soleil ne devient un fait que parce qu’il vient infirmer les prévisions autorisées par cette distance de 200 mètres, on retrouve ici l’idée de « fait polémique », chère à Bachelard. Enfin on voit bien que la science progresse par un aller-retour entre la théorie et l’expérience, même si celle-ci à elle seule ne permet pas de rendre compte de ce qui est. Tout cela oblige donc comme le dit Alain à « reculer le soleil » par rapport à la position initiale, celle imposée par le témoignage des sens, par l’expérience première. Ce recul est aussi celui que doit avoir la théorie par rapport à l’expérience. La théorie ne doit pas être la simple reformulation par induction de ce qui est observé. Elle doit permettre de rendre compte de ce qui est observé et quand il y a différentes explications possibles, c’est celle qui permettra d’expliquer le plus de choses de manière cohérente qui devra être retenue, jusqu’à ce que, à sa lumière, de nouveaux faits apparaissent. C’est d’ailleurs ce que s’efforce de démontrer Galilée, lors de son procès, la théorie héliocentriste est plus cohérente avec l’ordre de l’univers et permet d’expliquer plusieurs phénomènes comme les marées (même si l’explication de Galilée est ici fausse) et peut-être accordée  avec les expériences de Tycho Brahé des boulets (même référent). C’est donc bien le pouvoir explicatif qui fait l’exactitude d’une théorie par rapport à ce qui apparaît et non pas la vérification de la correspondance avec ce qui est. Faute d’expérimentation possible, on ne peut prouver, on ne peut que « conclure », comme le dit Alain,  à propos de la grosseur du soleil. La théorie est donc le résultat d’une démonstration, non d’une observation.Et comme le dit Alai
n, en conclusion de cet exemple aux lignes 9/10, quand je déduis par la pensée et donc par des raisonnements des observations que le soleil « est fort gros », je ne peux le vérifier, car de mon point de vue sur la terre,  je continue de le voir plus petit que la terre. Si le soleil est gros, il continue d’apparaître petit. Si bien que cet énoncé, le soleil est « fort gros » n’est pas ce que je vois, mais ce que « je pense », car en rester à ce que je vois, ne permettrait pas de rendre compte de tout ce que je vois. On peut penser que ce « je pense » s’oppose à un « je connais », car, comme le disait Kant, pour qu’il y ait connaissance, il faut ajouter à l’idée par synthèse une expérience correspondante, or celle-ci n’est pas possible, si cette pense concerne non pas seulement ce qui apparaît ( le phénomène) mais ce qui est ( la chose en soi). On peut penser aussi que ce « je pense » se distingue d’un « je sais ». Comme le dit ailleurs Alain « penser n’est pas croire », même si cette théorie sur la grosseur du soleil semble pouvoir rendre compte d’un plus grand nombre d’apparence du soleil qu’une autre, on ne peut affirmer être certain de cela ; Cette certitude impliquerait là encore une preuve, or on ne peut voir la chose telle qu’elle est. C’est ce que
 met en image Einstein avec la montre, le scientifique se doit de rendre compte des causes du mouvement des aiguilles, du tic-tac mais ne peut ouvrir le boitier pour vérifier la correspondance de ce qui est avec sa théorie. De plus cette certitude ne serait donc  qu’une croyance empêchant le progrès de la connaissance. L’esprit scientifique se forme en se réformant, il se caractérise par une ouverture à la critique !A partir de cet exemple, Alain a donc montré les limites de la vérification en science mais cela ne l’empêche pas de dire qu’il est possible de distinguer la perception scientifique des autres, de juger de « l’exactitude » de la théorie, non plus avec le critère de la correspondance ( on ne peut pas montrer que la théorie correspond à ce qui EST) mais sur le critère de la cohérence et du pouvoir explicatif ( on peut démontrer que la théorie permet de faire tenir ensemble des apparences, la théorie correspond à ce qui apparaît »). La démonstration d’Alain ne l’amène donc pas à un SCEPTICISME concernant la science : rien ne pouvant être montré, rien  n’est donc vrai ! Mais il n’exige pas cependant de la science l’impossible comme ceux qui n’ont pas saisi ces distinctions entre voir et percevoir, être et apparaître. C’est sur ce point que se conclut cet extrait.Aux lignes 10 à 13, Alain revient sur « les discussions » concernant la science. Ces discussions sont philosophiques. Si la science prétend à la vérité, c’est parce qu’elle a,  comme le disait Auguste Comte avec sa loi des 3 états, réduit son domaine d’étude à celui de l’observable et ses prétentions à rendre compte des lois invariables qui expliquent la liaison des phénomènes. La science veut donc pouvoir vérifier ses théories et prétend rendre compte de l’ordre des choses pas seulement de leurs apparences. Et c’est cette prétention qui fait débat : comment peut-on vérifier une théorie alors qu’on ne peut faire toute l’expérience possible ( Popper), comment peut-on être sûr que c’est l’ordre des choses qui est révélé ( Hume, Einstein) ? En somme, on interroge cette correspondance entre la théorie et le réel. Et souvent on en conclut que cette correspondance étant impossible à établir ( la chose nous restant impossible à atteindre, comme l’a montré Alain aux lignes 1/3) , on ne peut vérifier la vérité d’une théorie et donc renoncer à parler de vérité en science. Pour Alain, cette discussion n’aurait pas lieu si justement on s’était rendu compte que nous sommes condamnés aux apparences. D’abord cela permettrait d’éviter de croire qui ce que l’on voit, c’est ce qui est, et on éviterait par là bien des erreurs ! Ensuite cela permettrait de ne pas demander à la science l’impossible à savoir faire voir ce qu’elle avance !Et enfin cela permettrait de se rendre compte que cela ne conduit pas pour autant à réduire la science à une perception parmi d’autres du réel, à ne pas pouvoir départager des théories entre elles. Non, même si on ne peut montrer qu’une théorie est plus exacte qu’une autre, on peut démontrer qu’elle est plus féconde qu’une autre, qu’elle permet de mieux rendre compte de ce qui nous apparaît, tout en sachant que ce n’est là qu’une apparence , dépendant de la référence prise, à savoir nous.Alain invite donc à  ne pas prendre au pied de la lettre les apparences, à ne pas en rester aux apparences ; il se peut que la théorie ne corresponde pas à ce que je vois, même si elle peut rendre compte de ce que je vois. Ceci dit, on pourrait reprocher à Alain de penser le réel en termes de « chose » et  donc de présupposer qu’il y a derrière les apparences quelque chose qui demeure. Si la position d’Alain dans ce texte permet de penser que ce qui est n’est peut-être pas ce qui apparaît, en donc d’accepter une autre physique que la physique classique et une autre description de la réalité. On peut comprendre que la table qui parait « solide » ne pourrait l’être  qu’à notre échelle et donc que  si nous avions une perception fine de l’agitation qui règne au cœur de la matière, nous verrions que cette apparence inerte qui nous entoure est en réalité d’un dynamisme infini où tous les contours se dissolvent. Mais c’est toujours le concept de chose qui lui sert à penser les apparences, pour leur donner une réalité. Mais on peut penser que ce concept n’a aucune validité dès que l’on considère les niveaux les plus subtils de la matière. Tout ce raisonnement chosique, c’est-à-dire le fait de penser une chose derrière les apparences perd sa signification dès que l’on aborde le domaine quantique de la matière. L’idée, par exemple, qu’une chose doit nécessairement être « là » et ne pas être « ailleurs» n’a plus aucun sens. La théorie quantique ne raisonne qu’en terme de probabilité d’événements et de champs. Il existe une probabilité – elle est extrêmement faible mathématiquement – que ma voiture, que j’ai rangé dans le garage, soit demain matin dans la pelouse. Cela paraît absurde dans la logique chosique avec laquelle nous interprétons d’ordinaire les apparences. Ce n’est pas absurde d’un point de vue physique. Nous pensons le monde comme fait d’objets distincts, séparés et notre idée de la causalité fondée sur la vigilance est locale. Vivant dans une représentation fragmentaire du réel, notre sens de la relation, de l’interaction, de l’intrication des phénomènes entre eux est très pauvre. La nouvelle physique établit très nettement que le monde physique n’obéit pas à cette logique. Au cœur de la matière, il n’y a pas de distinction stricte entre des « objets », pas de séparation et la causalité est non-locale. Ce qu
i conduit notamment à la possibilité d’une corrélation infinie des événements et d’une information simultanée au niveau du champ unifié de la matière. Après avoir pensé une chose derrière les apparences, après s’être rendu compte que ces apparences dépendent  de l’échelle, la physique contemporaine propose  une nouvelle perception radicalement différente de la pensée chosique qui nous sert communément pour penser le réel. Les théoriciens quantiques présupposent plutôt que une chose  derrière les apparences, un  quelque chose , à savoir une unité dynamique du réel.
Nous avons donc vu qu’Alain invite à distinguer être et apparaître, qu’il attend de la science dans un aller et retour entre l’observation et la théorie rende compte de ce qui se cache derrière les apparences et permet de les expliquer, comme des effets d’une cause. Nous avons vu enfin que cela invite à penser la science, comme l’explication de ce qui correspond à ce qui est, mais qu’on ne peut attendre de la science qu’elle prouve cette correspondance, elle ne peut montrer que sa capacité à expliquer ce qui apparaît, nous avons vu enfin que cette vision de la réalité ( une chose derrière les apparences) est peut-être ce qui empêche d’aller plus loin et de penser le réel comme le pense la physique quantique. Cette vision de la réalité peut donc constituer un nouvel obstacle épistémologique après l’expérience première, qui amène à croire que ce que l’on voit, ce qui apparaît est ce qui est.