La conscience de ce que nous sommes peut-elle faire obstacle au bonheur ?

18 novembre 2009 0 Par caroline-sarroul

La conscience de ce que nous sommes peut-elle faire obstacle au bonheur ?

Si on entend par bonheur un état de bien-être, associé au plaisir. La conscience de ce que nous sommes peut être un obstacle au bonheur, puisque prendre conscience de soi, c’est sortir de l’illusion et de l’ignorance de soi. On peut alors découvrir sur soi des choses qui nous dérangent ou attristent. Mais si on entend par bonheur un état de pleine et entière satisfaction, celle-ci ne peut être atteinte si nous ne savons pas ce qui pourrait nous combler et si nous laissons de côté ce qui nous définit en tant qu’homme, à savoir précisément cette conscience de soi. Aussi on peut se demander si la conscience de soi est véritablement un obstacle au bonheur ? Le sujet présuppose que le bonheur est un état accessible pour qu’il puisse y avoir obstacle. Nous nous demanderons pas si la conscience n’est pas source de tourments et de déplaisirs, si pour autant le bonheur se réduit au plaisir et si la conscience y est encore opposée et enfin la pleine conscience n’est-elle pas de se rendre compte que c’est en ne cherchant plus à être heureux qu’on peut sinon l’être, du moins être au plus près du bonheur.

I. la conscience comme obstacle au bien-être, au plaisir

Etre conscient de ce que nous sommes, ce n’est pas seulement savoir que nous sommes, mais savoir ce qui nous constitue en tant qu’homme et individu. Et toute conscience est d’abord douloureuse (allégorie de la caverne), une crise où on est contraint de nier un passé d’illusions confortables. On prend conscience en tant qu’homme de notre petitesse, de notre faiblesse, de notre temporalité et mortalité. Cela nous met face à nos limites et ce ne peut être que déplaisant quand on a des désirs illimités et être source d’inquiétude (mort, futur) et de remords et regrets. A la différence de l’animal « étroitement attaché par son plaisir et déplaisir au piquet de l’instant ». Cela fait aussi que face à la précarité de notre être, de notre existence en tant que sujets, on a besoin d’être reconnu par les autres, et cette reconnaissance est malheureusement bien difficile à obtenir et source de frustration ( Hegel, Sartre…) Or pour être heureux, il faut avoir multiplié les plaisirs et avoir une âme en paix, sans trouble. Etre conscient, c’est aussi prendre conscience de notre grandeur, on est des êtres pensants, et on  ne peut se contenter d’une vie bestiale, de plaisirs matériels, on a d’autres exigences à remplir, donc cela nous empêche de nous contenter de la « bêtise  des passions » comme le disait Nietzsche des désirs médiocres. C’est enfin se savoir avoir une dimension morale, en tant qu’homme, être de raison et ne pas pouvoir échapper au jugement de la conscience morale, or la morale exige, en tout cas dans notre conception inspirée de Kant, renforcée par la religion et la civilisation, de s’interdire bien des plaisirs ou même de renoncer au plaisir pour la vertu, qui est un devoir, non un bien, comme le rappelait Voltaire.

TR : Ceci dit ces déplaisirs empêchent-ils vraiment le bonheur et peut-il y avoir bonheur sans conscience ? Le bonheur n’est pas que le plaisir ni une addition de plaisir, il est un état de satisfaction totale de l’être et cet état pour être vécu et reconnu exige la conscience, alors que le plaisir exige juste la sensation. « L’homme demanda un jour à l’animal : « pourquoi ne me parles-tu pas de ton bonheur, pourquoi restes-tu là à me regarder ? ». L’animal voulut réponde et lui dire : « cela vient de ce que j’oublie ce que je voulais dire », mais il oublia cette réponse et resta muet » selon Nietzsche dans Considérations inactuelles (1876). De plus pour être pleinement satisfait, il faut l’être dans tous les aspects de sa personnalité, de son humanité que nous apprenons justement en prenant conscience de ce que nous sommes.

II. La conscience comme organe du Bonheur

Etre conscience de ce que nous sommes, c’est se connaître. Cette connaissance est d’abord douloureuse mais ensuite instructive :

– se connaître peut être un moyen de comprendre pourquoi on n’est pas satisfait: désir mimétique,  confusion sur ce qui nous manque vraiment, désir de substitution qu’on découvre en sondant son inconscient chez Freud, être duel à la fois être de raison et être de désir.

– se connaître peut être le moyen de parvenir à davantage de satisfaction :

1. Spinoza et la connaissance de notre nature pour savoir vers quoi on doit orienter « cet effort » qu’est le désir , ne pas confondre nos désirs avec ceux des autres.

2. se connaître peut être le moyen d’accorder ses désirs avec ses possibilités en se rendant compte que tout ne dépend pas de nous, que certains désirs sont hors de notre portée et que s’obstiner à vouloir les réaliser, c’est se condamner à souffrir.

– se connaître, c’est être davantage maître de soi, de ses représentations et par là ne pas être soumis à des peurs ou des angoisses infondées qui troublent notre âme.

Mais peut-être que prendre conscience de ce que nous sommes, c’est prendre enfin conscience que nous ne pouvons pas être heureux et que nous devons dès lors poursuivre d’autres buts qui a défaut de nous rendre heureux nous rendrons plus satisfaits

III.

-Prendre conscience de ce que nous sommes, c’est prendre conscience que nous ne sommes pas faits pour être heureux (Freud), que nous sommes par nature des êtres insatisfaits de la réalité dont nous ne sommes pas totalement maîtres. Dès lors, on peut réduire nos ambitions en les accordant avec la Nature (Epicure, Stoïciens) ou ne poursuivre que la joie ou la vertu, qui permet une satisfaction et une estime de soi.

– Prendre conscience de ce que nous sommes, c’est reconnaître qu’il y a un part de chance dans le bonheur et qu’on ne peut que faire en sorte que la chance puisse être au rendez-vous, mais sans garantie de sa présence ni de peur abusive de son absence, si le monde n’est pas systématiquement avec nous, il n’est pas pour autant contre nous.