Le travail n’est-il pour l’homme qu’un moyen de subvenir à ses besoins ?

22 février 2009 0 Par caroline-sarroul


Travail_Philosophie _1/2 par tchels0o


Travail_Philosophie _2/2 par tchels0o

PLAN 1 

I. Si on réduit « les besoins » à ce qui est nécessaire à notre survie Et si on entend par travail, seulement le LABEUR et par travailleur, « ANIMAL LABORANS », alors c’est parce que l’homme est soumis à la nécessité naturelle de produire de quoi répondre à ses besoins vitaux (animal prométhéen) qu’il travaille. Il est condamné à transformer péniblement la nature pour y survivre, soumis au cycle de la vie. C’est pourquoi le travail a été longtemps associé à l’idée de servitude et même de punition, et donc considéré comme une  activité de survie opposée à d’autres activités en accord à nos désirs et sources de plaisir. Le travail est une activité désagréable en soi qui permet de se maintenir en vie pour pouvoir s’adonner à d’autres activités plus humaines et agréables, donc un simple moyen de subvenir à nos besoins en attendant de répondre à nos désirs.

  Le travail est donc d’abord un moyen de subvenir à nos besoins mais n’est-il que cela ?

 

II. Non car:

le travail n’est plus un simple moyen, il devient une fin.  La répétition du besoin peut avoir un effet paradoxal selon Nietzsche  dans Humain, trop humain (I, 61): « le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : le réveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail. Mais dans les pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis, l’ennui vient nous surprendre. Qu’est-ce à dire ? C’est l’habitude du travail en général qui se fait à présent sentir comme un besoin nouveau, adventice ; il sera d’autant plus fort que l’on est plus fort habitué à travailler, peut-être même que l’on a souffert plus fort des besoins» ,

– Le travail peut aussi être le cadre de la satisfaction de désirs : désir de reconnaissance, désir mimétique (Girard), désir d’intégration sociale ou moyen de se distinguer ( Rousseau) quand le travail est une valeur centrale de la société, désir de se divertir (Pascal). Ces désirs étant liés à la conscience de l’homme ou à son existence sociale, ils excèdent les besoins purement vitaux et animaux.

– il peut y avoir par delà le labeur, dans le travail, une dimension d’œuvre qui va nous permettre, tout en subvenant directement (production) ou indirectement (vendre sa force de travail en échange d’un salaire) à nos besoins, de répondre à une aspiration  plus haute, proprement humaine : désir d’affirmer son humanité et son individualité en transformant la matière ( Hegel), même si l’œuvre est consommée et usée dans le cadre du travail et si c’est pour cette raison qu’Hannah Arendt distingue clairement travail, œuvre et action.

– Marx et Hegel abolissent cette distinction en associant le travail à toute transformation consciente de la nature, réservant ainsi le travail à l’homme et en faisant ce par quoi l’homme se fait homme.

   Mais le travail n’est-il pas parfois un moyen de ne pas subvenir à nos vrais besoins ?

 

III. si on entend  par « besoin » ce qui nous manque douloureusement et impérieusement  ou ce qui nous est utile, on peut considérer que  nos désirs correspondent à un besoin ontologique (on cherche à combler un manque à être dans la reconnaissance et l’existence pour les autres et devant soi dans la matière à travers nos œuvre s et productions) OU selon la pyramide de Maslow que s’accomplir, s’estimer, d’appartenance, de sécurité et de survivre sont des besoins certes différents, hiérarchisés mais tous des besoins, alors on ne travaille que  pour subvenir à nos besoins ( simplement ils ne se réduisent pas aux besoins vitaux) SAUF :

-s’ il y a aliénation, on ne travaille alors que pour survivre (Marx) :

– si comme le  soutient Nietzsche dans Le Gai Savoir (I,42), « Chercher un travail pour le gain, c’est maintenant un souci commun à presque tous les habitants des pays de civilisation ; le travail leur est un moyen, il a cessé d’être un but en lui-même : aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix pourvu qu’ils aient gros bénéfice. »

– si nous sommes dans une société de travailleurs-consommateurs

Alors on ne travaille plus pour subvenir à nos véritables besoins.

PLAN 2

I. Le travail n’est pas qu’un moyen de subvenir à ses besoins vitaux :

1.  l’homme est certes contraint à travailler en tant  qu’être vivant et animal ( il doit lutter contre la mort et pour cela s’alimenter, boire, il  est soumis au processus vital comme le dit H.Arendt) mais aussi parce qu’il est un animal prométhéen, il se doit de produire en transformant la nature de quoi satisfaire ces besoins vitaux, la nature ne l’ayant pas doté de moyens naturels de survie, ni de la disposition de se contenter de ce qu’elle lui offre : l’homme doit cuire ses aliments ( dimension culturelle), doit compléter par des cultures ce que la nature lui offre. Le travail est le signe de notre soumission à la nature, de notre non-liberté.

2. Mais l’homme trouve aussi dans le travail, la transformation technique consciente du donné naturel pour produire quelque chose qui n’était pas, une réponse à ses désirs, en particulier de reconnaissance. Si les animaux ne luttent que pour survivre l’homme est le seul animal ( car doté de conscience réfléchie et soi) à lutter pour être reconnu : reconnaissance qu’il peut trouver dans la reconnaissance sociale qu’on va lui accorder en échange des fruits de son travail profitant aussi aux autres ou dans la place dans la hiérarchie sociale que va lui donner sa profession, son métier. De même en tant qu’être conscient, l’homme sait son existence précaire, il a besoin de se confirmer à lui-même dans la réalisation d’œuvres tangibles, matérielles que lui permet le travail, c’est l’idée du Cogito pratique de Hegel.

3. Nous travaillons aussi pour subvenir au superflu qui caractérise nos sociétés de consommation. Ce qui explique d’ailleurs que des sociétés traditionnelles ignorantes de l’échange économique, de l’individualisme et se contentant du strict nécessaire sont dites des sociétés sans travail. Les travaux se réduisent là à des activités d’approvisionnement, de construction d’habitat et de mobilier sommaire et de cuisine.

Donc le travail n’est pas simplement un moyen de subvenir à nos besoins, si nous réduisons nos besoins à ce qui est nécessaires à notre survie ? Mais nos besoins en tant qu’homme se limitent-ils à ceux des animaux ou le travail répond-t-il toujours à nos désirs ?

II. Le travail n’est finalement qu’un moyen de subvenir à nos besoins :

1. le développement de l’industrie et du mercantilisme font que le superflu devient nécessaire. C’est ce que disait déjà  Montesquieu dans L’Esprit des lois au XVIII: « c’est la nature du commerce de rendre les choses superflues utiles, et les utiles nécessaires », mais on peut même dire que le superflu finit même par rendre superflu le nécessaire.

2. Les besoins de l’homme correspondent à ce qui lui est utile ( et pas seulement à ce qui lui est vital) , au sens de l’utile propre, défini par Spinoza, comme ce qui « s’accorde avec notre nature ». Or nous sommes par nature des êtres pensants, des êtres culturels et des techniciens. Donc en ce sens, ce que nous appelions désirs en I pourraient être qualifiés de « besoins ontologiques » : le désir correspondant à un effort pour combler un manque à être (Platon), à la recherche d’un absolu pouvant nous combler et nous redonner un sentiment de plénitude perdue. Absolu que l’on peut placer, au risque d’être « sur la piste du mauvais infini » selon Hegel ou dans « la bêtise des passions » selon Nietzsche ou encore au pied de l’échelle des Beautés de Platon, dans l’argent ou les biens matériels que nous permet d’acquérir le travail. On peut de plus trouver dans le travail, un exercice de la pensée, de l’intelligence qui correspond à ce qui nous est nécessaire en tant qu’être pensant. Nos besoins vitaux ne sont que la base de la pyramide de nos besoins selon Maslow : Besoins physiologiques (manger, boire, dormir, respirer…) Sécurité (du corps, de l’emploi, de la santé, de la propriété…) Besoins sociaux (amour, amitié, appartenance, intimité)Accomplissement personnel (morale, créativité, résolution des problèmes…) Estime (confiance, respect des autres et par les autres, estime personnelle). Et dans le travail, on peut trouver une satisfaction des autres besoins, on peut penser à l’estime de soi que peut donner la réussite d’un ouvrage, l’exercice d’un talent, d’un savoir-faire.

3. Et quand cette estime de soi n’est pas possible, parce qu’il y a aliénation du travail, c’est-à-dire suppression de la dimension d’œuvre et du savoir-faire, il ne reste plus que le labeur. Et comme l’ouvrier est bien souvent aussi exploité, il peut à peine satisfaire à ses besoins. On peut ici parler de l’introduction des machines et de l’organisation scientifique du travail.

III. Le travail n’est parfois plus un moyen mais une fin, notre seule fin.

Quelques soient les besoins auxquels répond le travail, on travaille normalement pour exister, vivre ou simplement survivre, mais désormais on peut penser qu’il est possible de vivre pour travailler :

– soit parce que face au marché de travail, on est obligé de cumuler plusieurs emplois pour survivre

– soit parce qu’on peut trouver dans le travail, un divertissement au sein de Pascal, une fuite de soi-même

– soit parce que le travail est devenu une idole, les louanges du travail étant chantées par l’Etat (pour la sécurité et dissoudre les individualités, comme le souligne Nietzsche) et la société de consommation ou « l’industrialisme mal dirigé » que dénonce Marx car il nous détourne du développement culturel et individuel rendu possible parla libération du temps libre.

– soit parce que le travail décide des valeurs, de ce qui est important et sérieux : et ce qui a de la valeur, c’est de travailler, d’être productif. Il faut travailler pour travailler.